Texte intégral
France 2 - Vendredi 12 septembre 1997
France 2 : On vous surnomme parfois « MGB » ? Est-ce un nom de code que l’on emploie ?
M.-G. Buffet : Très rarement.
France 2 : Alors on va garder le « Marie-George Buffet ». Vous êtes notre invitée pour parler de la fête de L’Humanité. Vous avez inauguré hier l’exposition Aragon. Demain, vous allez participer à un débat entre femmes. Communiste, féministe – on a dû vous poser cent fois la question et ce sera la cent-et-unième – ne vous sentez-vous pas un peu atypique dans ce monde ?
M.-G. Buffet : Non, je crois que cela se marie très mal. Si le communisme, c’est penser une société d’hommes et de femmes libres et égaux, si le féminisme c’est faire en sorte que chaque individu, dans sa différence, soit respecté et reconnu, je trouve que communisme et féminisme se conjuguent de façon très moderne aujourd’hui.
France 2 : Y. Arafat participera en duplex à la fête de L’Humanité. Hier, H. Védrine a dit que la politique de Netanyahou était catastrophique au Proche-Orient. De ce point de vue, on peut dire que la France et le Gouvernement ont choisi leur camp. On est plutôt côté palestinien, non ?
M.-G. Buffet : Je crois surtout que la France choisit le camp du processus de paix et qu’une politique qui a remis en cause ce processus de paix, automatiquement, alimente les tensions. Il faut tout faire pour que, dans cette région, le processus de paix reparte. Il a trop de vies humaines en cause.
France 2 : Et ce duplex avec Arafat, cela va donner quoi ?
M.-G. Buffet : Cela va être un moment extrêmement fort de la fête de L’Humanité puisque cela va être un dialogue et je pense que cette prise de parole de Y. Arafat va être une prise de parole tournée vers le retour à la paix.
France 2 : On a vu que la Coupe du monde de football commence avec les premières ventes de billets par tirage au sort, bientôt. Comment allez-vous vivre cette préparation et cette Coupe du monde de football ?
M.-G. Buffet : Nous avons fait le point avec le Comité français d’organisation la semaine dernière. Tout se présente bien. Il y a un tel afflux pour les billets, qu’il a fallu trouver des solutions pour qu’il n’y ait plus de combines et que chacun ait vraiment droit à sa place. Mon souci maintenant est de donner une plus grande visibilité à la Coupe du monde, que cela devienne un grand événement populaire. Donc, nous sommes en train de faire le point de toutes les animations prévues par les villes, par les conseils généraux, par le CFO, par le ministère. C’est plusieurs centaines d’événements culturels, sportifs, qui vont avoir lieu à l’extérieur des stades et nous allons certainement faire une brochure pour annoncer toutes ces initiatives. On va même pouvoir mettre dans les villes, qui accueillent les matchs, des grands écrans qui vont permettre aux gens, et notamment aux jeunes qui n’ont pas pu avoir accès au stade, d’être vraiment partie prenante de cette grande fête planétaire.
France 2 : Vous avez assisté, hier, à la rentrée scolaire dans un lycée de Seine-Saint-Denis. Que pensez-vous de la polémique lancée par C. Allègre sur les stages de formation des profs ? A-t-il raison ou tort ?
M.-G. Buffet : Écoutez, je crois que – Monsieur le ministre de l’éducation nationale l’a dit, hier soir – il faut maintenant se mettre autour d’une table et discuter de tous ces problèmes. Je crois que c’est la meilleure solution.
France 2 : Allez-vous participer à cette discussion ?
M.-G. Buffet : Non, c’est de la responsabilité du ministère de l’éducation nationale. Je suis allée à la rencontre des lycéens d’un lycée de Stains parce que c’est ma circonscription et parce que je voulais beaucoup discuter avec les jeunes lycéens. Et puis, j’ai rencontré aussi une cinquantaine de jeunes qui, pour l’instant, n’ont pas encore reçu une affectation dans un lycée. Donc, on va essayer de voir comment on peut aider à ce qu’ils puissent très rapidement rentrer.
