Texte intégral
Q - C'est une bonne idée, ce projet de loi ?
« C'est une mesure qui est utile – je l'ai votée – mais qui, à mon sens, est plus susceptible d'impressionner que de régler les questions, c'est-à-dire faire reculer encore le nombre de morts sur les routes. Parce que, même si le Gouvernement, au cours du dernier comité interministériel de la sécurité routière, a décidé que les policiers et les gendarmes auront un contingent de 10 % d'heures réservés à la surveillance ou au contrôle des routes et des rues, il est tout à fait clair que se faire prendre deux fois, dans une année, à plus de 50 km/h au-dessus de la vitesse réglementaire, il faudra avoir beaucoup de malchance. C'est pourquoi je considère que c'est une mesure qui est un bon affichage, mais qui nécessite encore beaucoup d'efforts. »
Q - C'est-à-dire qu'elle est insuffisante ?
« Oui, elle peut effrayer au premier coup d'oeil. Mais si l'on gratte un peu, je considère que… »
Q - Il faudrait faire beaucoup plus ? C'est cela que vous voulez dire ?
« Tout à fait ! Je pense qu'il faut créer une police et une gendarmerie de sécurité routière. »
Q - Spécifique ?
« Spécifique de façon à ce que, dans ce pays, les gens se comportent plus civiquement au volant. »
Q - Le Kosovo : vous êtes président délégué du Mouvement des citoyens. Vous avez lu un communiqué, hier, demandant la suspension immédiate des frappes de l'OTAN pour permettre l'établissement de la paix dans les Balkans. Est-ce que vous reprenez dans votre bouche les termes mêmes du communiqué de votre mouvement ?
« La guerre des Balkans va bientôt entrer dans son troisième mois. Elle obéit avant tout à une logique impériale, et c'est cela qu'il faut bien comprendre. Même si, évidemment, la situation faite par Milosevic aux Kosovars était tout à fait inacceptable. Mais on voit bien que l'essence même de cette intervention est de donner un rôle à l'OTAN, l'OTAN devant progressivement se substituer à l'ONU. »
Q - Vous revenez d'Albanie où vous avez vu les réfugiés. Cela ne vous a pas fait changer d'opinion ? Il fallait vraiment quelque chose pour éviter l'épuration ethnique menée par Milosevic ! Ne fallait-il pas utiliser la force pour arrêter le bras de Milosevic ?
« Je reviens d'Albanie, et je suis encore plus effrayé à mon retour qu'avant. J'ai vu évidemment les réfugiés. Mais sachez, par exemple, qu'en Albanie à l'heure actuelle il y a 450 000 réfugiés. 300 000 vivent chez l'habitant parce que les familles sont parentes. La situation est tout à fait extravagante puisque ces réfugiés sont des appartements très petits. Dix membres d'une famille albanaise, en moyenne la famille albanaise est de 12 personnes. Ils ne peuvent pas tenir et vivre ensemble. Donc, en ce moment, ces 300 000 vont dans les camps. Ce que j'ai vu dans les camps ce sont les regards de ces enfants terriblement malheureux. Je pense qu'il aurait fallu négocier. Je pense qu'à partir d'une cause juste qui méritait une solution négociée diplomatiquement pour arriver à une décision politique, on a fait une guerre qui, chaque jour, montre ses effets dévastateurs et déstabilisateurs. »
Q - Hier, le Président de la République a rappelé la position française, du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères. Il a dit qu'il fallait continuer les bombardements ?
« Je pense qu'il faut suspendre les bombardements qui ne font qu'augmenter l'exode, c'est-à-dire le départ des Kosovars. »
Q - Il faut donner raison à Milosevic ?
« Il ne s'agit pas de cela du tout ! Il s'agit de trouver une solution politique, car le principe d'une autonomie substantielle du Kosovo à l'intérieur des frontières de la République fédérale yougoslave est acceptée par tous et notamment par I. Rugova. On ne va quand même pas être plus royaliste que les Kosovars ! Maintenant ce qu'il reste à faire c'est de fixer la répartition des forces qui garantiront ce statut entre la Russie, l'OTAN et les pays tiers. »
Q - Est-ce que le ministre de l'Intérieur est toujours membre du Mouvement des citoyens ?
« Il en est le président. »
Q - Il a donc signé, hier avec vous, l'appel de votre mouvement demandant la suspension immédiate des frappes ?
« Vous avez raison de rappeler que j'avais lancé un appel avec des parlementaires européens. Le nombre augmente d'un jour à l'autre. »
Q - J'en reviens au ministre de l'Intérieur.
« Je ne veux pas fuir la question. Hier vous l'avez vu l'Assemblée nationale italienne a voté à la majorité la suspension des frappes. C'est-à-dire que notre initiative rencontre un succès dans de nombreux pays. Et effectivement hier, en tant que mouvement – c'est-à-dire membres de la majorité mais en même temps parfaitement autonomes dans un conflit qui engage l'avenir et la paix dans le monde –, nous nous sommes exprimés clairement, comme nous le pensons, pour rendre service à la majorité et au Gouvernement. Quant à J.-P. Chevènement, il s'est exprimé au début de ce conflit et depuis il n'a pas eu à intervenir. »
Q - Mais on peut le considérer comme cosignataire de votre communiqué ?
« Il n'est pas cosignataire. La direction du Mouvement des citoyens a adopté ce texte à l'unanimité. »
Q - La Corse : est-ce que les Français ne sont pas autorisés, par l'intermédiaire de leurs députés et de la motion de censure, à demander que le Gouvernement s'explique sur une affaire qui concerne les hauts fonctionnaires de l'Etat qui ont fauté ?
« Je considère que la droite dans cette affaire manifeste un grand mépris des intérêts de la République. Que la droite soit, de par la loi, de par la Constitution, autorisée à déposer une motion de censure, bien entendu ! Mais je crains que la droite ne se livre à une opération politicienne, c'est-à-dire une opération qui vise à dévier de l'essentiel. Au lieu d'aller à l'essentiel, on dévie le coup. Ce que je crois c'est qu'ils recherchent une polémique. Eh bien, nous aborderons ce débat la semaine prochaine avec une grande sérénité. Parce que, si on reprend ce qui s'est passé : en 1994, deux réunions de bandes armées. Est-ce qu'il y a eu des suites ? Rien, naturellement ! En 1996, il y a eu une réunion de presse : 600 encagoulés se sont réunis. Le lendemain M. Debré allait sur place : qu'a t-il fait ? Qu'a t-il dit ? Rien ! Toujours pas de poursuites. »
Q - Donc, si les gendarmes ont mis le feu à une paillote c'est la faute de la droite : c'est cela que vous nous dites ?
« Ecoutez, M. Lapousterle ! Je suis en train de vous dire que pendant des années, les poseurs de bombe, les plastiqueurs, les manieurs de couteaux, les fraudeurs, les nationalistes, tous ceux qui ont tourné le dos à la loi ont cru qu'ils étaient en pays conquis. Le Gouvernement actuel a dit : « ce sera l'Etat de droit qui régnera là-bas. »
Q - Est-ce que le préfet ne s'est pas conduit comme en pays conquis ?
« Il y a un dérapage, un dysfonctionnement. La justice s'en occupe. Le Gouvernement a pris les décisions qui s'imposaient. Eh bien, le débat de censure aura lieu, mais je crains que ce soit la politique de l'arroseur arrosé. Nous verrons cela après le débat sur la censure. »
Q - Vous êtes un ancien ministre, vous êtes quelqu'un qui connaît l'appareil d'Etat. Qu'est-ce que vous pensez d'un préfet – B. Bonnet – qui annonce par interview dans la presse que cela va être du sport national, par les confidences qu'il va faire ? Sa femme accorde des interviews, sa fille parle à la presse. Est-ce que vous considérez que c'est sain ?
« Je considère que ce n'est pas dans les usages. Mais il n'est pas classique non plus de voir un préfet de la République en prison. Car, après tout il pouvait très bien être mis en examen. C'était décidé. Et les conditions dans lesquelles tout cela s'est fait, c'est déjà un peu particulier. Moi, ce qui m'importe là-dedans, c'est que la République triomphe, que l'Etat de droit gagne et que la politique du Gouvernement s'applique sans hésitation, qu'elle soit forte, de façon à ce qu'en Corse, comme ailleurs, les lois s'appliquent dans toute leur rigueur. »