Texte intégral
Le Monde : 3 septembre 1997
Le Monde : Quelles sont les priorités de Force ouvrière pour cette rentrée sociale ?
Marc Blondel : Au premier chef, que la conférence nationale sur l’emploi, les salaires et la réduction du temps de travail ait lieu dans la seconde quinzaine de septembre, comme nous en étions convenus. Les socialistes n’ont peut-être pas fait exprès d’être au pouvoir – ils le doivent à l’erreur tactique de la majorité précédente d’avoir provoqué les élections –, et les salariés ont accordé à Jospin le temps de prendre les choses en main. Mais s’il recule la conférence, il va aborder la rentrée avec une réaction de doute, et cela n’est pas souhaitable ni pour lui ni pour les salariés.
Deuxièmement, il faut que ce soit bien une conférence sur les salaires, sur la durée du travail et sur l’emploi. Cela veut dire, en définitive, que nous allons tracer, par concertation, les axes pratiques pour que les promesses électorales soient tenues. FO ne veut pas d’une grande messe, sans conclusion, qui serait, dans le plus mauvais des cas, identique à celle du 10 février 1997 sur l’emploi des jeunes, qui a discrédité le gouvernement de l’époque.
Le Monde : Quels résultats attendez-vous de cette conférence ?
Marc Blondel : Nous voulons d’abord faire partir en retraite les gens qui ont travaillé depuis l’âge de quatorze ans ou quinze ans et qui ont cotisé pendant quarante ans. Ce sont souvent des gens qui ont exercé des métiers durs. Cela devrait toucher 280 000 personnes, dont 50% seraient volontaires pour partir, ce qui provoquerait l’embauche de 150 000 jeunes. Nous réclamons donc une amélioration du dispositif de l’allocation de remplacement pour l’emploi (ARPE), mais pas forcément intégrée à ce même dispositif.
Le deuxième enjeu concerne les salaires. Le gouvernement aurait tort de croire qu’il s’est libéré en matière salariale en augmentant le SMIC de 4%. Il ne pouvait pas faire moins qu’Alain Juppé. Je me battrai pour que des négociations s’ouvrent dans toutes les branches afin d’intégrer les effets de l’augmentation du SMIC et de rétablir la hiérarchie. Il faut aussi intégrer les nouveaux métiers dans les grilles hiérarchiques. Cela n’aura peut-être pas un effet direct sur tous les salaires, mais cela aura un effet induit. Bien entendu, il faudra aussi ouvrir les négociations dans la fonction publique et le secteur public et nationalisé.
Le Monde : Et la réduction du temps de travail ?
Marc Blondel : Il s’agit de la troisième priorité. Il faut sortir de cette querelle, qui devient absurde, sur les trente-cinq heures. Est-ce pour satisfaire une revendication sociale, créer des emplois ou tenir un engagement électoral ? Dans le premier cas, on peut la programmer : c’est trente-neuf heures maintenant, puis cela deviendra trente-huit, trente-sept, trente-six, et on l’intègre dans les négociations. Dans le deuxième cas, il faut que cela se fasse assez vite et de manière un peu radicale, même si cela doit être différent suivant les secteurs professionnels. Pour régler les problèmes, on sera obligé de décentraliser les négociations dans les branches, pour fixer des cadres, mais aussi à échelon des entreprises. Nous ne sommes jamais écartés des négociations de branche. FO est encore le syndicat qui signe le plus d’accords. La politique de contrat reste notre instrument.
Le Monde : Quel type de loi a votre faveur ?
Marc Blondel : La solution, c’est de mettre des dates-butoirs, mais plus ces dates seront tardives, moins cela aura d’effet sur l’emploi. Une seconde piste est de taxer les heures supplémentaires. J’ai été un des premiers à demander au patronat de négocier sur la réduction du nombre d’heures supplémentaires, mais Jean Gandois (président du CNPF) n’a jamais eu de mandat de ses fédérations sur ce sujet. Ce qui serait de pénaliser les heures supplémentaires sous formes de cotisations sociales, ce qui reviendrait à ponctionner différemment des revenus salariaux de montant identique. On intégrerait alors le financement de la Sécurité sociale dans le débat, et ce serait une dérive supplémentaire.
Le Monde : Qu’attendez-vous des 350 000 emplois pour les jeunes ?
Marc Blondel : Avec les 350 000 emplois, les socialistes ont aussi inventé une bombe : ils ont inventé le contrat à durée indéterminée… avec un terme ! Ma première crainte est que cela n’inspire le CNPF et qu’il ne relance son idée de contrat d’activité, permettant que, pendant deux ans, les salariés soient soustraits aux règles du code du travail et aux conventions collectives.