France 2 : Est-ce que, comme votre prédécesseur à ce poste, vous allez vous intéresser au rythme scolaire parce que c’est des grands débats en France ? Quelles sont vos intentions à ce propos ?
M.-G. Buffet : Le ministère de la jeunesse et des sports, depuis plusieurs années, expérimente des initiatives avec les collectivités locales, les associations, pour donner aux enfants un rythme de vie avec des pratiques sportives et artistiques. Pour ma part, j’ai décidé de continuer ces expériences mais je pense que la vie de l’enfant, c’est la vie dans l’école et hors l’école. Donc, il faut réfléchir en commun, éducation nationale et jeunesse et sports, pour offrir une réponse cohérente. Nous avons donc décidé avec S. Royal de mettre en place un groupe de travail commun qui se réunit pour la première fois aujourd’hui, pour essayer de réfléchir durant cette année à une réponse globale, qui permettra que ces activités culturelles et sportives soient dans l’école et à l’extérieur de l’école.
France 2 : Vous allez participer évidemment au plan emplois-jeunes. On a vu depuis hier qu’il y a des demandes considérables qui arrivent dans tous les rectorats. En ce qui concerne le ministère de la jeunesse et des sports, qu’allez-vous proposer aux jeunes ?
M.-G. Buffet : Nous avons réuni ensemble des fédérations sportives et les grandes associations d’éducation populaire et de jeunesse. Elles s’engagent d’une façon très déterminée sur ce plan emplois-jeunes. Nous allons d’ailleurs très prochainement signer une convention cadre avec le Comité national olympique. Je pense que l’on peut aller vers plusieurs milliers d’emploi, peut-être 8 000 emplois d’ici 1998.
France 2 : Pour la jeunesse et les sports ?
M.-G. Buffet : Voilà. Alors, des emplois qui sont des emplois d’encadrement, de médiation sociale, d’animation, de gestion.
France 2 : À qui faut-il s’adresser pour cela ?
M.-G. Buffet : Il faut d’abord bien dire aux jeunes que, pour l’instant, la loi va entrer en discussion au Parlement lundi.
France 2 : Ce n’est donc pas la peine de vous écrire demain pour se proposer ?
M.-G. Buffet : Non. Cette loi va être discutée et j’espère qu’elle va encore être améliorée. Ensuite, en ce qui concerne mon ministère, nous avons signé des conventions avec les fédérations sportives et associatives et c’est elles qui vont embaucher. Donc, je pense qu’il faut dire aux jeunes, pour qu’il n’y ait pas de déception, qu’il faut peut-être attendre début octobre, vers le 15 octobre, pour que cela se concrétise réellement.
France 2 : Sur la politique gouvernementale et le budget, vous avez dit qu’il fallait faire attention en ce qui concernait les gardes à domicile et que les avantages fiscaux ne profitaient pas forcément aux ménages les plus aisés. Alors, là encore, c’est un peu inattendu dans votre bouche.
M.-G. Buffet : Je pense qu’il faut faire attention. C’est vrai que la garde à domicile a surtout été utilisée par des familles assez aisées mais d’autres familles, qui n’ont pas trouvé de solution par les crèches, ont utilisé ce moyen. Je pense qu’il ne faut pas les pénaliser mais je crois que c’est dans ce sens…
France 2 : C’est la féministe qui parle peut-être, là ?
M.-G. Buffet : Oui mais je crois que c’est le bon sens aussi. Je pense que le Gouvernement va d’ailleurs arbitrer en ce sens.
L’Humanité: 2 octobre 1997
L’Humanité : Quatre mois après les élections, le round d’observation est écoulé. Cela se passe comment au sein du « gouvernement pluriel » ?
Marie-George Buffet : Le Gouvernement n’a pas connu de round d’observation. Ni d’état de grâce. Il est face à des attentes et d’est mis au travail. Les hommes et les femmes qui ont porté ce gouvernement jugent son action au fur et à mesure des décisions qu’il prend. Certaines sont bien accueillies comme le plan emplois-jeunes. D’autres provoquent des interrogations, voire du mécontentement. Mais ce qui continue de caractériser le rapport de l’opinion à ce gouvernement, c’est son état de lucidité, c’est la demande de réponses rapides aux problèmes les plus sensibles. En cela, c’est différent d’autres périodes passées.
