Texte intégral
Intervention de Franck BOROTRA, Ministre de l'Industrie de la Poste et des Télécommunications
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
La circulaire du Premier Ministre du 15 décembre 1981, qui a créé les Commissions locales d'information, a prévu la tenue d'une réunion annuelle des présidents des commissions. Cette pratique, rétablie avec succès depuis deux ans est nécessaire et doit être confortée.
En effet, je souhaite, en réunissant la présente conférence avec mon collègue le ministre de l'environnement, qu'une impulsion nouvelle doit donner aux réunions annuelles et, au-delà, à l'activité et à la notoriété des commissions que vous présidez.
L'activité des Commissions locales d'information est indispensable. Elle est un des éléments permettant la préservation des atouts du système énergétique français, fondé sur des choix économiques lourds comme le nucléaire mais aussi sur la transparence des activités industrielles du secteur énergétique. Ceci vaut pour l'énergie nucléaire, qui produit aujourd'hui 75 % à 80 % de notre électricité et qui doit être certes compétitive mais aussi sûre et respectueuses de l'environnement. Ceci vaut aussi pour les stockages de gaz, énergie dont la demande devrait connaître une augmentation significative. Ceci vaut plus généralement pour les infrastructures énergétiques qui structurent nos régions et doivent s'y intégrer.
C'est pourquoi je suis heureux de m'adresser à vous, car je sais que les Commissions locales d'information sont appelées à jouer un rôle fondamental, par leur proximité des installations et leur connaissance des contextes locaux.
I. – Le rôle fondamental des CLI doit être réaffirmé
1) Les CLI : des interlocuteurs privilégiés :
Le Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires, le CSSIN, organisme consultatif dont je dispose conjointement avec le ministre de l'environnement, est amené à traiter au plan national les sujets touchant tant à la sûreté qu'à l'information nucléaire. Je souhaite donc que la collaboration entre le Conseil supérieur et les Commissions locales d'information continue à se densifier :
Déjà :
Depuis l'été 1994, les président de CLI reçoivent systématiquement les documents préalablement examinés par le Conseil lors de ses séances plénières.
Nous avons souhaité, avec ma collègue Mme LEPAGE, faire désormais participer les membres du CSSIN à la conférence annuelle des Présidents de CLI. Je suis heureux de pouvoir les saluer ici aujourd'hui.
Enfin le CSSIN a émis le voeu de pouvoir tenir sa prochaine séance décentralisée, le 4 juin, à Fessenheim, de manière à pouvoir notamment rencontre les membres d'une Commission très active : la Commission locale que préside M. Charles HABY.
Je rappelle également que le ministère de l'industrie peut vous apporter son concours, notamment par le moyen des DRIRE qui mettent à votre disposition leurs compétences en matière de sûreté nucléaire, et qui assurent déjà, avec les préfets, le rôle d'interlocuteur privilégié des commissions que vous présidez.
2) Les CLI : un vecteur d'information au contact des réalités locales
En 1995, des expériences innovantes ont été menées par plusieurs CLI, en liaison étroite avec les services de l'Etat, notamment pour améliorer la diffusion de l'information sur les situations d'urgence. Il me parait impératif de poursuivre dans cette voie, car les élus locaux, par définition proches du terrain, sont bien placés pour orienter concrètement, le contenu et les modalités de diffusion de cette information spécifique. Je regrette, à ce sujet, que certaines commissions locales d'information n'aient pas pu être associées plus étroitement aux exercices qui sont régulièrement organisés pour tester notre organisation face aux situations d'urgence.
Je tenais également à vous rappeler qu'une aide financière peut être accordée aux initiatives des CLI. A cette fin, un fonds d'un montant de 2,5 MF a été créé en 1993. Cette aide a été maintenue en 1996, malgré les restrictions budgétaires. Je constate cependant que ce fonds n'a pas été plus utilisé en 1995, qu'il ne l'avait été en 1994. Je le regrette et ne saurais donc que vous inciter à jouer plus encore votre rôle d'émetteur d'informations. Je souhaite toutefois que cette aide financière, quand elle est sollicitée, reste une aide incitative, limitée à une fraction du budget global des opérations menées par les commissions. L'Etat ne saurait assurer seul une charge qui revient, au moins pour partie, et fondamentalement, aux collectivités territoriales bénéficiaires de l'implantation des grands équipements énergétiques.
