Texte intégral
Q. : Est-ce que ce sommet franco-allemand a permis le retour à un climat serein, après la prise de contact un peu musclée à Poitiers en juin dernier ?
R. : Serein, plus que cela, vraiment amical, assez confiant. C’est un cadre particulier. Weimar est une ville marquée par l’Histoire, le meilleur de l’histoire allemande, le romantisme, Goethe, Schiller, le pire aussi, puisque Buchenwald est juste à côté. C’est un sommet à marquer sous le signe de la culture, de la jeunesse, de l’éducation et bien sûr aussi de l’Europe, des décisions économiques qui nous attendent. Je crois que les deux gouvernements ont appris à faire connaissance, et qu’il y a eu des contacts très nombreux qui se sont déroulés depuis Poitiers, qu’on a beaucoup avancé sur les dossiers. Aujourd’hui, j’avoue que les résultats ont été plus importants que ce que j’attendais.
Q. : Alors, justement, le premier résultat concret, c’est la création d’une université franco-allemande ?
R. : Absolument, une université franco-allemande, avec des projets en plus pour l’avenir, comme une académie des sciences. C’est dans le domaine de la coopération éducative, c’était d’ailleurs l’objet de ce sommet, qu’il y a les résultats les plus tangibles. On a aussi avancé sur des sujets plus économiques, ou plus politiques, qui sont ceux de l’Europe de demain.
Q. : On attendait peut-être des avancées dans le domaine de la restructuration des industries européennes de défense, de l’aéronautique également. Alors peut-on parler de résultat ? A-t-on répondu en quelque sorte au défi que nous lancent les Américains ?
R. : Je crois que cette volonté s’est exprimée avec beaucoup de force. Le chancelier Kohl l’a dit, le Président, le Premier ministre aussi.
Les Américains ont procédé à une fusion géante dans le domaine aéronautique cet été, Boeing et Mac Donnell. La Commission s’y est résignée en quelque sorte mais il faut réagir. Les Américains sont nos partenaires mais ils sont aussi nos concurrents. Il est clair que seule l’Europe à l’échelle pour répondre à cela. Et cela vaut pour le domaine aéronautique, pour le domaine spatial, pour le domaine des industries de défense. Manifestement, les Français et les Allemands ont engagé un processus qui doit conduire, je pense, assez vite, le plus vite possible, à des regroupements, au moins à l’échelle franco-allemande, peut-être à l’échelle européenne. Il y a une volonté très claire de faire pièce à cette concurrence.
J’ajoute qu’il y a eu d’autres échanges industriels, comme par exemple en ce qui concerne les télécommunications, si on engage une procédure qui vise à modifier le capital de France Télécom, c’est aussi pour nouer des alliances internationales avec Deutsche Telekom.
Q. : Concernant Airbus en particulier, est-ce qu’il y a maintenant des précisions sur le changement de statut. Est-ce qu’il y a également des décisions de la part de l’aérospatiale, qui permettent une avancée dans ce domaine ?
R. : Je crois qu’on en est pour l’instant encore à l’échange d’informations et de positions mais j’ai compris qu’elles s’étaient beaucoup rapprochées et qu’il n’y avait plus de question taboue. La question, c’est de savoir quel est l’effet du regroupement, c’est là-dessus qu’on travaille. Je crois qu’on travaille sur une vaste ambition.
Q. : L’aérospatiale serait-elle prête à mettre à disposition de l’ensemble, du futur ensemble, son service d’études ?
R. : On verra, je crois que j’ai dit ce qu’on pouvait dire aujourd’hui. Il y a une vaste ambition pour faire pièce à la concurrence américaine et pour faire en sorte que l’Europe dans ce domaine essentiel, l’aéronautique, dans le domaine de la défense aussi, existe vraiment.
Q. : Sur le dossier qui mobilise toutes les énergies aujourd’hui, l’euro, les Français ont fait un pas en avant vers les Allemands, en décidant de réduire le déficit budgétaire à 3 %. Est-ce que les Allemands, de leur côté, se sont rapprochés de vous en ce qui concerne la coordination des politiques économiques ?
R. : C’est clair c’est là que les résultats ont été meilleurs qu’attendus. Le chancelier Kohl, lui-même, a expliqué qu’il y avait des éléments de bon sens qui conduisaient à mettre en commun des informations, à échanger, à avoir une instance qui soit à la fois informelle, mais aussi visible qui réunirait les ministres de l’économie et des finances de la zone euro, non pas face à la banque centrale, mais tout simplement nulle part dans le monde, il n’y a pas d’autorité politique quand il y a une banque centrale indépendante.
