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Q - Déplacements, habitat, ville : ne voulez-vous pas avaler un trop gros morceau ?
Il se trouve qu'avec Louis Besson (secrétaire d'Etat au Logement, ndlr), je suis directement concerné par les problèmes de transport, de logement et d'urbanisme. Il se trouve que le gouvernement a déjà lancé la lutte contre l'exclusion, la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, la loi sur le statut de l'agglomération, la politique de la ville. Mon idée, c'est de jouer la transversalité au sein du gouvernement. Le gros morceau, je l'assume. Ce ministère est parfois vécu comme celui des grands travaux d'infrastructure. Mais il est d'abord au contact de la vie quotidienne : j'habite quelque part, je me déplace pour aller au travail, si j'en ai un.
Q - Au chapitre des transports, cette démarche ne doublonne-t-elle pas avec celle des plans de déplacement urbains (PDU), prévus par la loi sur l'air ?
Une chose est sûre : peu de PDU sont enclenchés. Avec Dominique Voynet, nous avons fixé une échéance à fin 1999 pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Mais cet outil peut se heurter à d'autres. Lyon est un bon exemple : c'est la seule ville à avoir arrêté son PDU. Elle dispose de toute la panoplie : plan local de l'habitat, schéma directeur d'habitat et de l'urbanisme... et pourtant Lyon est confronté à un vrai problème de mise en cohérence de ces outils. Mon souci, c'est de savoir comment retrouver une certaine harmonie puisque 85 % des gens vivent en ville.
Q - Vous ambitionnez de faire reculer les égoïsmes locaux anti-HLM des élus de tous bords…
Les effets conjugués de la crise et de certaines politiques, telle celle menée par mon prédécesseur André Périssol, ont peu à peu abouti à réserver le logement social aux plus défavorisés. A gauche et à droite, il y a les élus qui n'ont pas de logement social et qui n'en veulent pas. Et il y a ceux qui, à gauche, en ont tellement que, face au risque de ségrégation, ils marquent le pas. Il faut renforcer la mixité de la construction et mettre en place des mécanismes de redistribution de façon à ce que l'accès au logement social soit l'affaire de tous. 70 % de la population devrait pouvoir avoir accès au logement social. Pas seulement ceux qui sont le plus en difficulté.
Q - Comment lutter contre l'étalement de la ville dans les grandes agglomérations ?
On est passé des faubourgs aux banlieues, puis aux lotissements à 30 kilomètres du centre. Ensuite seulement on s'est demandé comment relier tout cela. Il ne s'agit pas d'interdire tout étalement urbain de façon coercitive. Mais de travailler à renforcer une certaine mixité urbaine. Quand on a placé le Grand Stade dans la partie dense de la région parisienne, ce qui est ressorti, c'est la qualité de la liaison entre cet équipement et le reste de la région. On aurait pu mettre 20 000 places de parking, on en a mis 6 000 et elles n'ont même pas été utilisées !
Q - C'est un débat très environnemental et social. Allez-vous résister à la tentation de dérouler du bitume, qui est la culture dominante au ministère de l'Equipement ?
Le but n'est pas de faire des travaux pour des travaux. Quand on réfléchit pour éviter l'étalement non maîtrisé, on ne dit pas : installez-vous où vous voulez et on fera un TGV pour vous amener en un quart d'heure au centre-ville. Invoquer la puissance de la technocratie est d'abord l'aveu d'une faiblesse du politique.
Q - Le grand débat que vous organisez va-t-il déboucher sur un projet de loi ?
Si j'ai un projet de loi en réserve et que j'organise un débat pour le faire coller à mon projet, je ne joue pas le jeu. L'échéancier, c'est six débats dans six villes. Et le 19 mai, une rencontre nationale où le Premier ministre pourra indiquer les grandes orientations. Il pourra y avoir une dimension législative, à côté d'autres dispositions. Pas forcément à travers "une grande loi". L'une des pistes, c'est peut-être l'accroissement du rôle des autorités organisatrices responsables des transports pour en faire des autorités organisatrices des déplacements. Pour l'instant, c'est la commune qui a le pouvoir sur le stationnement.
Q - Votre démarche ne serait-elle pas plus crédible si le gouvernement investissait moins dans les routes et plus dans les transports collectifs ?
Je suis communiste d'abord pour la qualité de la vie. Quelqu'un (Marx) a dit un jour que si le travail est le père de toutes les richesses, c'est la terre qui en est la mère. En dehors du caractère macho de la formule, en termes d'écologie environnementale, c'était précurseur.