Texte intégral
Olivier Mazerolle
Vous avez été réélue triomphalement secrétaire générale. Votre syndicat a dit qu’il était prêt à se lancer dans la bataille des retraites. Sur ce dossier il y a urgence ?
Nicole Notat
Il y a urgence sur ce thème comme sur d’autres thèmes, et je crois que ce qui est symbolique dans ce qui s’est passé au Congrès de la CFDT c’est que la CFDT toute entière s’est dite prête à affronter les défis de l’avenir, s’est dite prête à regarder les choses en face et à ne pas se faire imposer des solutions qui ne seraient pas les bonnes. Le dossier des retraites en est un bon exemple. Nous avons devant nous des problèmes majeurs : nous savons qu’en 2005 il y aura un tel choc démographique que nous ne pourrons plus payer les retraites au niveau d’aujourd’hui. Il faut donc anticiper, il faut éclairer le débat public : nous serons dans l’alimentation de ce débat, nous ferons des propositions. Voilà ce que le Congrès a voulu décider.
Olivier Mazerolle
A propos de propositions, on a entendu dire à votre Congrès qu’on pourrait prendre en compte la totalité de la carrière, et non pas seulement les 25 meilleures années pour calculer le montant de la retraite.
Nicole Notat
Il faut prendre la totalité de ce qu’a dit le Congrès CFDT. Nous avons dit : il faut refonder la répartition. Le système par répartition, aujourd’hui, il n’y a rien de mieux. Il faut donc le réformer pour le sauver. Et pour le sauver, il faut réfléchir à des évolutions qui garantiront non pas moins, mais plus et mieux, les retraites pour demain. L’idée de réfléchir à des évolutions qui garantiront non pas moins, mais plus et mieux, les retraites pour demain. L'idée de réfléchir à une durée de cotisation plutôt qu'à un âge strict, l'idée de rendre plus contributive ce rapport entre les cotisations versées et la retraite : tout cela ce sont des orientations que le Congrès a données pour que nous puissions faire des propositions plus précises.
Olivier Mazerolle
Pour les régimes spéciaux, pour le secteur public vous dites : totalité de la carrière prise en compte plutôt que les six derniers mois. Cela va être un tollé !
Nicole Notat
Non, nous n’avons pas dit cela. Nous avons dit que pour tout le monde, il faut réfléchir à de nouveaux critères. Alors, dans les régimes spéciaux qui sont eux aussi menacés par rapport à cet avenir, et qu’il faut sauver et qu’il faut protéger pour permettre à tout le monde – du régime général comme des régimes spéciaux – d’avoir des retraites décentes, il y a sûrement des évolutions à conduire. Mais pas de manière couperet, pas avec des évolutions qui feraient qu’il y ait le contraire de ce que nous recherchons, c'est-à-dire la survie de ces régimes. Donc, des principes, des orientations et une application dans la souplesse, dans la progressivité. Et, je le dis, après un débat approfondi qu’il va falloir avoir maintenant avec les salariés, avec les citoyens en général, un débat public qui nécessitera d’être approfondi, avec un État qui devra jouer le jeu de la confrontation démocratique.
Olivier Mazerolle
Et un peu de capitalisation en complément ?
Nicole Notat
C’est un autre débat qui a lieu au Congrès pour que nous ouvrions là aussi le débat sur : quid de l’avenir de ces fonds de pensions, des fonds d’épargne salariaux qui existent aujourd’hui dans des entreprises de manière diverse, inégalitaire ? Ce débat est ouvert. Mais, en tout cas, s’il faut un troisième étage aux retraites pour demain, pour garantir les retraites de tous, alors cela ne peut être qu’un troisième étage qui soit un plus, pas un troisième étage qui mette le premier et le deuxième en danger. »
Les 35 heures : aujourd’hui les discussions sur les 35 heures débutent à la SNCF, elles ont démarré à EDF, à La Poste.
Olivier Mazerolle
Vous trouvez que cela traîne un peu dans le secteur public, les 35 heures ?
Nicole Notat
Cela a du mal à démarrer. Mais puisque cela démarre aujourd’hui à la SNCF, on va s’en réjouir, surtout que je crois que c’est une entreprise où là il ne faut pas manquer le rendez-vous. C’est une occasion formidable que d’avoir à négocier à la SNCF, dans cette entreprise dont on voit bien qu’elle doit se moderniser, où cela est difficile. Où en même temps les agents ont envie de ne pas être les dindons de la farce, où ils sont préoccupés de l’emploi, tout cela peut réussir si à la fois l’entreprise y gagne bien sûr pour sa survie, pour son développement, pour son évolution, et si les agents y trouvent leur compte, et si l’emploi n’est pas le dernier objectif dans la négociation.