L’Humanité : Et sur le plan plus personnel ?
Marie-George Buffet : Je mesure qu’être ministre, c’est être confrontée en permanence à la nécessité du passage des paroles aux actes, et des propositions aux décisions. Ce passage n’est pas facile et les obstacles ne manquent pas. Mais ces quatre mois d’expérience me font dire que ce qui pousse dans la société à faire du nouveau est bien plus fort que les obstacles. Être ministre, du moins c’est comme cela que le vis, c’est régler le quotidien et penser à l’avenir. L’un n’a de sens que par l’autre. C’est aussi, à partir de contacts et de rencontres formidables, la confirmation d’une profonde aspiration à modifier le rapport au pouvoir et à la politique. De ce point de vue, je crois que l’existence de débats d’idées au sein du gouvernement, avec l’expression ouverte de différence, n’est pas vécue comme une mauvaise chose, au contraire. La pluralité de la gauche a été un atout pour battre la droite, elle le reste pour gouverner.
Cette culture de débat existe aussi au sein du PCF et cela se manifeste dans les décisions prises par ce gouvernement…
Ça, ce n’est pas tout à fait nouveau. La préparation du congrès du PCF avait noté cette très forte envie d’exprimer son opinion, d’échanger et de confronter des idées. C’est devenu un élément identitaire du parti. On l’a vu pour la décision d’entrer ou non au gouvernement. Trois jours de débat, sans que cela créée de clivages.
L’Humanité : Justement, les communistes ont débattu l’autre week-end du sport. Et ils ont donc été confrontés au 0,20 % du budget de la jeunesse et des sports. Certains ont souligné l’inversion de tendance, en matière d’emplois notamment, d’autres ont marqué leur insatisfaction. Comment réagit l’adhérente du PCF ?
Marie-George Buffet : Dans mes multiples rencontres avec des sportifs, des bénévoles, des responsables d’associations, des élus locaux, il est souvent question de l’insuffisance du budget de la jeunesse et des sports. C’est légitime. Il y a beaucoup d’attentes d’initiatives fortes en direction de la jeunesse, beaucoup d’espoir que les clubs sportifs retrouvent un nouveau souffle. Le projet de budget 98 est intéressant parce qu’il va permettre de marquer une rupture. La construction du Stade de France étant terminée en 1998, nos moyens d’actions vont augmenter de 4,7 %. Cela va permettre une meilleure intervention dans le soutien à la vie associative, aux projets jeunes, au mouvement sportif, et en particulier, à la lutte contre le dopage. J’ajoute que pour la première fois depuis longtemps, ce ministère va créer des emplois.
L’Humanité : Le poids économique du sport est évalué autour de 65 milliards de francs, les collectivités contribuent à hauteur de 22 milliards. Le budget de l’État est de 3 milliards et dans le même temps, un rapport officiel montre qu’en 1992-1994, les collectivités ont diminué de 1 milliard leurs dépenses pour le sport. Quels moyens d’intervention avez-vous dans ce contexte ?
Marie-George Buffet : L’action du ministère ne se réduit pas aux subventions qu’il distribue, même si leur niveau compte. Nous avons une responsabilité publique. Pour ma part, j’ai la volonté de redonner au sport tout son sens social et citoyen, sa solidarité et son éthique. Par exemple, je pense que le sport doit impérativement maîtriser son rapport à l’argent. Je crois également que cette maîtrise se passe par une cohésion entre sport professionnel et sport amateur, au sein d’une même structure fédérale, pour que l’un et l’autre se côtoient, se conjuguent et se nourrissent. La décision d’entreprendre une modernisation de la loi de 1984 relève précisément de cette responsabilité politique, en partenariat avec le mouvement sportif. Pour ce qui est de la jeunesse, je crois beaucoup à la nécessité d’un ministère interlocuteur des jeunes sur tout ce qui les concerne. Non pas pour parler à leur place, mais pour relayer leurs paroles et construire avec eux les réponses aux problèmes qu’ils posent.