Alors, je crois qu’il reste des petites difficultés de style. Quand on en est à rechercher les noms, c’est quand même que le concept a beaucoup avancé. Et c’est la surprise heureuse de Weimar, c’est la reconnaissance par les Allemands de la légitimité d’une autorité économique.
Q. : On y parle de tous les sujets, de politique économique ?
R. : Je crois qu’on a évoqué à peu près toutes les questions, c’est-à-dire la politique budgétaire, la politique fiscale, la conjoncture. Reste le problème du change, et cela aussi, il faudra en parler le jour venu, quand l’euro sera fait. Mais il ne s’agit pas de créer quelque chose qui soit, encore une fois, opposé à la banque centrale, qui soit au-dessus de la banque centrale, mais quelque chose qui soit d’une autre nature, parce qu’il y a un besoin propre de coordination des politiques économiques en Europe. C’est un pas assez énorme qui a été franchi aujourd’hui, en tout cas dans les intentions.
Q. : De notre part aussi, dans la mesure où M. Jospin a affirmé haut et fort la nécessité d’une indépendance de cette future Banque centrale européenne, il y a un changement de philosophie de votre part ?
R. : Pas du tout. Je me rappelle que c’est quelque chose qui a été voté par les socialistes. Donc il n’y a pas d’ambiguïté sur le sujet. Nous avons toujours été favorables à l’indépendance de la Banque centrale. Et qui dit indépendance ne dit pas apesanteur. Quand il y a une banque centrale indépendante, c’est le cas aux États-Unis, c’est le cas en Allemagne, elle a des interlocuteurs politiques, qui ne sont pas au-dessus d’elle, encore une fois, qui ne sont pas contre elle. Il faut en revanche un dialogue. L’indépendance n’est pas l’apesanteur, je le répète et nous reconnaissons tout à fait l’indépendante de la banque centrale. Elle doit aussi avoir des interlocuteurs de nature politique, c’est le cas partout. Quand le chancelier Kohl a fait la fusion mark-Est/mark-Ouest, c’était un geste politique, ce n’était pas un geste de banquier central.
Q. : Est-ce que cela veut dire que vous renoncez, au niveau français en tout cas, à toute influence du politique sur la gestion de la future monnaie européenne ?
R. : Non, d’ailleurs, vous le savez, dans le Traité de Maastricht, les choses sont fixées avec une certaine clarté. Il revient à la banque centrale de gérer tout ce qui relève de la politique monétaire, au jour le jour, de la politique des taux d’intérêt. Le politique, l’autorité politique, c’est le sens de l’article 103, a un sens de coordination, il a aussi un rôle de définition générale du change. Et cela existera, le moment venu.
Q. : Jusqu’à présent, semble-t-il, les Allemands souhaitaient que cette instance se réunisse seulement dans des cas exceptionnels, graves, alors que vous, vous aviez en tête, une réunion régulière ?
R. : Vous savez, il nous reste deux mois pour prendre une décision au Conseil de Luxembourg. Ce que je retiens, c’est qu’aujourd’hui, les Allemands, pour la première fois, ont dit qu’il était légitime d’avoir ce type d’instance. Ils en ont parlé d’ailleurs dans leur conseil des ministres, mercredi.
Je retiens ensuite qu’il y a été dit que c’était certes informel, mais aussi visible. Reste à préciser les modalités, à définir le champ, mais je suis maintenant certain qu’au Conseil de Luxembourg, ceci verra le jour. D’ailleurs, le chancelier Kohl l’a affirmé, c’est quand même quelque chose d’extrêmement important. Ce n’est pas fini, c’est une étape importante.
Q. : À propos de l’emploi, maintenant, est-ce qu’on a le sentiment que les Allemands n’ont pas encore totalement pris à leur compte le fait, à travers cette conférence de l’emploi, qu’on annonce, que ce problème du chômage soit géré au niveau européen ? Est-ce que c’est une idée qu’ils adoptent ou pas ?
