Texte intégral
B. Fanny-Cohen : Avez-vous couvert des importations sauvages de sang au cours de ces derniers mois ?
B. Durieux : C'est parfaitement inexact. Je souhaite ce soir en faire le démenti. Non seulement M. GIRARD, il y a à peu près un an, m'a transmis une note m'informant d'importations faites à l'insu de la direction générale de la santé, mais je lui ai aussitôt demandé de mettre en œuvre les propositions qu'il me faisait pour faire cesser ces importations, qui se font à l'insu de la direction générale de la santé.
B. Fanny-Cohen : Il y a bien eu importation ?
B. Durieux : Il y a bien eu importation et il y a eu des dispositions recommandées par le directeur général de la santé que j'ai aussitôt mises en œuvre. Par conséquent, lorsque ce journal dit que j'ai couvert des importations sauvages, c'est inexact. Mais plus important : un lecteur de bonne foi pourrait penser que, de nouveau, on met en circulation des produits qui n'assurent pas la bonne sécurité. Je dis que nous avons, en France, avec les produits sanguins, la plus haute sécurité transfusionnelle possible. Car les techniques de fabrication des produits dérivés du sang, que ce soit à partir de plasma importé ou à partir de plasma produit en France, prévoit des techniques d'inactivation virale d'une part, et de purification des produits d'autre part, qui nous mettent au plus haut niveau de la sécurité transfusionnelle.
B. Fanny-Cohen : Est-ce que les importations sauvages sont passées à travers les tests de dépistage ?
B. Durieux : Quand vous produisez des produits dérivés du sang, il y a un certain nombre de règles pour l'inactivation d'une part, pour la purification des produits d'autre part. Ces régies ont été appliquées. Tous les centres de transfusion sanguine les respectent. Pour les importations sauvages, nous avons la même sécurité transfusionnelle. Ce que nous voulons, c'est que les centres de transfusion informent la direction générale de la santé dès qu'ils procèdent à l'importation de plasma.
B. Fanny-Cohen : Comment expliquez-vous que votre directeur général de la santé prétende que sa démarche soit restée sans réponse ?
B. Durieux : Il était à côté de moi ce soir pour répondre à vos confrères de la presse, que non seulement ça ne le fais pas rester sans réponse mais les mesures qu'il préconisait ont toutes été mises en œuvre sans aucune exception. J'ajoute qu'il proposait de nommer un responsable du fractionnement sanguin. Nous n'avons pas suivi cette voie avec J.-L. Bianco car nous pensons que la réforme d'ensemble à laquelle nous travaillons de la transfusion sanguine devait reposer sur des rapports, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales, un rapport de l'inspection générale des finances. Nous avons eu en décembre dernier ces deux rapports qui contiennent des propositions sur lesquelles nous travaillons et nous proposerons nos propres mesures de réorganisation de la transfusion sanguine, collecte comme fractionnement du sang, au plus tard à la fin du mois de mars.
18 février 1992
Antenne 2
F. Ponchelet : Que pensez-vous des nouvelles accusations portées à votre encontre par Le Monde ?
B. Durieux : Je me fixe comme règle de ne pas juger ce que disent ou écrivent les journalistes. C'est une présentation inexacte des faits.
F. Ponchelet : Hier, vous avez démenti ces informations. Vous persistez ?
B. Durieux : Cette accusation est tout à fait fausse. En 1990, la direction générale de la santé a constaté des importations, non pas illégales, car notre législation n'est pas claire sur ce point, mais faites à l'insu de la direction générale. Le directeur de la santé a demandé des enquêtes. Le 5 février 1991, ces enquêtes me sont rapportées. Des mesures me sont proposées pour mettre un terme et réorganiser la transfusion sanguine. L'ensemble de ces mesures a été mis en œuvre pratiquement aussitôt. Il y a eu un centre qui a reçu un avertissement, qu'on a décidé de fermer, un autre dont on a limité la progression et un dernier auprès duquel on a poursuivi nos investigations.
F. Ponchelet : D. Laurent, votre ancien directeur de cabinet, affirme n'avoir jamais été mise au courant de ces importations.