Selon un schéma keynésien, les salariés du privé sont le produit induit de la croissance. La participation est simple : combien les entreprises vont-elles affecter à l’investissement ? Le gouvernement n’est maître de rien, et nous non plus. C’est pourquoi je réclamerai que, six mois après la conférence, on fasse le point. Mon véritable problème, c’est de savoir si le gouvernement a encore suffisamment, non seulement de marge de manœuvre, mais de pouvoir politique pour s’opposer aux forces du marché.
Le Monde : Dans cette conférence à trois, quel rôle va jouer le patronat ?
Marc Blondel : Pour l’instant, le patronat freine des quatre fers. En 1981, il avait baissé la tête et se laissait condamner. Cette fois, il annonce que l’on va « bousiller » l’économie du pays. Si les patrons ne jouent pas le jeu, ils ne pourront plus se dégager de la responsabilité de la situation en matière d’emploi. À différentes reprises, ils ont dit que le chômage n’était plus de leur responsabilité, mais relevait de la politique gouvernementale. Là, ils ont l’occasion de la modifier. S’ils ne jouent pas le jeu, leur responsabilité sera publique, pleine et entière, et je démontrerai qu’ils ne défendent pas l’intérêt général, comme ils le prétendent parfois. Au demeurant, il serait souhaitable que le patronat fasse un effort pour faire connaître ses besoins en effectifs à moyen terme. Cela sera aussi l’heure de vérité pour le CNPF.
Le Monde : Mais vous-même, vous ne défendez pas l’intérêt général ?
Marc Blondel : Moi, je ne défends pas l’intérêt général, je défends l’intérêt particulier des salariés, et les patrons défendent l’intérêt particulier des entreprises. Je ne veux pas être un usurpateur. Je pense que c’est Lionel Jospin qui défend l’intérêt général ? il a été élu pour ça. Je ne veux pas avoir ce langage ambigu tenu par des représentants syndicaux et qui disent qu’en même temps, ils gèrent la société. Ce n’est pas vrai, ou alors, ils se comportent comme des élus politiques. Cela ne veut pas dire que je me désintéresse de l’intérêt général. Au contraire. Mais dans une société démocratique, chacun a sa mission.
Le Monde : Quel bilan faites-vous de l’action gouvernementale ?
Marc Blondel : Pour l’instant, je ne fais aucun bilan. Lionel Jospin a été prudent. Je m’interroge, cependant, sur sa liberté de comportement. Lionel Jospin est allé voir M. Kohl : est-ce pour lui dire que l’on va vraisemblablement aller vers les trente-cinq heures et qu’il faut que l’Allemagne en fasse autant, ou bien lui a-t-il parlé uniquement de masse financière et du fait que la France allait être le plus près possible pour satisfaire les critères de convergence ? Tout cela n’est pas très clair. Est-ce que, d’une certaine façon, le petit jeu ne consiste pas à laisser croire que c’est l’autre qui ne pourra pas satisfaire les critères de convergence ? Dominique Strauss-Kahn a été très bien sur le sujet. Il a dit : « Nous serons dans des conditions comparables aux autres pays, concernant les critères de convergence. »
Le Monde : Quels sont les secteurs « chauds » de la rentrée ?
Marc Blondel : D’abord, les transports. Le conflit UPS, aux États-Unis, a été particulièrement suivi. À FO, nous avons fait la connexion entre les grèves de décembre 1995, les événements de la Corée du Sud et le conflit UPS. Ensuite, la défense et les fonctionnaires ne tarderont pas. Enfin, le problème des hôpitaux va surgir gros comme une maison. Le gouvernement ne pourra pas fermer arbitrairement des dizaines de milliers de lits en raison de taux insuffisants d’occupation. La population a besoin d’un hôpital qui la rassure. C’est un service de proximité, dont l’efficacité ne se mesure pas à la rentabilité.
Le Monde : Comment maîtriser le déficit de la Sécurité sociale ?
Marc Blondel : Ils peuvent tourner autour du pot : la contre-réforme Juppé a été destructrice de la Sécurité sociale solidaire et égalitaire, et, en plus, elle ne marche pas Dans l’immédiat, le gouvernement peut faire deux choses : doter suffisamment le ministère de la santé afin qu’il puisse faire de la prévention et revoir la médecine du travail, la médecine scolaire et la médecine carcérale, qui sont dans un grand état de délabrement ; redonner à la Sécurité sociale son caractère d’assurance et de gestion par les organisations syndicales et le patronat.
