Interviews de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, dans "Le Parisien" du 3 septembre et dans "L'Humanité" du 4 septembre 1997, sur la nécessité de réformer le système scolaire, la formation des maîtres et la création d'emplois-jeunes dans l'éducation.

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Média : L'Humanité - Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : 3 septembre 1997

Dominique Gazit : Que comptez-vous faire pour que la circulaire sur l’allègement du cartable (moins de 10 % du poids de l’élève) soit respectée ?

Claude Allègre : Je n’ai pas de réponse à vous apporter car ce sujet est traité par ma collègue Ségolène Royal. On se partage un certain nombre de dossiers et je ne veux pas répondre à sa place. En revanche, je peux vous parler du contenu des cartables. Je suis en train de lire les manuels scolaires, comme beaucoup de membres de mon cabinet. Je les trouve extraordinairement compliqués et parfaitement inadaptés. Et surtout, ils relèvent d’une philosophie que je ne partage pas, qui est de sélectionner très tôt les enfants. Hier, je regardais un manuel de CP dont les cinq premières pages avaient de quoi dégoûter un élève des mathématiques pour toute sa vie.

Je suis partisan de programmes moins lourds, mais mieux sus. D’ailleurs, je vais initier un grand sondage sur les connaissances qui restent lorsque l’on a quitté l’école. On interrogera des gens qui ont réussi, des polytechniciens, des professeurs agrégés, des énarques, des médecins, des chefs d’entreprise. Nous allons voir, lorsque l’on sort de leur domaine, ce qu’ils ont retenu de leurs années de collège ou de lycée. Il faut des programmes moins ambitieux mais mieux retenus… Et cela fera avancer le problème des cartables.

On parle beaucoup des problèmes posés par l’apprentissage de la lecture. Dans les programmes de 1920, elle représentait la moitié du temps de travail. Maintenant, elle est réduite à une portion beaucoup plus faible et l’on s’étonne qu’il y ait des difficultés. Il faut revenir à l’essentiel. Plus notre société est une société d’excès d’informations, plus l’école doit se recentrer sur les connaissances fondamentales. Elle doit donner une structure de raisonnement et des connaissances de base.

Laëtitia Chamberlin : Comptez-vous continuer à aménager les rythmes scolaires dans les écoles mais aussi dans les collèges ou lycées ?

Claude Allègre : Avec les emplois jeunes, nous allons aménager les rythmes. Mais il faut y aller tout doucement. Parce qu’il faut toujours faire attention que les enfants ne soient pas victimes d’expériences. Je ne veux pas de grandes réformes, de ruptures. Mais on va progresser sur les rythmes. Sur ceux du collège et du lycée aussi.

Quant à la semaine de quatre jours, je vais vous répondre franchement, je n’y suis pas favorable, du moins à titre personnel. Et je ne suis pas non plus un fanatique du samedi matin libre. Je sais qu’il faut être souple parce qu’il est vrai que le samedi matin est aussi une journée pour les parents divorcés, mais je pense que c’est un moment privilégié pour le contact entre les parents et les enseignants. Je suis partisan d’une semaine coupée en deux par le mercredi. De la même manière, je ne sais pas si ces vacances multiples très longues sont vraiment une bonne chose. Les mamans qui ne sont pas très riches ont beaucoup de mal à trouver des aménagements pour les enfants. Alors tant qu’on n’aura pas réfléchi et organisé d’une façon efficace et concret ces rythmes scolaires différents, je préfère rester prudent. En revanche, je suis bien décidé à ne pas céder au lobbying hôtelier ou autre. Je veux considérer avant tout l’intérêt des enfants. Je ne veux pas d’une génération sacrifiée par telle ou telle réforme.

Julie Avella : Je dois redoubler ma sixième. Que pensez-vous faire contre l’échec scolaire ?

Claude Allègre : D’abord, pour te décomplexer, il faut que tu saches que, moi-même, j’ai redoublé ma cinquième. Et ça ne m’a pas empêché de devenir professeur d’université et même un peu plus que cela. Il vaut mieux un bon redoublement que s’essouffler en passant dans la classe du dessus sans arriver à suivre. En revanche, il faut que tu travailles encore plus pour être premier ou deuxième. Et quand tu auras retrouvé tes repères, tu verras, ça marchera.

Julie : Oui, mais que proposez-vous pour les enfants en difficulté ?

Claude Allègre : Il y a deux choses. Les élèves en grande difficulté sont une minorité. On ne va pas fabriquer un système uniquement pour ces enfants-là. Je ne veux pas qu’on revienne à l’école d’après 1968, où celui qui avait 17 rasait les murs parce qu’il avait honte d’avoir de bonnes notes. Donc, il faut s’occuper de ces élèves-là. Par contre, il y a des élèves qui sont en difficulté passagère. Et il faut traiter ces difficultés, qui viennent en particulier d’un type d’enseignement beaucoup trop sélectif.

Zahia Hamadi : Ne pensez-vous pas que l’abaissement des effectifs puisse permettre de lutter contre cet échec scolaire ?

Claude Allègre : Il faut savoir que les effectifs par classe ont énormément diminué ces dernières années. Mais c’est une moyenne, et il y a encore des points noirs. Dans les quartiers difficiles, on n’a pas encore eu le courage de prendre des mesures vraiment radicales, comme celles que l’on va prendre, avec Ségolène Royal, dans la rénovation des ZEP. Car avoir quinze, douze élèves par classe dans les quartiers difficiles, ça ne me dérange pas. De même que trente élèves dans les classes « faciles ». En moyenne, le nombre d’élèves par classe est correct. Mais en moyenne seulement. C’est pourquoi, il faut arrêter cette gestion automatique centralisée à Paris et déconcentrer dans les rectorats.

Dominique Gazit : Mais vous avez vu les effectifs en maternelle ? Des classes de trente élèves de deux ans, ça ne marche pas.

Claude Allègre : Non, mais il faut se demander si, à trente élèves encadrés d’un ou deux aides-éducateurs, la classe peut fonctionner. C’est un sujet que je connais bien parce que ma maman était directrice d’école maternelle et que j’ai vécu toute ma jeunesse dans ces écoles. Quant à moi, je souhaite accueillir les enfants le plus tôt possible en utilisant les emplois jeunes. L’apprentissage de la lecture, par exemple, dépend énormément du vocabulaire que l’enfant a acquis, et il existe des différences énormes entre les enfants qui sont allés dès deux ans à l’école et les autres. Des aides-éducateurs coordonnés par la maîtresse peuvent permettre d’assurer un accueil tout à fait efficace, mais il faut s’en assurer.

Gérard Fourestier : Quelle sera la mission que vous assignez à ces jeunes diplômés ?

Claude Allègre : Dans un premier temps, ces emplois jeunes seront dans le primaire et quelques-uns au collège. Non pas parce qu’il n’y a pas de besoins dans les autres secteurs, mais parce que, pour le lycée comme pour l’école maternelle, nous avons besoin d’une réflexion et d’une expérimentation, avant toute généralisation. En revanche, dans le primaire, ces aides-éducateurs aideront à l’évolution des rythmes scolaires. Ils seront donc coordonnés par les enseignants, ils appartiendront à l’équipe éducative. Dans l’après-midi, ils pourront initier les enfants à des activités sportives, aux nouvelles technologies, à la musique et, en fin de journée, ils aideront les élèves à faire leurs devoirs. Comme il ne s’agit pas d’intervenants extérieurs, l’équipe éducative reste homogène toute la journée et l’acte éducatif est présent tout le temps.

Contrairement aux habitudes de cette maison, je ne veux pas bloquer tout le monde en commençant par faire une circulaire. Je veux laisser les expériences se dérouler, regarder comment ça se passe. Et en tirer des leçons. Après, on rédigera une circulaire.

Dominique Gazit : Et quelle formation pour ces jeunes ?

Claude Allègre : Je suis un partisan de l’apprentissage. Parce qu’ils sont intégrés à l’équipe, ils seront formés par l’équipe pour cette mission. Et puis, ils auront une formation continue, non pas pour ce travail précis, mais pour leur futur métier. Je ne veux pas créer des petits boulots.

Laëtitia Chamberlin : Que comptez-vous faire contre la violence à l’école ?