B. Durieux : Elle a été interrogée au téléphone, elle pensait qu'on l'interrogeait sur 1991 puisque les importations de 1990 ont donné lieu aux mesures que me recommandait le directeur général de la santé et que j'ai prises intégralement. Quant à elle, elle pensait qu'on pariait de 1991. Il est vrai qu'elle n'a pas été informée. Il y a deux cas d'importations en 1991 : un cas pour le compte du CNTS et un autre pour Montpellier. Ces deux cas ont été traités directement par le directeur général de la santé qui les a fort bien traités. Par conséquent, ils ne sont même pas remontés jusqu'au cabinet. Je voudrais dire une chose qui est grave dans cet article. Ce n'est pas qu'ils essaient d'attaquer B. Durieux. C'est surtout que le lecteur de bonne foi peut penser qu'on peut continuer à avoir en France des produits dérivés du sang de qualité non fiables. C'est faux. Voilà ce qui est grave dans cet article. Nous avons les produits dérivés du sang en France qui présentent la plus haute qualité transfusionnelle possible.
F. Ponchelet : Pourquoi certains centres doivent-ils acheter du sang ? Est-ce contraire à la pratique normale ?
B. Durieux : Ces choix ne nous conviennent pas. C'est pourquoi je fais mettre un terme, à chaque fois que j'en ai connaissance, à ces importations, non pas illégales, mais qui sont faites à l'insu des autorités sanitaires de la santé.
F. Ponchelet : Vous n'étiez donc pas au courant dans un certain nombre de cas ?
B. Durieux : Non. Mais on avait eu des échos. D'où les enquêtes qu'on a fait réaliser. Je suis contre les importations faites à l'insu de la direction de la santé. C'est une manière de remettre en cause l'éthique sur laquelle repose la transfusion sanguine. Le sang importé vient généralement de donneurs rémunérés. Nous sommes pour un sang qui vienne de donneurs anonymes, bénévoles et gratuits. Voilà les principes de base. On importe du sang alors qu'on pourrait en trouver sur le territoire. On a beaucoup de donneurs. Les centres de sang ne sont pas assez coordonnés entre eux, ils prennent des décisions sans qu'elles soient cohérentes entre elles. Il faut réorganiser, c'est l'objet de la réforme que nous sommes en train de mener avec J.-L. Bianco.
F. Ponchelet : On fait donc du commerce avec ce sang.
B. Durieux : Non, car ce sang est vendu par les circuits propres aux produits dérivés du sang. Ces centres pensent alléger leurs coûts de production de cette manière. Mais ce n'est pas acceptable.
F. Ponchelet : Pourquoi la réforme du CNTS tarde tant ?
B. Durieux : C'est une affaire difficile. La réforme du sang, c'est la réforme d'une industrie, de tout un secteur médical à dimensions sociales. Il faut prendre en compte la dimension européenne, car en 1993, tous les produits doivent circuler librement dans les pays de la CEE. C'est une réforme globale et difficile. C'est pourquoi, contrairement à ce que suggérait cette note du 5 février 1991 de nommer un délégué au fractionnement, j'ai préféré demander deux enquêtes ; l'une à l'inspection générale des affaires sociales et l'autre à l'inspection générale des finances pour avoir une vue d'ensemble d'un problème qui est compliqué. Nous y voyons clair maintenant.
F. Ponchelet : Quand annoncerez-vous la réforme ?
B. Durieux : Nous avons depuis plusieurs semaines, décidé avec J.-L. Bianco d'arrêter nos décisions avant la fin du mois de mars.
F. Ponchelet : Pourquoi avoir renvoyé la copie de l'accord passé entre la CNAM et les médecins ?
B. Durieux : J.-L. Bianco n'a pas renvoyé la copie. Il a écrit au président de la CNAM pour lui dire que le dernier état des choses n'est pas acceptable pour le gouvernement. Il ne permet pas de garantir une régulation suffisante dans le domaine des dépenses de médecine des villes. Les médecins ont peut-être arraché trop de concessions à la CNAM. Ce que souhaite J.-L. Bianco et que j'approuve, c'est qu'on trouve un accord plus efficace sur le plan de la maîtrise des dépenses tout en préservant la qualité des soins et l'exercice libéral de la médecine.