FO est favorable à la création d’un fonds pour l’assurance-maladie, qui regrouperait les recettes d’origine fiscale destinées à financer les dépenses de solidarité nationale. La création de ce « sas » mettrait en évidence qu’il ne s’agit pas d’un financement par l’impôt. En revanche, cela rentre en contradiction avec ceux qui préconisent une affectation directe de la CSG.
Force Ouvrière Hebdo : 3 septembre 1997
À cette heure, nous ne savons toujours pas précisément quand aura lieu la Conférence sociale, ce qu’on y discutera réellement et la manière dont les choses se dérouleront après la première réunion.
Sur la date, il nous apparaît important que la première réunion ait lieu avant la fin du mois de septembre. Autant, il nous paraissait normal que le gouvernement dispose d’un délai nécessaire pour préparer et programmer ses travaux, autant tout recul tendrait maintenant à apparaître comme destiné à gagner du temps, comme une reculade sur ses engagements.
Sur le fond, trois thèmes (salaires, emploi, réduction de la durée du travail) devraient être sur la table. Mais certains commentaires laissent penser que la question des salaires pourrait se limiter à celle des bas salaires et celle de l’emploi au volet 350 000 emplois dans le privé.
Limiter le dossier aux bas salaires nous apparaît pour le moins restrictif, timide et déconnecté d’une nécessité keynésienne : relancer la consommation.
Et qu’on ne nous dise pas que la question salariale sera réglée par un transfert de la cotisation maladie sur la CSG permettant une légère augmentation du salaire net.
Cette procédure revêt en effet trois écueils lourds : elle néglige la méthode contractuelle pour l’augmentation des salaires, limite la progression de ces derniers et accélère la fiscalisation du financement de la Sécurité sociale dans la lignée du Plan Juppé. Comment dans des conditions ne pas parler de la Sécurité sociale à la Conférence ?
C’est pourquoi nous sommes notamment demandeurs d’une relance des négociations de branche sur les minimas conventionnels, tout comme il est essentiel que les minimas sociaux soient augmentés.
De même, s’il apparaît nécessaire de réglementer le temps partiel dans l’intérêt des assurés sociaux et de surenchérir le coût employeur des heures supplémentaires, il convient de bien en étudier les modalités. La piste « Rocard » évoquée par Le Monde (augmentation des cotisations sociales sur les heures supplémentaires) modifierait elle aussi le mode de financement de la Sécurité sociale, s’il s’agissait d’une taxation, le produit devrait être réutilisé pour réaliser, amplifier les objectifs de réduction de la durée du travail.
Concernant la réduction de la durée du travail, nous considérons qu’une loi cadre est nécessaire (avec une date butoir) mais il s’agit aussi de pousser les branches à s’ouvrir des discussions. Comme le note à juste titre le ministre de l’Économie et des Finances, il ne doit pas s’agir d’accroître la flexibilité et d’étendre l’annualisation de la durée du travail.
Introduire comme un postulat incontournable l’annualisation serait s’inscrire dans l’idéologie libérale. Comment ne pas craindre que l’annualisation de la durée du travail ne conduise rapidement à l’annualisation des rémunérations ?
De même, le principe de la réduction sans perte des salaires doit être confirmé, principe qui, rappelons-le, figure noir sur blanc dans les promesses électorales, qui constitue donc de fait un des tests de crédibilité gouvernementale. Une fois le cadrage des principes assurés, il appartiendra aux branches de négocier. Il est par exemple évident que d’une branche à l’autre, les modalités puissent varier. Ainsi, si les 32 heures en 4 jours voient le jour, il est logique que l’entreprise ne soit pas fermée un jour de plus. Tout cela se négocie.
Mais il convient fondamentalement de savoir où l’on veut aller. Dire comme certains que la compensation salariale se discute, que la question des salaires est finalement secondaire et qu’il faut mieux augmenter la masse salariale globale par de créations d’emplois, c’est retomber dans l’ornière malthusienne et inefficace du partage du travail.
Quand le gouvernement espère une croissance économique plus forte en 1998 lui permettant de boucler son budget, il reconnaît lui-même que le soutien de la consommation est créateur d’emplois et de recettes fiscales et sociales.
À contrario, ceux qui abandonnent les salaires au profit illusoire de l’emploi ont autre chose en tête : gérer l’embauche en tant que syndicat, devenir des syndicats-DRH c’est-à-dire une version soft, modernisée, du système stalinien encore en vigueur dans le Livre ou chez les dockers.
