Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur le logement des personnes défavorisées, Arras le 23 septembre 1997.

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Circonstance : Déplacement dans le Pas-de-Calais le 23 septembre 1997 pour la signature d'une convention triennale d'objectifs pour l'accès au logement des personnes défavorisées

Texte intégral

C’est un plaisir non dissimulé que de revenir dans votre région, et particulièrement, dans le Pas-de-Calais

La dernière invitation déjà conjointe à l’époque, émanait du conseil général et de la préfecture pour parapher la charte départementale de prévention des expulsions initiées dans votre département. J’étais à l’époque président du haut comité pour le logement des défavorisés et je n’avais pu honorer cette invitation.

Je reviens aujourd’hui comme secrétaire d’État au logement et je m’en réjouis, d’autant qu’il s’agit de ma première visite de terrain en province.

De nouveau, le Pas-de-Calais démontre son dynamisme et sa solidarité, inscrites dans notre histoire et cette convention triennale d’objectifs pour l’accès au logement des personnes défavorisées est un témoignage d’une volonté et d’un partenariat que je ne peux que saluer.

Durant les visites de la matinée et lors de la table ronde, j’ai découvert avec plaisir des acteurs fortement engagés sur l’accès au droit au logement qui avait motivé la loi du 31 mai 1990.

Vous avez su saisir avec intelligence et pragmatisme les outils que cette loi mettait à votre disposition.

Les expériences et témoignages entendus ce matin dans la réunion de travail démontrent à l’évidence que de nombreux interlocuteurs se sentent concernés et motivés.

Je voudrais saluer ici plis particulièrement :

- les élus du conseil général et son président Roland Huguet, qui ont entrepris des démarches actives et apportent une contribution forte aux engagements de solidarité dans un département qui n’a pas été épargné par les crises industrielles et pour qui l’action sociale est une priorité ;
- les élus des communes, maires, adjoints et conseillers qui ont opté pour l’acceptation d’une mixité dans le peuplement de leur territoire avec l’attention particulière qu’exige le public le plus défavorisé, de plus, des amorces d’intercommunalité m’ont été évoquées et il semble qu’il s’agit bien là d’une orientation positive fondamentale ;
- le secteur associatif que j’ai trouvé particulièrement dynamique et inventif qu’il s’agisse de cette agence immobilière à vocation sociale tout à fait pertinente, issue d’un regroupement d’associations caritatives, d’insertion. Des actions de sous-location ou d’hébergement provisoire des ménages démunis et, bien sûr, de l’accompagnement social que les associations, par leur proximité, leur disponibilité, mais aussi leur « professionnalisme », sont seules en mesure d’en assumer pleinement la fonction ;
- le secteur HLM, parfois beaucoup critiqué parce qu’il ne peut répondre à toutes les demandes, démontre ici par l’engagement signé ce jour, qu’il peut dépasser le stade « définitif » face à toutes les pressions extérieures pour s’inscrire résolument et intelligemment dans un processus concerté d’objectifs chiffrés, localisés et inscrits dans un plan départemental en constante adaptation et évolution.

Les caisses d’allocations familiales qui ont accepté au-delà de la gestion financière du fonds de solidarité de participer aux différentes instances mises en place et d’y apporter leur contribution dans leur champ de compétence.

Je terminerai par les services de l’État qui, sous l’autorité de M. le préfet bien sûr, démontrent ici que le rôle de garant de l’État n’est pas incompatible – bien au contraire – avec l’instauration d’un réel partenariat, d’une négociation ouverte et d’un dialogue permanent et je m’en réjouis puisque telle est ma conception de leur fonction.

Comme vous le savez, une loi de prévention et de lutte contre les exclusions est en préparation. Le volet logement de cette loi sera important et marquera la volonté du gouvernement de traiter de façon globale, les personnes exclues mais aussi d’œuvrer en amont pour éviter aux ménages fragilisés ou précarisés de basculer dans l’exclusion.

Il nous faudra donc inclure dans ce projet de loi ces deux aspects, en différenciant d’un côté les personnes ou familles à faibles ressources mais capables d’autonomie, qui ont droit à un logement de droit commun décent, indépendant, adapté à leurs besoins et de s’y maintenir avec l’aide financière de l’État.

Et de l’autre côté, les personnes ou familles cumulant cette insuffisance de ressources avec d’autres difficultés d’intégration sociale, ces familles, ont droit dans le respect de leur dignité, à des aides de la collectivité, adaptées à leur situation spécifique pour accéder à un habitat adapté à leur besoin d’insertion, à un accompagnement social leur permettant d’y être accueillies et de s’y maintenir jusqu’à ce qu’elles soient aptes à former un projet personnel ou familial rendant possible leur accès à un logement autonome de droit commun.