L’Humanité : Ce n’était pas une habitude de ce ministère-là ?
Marie-George Buffet : C’est vrai et il faut un rééquilibrage. Je me considère, de la même manière, comme ministre de la jeunesse que comme celle des sports. Ce qui n’enlève rien au fait qu’il y a, dans le sport, de grands chantiers à ouvrir.
L’Humanité : Concrètement, en quoi consiste le travail interministériel pour la jeunesse ?
Marie-George Buffet : Concrètement, cela consiste à entendre les jeunes sur un problème précis, et à travailler à y apporter des réponses avec tous les ministères concernés. C’est d’ailleurs ce qui m’a conduite à inviter tous les membres du gouvernement à la Rencontre nationale de la jeunesse des 29 et 30 novembre. Plusieurs ont déjà annoncé leur participation, à commencer par le Premier ministre.
L’Humanité : Cela peut déboucher sur quoi ?
Marie-George Buffet : J’avoue avoir hésité. Nous aurions pu envisager un grand projet de loi d’orientation sur la jeunesse, comportant notamment l’affirmation d’une série de droits. Le risque, avec cette démarche, aurait été de renvoyer à plus tard des solutions concrètes. J’ai donc préféré fixer pour objectif l’adoption, en 1998, d’une série de mesures immédiates sur des problèmes précis. Les premières rencontres avec les jeunes me confortent dans ce choix. Leur plus grande attente à notre égard est que l’on facilite leur volonté de s’en sortir.
L’Humanité : Par exemple ?
Marie-George Buffet : Prenons le logement. Si l’on se contente du dispositif actuel d’attribution de logements sociaux, les jeunes ne sont jamais considérés comme prioritaires. Il faut donc imaginer l’adoption de mesures spécifiques. De façon générale, une bonne loi ne bénéficie aux jeunes que si elle comprend un volet les concernant.
L’Humanité : Votre rôle serait une sorte de vigie ?
Marie-George Buffet : Pourquoi pas ? Mais pas une vigie solitaire. C’est pourquoi, après ces rencontres, je proposerai de mettre en place un conseil permanent pour continuer de travailler ensemble et assurer un suivi des mesures qui auront été prises.
L’Humanité : Et le plan emplois-jeunes ?
Marie-George Buffet : Les choses ont très rapidement bougé sur la perception de ce plan. Je pense que ce dispositif est vraiment en rupture avec ce qui se faisait jusqu’à présent. La rupture tient d’abord à la perspective d’un emploi sur cinq ans, que l’on veut pérenniser.
Cinq ans ! Imagine-t-on bien ce que représente cette durée chez les jeunes dont l’expérience de travail se compte en semaines, en mois, et dans le meilleur des cas, sur un an ? La durée est un élément essentiel parce qu’il s’identifie à la possibilité de commencer à construire une vraie vie. J’ai d’ailleurs rencontré des salariés, des syndicalistes, qui intègrent cette donnée et se servent du plan emplois-jeunes comme d’un levier à l’emploi durable, à la formation, à la reconnaissance des qualifications.
L’Humanité : Concernant la question des « rythmes scolaires » qui fut un cheval de bataille de votre prédécesseur, que va-t-il se passer ?
Marie-George Buffet : Lorsque je suis arrivée au ministère, on m’a gentiment conseillé d’arrêter les sites pilotes. J’ai préféré prendre le temps de regarder, d’écouter, de consulter. Quel est le constat ? Les expériences menées sont souvent très riches. Dans la majorité des cas, le fait de pouvoir accéder à des activités sportives et culturelles dans le cadre de la journée scolaire est vécu de manière positive par les enfants, les enseignants, les parents. Pourquoi aurais-je dû arrêter cela ? Par contre, nous nous trouvons dans une situation assez paradoxale qui consiste à vouloir aménager les rythmes scolaires en dehors de l’éducation nationale ! Il faut donc sortir d’une confrontation assez stérile, avancer une réflexion et un projet qui prenne en compte les rythmes de vie de l’enfant tout au long de sa journée, à l’école et en dehors de l’école. Avec Claude Allègre et Ségolène Royal, nous avons donc mis en place un groupe de travail interministériel qui formulera des propositions à partir d’une approche globale de cette question.