Force Ouvrière annonce ce qu’elle fera et fera ce qu’elle annonce.
À nouveau emploi, salaires, Sécurité sociale, durée du travail : tout est lié.
RTL : Mercredi 3 septembre 1997
O. Mazerolle : Votre rencontre avec L. Jospin hier, n’était pas annoncée officiellement. Elle ne figure même pas à l’agenda officiel du Premier ministre. Vous vouliez le voir en cachette ?
Marc Blondel : Pas du tout. Je voulais avoir un contact officieux avec le Premier ministre pour discuter de manière générale, peut-être pas des thèmes de la conférence, mais tout simplement lui rappeler qu’il devait la faire au mois de septembre, faute de donner l’apparence de se défiler.
O. Mazerolle : Vous êtes ami avec L. Jospin ? Pourquoi un contact officieux ?
Marc Blondel : Parce qu’il y a des contacts officiels où l’on va en délégation, où l’on invite la presse, où l’on fait des commentaires, et il y a des contacts officieux qui sont des contacts directs entre le secrétaire général d’une organisation et le Premier ministre.
O. Mazerolle : Vous ne faites pas les choses comme les autres, vous !
Marc Blondel : Vous allez voir qu’il va les recevoir, les autres !
O. Mazerolle : Officiellement !
Marc Blondel : Pas obligatoirement. Il a reçu – si j’ai bien compris – N. Notat quelques jours après moi, avant les vacances. C’était quelque chose d’officieux, cela n’a pas été quelque chose d’officiel. C’est très curieux ce genre de choses ! On a toujours l’impression qu’on fait quelque chose en cachette. Il est bien normal, quand on a des préoccupations. Si l’on ne veut pas les lancer publiquement pour en faire un rapport de forces public, qu’on aille voir le Premier ministre. Je vais vous dire ce que je lui ai dit : il est souhaitable que ça se tienne en septembre parce que l’image que vous voulez donner de tenir vos engagements va être remise en cause si vous reportez. Je sais qu’une partie du patronat voudrait la reporter, y compris très loin.
O. Mazerolle : C’est très grave si elle a lieu début octobre seulement ?
Marc Blondel : Écoutez, si c’est le 3 octobre, c’est septembre. Par contre, si c’est la fin octobre, c’est tout autre chose. Tactiquement – je vais vous faire une autre confidence -, il y a le problème de la Sécurité sociale que nous aurons à traiter : plus il retarde la Conférence sur la durée du travail, les salaires et l’emploi, plus on risque de faire l’amalgame et que ça devienne une espèce de conférence où on mettra tout. Là, ça bloquera, c’est évident.
O. Mazerolle : En lisant votre entretien dans Le Monde, hier, on a eu le sentiment que vous vouliez tout à la fois : pas seulement un maintien, mais une augmentation des salaires, des emplois et les 35 heures.
Marc Blondel : Bien sûr. On va faire un peu de Keynésianisme. J’y suis encouragé, après le commentaire de J. Y. Hollinger qui était tout à fait précis. On sait qu’il y a des bénéfices. Regardons les choses. On pense – c’est à moins la conception de l’organisation que je représente – qu’il faut relancer par la consommation. Il faut donc redonner du pouvoir d’achat. On ne peut pas se contenter de donner strictement 4% aux smicards – ils sont 2,2 millions. Il faut aller plus loin, c’est-à-dire qu’en fait, je réclame tout simplement qu’on négocie les grilles de salaire pour intégrer justement l’augmentation du Smic et rétablir une hiérarchie et amener, notamment aux plus modestes, ceux qui sont à 5, 10 ou 15% au-dessus du Smic, une augmentation de salaire. Je suis en train de vous faire une analyse publique de la tactique syndicale. Le Gouvernement peut dire : « Négociez les grilles de salaires, revoyez les grilles, rétablissez la hiérarchie ! Si vous ne faites, je convoquerai des commissions mixtes », c’est son droit le plus absolu, c’est le Code du travail. « S’il n’y a pas de résultat en commission mixte, attendez-vous à ce que le Smic soit augmenté d’une manière très substantielle la prochaine fois. » Voilà le moyen de pression qu’a le Gouvernement. Moi, je vais voir le Gouvernement en disant : « Ce moyen de pression, il faut le distiller au bon moment. » Mon idée, je vais vous la dire : la conférence devrait recommander de lancer dans toutes les branches les négociations et fixer un taquet, c’est-à-dire une date limite à partir de laquelle le Gouvernement, s’étant engagé à ne pas s’immiscer dans les salaires du secteur privé, dirait : « Je reprends ma liberté et maintenant je fous une commission mixte. »
O. Mazerolle : Quand vous lisez l’entretien de N. Notat qui dit « 35 heures payées 39, c’est une publicité mensongère, ce n’est pas avec ça qu’on va créer des emplois ! » ?