Claude Allègre : Nous préparons un plan antiviolence qui va être vigoureux. Mais nous l’annoncerons en commun avec les autres ministres concernés. En tout cas, nous ne tolérerons plus ces actes de violence ni dans les écoles ni à leurs abords.
Ce qui a été fait par mes prédécesseurs sera énormément amplifié. Ce problème de la violence n’existe pas partout, mais il est quotidien dans certains endroits. Ce qui est nouveau, c’est que cette violence gagne des villes moyennes comme Chartres ou Mulhouse. Mais je peux vous garantir qu’à partir du 1er janvier vous allez voir les effets de ce plan très rapidement.

Déjà, dix mille emplois jeunes seront consacrés à ce problème. Dix mille sur une dizaine de zones et ensuite, si ça fonctionne, on généralisera à tout le territoire.

Sylvaine Gobancé : Quels moyens allez-vous mettre en avant pour développer les nouvelles technologies ?

Claude Allègre : La situation n’est pas aussi catastrophique qu’on le dit. De nombreux établissements sont reliés à Internet, toutes les universités le sont depuis longtemps. Tout le monde sera équipé, mais ce n’est pas le problème essentiel. Ça ne sert à rien d’avoir des machines si vous n’avez pas de logiciels adaptés, si les enseignants ne sont pas prêts à les utiliser. L’industrie de logiciels pour enseignants n’existe pratiquement pas. L’Education nationale ne doit pas fabriquer tout pour elle-même. Un exemple : les livres scolaires créent très peu d’emplois car ce sont les enseignants qui les font, tout en continuant leur métier d’enseignant. Alors que, normalement, la fabrication de ces manuels devrait employer des gens à plein temps. Il ne faut pas recommencer la même erreur avec l’audiovisuel. On va faire un appel d’offres auprès d’enseignants qui voudraient créer des petites entreprises éducatives, pour avoir de la concurrence, du choix, de la diversité. Et puis, nos enseignants sont bons. Ils sont capables de fabriquer des logiciels qu’on vendra à l’étranger. Je sais par expérience – je connais les enseignants, mon père était enseignant, ma mère aussi, ma fille l’est, mon frère l’est et moi je le suis aussi – qu’ils ne sont pas des casse-cou de l’entreprise. Il faudra qu’on leur explique comment on gère une entreprise et inventer un système qui leur permette de revenir dans l’enseignement s’ils se plantent.
Il existe, sur le terrain, des initiatives formidables. Si on pouvait faire en sorte que tout le monde puisse en bénéficier, ce serait merveilleux. Mon but, c’est de presser les différents citrons sans les mélanger et que l’on puisse choisir son jus.

Bernard Toussaint : Je suis directeur d’une école de dix classes et en plus adjoint au maire dans une commune de vingt-cinq mille habitants. J’ai une décharge administrative à mi-temps…

Claude Allègre : Vous allez être déchargé de classe. Ce n’est pas un problème. A partir de cinq classes, il faut décharger les directeurs.

Bernard Toussaint : Mais mon problème est plus compliqué. Je suis adjoint avec des délégations importantes comme les finances, la jeunesse, beaucoup de commissions, de travail… Et, jusqu’à ce jour, mon inspecteur n’a jamais pu me donner de décharge parce qu’il n’en a pas les moyens.

Claude Allègre : Attendez, autant pour le problème de la décharge de directeur, je suis d’accord, autant pour l’autre problème, je vous réponds franchement, je ne suis pas d’accord. L’Education nationale a un nombre fabuleux de gens qui sont payés et qui ne sont pas face à une classe. Alors, je suis très réticent.

Pierre Palenciano : Tout le monde s’accorde pour reconnaître que la réussite scolaire passe par des enseignants de qualité adaptés aux réalités de la classe. Sept an après leur création, quel bilan tirez-vous des Instituts universitaires de formation des maîtres, et comment pensez-vous accroître l’efficacité de la formation ?

Claude Allègre : C’est assez simple. D’abord, les IUFM sont une réussite car ils permettent de former dans le même endroit les professeurs d’école et les professeurs de collège et de lycée. Mais il faut les améliorer encore. Par exemple, je vais prendre une mesure immédiate pour que la formation initiale des enseignants ne soit plus séparée de la formation continue. Et je pense que, dans la formation des enseignants, la formation initiale est importante. Mais quand elle est uniquement théorique, j’ai des doutes sur son efficacité. Je souhaite donc que l’esprit de l’apprentissage devienne essentiel. J’annoncerai des mesures dans les mois qui viennent qui iront dans le sens de moins de théorie et de plus de pratique. J’ai lu, dernièrement, un compte rendu de réunion de rentrée d’inspecteurs ; je vous avoue que j’ai été horrifié par ce jargon invraisemblable employé. Un « volapük Ednat » (jargon d’initiés de l’Education nationale) dont je veux me débarrasser. L’Education nationale, c’est le cœur de la démocratie, et, la démocratie, c’est le langage compris par tout le monde. Arrêtons de faire de grandes abstractions pour des choses simples exprimées par un vocabulaire ésotérique ou abscons.
J’ai commencé à l’intérieur de mon cabinet : les notes qui sont écrites en volapük, je les renvoie. Parlons simplement. Mais rigoureusement.

Je veux que les gens soient des professionnels. Je veux qu’un très bon instituteur n’ait pas besoin de passer un concours avec une dissertation sur Péguy pour devenir inspecteur. Il doit être recruté sur sa valeur professionnelle. Je veux que la qualité de l’enseignant soit reconnue. Il y a des enseignants formidables, c’est eux qui doivent mener l’Education nationale. Et pas celui qui est un enseignant moyen mais qui disserte très bien. Ça, c’est fini. J’en ai assez de considérer que tout est pareil et qu’un enseignant n’aura de promotion qu’à l’ancienneté.

Dominique Gazit : Alors un bon maître auxiliaire n’a pas besoin de passer de concours pour devenir titulaire ?

Claude Allègre : Il faut qu’il passe un concours pour entrer dans la fonction publique. Mais, pour cela, il faut qu’on l’interroge sur sa pédagogie, sur ce qu’il a fait. Et, naturellement, il faut qu’il soit inspecté. Actuellement, les inspecteurs inspectent trop peu. Un enseignant est inspecté tous les cinq ans, tous les huit ans dans le secondaire. Pourtant, c’est simple : il faut que les enseignants enseignent, que les inspecteurs inspectent et que les directions dirigent. Dans cette maison, l’enseignant de base est très bon, mais la structure ne permet pas aux talents de s’épanouir. Je vais aller visiter toutes les académies, rencontrer les enseignants, les écouter. Je suis sûr qu’on remettra cette maison en route.

Zahia Hamadi : Les autres acteurs sont les parents. Je suis mère de famille, salariée d’une entreprise privée et, pour participer aux conseils d’administration du collège…

Claude Allègre : Ils auront lieu après 17 heures. Je l’ai promis. Les parents ont un grand rôle qui leur est reconnu. Je souhaite donner plus de responsabilités aux chefs d’établissement mais, en même temps, qu’il y ait plus de démocratie. Lionel Jospin avait mis en place les conseils lycéens aujourd’hui parfois oubliés. Je ne veux pas dire de mal de mes prédécesseurs mais on ne gère plus aujourd’hui les adolescents comme dans les années cinquante.

Gérard Fourestier : Mais comment allez-vous faire ?

Claude Allègre : Je vais dire. Je vais parler aux enseignants au cours d’une émission spéciale sur la Cinquième. A partir du moment où l’information arrive, il y a des choses qu’on ne peut plus faire. L’Education nationale a une grande potentialité, mais elle ne l’exprime pas totalement car elle est engluée par des rigidités administratives. Dépassons tout cela pour le profit de nos enfants. Je suis sûr que les enseignants seront avec moi !


L'Humanité : 4 septembre 1997

L'Humanité : L’Éducation nationale va sans doute constituer le principal vivier pour le plan gouvernemental emploi-jeunes. Qu’en attendez-vous ?

Claude Allègre : Je ne voudrais pas passer pour l’ogre. L’Education nationale emploie près de la moitié des fonctionnaires. Il me paraît normal qu’elle représente une part importante de ce plan. Dans la mesure où nous commençons par les zones difficiles, par l’école primaire, une simple extrapolation m’a conduit à avancer le nombre de 150 000 en trois ans. Les besoins sont considérables. Il est faux de dire que la France compterait trop d’enseignants. Ils représentent 6 % de la population active. Ce taux est de 8 % dans les pays scandinaves et 7 % aux Etats-Unis. Il faut améliorer cela et les emplois-jeunes vont beaucoup nous aider. Mais je ne veux pas de petits boulots, d’ailleurs je vais examiner la possibilité de transformer 64 000 CES.

L'Humanité : Vous parlez de besoins à satisfaire, lesquels ?

Claude Allègre : Les aides éducateurs ne vont pas se substituer aux enseignants mais vont aider les enseignants. Ils vont être intégrés dans l’équipe éducative et recevront une formation pour déboucher au bout de cinq ans sur de vrais emplois. Pas obligatoirement dans l’Education nationale.

L'Humanité : Quelles seront les missions des aides-éducateurs ?

Claude Allègre : Faire des choses qu’on ne fait pas actuellement. Par exemple, petit à petit, accueillir dans les maternelles les enfants à deux ans, modifier les rythmes scolaires dans le primaire, ou lutter contre la violence au collège. Ils vont aider les enseignants pour l’initiation au sport, à la musique, aux nouvelles technologies, au arts plastiques. Il y a aussi les cantines, les sorties scolaires, le problème du mercredi, les surveillances d’études. Nous allons en même temps réfléchir à ce que nous ferons l’année prochaine pour les lycées, les LP et les universités.

L'Humanité : Vous rouvrez 800 classes dont la fermeture avait été décidée sous le gouvernement précédent. Comment les avez-vous choisies ?

Claude Allègre : Je ne me pare jamais des plumes du paon. Cela a été fait par ma collègue Ségolène Royal. Nous travaillons ensemble mais c’est elle qui a étudié au cas par cas en tenant compte de critères à la fois sociaux, démographiques et géographiques (secteurs ruraux). Les 800 sont financées. Nous créons 300 postes et disposons d’importantes possibilités de replacer des enseignants titulaires devant des élèves.

L'Humanité : Dans sa déclaration de politique générale, Lionel Jospin avait annoncé qu’aucun enfant ne serait privé de cantine parce que ses parents n’ont pas les moyens de payer. Ségolène Royal et vous-même avez à plusieurs reprises confirmé cet objectif. Où en êtes-vous ?

Claude Allègre : Là aussi, c’est Ségolène Royal qui gère. Nous avons créé un fonds pour les cantines. Puis nous négocions avec les collectivités territoriales. Il y en a peu qui refusent de mettre la moitié. Dans ce domaine, le conseil général du Val-de-Marne a joué un rôle pilote. Nous en avons discuté avec Hélène Luc, sénateur de ce département. Nous avons pensé qu’il était judicieux de mettre en place un tel système un peu partout. Je suis personnellement très attentif aux problèmes des enfants des milieux les plus défavorisés.
L’Etat doit prendre en charge ceux qui réussissent bien à l’école. Quand ces enfants-là seront magistrats, énarques ou médecins, la face de la société en sera changée. Les bourses, c’est bon pour les gens moyennement pauvres. Mais les enfants d’ouvriers qui perçoivent le SMIC et les enfants de chômeurs ne sont pas suffisamment couverts. Pour ceux qui ont obtenu le bac avec mention assez bien et qui s’engagent vers les métiers qui constituent nos élites, il faut que l’Etat les aide puissamment.

L'Humanité : Vous parlez de redynamisation des zones d’éducation prioritaire (ZEP). Quelles mesures allez-vous prendre ?

Claude Allègre : Nous avons décidé d’un principe : adopter les moyens à la difficulté de l’endroit. S’il faut travailler en petit groupe, on le fera. Ce n’est pas le cas partout et je n’aime pas solutions uniformes. Mais nous refusons le saupoudrage. La première année, nous aurons des sites expérimentaux, et si la technique marche bien, nous l’étendrons.

L'Humanité : Les ambitions que vous affichez vont demander des moyens importants. En disposerez-vous ?

Claude Allègre : Le budget de l’Etat va augmenter de 1,2 %. Le budget de l’Education nationale augmentera de plus de 3 %, soit le double. Ce n’est pas négligeable. Mais je dis et je répète que les problèmes de l’Education nationale ne sont pas d’abord des questions d’argent.