R. : Vous savez, j’allais dire : nous non plus. Il n’est pas question de dire que c’est l’Europe qui va résoudre le problème du chômage. Pour le problème du chômage, il faut une meilleure coordination des politiques nationales de l’emploi, et donc elles sont premières. Il faut aussi des politiques européennes, donc il faut les deux en complément, et pas l’une ou l’autre.
Nous ne sommes pas dans une situation où les Allemands diraient : il n’y a que les États qui agissent, et où nous, nous dirions : il n’y a que l’Europe qui agisse. C’est beaucoup plus nuancé. Même si chacun a une petite inflexion différente. Là aussi, il y a eu un rapprochement des positions. D’ailleurs, le chancelier Kohl, a une question qui lui était posée ce matin lors de la conférence de presse, a pu répondre qu’il ne pensait pas que c’étaient les nations seules qui devaient agir en matière d’emploi : et qu’il était d’accord pour qu’il y ait une coordination.
C’est le deuxième chantier. Nous allons travailler ensemble, et là encore, il y a eu une avancée de principe assez importante de nos partenaires allemands, une avancée de principe aussi de notre part, reconnaissons-le ; parce que, vous savez, l’Europe se fait comme cela, par des compromis, et d’abord par le compromis franco-allemand.
Q. : L’autre horizon de l’Europe, c’est son élargissement. En décembre, à Luxembourg, vous devez décider avec combien de pays, vous allez démarrer les négociations. Quel serait le chiffre idéal pour vous ?
R. : J’allais dire, il y a aujourd’hui onze candidats à l’adhésion, plus la Turquie. Et dans l’idéal, nous souhaitons que tous soient sur la ligne de départ. C’est-à-dire que chacun se sente impliqué dans le processus ; qu’il n’y ait pas de fracture ; qu’il n’y ait pas de différences au départ.
C’est pour cela que la France a proposé le concept d’une conférence européenne, qui regrouperait tous ces pays et où on parlerait de tout. En même temps, nous sommes très conscients qu’il y ait des différences entre ces pays, que certains sont plus avancés que d’autres, que la situation, c’est vrai, de la Pologne, de la République tchèque, de la Hongrie, par exemple, justifie que l’on engage avec eux de vraies négociations. Donc, à l’intérieur de ce cadre général, qui est celui de la conférence, on pourrait négocier avec cinq, six, sept pays. Et là-dessus, les propositions qu’a faites la Commission d’ouvrir avec cinq pays, les trois que j’ai cités, auxquels s’ajoutent la Slovénie et l’Estonie, plus Chypre, sont une base de départ. Là-dessus, avec les Allemands, nous n’avons pas de divergence ; nous avons une petite divergence sur le cas turc.
Q. : Justement, est-ce que vous avez progressé, ici, à Weimar ?
R. : On a progressé dans le sens où ce n’est plus un tabou, mais il demeure encore des problèmes.
Vous savez, nous ne considérons pas que la Turquie soit un candidat à l’adhésion immédiate, nous sommes très conscients des problèmes qui existent dans ce pays, problèmes de Droits de l’Homme, problème chypriote, problèmes politiques. Nous en avons parlé d’ailleurs avec beaucoup de franchise avec le ministre des affaires étrangères, quand il est venu à Paris en France il y a une quinzaine de jours.
Mais en même temps, on dit : la Turquie a une vocation européenne ; elle doit être reconnue. Voilà un pays qui est menacé, y compris par des tendances politiques extrêmement sévères, et l’arrimage à l’Europe pour lui est très fondamental. Et donc nous voulons que cela soit reconnu dans le cadre de la conférence pour permettre à la Turquie de progresser et de cheminer avec l’Europe. Les Allemands sont moins chauds, semble-t-il.
Q. : Il y a une autre question qui est très liée à cet élargissement, c’est la réforme institutionnelle, puisqu’on sait qu’aujourd’hui, l’Europe fonctionne relativement mal et qu’elle sera tout à fait bloquée si elle s’élargit encore. Donc, il faut impérativement réformer les institutions. Jacques Chirac en fait un préalable inévitable, a-t-il redit tout à l’heure, avant que l’élargissement entre en vigueur ; les Allemands, eux, ne veulent pas lier les deux ; le chancelier l’a également répété. Est-ce que cela ne sera pas un élément de blocage, vraiment, entre les deux pays ?
R. : De blocage non, mais de débat.
Mais je dirai que c’est la troisième percée de Weimar.