L’Humanité : Revenons au sport. Vous mettez en chantier une nouvelle loi sur le sport. Pourquoi ?
Marie-George Buffet : Je parle rarement d’une nouvelle loi d’orientation sur le sport, parce que je crois que, dans ses fondements, la loi de 1984 reste d’une grande actualité, en particulier dans la façon dont elle positionnait le sport comme un service public. Mais nous ne sommes plus en 1984. Des choses ont été profondément bousculées. La nouvelle donne, c’est notamment cet afflux sans précédent d’argent privé dans l’élite professionnelle.
L’Humanité : Peut-on résister à cette marchandisation du sport, avec toutes les dérives que cela entraîne ?
Marie-George Buffet : Oui, j’en ai la conviction, mais à condition de ne pas se tromper de combat ou d’époque. Le principal danger ne vient pas du risque de professionnalisation du sport de haut niveau, mais d’une professionnalisation échappant à toute responsabilité publique, pour être accaparée par des circuits commerciaux pour qui l’argent passerait avant le respect des règles sportives, de l’individu, de sa santé, de son intégrité.
L’Humanité : Comment redéfinir une mission de service public du sport dans un contexte de marchandisation accélérée ?
Marie-George Buffet : Que les choses soient claires : il n’y a pas trop d’argent dans le sport. Au regard des besoins de clubs, des besoins d’encadrement et d’équipements, le sport manque d’argent. Le fait que le sport de haut niveau soit en partie financé par de l’argent privé, n’a rien de scandaleux ou de choquant en soi, tant que les logiques mercantiles ne prennent pas le dessus sur les règles et l’éthique sportives. La nouvelle loi devra donc délimiter un cadre et des garanties suffisantes. Je pense en particulier aux rapports entre sport et médias. Voilà un couple inséparable, mais qui a certainement besoin d’évoluer.
L’Humanité : Dans quel sens ?
Marie-George Buffet : Il nous faut réfléchir à ce qu’une partie de l’argent qui émane des droits de retransmissions télévisées des compétitions sportives, bénéficie davantage aux petits clubs, aux actions d’insertion sociale par le sport et au développement des disciplines moins médiatisées. C’est une piste de réflexion sur laquelle travaille actuellement le groupe chargé d’avancer une série de propositions qui serviront de base à la modification de la loi. L’autre aspect de notre démarche est de veiller au droit à l’information, c’est-à-dire, du libre accès de toute la presse à un événement sportif, condition pour le droit à l’information de chaque citoyen.
L’Humanité : N’y a-t-il pas également urgence dans la lutte contre le dopage ?
Marie-George Buffet : J’ai indiqué, dès mon entrée en fonction, que la lutte contre le dopage serait une priorité de mon action. D’autres l’ont dit avant moi. La différence ne peut donc se mesurer qu’aux actes. Dans le projet de budget 1998, nous proposons de consacrer 6,5 millions de francs à cette action. Nous allons agir dans trois directions : le développement de la recherche, une meilleure prévention, et un véritable suivi médical du sportif. Lorsque je parle de prévention, cela implique toute une réflexion sur les raisons qui peuvent conduire à prendre des produits illicites : surentraînement, sur-compétition, non-respect des arrêts dus à des blessures, etc. Nous réfléchissons également à une mise en place d’une structure de lutte contre le dopage, totalement indépendante, y compris du ministère.
L’Humanité : Autre dossier, la gestion des fédérations sportives qui, pour certaines, se font montrer du doigt ?
Marie-George Buffet : Elles sont très peu nombreuses. Elles doivent faire l’objet de vigilance, de rigueur, et, croyez-moi, je m’y emploie. Mais ces quelques cas ne doivent pas masquer le fait que, dans sa très grande majorité, le mouvement sportif est animé par des gens dévoués, bénévoles, honnêtes.