Cette définition précisée, il nous faudra trouver des montages financiers permettant de produire des logements à loyers réduits, adaptés d’une part aux ressources limitées mais aussi à la spécificité des situations des personnes et des ménages en cause (grandes familles, comportement social difficile, difficultés d’intégration…).

Nous nous employons dans le cadre de la loi de finances à créer ce financement pour un habitat qui ne soit pas stigmatisant et qui permette l’adaptation à l’évolution sociale, familiale et personnelle des ménages. Une réflexion avec l’union des HLM, dont je salue ici le représentant, est engagée sur ces aspects de production de logements avec des loyers compatibles avec des ressources modestes.

Le parc HLM ne doit pas être le seul concerné si nous voulons garder des villes ouvertes, brassant toutes les couches de population.

Le ministère travaille actuellement à l’élaboration d’un statut du bailleur privé où il permettrait de concentrer les aides fiscales et financières aux bailleurs qui accepteraient, en contrepartie, de modérer les loyers.

Si l’accès au logement doit être indiscutablement amélioré en termes d’offres, il nous faut aussi réfléchir au maintien dans le logement.

Je vois trois aspects fondamentaux :

- une meilleure solvabilisation des aides au logement. Vous savez que Monsieur Jospin a annoncé lors de son discours de politique générale l’actualisation et la revalorisation du barème d’aides à la personne qui étaient quasiment gelées depuis 4 ans. Le projet de loi de finances devrait prévoit une actualisation en 98. Quand on sait que 94 % des ménages bénéficiaires ont des ressources inférieures au Smic et 54 % entre le RMI et le smic, on mesure mieux l’impact de ces décisions ;
- l’augmentation de dotation du fonds de solidarité logement. Ce fonds a fait la preuve de son efficacité quand tous les acteurs s’engagent à le rendre performant et j’ai cru comprendre que c’était le cas dans le Pas-de-Calais, mais il faut en augmenter sensiblement les moyens. La loi de finances devant prévoir une augmentation de la part de l’État, nous cherchons actuellement d’autres partenaires pouvant apporter leur contribution. Les fonds sociaux des Assedic et des CAF devraient abonder le fonds très prochainement ;
- 3e aspect, la prévention de l’expulsion :
Notre objectif est de traiter les difficultés en amont du jugement au tribunal.

Une saisine systématique des instances du fonds de solidarité logement permettrait d’apporter au juge des éléments d’information indispensables à la connaissance du dossier et à sa prise de décision.

Nous ne souhaitons pas toucher, bien sûr, au droit de propriété mais seulement intégrer une procédure préventive, conforme à la loi du 31 mai 90, permettant d’éviter pour les ménages en situation de pauvreté ou de précarité, un passage devant le juge et une résiliation de bail, voire une expulsion toujours traumatisante pour une famille et insatisfaisante pour les propriétaires qui ne récupèrent pas leurs loyers.

Nous travaillons avec le ministre de la justice et celui de l’intérieur pour transcrire nos orientations dans ce projet ainsi que sur l’objectif d’une offre d’hébergement ou de relogement pour les ménages de bonne foi mais très démunis qui doivent quitter leur logement actuel pour incompatibilité entre le logement et les ressources.

L’exemple de la charte de Pas-de-Calais devra être repris et étendu dans tous les départements pour mettre – comme vous l’avez fait – tous les partenaires concernés, du bailleur au ménage, en passant par les huissiers, les services sociaux et les services administratifs, autour d’une table.

J’envisage qu’un représentant de l’État soit désigné dans chaque préfecture pour être le correspondant sur ce dossier regroupant, outre la prévention de l’expulsion, le suivi du contingent préfectoral, le suivi du plan départemental et du FSL et l’octroi du concours de la force publique.

On m’a présenté ce matin les expériences du Pas-de-Calais, site pilote sur la prévention des coupures d’énergie et d’eau. Je compte m’inspirer de l’évaluation et des réflexions autour de telles expérimentations pour étudier leur inscription dans la loi.

D’autres éléments du volet logement du projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions devraient être intégrés tels que la réforme des attributions en négociation actuellement avec le monde HLM.

Le soutien à la médiation locative telle que l’AIVS et les associations rencontrées ici à Arras.

Concernant la mobilisation du parc vacant, nous étudions les possibilités de mobiliser activement le parc disponible sans ou avec peu de travaux qui permettront d’accroître considérablement l’offre de logements.

J’ai beaucoup apprécié les différents contacts de cette matinée qui se poursuivra par une visite cet après-midi, les observations, remarques, recommandations. Elles seront autant d’apports dans l’élaboration de ce projet de loi et je souhaite ici vous encourager dans la voie entreprise, marquée de la volonté, du pragmatisme, de la souplesse, dont vous avez su et saurez faire preuve pour que le droit au logement soit une réalité pour tous nos concitoyens.