Interview de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, dans "Le Figaro" le 28 avril 1999, sur son projet de loi sur l'audiovisuel et sur l'avenir des télévisions publiques rassemblées en holding.

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Le Figaro. – Pourquoi vous êtes-vous autant battue pour faire aboutir votre projet de loi sur l'audiovisuel ?

Catherine Trautmann. – je n'ai pas cherché à faire la loi du siècle, mais celle qui permette le développement de l'audiovisuel français dans son ensemble. J'avais un double but. D'abord celui d'établir un équilibre entre les secteurs privés et publics et ensuite celui d'assurer à ce dernier une visibilité claire pour son avenir. Il fallait donc traiter les questions de concurrence de la manière la plus efficace possible mais aussi la plus légitime tant du point de vue des professionnels que des milieux institutionnels, tout en donnant au secteur public une nouvelle perspective de développement.

Le public doit pouvoir faire confiance à ce média essentiel qu'est la télévision. Il faut pour cela assurer son indépendance éditoriale et financière.

Le Figaro. – Pourquoi avoir finalement choisi de limiter sur deux ans la publicité à huit minutes par heure alors que le dispositif initial prévoyait une réduction immédiate à cinq minutes ?

- Il fallait porter un coup d'arrêt à la dérive publicitaire dans laquelle France 2, mais aussi France 3, étaient engagées, du fait de l'érosion de leur financement public. Il s'agissait donc de calibrer au mieux la réduction de la publicité attendue par les téléspectateurs, sans affaiblir financièrement de façon absolue ou relative les chaînes publiques par rapport aux chaînes privées. Combinée avec la limitation de l'autopromotion, la baisse de 12 à 8 minutes de la durée horaire de la publicité mettra efficacement fin aux « tunnels publicitaires ». Mais toutes ces mesures n'auraient aucun sens si par ailleurs la loi ne garantissait pas le financement des chaînes publiques. Depuis le 2 décembre c'est un fait acquis, avec la décision du gouvernement d'inscrire dans la loi le remboursement intégral des exonérations de redevance.

Le Figaro. – Pourtant c'est à cette date que vous retirez votre projet de loi ?

- Il y avait à l'époque un doute sur la viabilité économique de cette loi. Assurée de bénéficier du remboursement des exonérations de redevance dont le montant s'élève à 2,5 milliards, il m'importait d'obtenir un consensus général autour de ce texte. Pour cela il fallait du temps. Je l'ai pris et c'est ainsi que j'ai pu proposer que cette ressource désormais garantie soit partagée entre la baisse souhaitée de la publicité et les moyens supplémentaires pour le développement.

Cette phase m'a également conduite à intégrer au projet les mesures nécessaires à la bonne régulation des secteurs privés.

Le Figaro. – Est-ce que la loi de finances 2000 prévoira le versement intégral de ces 2,5 milliards ?

- La loi ne sera sans doute définitivement votée qu'après le vote de la loi de finances 2000. Nous avons donc prévu une mesure intermédiaire pour l'année 2000. La durée horaire de la publicité passera l'année prochaine de 12 à 10 minutes. Le remboursement des exonérations de redevance suivra ce rythme de réduction. La loi de finance devrait donc prévoir pour l'an prochain un versement additionnel de fonds publics de 1,250 milliard de francs. Je rappelle que cette somme a pour but à la fois de comprendre le manque à gagner publicitaire, de financer les programmes supplémentaires nécessaires et enfin de préparer l'arrivée du numérique hertzien.

Le Figaro. – Vous semble-t-il vraiment que la mise en place d'une holding était fondamentalement nécessaire à la télévision de service public ?

- Je n'aime pas beaucoup ce terme de holding. Préférons-lui celui de groupe. Soyons très clair. Dans un secteur de plus en plus concurrentiel ce serait l'inconscience que de laisser le secteur public audiovisuel avec les mêmes structures que celles héritées du temps de son monopole. Pour des raisons qui tiennent à l'histoire de l'audiovisuel français, la radio publique a gardé une structure intégrée tandis que la télévision a éclaté en 1974 entre plusieurs chaînes.

Il se trouve aujourd'hui que le renforcement de l'audiovisuel d'un pays, qu'il soit public ou privé, se fait sous forme de regroupement. Il permet une meilleure maîtrise des enjeux technologiques et une plus grande visibilité en terme d'acquisition des droits. La création d'un groupe permet donc une mise en commun de services généraux mais aussi une plus grande solidarité et complémentarité des chaînes entre elles.

Le Figaro. – RFO n'est pas intégrée à la holding. Pourquoi ?

- Le gouvernement a indiqué qu'il s'en remettait au débat des professionnels et des élus les plus directement concernés quant à l'opportunité immédiate de ce rattachement. Si les parlementaires le votent, je n'y verrai pas d'inconvénients. Mais en cas contraire, RFO ne peut être exclue pour autant de la stratégie de l'audiovisuel public. Sa relation devra alors suivre des voies différentes de celle du regroupement. Je pense notamment à des conventions de partenariats.

Le Figaro. – Que pensez-vous de la division actuelle du cinéma français ?

- Je n'ai pas à porter un jugement sur la manière dont les professions concernées s'organisent entre elles. Mais je rappelle qu'il y va de l'intérêt de tous à défendre la force, la diversité et le rayonnement de notre cinéma. Aujourd'hui il existe deux bouquets satellites durablement installés dans le paysage audiovisuel français. Je tiens, dans ces conditions, à ce que la participation financière globale des opérateurs ne recule pas et si possible augmente. Il faut dans le même temps que cette contribution comporte une part suffisante de préachats et continue de concerner des films très divers. Je veille personnellement à la bonne évolution de ce dossier. En Europe, notre cinéma est le premier face à celui des Etats-Unis, leader mondial. Notre système de soutien et de régulation ne peut donc se permettre de voler en éclat. J'en appelle à la responsabilité de chacun afin de surmonter les divergences et les incertitudes qui subsistent.

Le Figaro. – Votre projet de loi ne prévoit rien sur le numérique hertzien et les télévisions locales. Et la transposition de la directive européenne « Normes et signaux » n'est pas prévues.

- Nous avons travaillé sur tous ces sujets. Il est prévu de les raccrocher en cours d'examen au train législatif.

Il est évident que c'est la perspective du numérique hertzien qui ouvre la voie à un développement viable des télévisions locales. Après un temps de concertation nécessaire il est donc urgent de créer une base juridique telle que le CSA puisse prendre en compte de manière suffisamment prospective la totalité des fréquences.

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