Olivier Mazerolle
Justement à ce sujet, vous ne trouvez pas que l’emploi est un peu oublié dans les discussions sur les 35 heures ?
Nicole Notat
Ah non, au contraire. En tout cas, écoutez, regardez là où nous sommes partie prenante des négociations, il y a un fil conducteur à la CFDT, c’est l’emploi !
Olivier Mazerolle
Pour vous, mais je parle des résultats.
Nicole Notat
Je trouve que les résultats sont assez significatifs de cet ensemble. En tout cas, là où la négociation est déjà devenue réalité, là où il y a accord, là où les gens sont concernés. Quand il y a réduction du temps de travail effectif, quand il y a modernisation de l’organisation du travail, l’emploi est présent et tous les ingrédients du bon usage de la réduction de la durée du travail sont présents.
Olivier Mazerolle
Cette semaine, vous allez également ouvrir des discussions au sujet de l’ARPE. C’est le système qui permettrait à toute personne ayant cotisé 40 ans et quelques de partir à la retraite en échange de quoi l’entreprise devrait engager un jeune. Seulement voilà, le problème c’est que l’Unedic qui doit payer cela est à l’heure actuelle en difficulté, va connaître des déficits.
Nicole Notat
N’exagérons rien. Un peu moins d’excédent ce n’est pas encore le déficit.
Olivier Mazerolle
Enfin, on n’en est pas loin. Et le patronat ne veut pas d’aide de l’État. Alors qui va payer tout cela ?
Nicole Notat
J’ai quitté l’Unedic à un moment où pour l’année 1999 la prolongation de l’ARPE est déjà financée. Alors, pas de panique ! Il suffit maintenant de savoir comment on va élargir l’ARPE. C’est un système qui marche. Il y a plus de 110 000 personnes, dont deux-tiers de jeunes, qui sont entrées dans une entreprise grâce à l’ARPE alors franchement cela vaut le coup de ne pas briser cela en plein vol.
Olivier Mazerolle
Où est l’argent pour payer cela ?
Nicole Notat
L’Unedic a fait ses projections, les négociateurs demain évalueront l’enveloppe financière qu’ils ont à leur disposition – ils ont de l’argent à leur disposition –, et puis peut-être que le Medef pourrait revoir cette position intransigeante qui consiste à dire : pas un sou de l’État, tant pis s’il y a quelques personnes de moins embauchées par l’ARPE. Ce n’est pas tout à fait ce qu’on attend de lui.
Olivier Mazerolle
On prête également au Gouvernement l’idée de taxer les entreprises qui ont trop recours au CDD ou aux emplois par intérim, pour reverser le produit de cette taxe à l’Unedic afin de revaloriser les allocations chômage. C’est un bon dispositif ?
Nicole Notat
J’attends de voir ce qu’il va devenir. Pour le moment, j’ai beaucoup entendu parler de ces choses-là. Je n’ai encore rien vu de concret en la matière. Je n’ai pas bien compris si c’était une taxe réelle qui serait instaurée, si c’était pour l’Unedic, si c’était pour l’État. Avant de me prononcer en la matière, j’attends de voir.
Olivier Mazerolle
Et vous trouvez que c’est bien de taxer les emplois par intérim ou les CDD ?
Nicole Notat
J’ai tendance à penser qu’il vaudrait mieux trouver des procédures de contrôle, de régulation par la négociation, par le rôle des comités d’entreprise dans les entreprises pour véritablement mettre fin aux abus du recours au travail précaire. Alors, les taxer ! Un peu d’argent en plus cela fait du bien là où va cet argent, mais je crains que cela ne soit pas suffisant pour les entreprises qui ont, de toute façon, envie d’en abuser.
Olivier Mazerolle
Vous êtes pour les négociations. Vous avez posé des questions à Monsieur E.-A. Seillière en tant que journaliste d’un jour pour le journal Les Echos. Il ne répond pas, quand vous lui demandez quelles sont ses priorités. Vous êtes déçue ?
Nicole Notat
C’est le sentiment que vous avez eu ? Eh bien, moi aussi ! ».