Interview de M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement et maire adjoint de Paris, dans "Le Figaro" du 3 juillet 1996, sur le bilan de la session unique du Parlement, la préparation des élections législatives de 1998 et les affaires dont est l'objet Jean Tibéri.

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Le Figaro : La session unique à ses partisans et ses détracteurs. Cette réforme n'a-t-elle pas considérablement alourdi la tâche du gouvernement ?

Roger Romani : À l'évidence cette réforme a renforcé le rôle du Parlement dans nos institutions, conformément aux souhaits du président de la République et du Premier ministre. Elle a eu trois conséquences bénéfiques : la réforme a obligé le gouvernement à présenter trois ou quatre semaines à l'avance son programme législatif, ce qui a permis aux commissions de mieux planifier leurs travaux. On constate une meilleure organisation, une meilleure concertation entre l'exécutif et le Parlement, et les ministres ne se sentent plus agressés quand des amendements sont déposés et adoptés sur leurs textes. Avant, on disait qu'un « bon » ministre était celui qui faisait adopter un projet sans modification. Cet état d'esprit a disparu. Les ministres sont donc eux-mêmes plus proches des préoccupations des parlementaires.

La réforme permet aussi un contrôle permanent de l'action du gouvernement et des directives européennes par le Parlement. Près d'un millier de questions d'actualité ont été posées, dans les deux Assemblées, aux différents ministres, et près de sept cents questions orales. Les missions d'information – je pense en particulier à celles sur la Sécurité sociale et le service national – connaissent un succès grandissant, et nourrissent la réflexion du gouvernement par les propositions qui en émanent. La réforme étend la compétence des Assemblées au financement de la Sécurité sociale, dont les masses financières sont supérieures à celles du budget de l'Etat. Enfin, l'initiative parlementaire, avec la promotion des propositions de loi, est favorisée.

Le Figaro : L'absentéisme parlementaire n'en est pas moins grandissant…

Roger Romani : On a tort d'évoquer sans arrêt l'absentéisme. Car le travail d'un élu est une mission permanente qui s'exerce sur plusieurs terrains. Il n'y a pas que le travail en séance publique ou en commission. Il y a aussi les nombreuses auditions de syndicats, de groupement professionnels, la défense des dossiers devant les administrations centrales…

Le Figaro : La session unique ne favorise-t-elle pas l'inflation législative ?

Roger Romani : Après une élection présidentielle, ce phénomène est normal. Pendant la campagne, le chef de l'Etat a pris des engagements importants. D'ici à 1998, le gouvernement d'Alain Juppé doit les concrétiser. Au regard de la déclaration de politique générale du premier ministre, en date du 23 mai 1996, la plupart des grandes réformes ont été engagées ; de grands chantiers législatifs nous attendent à l'automne, tels que la réforme fiscale et la réforme du service national.

Le Figaro : Êtes-vous confiant pour les législatives de 1998 ?

Roger Romani : Lionel Jospin a été imprudent d'annoncer par avance la victoire du PS en 1998. Nous sommes encore à vingt et un mois du scrutin, et les réformes initiées actuellement par le gouvernement auront alors produit leurs fruits. La majorité a gagné en 1993 et en 1995 parce qu'elle était unie, elle sera tout aussi soudée en 1998. Pour gagner les législatives, il faudra se battre. Les députés y sont prêts. J'ajoute que la gauche, dont le seul souci tactique est de faire le lit du Front national en agitant par exemple le chiffon rouge du droit de vote des immigrés, n'a pas de programme. Au fond, le PS et le FN sont des alliés objectifs. La preuve : aucun dirigeant socialiste n'a publiquement refusé les voix du FN, qui appelle, lors des élections partielles, à faire battre les candidats de la majorité. L'idéologie socialiste consiste à nier la loi du marché, la mondialisation. On l'a bien vu lors du débat sur la réforme de France Télécom. C'est un peu maigre, comme programme !

Le Figaro : Que pensez-vous de l'affaire Tiberi ?

Roger Romani : Je suis indigné par cette opération politique qui consiste à déstabiliser le maire de Paris et l'Institution qu'il représente. Jean Tiberi est un homme intègre, qui a reçu le soutien unanime de la majorité du Conseil de Paris, ce qui prouve l'estime et la confiance que nous lui portons. Les dirigeants socialistes alimentent quotidiennement une campagne médiatique mensongère, et ils se contredisent dans leurs propos. Les deux principes fondamentaux sur lesquels repose la justice – à savoir la présomption d'innocence et le secret de l'instruction – sont ouvertement violés. Je trouve cet acharnement déplorable, condamnable dans noire démocratie. D'autant que les allégations mensongères, sans la moindre preuve, viennent à l'origine de deux personnes dont l'une a été condamnée et l'autre mise en examen.