J’ai évoqué l’euro et tout ce qui concerne l’industrie. On peut ajouter d’ailleurs la conférence qui est une semi-percée parce que, jusqu’à présent, les Allemands ne nous avaient pas dit oui formellement. Cette troisième percée, c’est que le chancelier, qui n’est pas exactement, bien sûr, sur notre position, mais il a reconnu que les avancées étaient insuffisantes et qu’il faudrait réformer les institutions. Cela aussi, ce n’était pas clair jusqu’à présent. C’est une position publique extrêmement forte. D’après les Français, les Italiens et les Belges, on dit : il y a un préalable ; et le chancelier dit : je tiens compte de ce préalable, et je considère qu’il faut réformer. On va là aussi mettre en place un groupe de travail.
Q. : Oui et non, parce qu’il a été le premier à dire qu’il faudrait un Maastricht III, c’est-à-dire encore une conférence intergouvernementale, donc il a beau jeu de dire qu’il faudra y revenir ?
R. : On a peu le temps d’en reparler, mais je ne suis pas sûr qu’il faille un Maastricht III pour cela. Finalement, ce sont des réformes à la fois extrêmement limitées, parce qu’il s’agit des institutions, et extrêmement ponctuelles. Il s’agit de la Commission et du Conseil et de l’extension du vote à la majorité qualifiée. Honnêtement, je ne suis pas sûr qu’il faille une nouvelle conférence intergouvernementale globale. Mais surtout, il ne faut pas attendre, parce que les choses sont claires et le président l’a dit, le Premier ministre l’a dit, le ministre des affaires étrangères l’a dit, je le redis ici et maintenant : il n’y aura pas de signature d’un nouveau traité d’adhésion pour la France, s’il n’y a pas eu de réformes institutionnelles.
Q. : C’est-à-dire que vous imposerez votre veto, éventuellement ?
R. : Non, ce n’est pas dans cette situation-là. Nous voulons l’élargissement. D’une certaine façon, ce message s’adresse aussi aux pays qui veulent adhérer. C’est très important. Nous voulons une réforme institutionnelle, à la fois parce que pour les Quinze, il faut que la paralysie ou le ralentissement cesse ; qu’on trouve un nouveau départ. Et nous le voulons aussi pour les pays qui adhéreront, parce qu’ils ont besoin d’avoir des mécanismes de décisions clairs et non pas d’une Union qui soit paralytique. Il ne s’agit pas de les faire adhérer à un espace de libre-échange un peu mou et à une zone dans laquelle il n’y a plus de politique publique. Il ne faut pas que l’Europe se dilue. C’est cela l’enjeu. Et c’est un message que nous irons porter dans les capitales des pays adhérents.
Q. : Est-ce qu’au-delà des Français, des Allemands, des Belges et des Italiens, auxquels vous faisiez référence, les autres pays sont aussi convaincus de cette nécessité ?
R. : C’est sans doute un sujet difficile. Mais vous savez, il y a l’euro d’abord. Je considère la monnaie unique est en train de faire ces dernières semaines des pas de géant. Elle va aller plus vite que prévu et elle va se faire. Et j’espère en plus qu’elle va se faire sur une base large. Quand je lis le document de MM. Lamers et Schaüble, qui sont des parlementaires allemands de la CDU, proches du chancelier, je constate qu’ils parlent de l’Italie. C’est quelque chose de très nouveau. Donc, nous aurons un euro large : c’est la première chose. Il faut que tout soit calé par rapport à cela.
Mais devant nous, il y a deux dossiers extrêmement difficiles qui vont nous occuper pendant des années, qui sont l’élargissement d’une part et d’autre part, la réforme financière de l’Union, qui est un sujet extraordinairement délicat, dont on n’a pas parlé ce matin, parce que, comme le dit le président, c’est prématuré.
Q. : Et pourtant les Allemands sont très désireux de voir leur contribution diminuée ?
R. : Dans cet Agenda 2000, on parle de tout, le moment venu. Mais je ne crois pas que la théorie du « juste retour », vous savez, qu’utilisait Margret Thatcher, soit la bonne théorie. Il faut plutôt voir comment on redéfinit les politiques pour les uns, pour les autres, et l’Union est, avant tout, cela. C’est un ensemble de politiques solidaires. Ce ne doit pas devenir un jeu ou « je te vois, je ne te vois plus, je donne un franc, j’en touche un ». Ce n’est pas ainsi que cela marche.