L’Humanité : Le football professionnel se plaint de la fuite des joueurs. Guy Drut avait prévu un statut fiscal privilégié pour les retenir. Où en est-on ?
Marie-George Buffet : Le départ à l’étranger, et principalement en Italie et en Espagne, des meilleurs footballeurs n’est pas un phénomène français, mais européen. Cet exode a touché chaque football national par vagues successives. Les causes en sont multiples et il faut éviter de les simplifier. Il en est un en tout cas sur laquelle nous devons agir. Il n’est en effet absolument pas normal que les grands clubs européens ne soient pas soumis aux mêmes règles de gestion. Actuellement, de grands clubs italiens ou espagnols, peuvent continuer de s’offrir certains transferts records alors qu’ils sont surendettés. Le système de contrôle de gestion des clubs professionnels mis en place en France par la Ligue de football, et qui a permis d’assainir la situation, devrait s’étendre à l’ensemble du football professionnel européen. Je vais rencontrer, le 8 octobre prochain, mon homologue luxembourgeois qui préside actuellement l’Union européenne, pour défendre cette proposition et demander l’ouverture d’un débat sur ce point précis.
L’Humanité : Comment se présente la Coupe du monde en France ?
Marie-George Buffet : Plutôt bien sur le plan de la rénovation des stades et du déroulement de la compétition. Sous l’impulsion de Michel Platini, Fernand Sastre et Jacques Lambert, le comité d’organisation fait du bon travail, avec le souci d’avoir une Coupe du monde conviviale, populaire, tournée vers la jeunesse. J’ai envie de le dire tout particulièrement à « L’Humanité » avec beaucoup de conviction : cet événement est une chance pour la France. Pas seulement en raison de ses retombées économiques, ce qui n’est déjà pas négligeable. C’est une chance car, à travers le plus populaire des sports de la planète, s’exprime un rassemblement des peuples, des cultures, et nous aurons la fierté d’accueillir, pour la première fois dans cette compétition, la participation de la nouvelle Afrique du Sud. Quant à l’aspect mercantile d’un tel événement, qui peut choquer et qu’il ne faut pas nier, la meilleure manière d’y résister, c’est justement de ne pas laisser la Coupe du monde aux seuls marchands du stade, d’investir l’événement, de lui donner du sens, d’y faire souffler les valeurs de citoyenneté, de solidarité, d’ouverture au monde. C’est ma démarche. Pour que personne ne soit exclu de la fête, j’ai décidé de dégager 15 millions de francs pour le financement d’animations sportives et culturelles, autour de la Coupe du monde.
L’Humanité : Mais, tout le monde n’entrera pas dans les stades…
Marie-George Buffet : Croyez-moi, il y aura beaucoup de monde dans les stades. Il est quasiment certain que les 2,5 millions de billets disponibles seront vendus. Et, contrairement à certaines idées reçues, le principal problème auquel est confrontée l’organisation n’est pas celui du prix des places, mais de leur nombre insuffisant. En outre, il faut savoir qu’un billet sur cinq coûte 145 francs, qu’un quart des acheteurs a moins de vingt-cinq ans, et qu’une majorité d’entre eux sont des ouvriers, des employés, des gens modestes. J’ajoute que le ministère a décidé d’attribuer un certain nombre de places à des jeunes qui vont s’impliquer dans des projets associatifs.
L’Humanité : Le Stade de France aura-t-il une vie après le Mondial ?
Marie-George Buffet : Le stade est magnifique et personne ne comprendrait qu’il ne soit pas utilisé à plein. La nécessité d’un club résident apparaît de plus en plus évidente. Rien n’est encore décidé. Mon souci est de contribuer à une solution qui assure au stade sa vocation sportive et préserve les finances publiques.
L’Humanité : Alors le PSG ?
Marie-George Buffet : C’est la solution la plus réaliste, la plus porteuse, et je penche dans ce cas. Mais c’est au club que revient la décision.