3) Les perspectives d'avenir
Ces dispositions n'épuisent évidemment pas les voies d'amélioration du fonctionnement de vos commissions. Une enquête menée par mes services vous avait été présentée en 1995. Je crois qu'elle a été porteuse d'enseignements et j'en veux pour preuve les différentes actions qui vous seront présentées durant la matinée.
Toutefois, afin de mieux comprendre les raisons des difficultés de fonctionnement qui existent encore et de mieux connaître le contexte global dans lequel évoluent les commissions, une étude complémentaire a été confiée à une équipe de sociologues travaillant pour le CNRS. Un échantillon de 5 CLI a été retenu au plan national : Belleville, Cadarache, Flamanville, Gravelines et Tricastin. Les résultats de cette étude devraient être connus en juin 1996.
Cette journée va être l'occasion d'évoquer ces différents sujets et je suis sûr qu'elle alimentera utilement les réflexions du gouvernement. Je salue donc l'action menée l'année dernière par les Commissions locales, et je vous remercie par avance pour votre contribution d'aujourd'hui et pour votre action future. Pour éclairer l'avenir, je souhaiterais à cet égard vous faire part rapidement des principales priorités du Gouvernement en matière nucléaire.
II. – Les priorités du Gouvernement
Le développement durable de notre système énergétique passe bien sûr par la garantie d'un cadre institutionnel stable pour permettre des investissements aussi capitalistiques que le nucléaire. Je m'y emploie, notamment à l'occasion des discussions européennes. Mais, ce développement passe aussi par trois conditions qui constituent des priorités de l'action du gouvernement et qui intéressent directement les Commissions locales d'information. Ces priorités tiennent en peu de mots : sûreté, gestion de la fin du cycle, transparence.
1) La première priorité concerne la sûreté nucléaire, pour laquelle le maintien d'une exigence absolue est essentiel pour utiliser au mieux l'outil existant. La plus grande vigilance s'impose et des progrès peuvent encore être faits
2) La deuxième priorité concerne la gestion de la fin du cycle et donc les déchets radioactifs
C'est un dossier qui donne lieu à une concertation large et exemplaire entre les différents acteurs et qui devrait connaître dans les prochaines semaines une évolution importante.
La loi du 30 décembre 1991 définit trois axes de recherche pour la gestion des déchets de haute activité et à vie longue : la séparation-transmutation, l'étude du stockage réversible ou irréversible dans des formations géologique profondes, notamment avec la réalisation de laboratoires souterrains, et le conditionnement entreposage en surface.
L'ensemble des recherches sont évaluées par la Commission Nationale de l'Evaluation, qui a remis en juin 1995 son premier rapport d'évaluation, rendu public, et qui a permis à chacun de se forger une opinion sur la pertinence des travaux menés. Il a permis également aux pouvoirs publics de prendre des décisions pour orienter de façon optimale la suite des recherches et gérer au mieux les deniers publics.
En ce qui concerne particulièrement les laboratoires souterrains, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, se prépare à adresser au Gouvernement son rapport à l'issue des travaux de reconnaissance géologique qui ont été menés sur trois sites dans les départements de la Vienne, du Gard, de la Haute-Marne et de la Meuse.
Je vous rappelle que ces quatre départements, qui s'étaient portés volontaires, avaient été choisis il y a deux ans après le passage de la mission de médiation conduite par M. le député Christian Bataille, qui avait alors procédé à une très large consultation d'élus, de syndicats ou des milieux associatifs.
Des instances locales de concertation et d'information ont été mises en place sous la présidence des Préfets dans ces quatre départements ; elles sont un lieu privilégié d'auditions et d'échanges sur la gestion des déchets radioactifs, et nous pouvons tous nous réjouir de leur bon fonctionnement, et former des vieux pour la poursuite de leurs travaux.
Après la remise de ce rapport, Le Gouvernement sera amené, à autoriser l'ANDRA à déposer des dossiers réglementaires de demande d'autorisation sur les sites d'implantation dans des laboratoires qui seront retenus. Ces dossiers seront alors instruits de façon particulièrement précise et détaillée pour s'assurer qu'il n'y a aucun obstacle à la construction de laboratoires.
3) Enfin, la troisième priorité consiste à améliorer encore la transparence dans le domaine de l'énergie, en particulier dans le domaine du nucléaire
A ce propos, vous trouverez dans le dossier qui vous est remis un exemplaire de la toute nouvelle édition du livre blanc « l'énergie nucléaire en 113 questions ».
Il y a cinq ans paraissait la première édition de ce livre. L'objectif était alors de présenter avec des mots simples, dans un ouvrage accessible au grand public, ce que l'on appelle parfois, de façon un peu pompeuse, la politique nucléaire civile de la France.
Très largement diffusé, cet ouvrage avait alors reçu un excellent accueil, témoignage évident de l'intérêt porté par de nombreux citoyens à l'énergie nucléaire.
Même si les choix énergétiques, et en particulier dans le nucléaire, sont fait sur le long terme, j'ai souhaité que cet ouvrage, cinq ans après la première édition, soit réactualisé et enrichi, compte tenu des nombreux événements survenus depuis. Certains thèmes qui n'étaient que rapidement mentionnés dans la première édition, mais qui sont régulièrement évoqués par les médias, ou pour lesquels je suis souvent interrogé, ont été cette fois davantage développés : je pense bien sûr à la question des déchets nucléaires, mais aussi à l'utilisation du plutonium à Superphénix, aux questions liées à la non-prolifération, ou encore à la sûreté des centrales dans les pays de l'Est à la veille du dixième anniversaire de Tchernobyl et du sommet des chefs d'Etat sur la sécurité nucléaire.
Vous trouverez, en particulier, des données concernant les quantités de plutonium civil, séparé ou non, détenues en France C'est la première fois que ces chiffres sont publiés en France. Il m'a paru nécessaire d'en prendre l'initiative pour que notre industrie du retraitement-recyclage, exemplaire aux plans économique et environnemental, ne soit pas suspectée de cacher sa copie.
Parler sereinement et objectivement du nucléaire, sans « langue de bois », c'est l'objectif de notre réunion aujourd'hui, c'est aussi l'objectif de cet ouvrage qui devra alimenter les débats et susciter un dialogue constructif. C'est pourquoi j'ai souhaité que vous soyez les premiers à bénéficier d'un exemplaire de ce livre, avant même qu'il ne sorte en librairie, ce qui devrait être fait dans quelques semaines.
Allocution de madame Corinne Lepage, ministre de l'Environnement, le mardi 26 mars 1996
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de ce premier contact avec vous, même si c'est un exercice difficile que de conclure des débats auxquels on n'a pas participé. Aussi vais-je plutôt vous dire pourquoi cette réunion, ce que vous faites, ce que vous êtes est important.
Je vous dirai tout d'abord que je suis tout simplement heureuse de me retrouver en face de vous, puisque cela signifie qu'une bonne habitude a maintenant été prise : celle de permettre aux présidents de CLI de pouvoir rencontrer, à l'occasion de cette conférence annuelle, et le ministre de l'industrie et le ministre de l'environnement.
Je vous dirai ensuite que la pérennisation de la périodicité annuelle de cette Conférence, qui n'allait pas de soi voici encore trois ans, est une bonne chose. Elle permet de poursuivre à un rythme régulier les échanges d'informations et d'expériences entre les commissions et avec le Gouvernement.
A ce satisfecit, il me faut immédiatement apporter un correctif : la régularité seule de ces conférences, même si elle est nécessaire, ne me paraît pas suffisante pour garantir un bon fonctionnement du dispositif des commissions locales d'information créé par la circulaire du Premier Ministre du 15 décembre 1981.
C'est ainsi que je voudrais relever quelques constats qui suscitent notre préoccupation.
J'ai pu observer, comme l'a déjà fait mon prédécesseur l'an dernier, que certains sites nucléaires importants ne sont toujours pas dotés de CLI, alors même qu'ils ont pu connaître des incidents de fonctionnement au cours de l'année passée, incidents qui pouvaient par nature entraîner des interrogations légitimes chez les populations voisines de ces sites. Je pense, en particulier à certains centres d'études du CEA.
J'ai également constaté – et c'est un deuxième sujet de préoccupation – que certaines LCI n'existent que sur le papier ou que d'autres n'ont pas tenu une seule réunion durant l'année 1995 et, au nombre de ces dernières, une commission que je qualifierais de « frontalière ». L'absence d'activité visible, dans ce dernier cas, me paraît parfaitement dommageable pour la crédibilité d'ensemble du système mis en place depuis maintenant 15 ans et particulièrement vis-à-vis des pays voisins.
J'ai également noté que, à la suite des conclusions de l'enquête sur le fonctionnement des CLI qui avaient été présentées l'an dernier, des efforts importants en matière de diffusion de l'information ont été globalement faits en 1995. Il reste toutefois quelques situations locales préoccupantes et je ne me lasserai pas de vous rappeler – comme l'a fait ce matin mon collègue chargé de l'industrie, Monsieur BOROTRA – que les DRIRE peuvent vous apporter leurs concours technique, mais aussi financier, grâce à un fonds géré par la DSIN et la DIGEC, pour toutes les opérations d'information du public en général ou de publics spécifiques (professions de santé, enseignants, élus…) que vous voudriez engager.
J'ai enfin pu constater que les expertises diversifiées ne sont pas encore assez répandues. L'expérience prouve qu'il est non seulement possible, mais souvent souhaitable d'y recourir : un exemple vient d'ailleurs de vous être présenté par la Commission Locale d'Information du Gard.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à réfléchir encore aux actions concrètes que vous pourriez engager dans le triple souci de la transparence, du dialogue et de l'indépendance.
En premier lieu, il conviendrai probablement de s'assurer de ce que la composition des commissions soit suffisamment multidisciplinaire pour être représentative de toutes les forces vives intéressées par la présence du grand équipement en cause : unions locales des organisations syndicales, milieux industriels et agricoles, associations de protection de l'environnement mais aussi personnalités qualifiées, notamment universitaires, et journalistes.
La publication d'un rapport annuel d'activité, tel que ceux qui vous ont été remis aujourd'hui par certaines commissions, présenté par exemple à l'occasion d'une conférence de presse, me paraîtrait également aller dans le bon sens.
Le renforcement du rôle informatif des commissions pour préparer au mieux les populations à affronter les situations d'urgence, extrêmement peu probables, mais pas impossibles, devrait aussi constituer une priorité pour l'avenir. Comme je le disais tout à l'heure, les services de l'Etat, tant en administration centrale que dans les régions, peuvent devenir, si ils ne le sont déjà, d'utiles partenaires.
Indépendamment de ces actions qui vous appartiennent, le Gouvernement a engagé une réflexion qui vise notamment à améliorer le statut des commissions locales d'information et leur fonctionnement. Cette réflexion s'appuie sur certaines idées avancées dans une proposition de loi de 1992 par le député Claude BIRRAUX, dont je veux saluer ici l'action tout à fait essentielle qu'il a menée depuis plusieurs années au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je suis, pour ma part, disponible pour accueillir toutes vos suggestions d'amélioration du système. De manière plus générale, j'ai l'intention de demander au Premier Ministre que puisse être élaborée un texte autre qu'une simple circulaire, qui puisse unifier et renforcer le rôle des CLI ; les très grandes disparités auxquelles on assiste aujourd'hui ne peuvent être justifiées auprès de nos concitoyens. Or, le nucléaire occupe aujourd'hui une place essentielle dans le dispositif énergétique français. Il ne peut se concevoir sans une exigence absolue en matière de sûreté, de transparence dans l'information et sans que soient traité avec rigueur, pragmatisme et objectivité l'ensemble des problèmes liés au devenir des combustibles et des déchets nucléaires.
Aucune ambiguïté ne subsiste dans la volonté de transparence du Gouvernement sur la préservation de l'environnement. J'en prends pour preuve la création à mon initiative d'une commission scientifique indépendante, chargée de fournir tous les éléments d'information sur le stockage des déchets entrepris sur le Centre de stockage de la Manche : rappelons aussi la création d'une Commission Scientifique indépendante présidée par le Professeur Casting sur Superphénix.
Je citerai également le changement réglementaire important dont les rejets radioactifs liquides et gazeux ont été récemment l'objet. Un décret du 4 mai 1995 est venu en effet simplifier et unifier la procédure d'autorisation de ces rejets, et rendre plus aisées les conditions de révision des autorisations existantes.
J'ai la ferme intention d'utiliser ce texte, d'abord pour régulariser la situation des installations dont les autorisations sont inexistantes ou insuffisantes, ensuite pour revoir à la baisse certaines autorisations de rejets anciennes qui fixent des limites très supérieures aux rejets réellement pratiqués. Ces limites, bien que ne posant pas de problèmes sanitaires, sont en effet rendues inadaptées par l'évolution du progrès technique.
Je souhaite enfin que l'on améliore encore la transparence et le dialogue avec le public, c'est-à-dire que l'on respecte le citoyen et ce, à tous les niveaux de responsabilités. Vous avez un rôle essentiel à jouer dans ce dispositif d'ensemble. Je serai donc attentive à l'évolution de vos travaux à vos demandes.
Je vous remercie, au nom de la collectivité nationale, pour votre engagement au service de cet objectif.