Marc Blondel : J’ai toujours des difficultés quand il s’agit de prendre position par rapport à la position de la CFDT, compte tenu que les dés sont pipés. Je ne m’adresse pas au secrétaire général de la CFDT. On interprète toujours mon propos comme étant un rapport entre hommes et femmes, entre Mme Notat et moi.
O. Mazerolle : Elle n’a pas la même analyse que vous !
Marc Blondel : Je prends mes précautions de manière à ce qu’on ne dise pas ; si je suis en désaccord avec la position exprimée par Notat, que c’est par machisme, que ce soit bien clair ! Je n’ai jamais connu un militant syndicaliste responsable qui prônait ou qui ouvrait comme solution aux problèmes la baisse du salaire. Cela n’a jamais existé. Psychologiquement, c’est impossible. On peut tout penser, y compris dire : « On stabilisera les salaires pendant un moment », c’est autre chose. Mais dire qu’on baissera les salaires, permettez-moi de vous dire que ce n’est psychologiquement pas acceptable. Personne ne l’acceptera.
O. Mazerolle : Mais croyez-vous qu’économiquement et financièrement on puisse aujourd’hui augmenter les salaires et décréter les 35 heures ?
Marc Blondel : Ça dépend tout simplement comment c’est fait. Les 35 heures, c’est les 35 heures légales. Ça ne veut pas dire que ça fera 35 heures effectives. Je connais même des entreprises qui sont prêtes à aller plus loin. Ce n’est pas ça le problème de fond.
O. Mazerolle : Cela veut dire qu’au-delà de 35 heures, on devra payer des heures supplémentaires ?
Marc Blondel : Les heures supplémentaires, il s’agit de savoir si on les encourage ou si on les freine. Le dossier est beaucoup plus avancé que ça : on en est même à envisager, le cas échéant à taxer les heures supplémentaires, c’est-à-dire les faire payer plus encore qu’heures supplémentaires.
O. Mazerolle : Sur les emplois-jeunes, vous dites que le Gouvernement a allumé une bombe alors qu’il a, au contraire, la sensation d’avoir enclenché un processus qui va créer de l’emploi.
Marc Blondel : Pardonnez-moi, mais on me fait un faux procès. Je n’ai pas condamné les emploi-jeunes. Mais ce que j’ai voulu faire remarquer, c’est que le Gouvernement a inventé quelque chose de nouveau qui s’appelle le contrat à durée indéterminée à terme. En fait, c’est un contrat de cinq ans. Petite question, comme ça, qui va intéresser tous les élus – en particulier les maires : quand ils vont jouer le jeu d’embaucher des gens qui seront payés à 80% du Smic par l’État, que vont-ils en faire dans cinq ans, quelque mois juste avant les élections municipales ? Ils vont augmenter les impôts locaux pour pouvoir se substituer à l’État et continuer de maintenir, ou bien vont-ils virer les gars ? Si vous étiez maire, vous feriez ça ? Le problème de fond, il est simple – je l’ai d’ailleurs rappelé, hier, au Premier ministre, comme je l’avais rappelé, la veille, à Mme Aubry…
O. Mazerolle : Parce que vous voyez aussi M. Aubry en cachette ?
Marc Blondel : Mais pas en cachette, ouvertement, en voiture, comme tout le monde, par la porte d’entrée principale ! Le problème, c’est que les gens qui vont bénéficier de ces contrats – je souhaite qu’ils soient le plus nombreux possible –, je n’ai qu’un conseil à leur donner : syndiquez-vous de manière à ce qu’on améliore votre situation, y compris sur le plan juridique.
O. Mazerolle : C’était la minute de pub pour FO !
Marc Blondel : Je n’ai même pas dit à FO, c’est vous qui le dites ! Alors syndiquez-vous à FO, puisque je ne veux pas être de reste par rapport à vous !
O. Mazerolle : Le gazole : certains ministres voudraient le taxer davantage. M. Pierret, secrétaire d’État à l’Industrie, a dit qu’il y était défavorable. Quelle est votre position ?
Marc Blondel : C’est clair : d’une manière générale, je trouve qu’il y a trop de taxes sur tous les carburants. C’est net : je ne suis pas pour une augmentation des taxes sur le gazole.