C’est d’abord un espace communautaire, et les politiques communautaires, ce sont celles-là qu’il faut redéfinir. Après nous verrons qui en bénéficiera ou pas.
Q. : Vous disiez à l’instant un euro large, vous avez l’impression que les Allemands vont accepter que l’Italie en soit ?
R. : J’ai l’impression que c’est une idée qui progresse. Si l’Italie se trouve dans les mêmes conditions macro-économiques que les autres, si elle a respecté elle aussi les déficits publics prévus par le Traité, je ne vois aucune raison qu’on lui refuse. On ne peut pas considérer ce pays, qui fait des efforts fantastiques, comme « le Club Med », comme l’appelaient les financiers dans une approche assez péjorative.
Q. : Et à propos de l’aide financière apportée à ces pays du Sud qui vont adhérer à l’euro, est-ce qu’il faut la remettre en cause ?
R. : Les fonds de cohésion font partie aussi de l’Agenda 2000. On en reparlera. Il y a une interrogation parce qu’on peut se demander si un pays qui adhère à la monnaie unique, qui donc a réussi la convergence, a encore besoin de fonds de cohésion. C’est un objet de débat. Mais on sait qu’ils y sont très attachés et que c’est prévu par le Traité. Encore une fois, il faut tout remettre à plat.
Q. : D’une façon générale, on a vu, à Amsterdam, les Allemands un petit peu refroidis dans leur volonté de faire une Union politique, alors que les Français eux, semblent plus aller de l’avant. Est-ce que vous attribuez cela à des difficultés conjoncturelles, aux élections qui auront lieu dans un an, aux difficultés économiques ? Ou, est-ce que c’est une tendance plus lourde, plus profonde de l’Allemagne, qui maintenant est réunifiée et qui a moins besoin, finalement de l’intégration européenne ?
R. : Non, je ne crois pas du tout cela.
Je crois que l’Allemagne, d’ailleurs cela a été évoqué ouvertement entre nous, est dans une année préélectorale, dans un climat assez tendu, où l’Europe est un enjeu, extrêmement fort, et qui pèse sûrement.
Deuxièmement l’euro, pour l’Allemagne, c’est un choix assez essentiel, pas évident. On leur demande, finalement, de renoncer au mark. C’est un intérêt pour la France. C’est une demande de la France. Et donc, il y a dans l’opinion, des flottements, des incertitudes, etc. J’ai la certitude qu’il faut d’abord faire l’euro. Faire l’euro va créer un mouvement fédérateur dynamique extrêmement fort, et sur cette base, nous pourrons, je crois, avoir une relance politique, dès lors que les Allemands ont fait l’euro et puis franchi leurs élections législative.
Nous retrouverons cette dynamique. Mais j’observe quand même que Weimar est un assez franc succès avec quelques avancées nettes. Je lisais la presse avant d’y aller. J’avais d’ailleurs des dossiers devant moi et honnêtement, je pensais que cela aurait plus un aspect rhétorique, pédagogique. Or nous débouchons sur les procédures de travail, sur des résultats, et sur des positions communes assez proches, et en plus sur un climat extrêmement assaini. Que demander de plus ?
Tout de même, j’étais très sensible pendant la conférence de presse, dans un climat assez solennel, à l’appel du chancelier, du président, du Premier ministre, aux responsabilités particulières que les Français et les Allemands partageaient. Est-ce que cela veut dire que l’heure est grave ?
Non, cela veut dire simplement que les Allemands et les Français, qui ont pu avoir à un moment donné, j’utilise la métaphore du couple, la tentation de faire chambre à part, sont à nouveau conscients que c’est du couple franco-allemand que tout part en Europe, c’est un nouveau départ. Vous savez, sans doute, l’arrivée d’un nouveau gouvernement a-t-elle pu surprendre. Il fallait se connaître, apprendre à se connaître ; il y avait des préjugés, pas toujours favorables. On a appris à se connaître, à travailler ensemble et maintenant, cela fonctionne.
Et donc, comme le disait le chancelier ce matin, dans la réunion plénière, ce qui fonde, finalement, la force de la relation franco-allemande, c’est sa normalité. Nous sommes redevenus dans la normalité. C’est autour de la France et de l’Allemagne que se bâtit l’Europe et qu’on essaie de redonner une impulsion. C’est ce qui s’est fait aujourd’hui.