Interview de Mme Simone Veil, député européen, à France-Inter le 24 avril et extraits de son interview à RTL le 26 avril 1992, sur le débat à propos de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité sur l'Union européenne, les propositions d'amélioration du fonctionnement des institutions communautaires, l'affaire Touvier et la télévision Arte.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Radio France - Grand Jury RTL - Le Monde - LCI

Texte intégral

Radio France : vendredi 24 avril 1992
Émission Objections

M. Denoyan : Bonsoir.

La bataille de Maastricht aura-t-elle lieu ? L'Opposition a-t-elle réussi à s'entendre sur les conditions de la ratification du traité européen ? On peut le penser après le compromis UDF/RPR intervenu mercredi. L'union se fait-elle sur un rapprochement des points de vue ou plutôt sur la nécessité de ne pas apparaître divisés à 11 mois des législatives ?

Étonnant tout de même que cette Europe, dont on nous dit qu'elle constitue avec Maastricht la seule chance d'avenir pour la France, alors que d'autres redoutent d'y voir s'y diluer de manière irréversible la nation, ne donne pas lieu à des débats plus profonds de la part des leaders des grandes formations politiques.

Invitée ce soir d'Objections : Madame Simone Veil.

Madame Veil, bonjour.

Mme Veil : Bonjour.

M. Denoyan : RPR et UDF semblent avoir suffisamment rapproché leurs points de vue pour que l'Opposition n'apparaisse pas divisée lors du débat sur la ratification du Traité de Maastricht. Pensez-vous que les opposants les plus résolus de l'Europe, à l'intérieur de l'UPF, soient aujourd'hui marginalisés ou bien que ce compromis est plutôt l'aveu de ne pas apparaître divisés pour les prochains combats nationaux ?

Mme Veil : Je pense qu'il reste au RPR des opposants résolus et qui fondent leur opposition sur une conception de l'Europe qui, il est vrai, n'est pas celle qui inspire le Traité de Maastricht, et donc ils conserveront leur opposition ; mais je crois qu'ils sont peu nombreux. Ils sont peu nombreux, résolus. C'est un problème exactement comme Monsieur Chevènement au sein du Parti socialiste et d'ailleurs on retrouve de grandes conjonctions d'idées entre les uns et les autres.

Je crois qu'il ne faut pas chercher à les convaincre. On peut concevoir que sur des problèmes qui sont très fondamentaux, qui touchent à toute une philosophie que l'on peut avoir de l'Histoire, de la Nation française, d'un certain... je ne dirais pas rôle de la France parce que je crois que ni pour les uns ni pour les autres le rôle de la France ne soit en cause ; simplement les solutions qu'ils préconisent pour que la France ait le plus grand rôle possible sont différentes. Mais on ne convaincra pas.

Pour le reste, je pense que l'évolution, que l'on constate tout de même depuis des années au sein du RPR, doit entraîner une grande majorité de ce Parti et que les accords auxquels ils sont intervenus avec l'UDF doivent rallier la grande part de ces deux formations.

M. Le Marc : La demande par Jacques Chirac vous a étonnée : est-ce que vous pensez que c'est une maladresse ?

Mme Veil : J'ai été très étonnée des positions de Jacques Chirac parce que, aujourd'hui, quelles sont les ambitions de Jacques Chirac ? C'est certainement d'une part, il le dit, de devenir Président de la République. Pour être élu le moment venu, il faut, et même peut-être pour être candidat si les primaires fonctionnent, qu'il soit soutenu par une grande partie de l'Opposition. Or on peut penser que sur un sujet de ce genre, une grande partie de l'UDF ne pourrait pas, si le cas se présentait, le soutenir, absolument pas. Je n'imagine pas certains Centristes, par exemple, soutenant pour la Présidence de la République un candidat qui aurait pris des positions aussi peu engagées pour l'Europe. Donc, sur le plan intérieur, je n'ai pas compris.

Sur le plan extérieur, encore moins, parce qu'il est impossible que des positions de ce genre soient prises aujourd'hui par quelqu'un qui est candidat à une élection présidentielle pour une grande formation, qui a vocation à le devenir, de façon je dirais non contestable et avec crédibilité ; c'est impossible, cela ne se conçoit pas. Tous les autres pays de la Communauté européenne vont ratifier, sans problème, le Traité de Maastricht. Ils ont tous d'ailleurs participé à son élaboration, et même les partis d'opposition dans ces pays soutiennent... Il y a la question du Danemark, avec le referendum. Il faut se souvenir, quand on parle du Danemark, qu'il y a déjà eu un referendum pour l'Acte unique, que tout le monde avait prévu qu'il serait rejeté et qu'il a été largement positif.

M. Le Marc : Les sondages sont moins négatifs d'ailleurs.

Mme Veil : Il a été largement positif et on dit aujourd'hui que déjà il y a un revirement. Et pour parler tout de suite encore du Danemark, puisque c'est là qu'il y a des difficultés, on verrait mal que le Danemark aujourd'hui renonce à poursuivre sa voie dans la Communauté, au moment où la Suède demande à y entrer, la Finlande aussi et sans doute la Norvège très prochainement, alors que le problème du Danemark a toujours été d'être séparé des autres pays du Conseil Nordique.

En tout cas, pour tous les autres pays, c'est vraiment un pas fondamental qu'ils ont fait ensemble et la France a joué un tel rôle, non seulement dans la création de la Communauté, mais ensuite dans tous les progrès qu'elle a faits, que tout d'un coup, si la France marquait le pas et s'exprimait par un vote négatif, ou même un referendum qui ne serait pas un véritable engagement, cela porterait un coup très important à la Communauté, et cela porterait, en tout cas, un coup encore plus important à tous ceux qui n'auraient pas soutenu la ratification de Maastricht dans de bonnes conditions.

M. Giesbert : Madame Veil, comment expliquez-vous que le débat sur Maastricht ait pris un tour si vif en France, alors que, comme vous le disiez tout à l'heure, partout ailleurs cela passe plus facilement ? Il y a plusieurs explications : est-ce que c'est parce que, par exemple, les choses ont été mal expliquées ? Est-ce que c'est parce que le pouvoir est faible ou discrédité ? Ou est-ce que ce n'est pas parce que monte en France, aujourd'hui, la peur de l'Allemagne ?

Mme Veil : Il ne faut jamais chercher une seule explication ; elles sont toujours complexes et il y a tout un ensemble de choses. Déjà, nous sommes le seul pays où il y a 3 formations politiques qui ont pris clairement position contre ; elles sont d'ailleurs très différentes, mais le résultat est là, et on les entend et on leur donne beaucoup la parole.

C''est tout d'abord le Front national, ce sont ensuite les Verts, pour des raisons d'ailleurs un peu inverses puisqu'ils font du maximalisme : ils trouvent que cela ne va pas assez loin. Enfin, ce sont les Communistes, un archaïsme qui n'existe là aussi qu'en France puisqu'il n'y a plus qu'en France qu'on a un parti communiste qui a eu 8 % aux dernières élections et qui est quasi stalinien. C'est assez curieux de voir, au moment où les Républiques de l'ancienne Union Soviétique, de la Communauté des États indépendants, demandent à entrer dans la Communauté, certains même voudraient entrer dans l'OTAN, de voir le Parti communiste s'opposer à la Communauté. Tout cela serait risible si cela n'était pas aussi triste sur les archaïsmes de notre pays par certains aspects.

Cela fait donc déjà des forces qui sont relativement importantes. Et puis il y a eu, au sein du RPR, cette tendance dont on parle, qui a été par moments plus ou moins marginalisée, qui n'est pas très importante mais qui, au moment où l'on cherche à resserrer les rangs dans une formation, fait peser son poids par des porte-paroles assez vifs. Enfin...

M. Giesbert : Votre explication historique serait quand même plus crédible.

Mme Veil : Enfin, il y a la politique intérieure et je crois qu'on ne peut pas du tout, de part et d'autre d'ailleurs, parler des arrière-pensées politiques intérieures.

M. Giesbert : Votre explication historique serait plus crédible s'il n'y avait pas eu le phénomène de l'Acte unique qui est passé très facilement. Aujourd'hui, cela passe mal. Pourquoi est-ce que ce n'est pas l'Allemagne qui…

Mme Veil : Je crois que c'est un peu l'Allemagne, mais l'Allemagne, vous savez, c'est un argument qui joue dans bien d'autres pays et qui a eu d'ailleurs, quelquefois, des effets tout à fait inverses.

On parlait du Danemark il y a quelques minutes. J'ai été très frappée, il y a deux ans, de voir qu'il y avait un revirement au Danemark, très précis. À ce moment-là, c'était chez les Sociaux-Démocrates, il y avait une partie d'entre eux qui étaient très hostiles à la Communauté et qui le sont devenus beaucoup plus justement face à l'Allemagne, parce qu'ils pensent qu'avec une Allemagne unie, il faut bien davantage resserrer les rangs au sein de la Communauté, accrocher très fortement l'Allemagne à la Communauté plutôt que de la laisser reconstituer, avec les pays d'Europe Centrale, un groupe qui pourrait être dangereux.

Mais je crois qu'il faut tout de même dire un mot de la politique intérieure et des arrière-pensées de politique intérieure qui n'ont été absentes ni chez le Président de la République, ni en retour, je dirais, par crainte d'être manipulée...

M. Denoyan : Ce que vous expliquiez à l'instant pour Jacques Chirac.

Mme Veil : ... de la part de l'Opposition. Car c'est vrai qu'on pouvait se demander si ce n'était pas le moment rêvé pour le Président de la République, si tout le monde soutient Maastricht, de le présenter comme son grand succès et de l'utiliser pour la politique intérieure en disant : « Vous voyez, grâce à moi, les progrès que nous faisons en France. Et d'ailleurs tout le monde soutient... J'ai obtenu un vote très majoritaire…

Et c'est vrai qu'on peut craindre cette utilisation et qu'il faut que sur ce point le Président de la République soit tout à fait clair, car l'approbation de Maastricht ne serait ni une approbation de la politique intérieure, ni une approbation du reste de la politique internationale. D'ailleurs, au fond, la politique communautaire aujourd'hui concerne presque plus la France que notre politique étrangère.

M. Le Marc : Mais cela, le Président l'a dit ; Pierre Beregovoy aussi.

Mme Veil : Il l'a dit, mais enfin il a dit beaucoup de choses dans le passé et il dit beaucoup de choses. Alors on comprend tout de même une certaine méfiance ; il faut que les choses soient très claires, d'autant que, et c'est une chose que j'ai toujours contestée dans notre Constitution, si on allait à un referendum, on sait très bien quel est le sens qu'on a toujours donné au referendum : on ne vote pas en réalité sur le fond de la question qui est posée, mais pour ou contre le Président.

M. Levaï : Vous avez dit en commençant, en évoquant la prise de position de Jacques Chirac, que ce qui retirait au débat européen en France un peu de sa lisibilité, c'est qu'il y a derrière des préoccupations de politique intérieure ; il y en a même d'autres…

Mme Veil : Ce n'est pas seulement en France.

M. Levaï : Il y a dans les têtes l'idée de l'élection présidentielle, vous l'avez dit tout à l'heure en commençant.

Je voudrais vous poser une question très personnelle là-dessus : Simone Veil, vous êtes femme, vous êtes Européenne, personne ne le conteste et si j'osais, je dirais en plus : vous êtes Juive. On vient d'avoir une expérience avec Édith CRESSON, malheureuse, d'une femme au pouvoir ; elle ne l'est plus. Vous êtes en tête des sondages, elle a été très bas dans les sondages.

Ce n'est pas du tout pour compliquer le débat européen, mais entre nous pourquoi n'êtes-vous pas candidate à la Présidence de la République ? Qu'est-ce qui vous interdit de l'être ?

Mme Veil : Mais parce que je crois que, à la différence de ce que certains pensent et ont exprimé à plusieurs reprises, pour être candidat à la Présidence de la République, il faut être soutenu par une grande formation politique... Je crois que c'est une nécessité pour avoir une chance. On peut considérer qu'une campagne pour les élections présidentielles est l'occasion d'exprimer un certain nombre d'idées. C'est tentant peut-être de le faire, mais cela risque aussi de brouiller les cartes.

Comme je ne suis pas à la tête d'une grande formation et que je ne me sens pas du tout la vocation à l'être, parce que je ne vois pas comment j'aurais pu l'être…

M. Levaï : Mais vous mettriez d'accord François Léotard, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et Raymond Barre, pour ne citer que ceux-là ; vous les mettriez d'accord.

M. Denoyan : Il y a des primaires qui sont prévues à l'intérieur de l'Opposition.

Mme Veil : Mais les primaires seront faites...

M. Levaï : Vous les mettriez d'accord.

Mme Veil : Mais non...

M. Levaï : Vous les mettriez d'accord.

Mme Veil : Vous plaisantez…

M. Paillard : Il y a eu quand même l'expérience de la liste des Centristes il y a 3 ans, qui ne s'est pas soldée par le succès que vous escomptiez.

Mme Veil : Oui, mais c'est pour d'autres raisons. Je dirais que je pense que j'aurais fait un meilleur score si j'avais été toute seule, parce qu'en réalité, sauf les jeunes Démocrates Sociaux qui m'ont très activement soutenue, beaucoup parmi les autres ont traîné les pieds quand ils n'ont pas clairement soutenu la liste UDF/RPR.

M. Levaï : Madame Veil, l'élection présidentielle, vous savez très bien que ce n'est pas seulement une élection d'appareils. Valéry Giscard d'Estaing est devenu Président de la République : il avait un appareil très faible et il y est arrivé.

Mme Veil : Monsieur Giscard d'Estaing, à l'époque, n'aurait pas réussi s'il n'avait pas capté une partie de l'UDR de l'époque ; et si Jacques Chirac n'avait pas fait une démarche en entraînant son parti derrière lui, je pense qu'il aurait eu beaucoup de difficultés à devenir Président de la République. Il faut à la fois une formation qui entraîne, un appareil et je pense que, par exemple, c'est ce qui a gêné Raymond BARRE en 1988.

M. Levaï : Mais pourquoi ne le tentez-vous pas ? Tout le monde écrit : vous avez vu François Léotard l'autre jour dans Le Monde... Tout le monde écrit des articles là-dessus. On sait que Michel Rocard est candidat virtuel, on les connaît tous. Pourquoi ne le tentez-vous pas : femme, Européenne, en tête des sondages ?

Mme Veil : Parce que je crois qu'il faut que, pour une élection présidentielle, lors de la campagne, les positions soient claires et qu'il ne faut pas trop disséminer les candidatures. C'est vrai que c'est une tentation de pouvoir exprimer des idées et de pouvoir le faire. Mais quand il y a des grandes formations, qui entraînent normalement, et c'est au fond leur rôle, non seulement les militants, mais des électeurs qui privilégient leur mouvement, un candidat isolé vient plutôt perturber la démarche.

M. Paillard : Je voudrais revenir au problème européen, après cette petite digression. Actuellement on ne parle que procédure, que débat institutionnel. À l'Assemblée nationale, cela va certainement encore empirer puisque ce sera l'objet du débat. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que cela occulte l'objet même de Maastricht, à savoir l'union monétaire et tout ce qui s'ensuit ?

Mme Veil : Nous ne sommes pour l'instant que tout à fait au début du débat. Je crois que très rapidement on va parler des problèmes de fond et qu'il y avait cette nécessité d'une modification constitutionnelle qui prenait forcément un aspect d'abord très juridique et ensuite très politique. Pour ma part, je souhaite que très rapidement on sorte de ce débat pour aborder celui du fond, sur le texte même de Maastricht.

Vous parliez tout à l'heure des raisons qui font que les Français sont un peu mal à l'aise et qu'on sent des oppositions. Un des grands problèmes de la Communauté, que je vis tout le temps depuis 13 ans, c'est la complexité. C'est vrai que ce sont des institutions très complexes, très abstraites. Les choses se passent loin de Paris, à Bruxelles...

M. Giesbert : Et la Commission se mêle souvent de choses qui ne la regardent pas...

Mme Veil : Beaucoup moins qu'on ne le dit.

M. Giesbert : Les saucisses, les fromages, la chasse...

Mme Veil : Toutes ces questions auxquelles vous faites allusion, si elles ont pu aboutir, c'est parce que, en définitive, les Gouvernements ont adopté, car ce sont les Gouvernements, les directives qui avaient été proposées.

Parlons de la chasse : il s'agit notamment des problèmes d'oiseaux migrateurs. En ce qui concerne la chasse, il y a fort longtemps que cette directive a été prise : ce devait être en 76 ou 77, je ne sais plus exactement. Les Néerlandais par exemple, ou les Anglais, qui sont très attentifs à la protection des oiseaux, peut-être plus que les Français, disent : les oiseaux migrateurs ne sont pas un problème purement national parce qu'ils ne font que passer en France ; cela concerne la protection des espèces. Et la protection des espèces fait l'objet de conventions qui ne sont pas seulement des directives européennes dans certains cas, mais des conventions internationales. Et là ils vous indiquent que ce n'est pas du tout un problème strictement national.

Et je dirai que, comme parlementaire européen, je reçois beaucoup plus de courrier, même de Français, qui me dit qu'il est inadmissible de ne pas appliquer les textes qui protègent les oiseaux que de courrier qui défend les chasseurs.

M. Giesbert : On pourrait parler aussi des fromages, on pourrait parler des saucisses. Il est quand même absurde...

M. Denoyan : Le problème, c'est que la France puisse un peu gérer...

M. Giesbert : ... qu'il y ait des technocrates qui pensent qu'il faille interdire le lait cru dans la composition des fromages en France.

Mme Veil : Pour ce qui concerne les fromages, ce qui a été dit était inexact, pour ce qui concerne la France. Il y a simplement, dans un certain nombre de pays, des mesures d'hygiène qui sont prises dans les pays nationaux et qui font que, dans telles ou telles conditions, ils n'importeront pas tel ou tel produit. Cela, c'est sur le plan de la circulation.

Mais pour beaucoup, pour la plupart des produits qui sont des produits fabriqués, nous avons besoin d'avoir les mêmes normes. Et les Français d'ailleurs sont très souvent demandeurs, et les premiers demandeurs, à ce qu'il n'y ait pas, dans tel ou tel pays, telle législation nationale qui empêche les produits fabriqués en France d'être exportés.

On sait très bien que si l'on essaie, sur le plan européen, d'avoir pour tous les appareillages, pour tous les jouets qui peuvent être dangereux, pour les appareils ménagers, pour les voitures, des normes communes, c'est que sans cela les pays qui ont, comme l'Allemagne, de organismes de normes beaucoup plus développés que les nôtres, s'arrangeront bien pour prendre des normes nationales qui interdiront d'importer des produits fabriqués ailleurs. C'est ce qui s'est passé pour la bière par exemple, où les Allemands ont essayé d'interdire aux bières étrangères d'être importées en Allemagne, et c'est la Cour de Justice qui a dit : « Vous n'avez pas le droit de vous opposer à la libre circulation ».

C'est vrai qu'on va trop loin, mais si on va trop loin, c'est très souvent de la faute des gouvernements, qui sont très contents de faire prendre, sur proposition de la Commission, au niveau communautaire, des décisions qu'ils n'osent pas prendre en France, parce qu'ils savent très bien – et c'est vrai pour les autres gouvernements, dans leurs pays, mais les lobbies, les forces de pression sont différentes et c'est sur des sujets différents – que c'est nécessaire de le faire pour permettre justement la libre circulation, mais qu'ils prennent la Commission comme bouc-émissaire.

Mais c'est le Conseil des ministres, c'est-à-dire les représentants français, les ministres compétents, qui signent ces directives, qui les accepte. Ils n'ont qu'à les refuser...

M. Le Marc : L'Opposition, UDF compris, a émis un certain nombre de réserves à propos du projet de loi constitutionnel, réserves à propos des pouvoirs des parlements nationaux, la subsidiarité, l'éligibilité de citoyens européens, du passage à la monnaie unique, faut-il un débat ou non avant ce passage à la monnaie unique ? à propos des visas aussi.

Pensez-vous que le texte constitutionnel doit être amendé sur ces points, comme le souhaitent le RPR et l'UDF ?

Mme Veil : Est-il besoin que ces différentes dispositions figurent dans le texte constitutionnel ? Certainement, si l'on devait modifier la disposition concernant le vote et l'éligibilité puisque, là, il s'agit d'une disposition constitutionnelle qui est proposée, différente, du texte retenu dans le projet gouvernemental.

Pour ma part, je trouve que le texte gouvernemental tel qu'il est, est satisfaisant...

M. Le Marc : ... Donc, vous n'êtes pas d'accord avec l'UDF ?

Mme Veil : D'ailleurs, les centristes aussi, l'UDF est divisée. Les parlementaires européens de l'UDF ont plus ou moins tous voté pour une proposition de directive qui va tout à fait dans ce sens et donc je vois mal qu'aujourd'hui un certain nombre se déjugent.

Pour la subsidiarité, il en est question dans le Traité de Maastricht, et je ne vois pas très bien comment le mettre dans un texte constitutionnel car c'est très difficile à exprimer.

M. Le Marc : Pour les pouvoirs des parlements nationaux parce que cela est un point très important.

Mme Veil : En ce qui concerne les pouvoirs des parlements nationaux, tout dépend de ce qu'il faut dire sur les pouvoirs des parlements nationaux. Il faut bien dire qu'il y a en France, depuis 30 ans, depuis le Traité de Rome, une lacune, qui a été comblée dans les autres pays. Au Danemark dont je parlais, mais également en Angleterre, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique, des dispositions ont été prises depuis longtemps entre le Parlement national et les gouvernements pour que les parlements nationaux soient informés, éventuellement consultés, avant que les directives ne soient adoptées.

C'est le Conseil, c'est-à-dire les membres du gouvernement qui signent toute la législation communautaire, c'est d'ailleurs tout à fait aberrant !

En France, le Parlement national ne s'en est pas préoccupé du tout, parce que ce n'est pas depuis aujourd'hui, ce n'est pas depuis l'Acte unique qu'on vote des textes communautaires qui sont introduits dans la législation nationale de façon quasi automatique, en tout cas, obligatoirement c'est depuis le Traité de Rome, c'est depuis 1958 qu'il y a une législation communautaire.

Comme nous avons une Constitution qui fait qu'au fond le Parlement national, avec l'article 49-3, accepte des propositions du gouvernement, le Parlement français ne s'en est pas occupé. Il s'est dit : « c'est un texte communautaire », il ne le savait pas toujours puisqu'on le transpose avec une loi nationale.

Ce qui a irrité le Parlement français, c'est que tout d'un coup on parle de pouvoirs du Parlement européen et, là, il s'est senti dessaisi parce que, effectivement, le Parlement européen pourrait avoir un peu de pouvoirs qu'il ne l'aurait pas, mais jusque-là il n'avait rien dit alors que tous les autres parlements, depuis très longtemps, ont fait ce qu'il fallait, et cela me paraît tout à fait légitime, car, là, il y a une carence en France...

M. Le Marc : ... Que faut-il faire ?

Mme Veil : Ce n'est pas très difficile, c'est qui est proposé, mais il n'y a pas besoin de le prévoir constitutionnellement. Il suffit de prévoir qu'il y ait une Commission, et ceci est le règlement de l'Assemblée, spécialisée qui, systématiquement, soit informée, éventuellement consultée, avant que les directives ne soient soumises à l'approbation du Conseil.


Objections

M. Denoyan : Objections de Monsieur Francis Wurtz, député communiste européen.

Bonsoir Monsieur.

M. Wurtz : Bonsoir, Monsieur. Bonsoir Madame Veil.

Je n'userai pas à votre égard d'anathèmes comme vous venez de le faire tout à l'heure vis-à-vis du Parti communiste, parce que je suis pour le débat d'idées, je préfère. Je voudrais simplement vous faire une remarque et, si vous le permettez, vous poser une question.

Une remarque : nous en sommes à près de la moitié de l'émission et je n'ai guère entendu parler des gens. Monsieur Ivan Levaï : vous a dit : « vous êtes femme, vous auriez dû parler du travail de nuit des femmes » qui est une mesure d'harmonisation européenne. Enfin, j'attendais quelque chose de plus sensible que les ambitions présidentielles...

Mme Veil : On m'a posé la question, Monsieur, j'ai répondu.

M. Wurtz : D'accord.

Ensuite la question. La question est précisément celle qu'on nous pose quand on nous fait signer, en ce moment, la pétition pour demander le référendum, à savoir, – et cela revient très souvent –, pourquoi cette précipitation pour la ratification parlementaire ? Nous cachent-ils quelque chose ou nous prennent-ils pour des citoyens mineurs ?

Or, je vous ai entendu sur une autre radio il y a quelques jours et vous disiez à propos du référendum : « c'est trop tard pour envisager un référendum parce que le Traité de Maastricht est trop compliqué, donc c'est “non” ». Et vous avez tout à l'heure, en d'autres termes, confirmé cette position. Ceci est pris, excusez-moi du terme, comme du mépris, parce qu'il s'agit d'un sujet tout le monde reconnaît, y compris le Président de la République et vous-mêmes, que c'est un sujet qui engage l'avenir, qui a des implications sérieuses sur la vie des gens et on estimerait que seuls les parlementaires que je respecte par ailleurs seraient à même de juger.

Comment expliquez-vous cette position de défiance à l'égard des premiers concernés en quelque sorte ?

Mme Veil : Monsieur Wurtz, vous avez, vous-même, évoqué les précédentes déclarations que j'ai faites, je crois que c'était à FR3. Il faudrait ajouter que j'ai précisé que je le regrettais moi-même, que j'aurais souhaité que l'on puisse faire un référendum et qu'il y ait un long débat, que, pendant plusieurs semaines, même plus que des semaines, on puisse parler de ces questions qui sont importantes.

J'observe d'ailleurs qu'en 1989, lors de la campagne pour les élections européennes, personne n'a contesté que j'avais beaucoup parlé de l'Europe et, sans doute, le plus. Et que, d'ailleurs, ce dont j'avais parlé de l'Europe, c'est justement ce dont il est question aujourd'hui parce que je souhaitais à l'époque une réforme qui est celle dont nous sommes aujourd'hui amenés à discuter. Mais aujourd'hui nous sommes pris par le temps...

M. Wurtz : ... Pas du tout ! ...

Mme Veil : Mais si, nous sommes pris par le temps.

M. Wurtz : Excusez-moi, Madame Veil, mais nous avons le temps. Maastricht nous laisse la possibilité de ratifier jusqu'au 31 décembre de cette année, pourquoi se précipiter au mois de mai ?

Mme Veil : Et surtout je l'ai indiqué, au début de la réunion, je crois qu'au point où nous sommes, dans la situation pré-électorale législative et même pré-électorale présidentielle, je le dis franchement, je crains que ce soit un débat qui soit uniquement : « Êtes-vous pour ou contre le Président de la République ? ». Je trouverais très malheureux que, sur un sujet aussi important, les Français se prononcent sur une fausse question. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à plusieurs reprises, depuis des années, j'ai dit : « il faudrait arriver à ce que le référendum soit, une vraie question sur le fond et non pas une question sur la crédibilité ou non du Président de la République », mais il paraît que cela fait partie des institutions de la Ve, cette conception et cette façon de consulter les Français sur le Président de la République régulièrement.

Pour ma part, je le regrette beaucoup et je pense qu'un débat parlementaire car, en fait, il a été préparé beaucoup plus qu'on ne le dit, il y a eu déjà plusieurs débats parlementaires sur cette question, permettra, s'il est bien repris par les médias, d'informer les Français et de faire en sorte qu'on se prononce sur Maastricht et pas sur autre chose.

M. Giesbert : Parmi les raisons qui font que la cause européenne paraît mise à mal en France, n'y-a-t-il pas le fait aussi qu'elle est mal défendue ? N'avez-vous pas le sentiment que le dessein européen est mal défendu aujourd'hui en France ?

Mme Veil : Lorsque vous parlez de dessein européen, vous faites allusion à des idées générales, qu'est-ce que cela représente pour la France? Qu'est-ce que cela représente pour les Français ? Qu'est-ce que cela veut dire pour le futur ? C'est vrai, c'est important et le Président de la République y a fait allusion, l'autre jour, dans son intervention et il a insisté sur la paix, et ce que cela représentait pour les gens de certaines générations, combien c'était un tournant dans l'Histoire de notre pays et combien, pour l'avenir, cela restait une préoccupation qui devait être présente dans tous les esprits.

On l'a critiqué, on a dit : « Ah, mais c'est un homme du passé, est-ce vraiment cela qui est important aujourd'hui ? ». On est pris dans cette difficulté. Je l'ai ressenti parce que j'ai [ait tout de même trois campagnes pour les élections européennes.

Ou bien on parle en termes de grandes ambitions, on dit : « Très bien, tout le monde est d'accord sur ces grandes ambitions, mais derrière qu'est-ce que cela veut dire ? » Et, d'ailleurs, Monsieur Wurtz vient de me reprocher d'avoir trop parlé des Institutions ou en termes très abstraits et de ne pas avoir parlé de la situation des hommes et des femmes concernées au quotidien, car c'est vrai que c'est important aussi.

C'est très difficile de dépasser ce cas parce qu'il faut essayer non seulement de faire comprendre l'importance mais cela reste assez abstrait, assez vague, on l'a tout de même beaucoup dit de défendre l'Europe, ce que cela représentait...

M. Giesbert : ... Ne pensez-vous que la bonne façon de défendre l'Europe, c'est de la défendre depuis la France, depuis Paris ?

Mme Veil : Mais je crois que c'est ce qu'on fait...

M. Giesbert : ... D'une certaine manière que de Gaulle était un grand européen.

Mme Veil : Je crois que c'est ce qu'on fait de la défendre depuis Paris. Quand on dit que la voix de la France sera plus forte sur le plan international, c'est bien ce qu'on fait ; quand on dit que la monnaie européenne permettra d'avoir une monnaie qui ne soit plus à la remorque du dollar, du yen ou même du mark, c'est bien ce qu'on fait de la défendre depuis la France.

Je crois que, dans ces débats, chacun, en définitive, défend ce qu'il a au fond de son cœur, que c'est très émotionnel et que c'est très difficile, en ce qui concerne les politiques, de les faire changer d'avis. Ils ont des positions qui sont assez stéréotypées depuis un certain nombre d'années et qu'on ne les fera pas démordre de leurs conceptions.

Ce qu'il faut, c'est faire comprendre, au-delà des grandes ambitions, ce que, d'ailleurs, l'opinion publique ressent très bien. Tous les sondages montrent que, en fait, elle voit bien ce que veut dire la France isolée ou la France dans une grande Europe...

M. Levaï : ... Simone Veil, vous venez de le dire : « tout le monde est européen ». Franz-Olivier Giesbert : dit : « De Gaulle, grand européen », ce qui rend les choses un peu confuses aujourd'hui, c'est que tout le monde est européen, simplement on ne l'est pas de la même manière et vous venez d'employer le mot, vous avez dit : « émotionnel ».

Peut-on rester un instant sur l'émotion ? Avant-hier soir, vous étiez invitée de Christine Ockrent à Direct et vous avez évoqué un autre sujet qui travaille les Français d'un point de vue très émotionnel, c'est l'affaire Touvier, ses conséquences, la décision des juges et la lame de fond qui a traversé ce pays.

Vous avez surpris, – Monsieur Wurtz tout à l'heure disait : « vous ne parlez pas des gens », il trouvait que vous ne parliez pas assez en femme –, l'autre soir, vous avez parlé de façon passionnée disant même que vous considériez qu'il fallait un choc et que, ce choc, vous auriez pu, vous, personnellement, en vous engageant.

Ceci est assez étonnant parce qu'on vous a connu aussi réservée sur ce sujet…

M. Denoyan : En tuant même quelqu'un, avez-vous dit.

M. Levaï : Et disant très justement, à une époque, qu'il fallait faire attention sur le crime contre l'humanité, sa définition, l'usage qu'on en faisait et vous disiez aussi : « Si des Français se sont mal conduits pendant la guerre, d'autres se sont très bien conduits aussi ».

Très sincèrement, que signifiait cette attitude passionnée de Simone Veil l'autre soir chez Christine Ockrent ?

Mme Veil : Parce que je pense que vous m'aviez mal écoutée auparavant parce que je suis très passionnée sur ce sujet, par émotion, contenue plus ou moins, mais très passionnée parce que ce sont des événements qui ont marqué non seulement l'Histoire de l'Europe, de nos pays et certaines catégories, mais des événements qui ont marqué l'Histoire du monde. Il faut donc tout faire pour que, à la fois, on s'en souvienne et que, à la fois, cela ne puisse pas se reproduire.

Ce qui m'intéresse et me passionne, c'est l'Histoire, ce n'est pas à un moment donné la revanche de telle ou telle personne, la vengeance, encore moins ! Lorsque je dis cela, j'exprime tout ce que pensent les anciens déportés. Même lorsque nous étions au camp, et d'ailleurs nous pensions que personne ne rentrerait et que, comme il n'y aurait pas de survivants, nous aurions beaucoup de mal à croire à ce qui s'était passé, ce qui nous préoccupait, c'était qu'on sache, et qu'on sache non pas dans une idée de vengeance mais pour l'Histoire, l'Histoire est très importante.

Depuis des années, des dizaines d'années, quand je me bats, c'est au fond de savoir : « qu'est-ce qui fait que l'Histoire sera la mémoire collective, se souviendra ? Que cela ne puisse pas se reproduire ? » ... Des événements épouvantables se sont produits depuis cinquante ans, donc on peut dire que l'holocauste, la Shoa a servi suffisamment de leçon quand on voit ce qui s'est passé au Cambodge...

M. Denoyan : ... Même en URSS avec le communisme.

Mme Veil : C'est cela qui est important et c'est pour cela que je suis passionnée. Ce qui se passe avec l'affaire Touvier, c'est exactement ce que j'avais craint, il y a quelques années, qu'il se passe et c'est pour cela que je mettais en garde. Il s'est passé exactement ce que j'avais prévu.

Monsieur Giesbert se souviendra des interviews que je lui ai données sur ce sujet, mais c'est terrible. C'est terrible parce que j'espérais m'être trompée et que je ne m'étais pas trompée. C'est pour cela que je mets tant de passion, parce que je crois qu'on ne doit jamais vivre pour des choses aussi importantes dans le présent, on ne doit pas vivre simplement parce qu'on veut satisfaire des choses qui sont des choses d'ordre personnel, même très profondes, mais qu'il faut au-delà et se dire : « Dans cent ans, dans deux cents ans, que dira-t-on » ?

M. Levaï : De Gaulle disait : « Touvier, 12 balles dans la peau », vous n'avez pas voulu dire cela ?

Mme Veil : Non, pas du tout. Ce que je disais, c'est que, et sans doute je vais reprendre cette référence puisque c'est peut-être à cela que vous faites allusion, j'en avais déjà parlé une fois, cela avait beaucoup choqué, peut-être que cela choque les gens, c'est que les vrais procès, pour des événements graves, le génocide arménien en est un exemple et également les pogroms en Ukraine, c'est quand il y a eu des gens qui se sont faits volontairement juger en devenant en quelque sorte le bras armé. Cela ne veut pas dire que je pense qu'il aurait fallu un bras armé pour Touvier, ce n'est pas cela... Il n'y a eu aucune vengeance.

C'est extraordinaire de penser que ces millions de morts, de gens qui ont été assassinés, il n'y a jamais eu un seul acte de vengeance puisque, même Eichmann, quand il a été enlevé, a été jugé régulièrement et il n'y a pas eu cette vengeance, mais que c'est vrai que, lorsqu'on prend le risque, aujourd'hui, près de 50 ans après, à faire un procès, on arrive un peu à ce qui est arrivé, c'est-à-dire qu'on dit aux témoins : « Mais comment ? Mais vous ne pouvez pas vous souvenir ? D'ailleurs, c'est seulement maintenant que vous vous manifestez » ..., c'est ce qu'on a lu dans la presse. On voit un révisionnisme de l'Histoire et, pour moi, c'est dramatique parce qu'en définitive s'il ne devait pas y avoir un arrêt de la Cour de la Cassation, parce que Touvier mourrait avant, ou que cet arrêt de la Cour de Cassation ne réforme pas la décision, je préférerais qu'il n'y ait jamais eu de procès de Touvier car ce serait, pour moi, effrayant de penser que c'est cela la décision définitive.

M. Le Marc : Madame Veil, deux avocats ont refusé de plaider hier devant la Chambre d'accusation qui, justement, a prononcé le non-lieu de l'affaire Touvier. Comprenez-vous cet acte de défiance et dans quel état d'esprit pensez-vous que la justice soit actuellement ? Reste-t-elle encore minée par l'idéologie des années 40-45, comme certains le disent ?

Mme Veil : Non, je ne pense pas du tout qu'elle soit minée par l'idéologie. Elle représente ce que pensent un certain nombre de gens, il faut être conscient, qui disent, – ce n'est pas vrai les jeunes –, mais d'autres : « Ah, tout cela, il faut que la France se réconcilie, c'est vieux, pourquoi ce retour vers le passé ? »... Il y a de cela.

Récemment, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui dit très clairement que les gens du STO n'ont pas le droit au titre des déportés parce que la loi le leur refuse. La loi a été, sur ce point, très claire. Il y a eu plusieurs fois des décisions sur ce point, mais les cours d'appel n'avaient pas rallié ce point de vue, la Cour de Cassation vient de se prononcer. Mais le conseiller-rapporteur avait dit textuellement : « 50 ans après, faut-il faire la différence entre les différentes souffrances ? »

Pour des gens comme moi, je dois dire que ce n'est pas tolérable de l'entendre, parce que les souffrances n'ont rien à voir. Je comprends les gens du STO, c'est vrai qu'ils ont souffert mais cela n'a rien à voir. Il est bien difficile de rendre la justice 50 ans après et on se laisse entraîner. Et puis je crois que, chez un certain nombre de magistrats, il y a une telle volonté d'affirmer un pouvoir, de vouloir se manifester clairement qu'ils ont méconnu les travaux des historiens, ils le disent clairement, pendant 250 pages, ils refont l'Histoire de Vichy parce qu'ils sentent incarner une connaissance de tout et une volonté de dire : « nous existons », peut-être ont-ils besoin d'exister comme cela ?

M. Denoyan : J'aimerais, Madame Veil, qu'on revienne à l'Europe pour conclure, à travers la décision qui a été annoncée hier par Monsieur Jeanneney d'attribuer le réseau de La Cinq à la chaîne européenne Arte.

Je voudrais savoir ce que pense l'Européenne que vous êtes, puisque vous le dites et vous le criez depuis longtemps, vous l'avez répété ce soir, de l'arrivée d'une chaîne à vocation européenne sur le réseau de La Cinq ?

Mme Veil : Si c'était une vraie chaîne européenne, je m'en réjouirais et, d'ailleurs, un certain nombre de personnalités avaient rêvé à la possibilité d'avoir une vraie chaîne européenne, en sachant d'ailleurs les grandes difficultés : il y a eu des expériences, il y a eu Europe ATV qui était aux Pays-Bas mais qui était une vraie chaîne européenne, soutenue par le Communauté européenne et par plusieurs pays, et par une équipe de journalistes de différents pays. Il y a actuellement le projet Euro-News, je ne sais pas jusqu'où il ira et s'il pourra se concrétiser ?

M. Denoyan : ... Une chaîne d'informations.

Mme Veil : Cela coûte cher, c'est difficile, c'est une chaîne d'informations mais, aujourd'hui, le projet dont vous parlez est un projet franco-allemand et un projet d'inspiration très culturelle. Pour ma part, je suis un peu étonnée de cette décision ? D'abord, elle intervient, alors qu'on pensait que le CSA allait s'occuper de l'attribution de cette chaîne, c'est donc une sorte de hold-up, on peut le dire, du gouvernement sur cette chaîne. Personne ne s'attendait...

M. Le Marc : ... Une préemption.

Mme Veil : ... Merci, je cherchais le mot, mais enfin c'est un peu cela. Sans consultation alors qu'on sait toutes les polémiques qu'il y avait à ce sujet.

Au surplus, on peut se demander : « pourquoi certaines heures ? », il faudra donc occuper le reste du temps. Au moins, j'espère qu'on trouvera une utilisation qui soit une utilisation complémentaire et qui soit une utilisation utile.

Je dis « complémentaire » parce que je crois que les gens qui regardent la télévision ont des habitudes, ils ne changent pas très facilement d'une chaîne à l'autre, même si on zappe, on aime bien qu'une chaîne ait un certain profil. Il faut donc trouver quelque chose de complémentaire. Si c'était pour aller dans le sens de ce que la BBC fait, sur le plan universitaire, pédagogique, c'est très intéressant, nous n'avons jamais su le faire, cela veut dire « beaucoup d'argent et beaucoup de gens qui participent ».

Est-ce que l'Education nationale, les universités...

M. Denoyan : ... Les entreprises...

Mme Veil : ... Il n'y a que là qu'on pourrait trouver l'argent...

M. Denoyan : ... Les entreprises, au niveau du budget à la formation.

Mme Veil : Ah oui, mais c'est un peu différent, c'est là où il y a un manque et que cela peut apporter quelque chose de considérable et c'est là où il y a beaucoup d'argent.

Est-on décidé sur ce gros budget de l'Education nationale à consacrer quelque chose et, notamment, à ce que cette semi-chaîne, ce petit morceau travaille avec l'enseignement par correspondance... Enfin, il y a beaucoup de choses à faire.

M. Denoyan : Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas tellement satisfaite ?

Mme Veil : Mais non, pas du tout, parce qu'on vient de satisfaire les Allemands. On n'a pas trouvé les débouchés, en France, avec le câble pour cette chaîne franco-allemande, on leur a fait des promesses. Le chancelier Kohl, lui-même, a voulu faire plaisir alors qu'en définitive on n'avait pas la capacité, puisque le câble ne marche pas en France, de satisfaire les Allemands. Il trouve qu'elle n'a pas suffisamment de public, alors on lui donne un morceau supplémentaire sans savoir si, en France, les programmes qui sont prévus, au niveau de la Sept, seront...

M. Levaï : ... Vous voudriez, en bref, que Monsieur Jeanneney aille voir Monsieur Jack Lang et qu'il fasse une belle chaîne de création, d'information et de formation.

Mme Veil : Je m'inquiète beaucoup financièrement de ce que cela veut dire ? Cet argent sera-t-il pris sur la 2 et la 3, éventuellement même sur Radio France ? Il y a de quoi être très inquiet quand on se lance dans une aventure dont on sait qu'elle est coûteuse et dont on ne sait où elle mène et qui elle a comme public...

M. Levaï : ... Non, non, pas sur Radio France, merci de le dire.

M. Denoyan : Tout a été dit pour ce soir, merci Madame Veil.

Bonsoir.

 

Grand Jury RTL - Le Monde : dimanche 26 avril 1992

Passages importants

« Les Français ont découvert l'Europe en 1985 »

« Ce que je regrette, ce n'est pas que le débat sur Maastricht soit aussi précipité, c'est que, depuis qu'elle existe, c'est-à-dire depuis 1957, on ait si peu parlé de l'Europe (...)

« Au fond, on a découvert l'Europe en 1985, avec l'Acte unique (...) Les Français sont passés un peu à côté de l'Europe et, aujourd'hui, il n'est pas facile de rattraper le retard. Mais il n'est jamais trop tard (...) »

Maastricht : enjeux européens et calculs politiciens

« Compte tenu du poids que pourrait avoir le débat dans la politique intérieure, il pourrait risquer de s'enliser. Il faut un débat parlementaire qui soit le plus approfondi possible. Déjà en ce moment, dans la presse, s'est engagé un débat très intéressant (...) Mais si le débat traînait trop il risquerait de dévier et de devenir très politicien (...)

« On parle de « précipitation » (...) Comme la France a beaucoup poussé à l'union économique et monétaire (...), on peut se dire qu'elle doit donner l'exemple (...)

« Quant au fait que le Président de la République ne soit pas fâché de constater que, sur la présentation des choses, des divisions se créent, pensant peut-être que cela peut lui redonner la vitalité et le souffle qui lui manquent sur le plat intérieur, on peut se poser des questions. C'est à lui de répondre par une attitude tout à fait claire : l'enjeu, c'est l'Europe (...), et non pas la politique intérieure (...) »

Les chances de succès de la révision constitutionnelle

« L'évolution actuelle – on a eu quelques craintes en ce qui concerne le Sénat – donne à penser que le texte pourra être voté dans les mêmes termes par les deux Assemblées (...)

« Je sais bien que l'opposition a souhaité que le texte soit amendé (...) En fait, je pense que la vraie discussion ne s'ouvrira que sur un point : l'éligibilité (...) Sur ce point, l'opposition tiendra-t-elle à ce que le texte soit modifié ? (…) On peut penser que chacun, dans la discussion, fera des efforts pour qu'il y ait une majorité (...) »

Europe : confédération ou intégration ?

« Le débat qui s'engage me paraît très intéressant : il ne concerne pas tant les modalités des accords de Maastricht que la remise en cause de tout ce qui est fait pour l'Europe depuis 1957 et que les gens n'ont pas contesté : a-t-on eu raison ou non de faire la Communauté, qui a vocation, depuis le début, à une certaine intégration ? (...) Pour ainsi dire, c'est le débat des années 50 qui resurgit (...) : quel est le sens de la nation ? Quelle est la vocation de la France ? (...) Certains soutiennent que l'on va vers une Europe fédérale très intégrée, et donc vers la disparition de la France (...) C'est un vrai débat mais, d'une certaine façon, il arrive trop tard. À mon sens, l'Acte unique engageait le pas de Maastricht (...)

« Penser que la France peut être aujourd'hui un grand pays et conduire une grande politique étrangère en étant “associée” dans une grande fédération (...), c'est tourner le dos à l'avenir. Selon une telle conception la Communauté telle qu'elle existe aujourd'hui ne subsisterait d'ailleurs pas (...)

« À l'avenir, nous avons besoin de nous consolider entre nous et que, dans ce monde qui n'est plus bipolaire mais multipolaire, il doit y avoir une Europe forte et intégrée (...)

Monnaie : « Nous n'avons plus de souveraineté réelle »

« Les accords de Maastricht donnent la possibilité d'avoir une vraie politique industrielle. Ce qui a manqué jusqu'à maintenant à la Communauté, c'est une direction suffisamment cohérente pour la conduite de politiques volontaristes (...)

« En matière de monnaie, nous n'avons plus de souveraineté réelle (...) Tout le monde a accepté le système monétaire européen, qui nous a conduits en fait à être plus ou moins dépendants des autres monnaies européennes. Il vaut donc mieux disposer d'une monnaie commune qui nous donnera la possibilité d'affirmer notre poids (...) Avec une monnaie européenne forte, on aura une véritable capacité économique et monétaire. »

Quelle pédagogie pour l'Europe ?

« Il faudrait d'abord essayer de simplifier les institutions européennes. En tout cas, il faudrait les présenter d'une façon simple (...) C'est d'ailleurs ce qui m'inquiète le plus dans les accords de Maastricht. En effet, après avoir relu le texte concernant les pouvoirs du Parlement européen, j'avoue être incapable de vous énoncer, par exemple, les cas où nous aurions un droit de veto (...)

« Qui exerce le pouvoir législatif en Europe ? Le Conseil, c'est-à-dire les gouvernements. Le Parlement n'a quant à lui que très peu de pouvoirs. Or ce pouvoir législatif est exercé en secret : d'abord, les débats ne sont pas publics et, ensuite, on ne précise même pas la position de tel ou tel gouvernement. Un effort d'information s'impose donc (...) Un effort de simplification et de rationalisation est nécessaire (...)

« Il faut qu'il y ait une discipline extrêmement ferme pour que la Communauté ne s'occupe pas de tout. Pour cela, il n'y a pas besoin de modifier les accords de Maastricht. Il faudrait que soit exercé un pouvoir réglementaire au niveau communautaire (...) »

Les limites de l'élargissement de la communauté

« Pour l'avenir, la question importante est celle des relations avec les pays de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est (...)

« La Communauté actuelle, comme celle de 1993, ne pourrait fonctionner à vingt. L'Europe pourra s'élargir à l'Autriche (...), la Suède, la Finlande, éventuellement à la Pologne, à la Tchécoslovaquie et à la Hongrie, mais pas au-delà (...) Le fonctionnement de l'Europe est beaucoup trop complexe et l'intégration va beaucoup trop loin pour certains pays (...) Déjà, on pense qu'avec la Pologne et la Tchécoslovaquie il n'y aurait plus de politique agricole commune (...)

« Certains parlent aujourd'hui d'« élargissement immédiat ». Cela veut dire : libre circulation des produits et libre circulation des personnes, ainsi que politique agricole commune (...) Or qui a envie de voir déferler des flots d'immigrés d'Europe centrale ou de l'Est ? (...) Et n'est-ce pas la France qui s'est opposée aux accords d'association qui étaient à un moment en cours de négociation avec la Pologne pour quelques tonnes de carcasses de bœufs ? On ne peut donc pas parler d'élargissement immédiat (...) Il faut savoir quel type de liens peut se nouer avec les pays concernés car on ne peut pas ne pas leur répondre, étant observé qu'on les aide déjà beaucoup (...) »

L'éligibilité des Européens résidant en France

Il y a quelques années un grand nombre de parlementaires européens – j'en étais – avaient voté un texte préparé à l'initiative du Parlement européen lui-même sur l'éligibilité des ressortissants de la Communauté et sur la possibilité pour eux de voter, à la fois aux élections municipales et aux élections européennes (...) Je ne vais pas maintenant me déjuger ! (...) Ce texte a été repris par une proposition de directive de la Commission et c'est en fait cette proposition de directive qui devra être définitivement adoptée car le texte de Maastricht ne prévoit qu'un engagement des États. Quant à l'extension du droit de vote aux autres étrangers, je n'avais pas pour ma part voté la disposition (...) En revanche, la disposition concernant les ressortissants de la Communauté répond à une logique, (...) dans la perspective de ce que devient la Communauté elle-même : un espace où l'on vit, où l'on travaille, où l'on a les mêmes droits (...), sans renoncer à sa nationalité, à sa culture, à son pays (...) »

La prise de position de Jacques Chirac

« J'avais été très étonnée par la première position de Jacques Chirac (…) qui était plutôt négative sur le Traité de Maastricht. (…) Or, je voyais très bien les problèmes que lui poserait, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, un appel à voter "non" à un éventuel référendum, surtout si le non devait l'emporter. (...) Pour un grand nombre de sympathisants de l'UDF, le problème est d'une telle importance qu'ils ne soutiendraient pas la candidature de Jacques Chirac à une élection présidentielle. Sur le plan international, tout présidentiable qui prendrait position contre le Traité de Maastricht serait confronté à de lourds handicaps s'il arrivait au pouvoir, non seulement vis-à-vis de nos partenaires de la Communauté, mais aussi sur le plan international. (…) »

Et si la France disait non à la ratification du Traité de Maastricht ?

« Si la France ne ratifiait pas le Traité de Maastricht, la Communauté éclaterait. (…) Nous avons été parmi les fondateurs de la Communauté ; les plus grandes impulsions ont toujours été données par les Présidents français. On sait très bien que la Communauté repose essentiellement sur la France et la République fédérale d'Allemagne. (…) Si un petit pays de la Communauté, même l'un des fondateurs de celle-ci, partait, la Communauté pourrait continuer à fonctionner. Mais sans la France, cela ne serait pas possible. Ce serait un choc politique avec des répercussions considérables. »

L'Europe et la situation en Yougoslavie

« Cet exemple montre bien qu'il n'y a pas assez d'Europe. (…) S'il y avait eu en Europe un embryon de système de sécurité européen, on aurait pu sans doute (…) mettre sur pied une force d'interposition. Or, on ne peut prendre aucune décision de ce genre dans le cadre actuel de la Communauté européenne et l'on est bien obligé de faire appel aux Casques Bleus de l'ONU. (…) »

Les pouvoirs de la Commission européenne

« Dès 1989 (...), j'ai dit que le marché intérieur imposera d'aller plus loin sur le plan institutionnel et de renforcer le contrôle politique et démocratique sur la Commission. (…) Depuis 1957, la Commission met en œuvre les décisions prises par le Conseil. Les membres de cette Commission ne sont pas des fonctionnaires (…) mais ils sont nommés par les gouvernements comme s'ils l'étaient. Le Parlement européen peut théoriquement censurer la Commission mais comme ce n'est pas lui qui en nomme les membres il ne le fait pas. (…) Une étape importante sera franchie dès lors que le Parlement européen sera associé à la désignation des membres de la Commission. »

France : le déséquilibre des institutions

« Depuis des années, Je déplore le déséquilibre des pouvoirs entre le Président de la République et le Parlement. Aujourd'hui, c'est le gouvernement et très souvent le Président de la République qui, en fait, contrôlent ce qui se passe à tous les niveaux dans le pays et tous les pouvoirs se trouvent regroupés à l'Élysée. »

Q. : Deux fois sept ans ce n'est pas trop ?

R. : