Interview de M. René Monory, président du Sénat, dans "La Tribune" du 16 juin 1997, sur les nouvelles technologies de l'information, notamment Internet, la nécessité de l'équipement informatique des écoles et la responsabilité des hommes politiques à l'égard de la société de l'information.

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Média : La Tribune

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La Tribune : Comment expliquez-vous l’absence des nouvelles technologies de l’information pendant la campagne électorale ?

René Monory : C’est un enjeu politique majeur. Aucun homme politique ne peut s’en sortir – à droite comme à gauche – s’il ne saisit pas ces nouvelles technologies à bras-le-corps. Je ne suis pas un technicien, mais le rôle d’un homme politique est d’envisager l’avenir. Pendant la campagne, je n’ai pas parlé politique, je n’ai pas critiqué mes adversaires. Je me suis contenté d’évoquer l’avènement de la société de l’information car j’estime que le pire adversaire des Français, c’est leur manque de compréhension à l’égard de l’avenir. Néanmoins, ils souhaitent qu’on leur explique les mutations en cours, alors que les hommes politiques tentent de leur masquer : c’est l’une des raisons du divorce entre l’opinion et la classe politique. Il faut que survienne en France une véritable réforme de la pensée !

La Tribune : Vous estimez que la campagne était tournée vers le passé ?

René Monory : Je suis certain que, d’ici cinq ans, le président de la République se fera élire grâce à internet. En 2002, la France devrait avoir rattrapé son retard en matière d’équipement ; 40 à 50 % de la population sera connectée à internet. Chaque candidat à l’élection présidentielle aura son équipe spécialisée pour internet. Celui qui saura le mieux se débrouiller avec le réseau sera élu.

La Tribune : Que doit faire l’État pour permettre à la France de rattraper son retard ?

René Monory : Aux États-Unis, les grands patrons du secteur multimédia ont besoin des hommes politiques, non en tant que politiciens, mais en politologues de l’avenir. C’est ce que je m’applique à faire en France. Si nous ne nous montrons pas l’importance d’internet, les Français ne se connecteront pas. En revanche, il n’est pas sûr que, pour montrer l’exemple, l’État doive lancer un nouveau grand plan informatique, avec les problèmes de financement que cela engendre. Mon action se situe au niveau de la Vienne, mon département. D’ici à la fin de l’année, toutes les écoles – du primaire au collège – seront reliées à internet. Cette action devrait coûter entre 7 et 8 millions de francs. Grâce à cette politique et au rayonnement du Futuroscope, une petite lumière s’est allumée dans la Vienne, qui compense un peu l’attrait de la Silicon Valley où sont partis, depuis cinq ans, 50 000 jeunes Français.

La Tribune : Avez-vous choisi des ordinateurs ou des NC (network computer) ?

René Monory : Quand on équipe des écoles, on ne doit pas choisir des ordinateurs au rabais du type NC. De surcroît, le prix de l’informatique ne cesse de baisser. Le coût du plan d’équipement de la Vienne en ordinateurs représente seulement l’équivalent de 50 tonnes de gravillon.

La Tribune : Le président de la République s’intéresse-t-il à la société de l’information ?

René Monory : Le président de la République est très ouvert. Je ne désespère pas de l’emmener aux États-Unis.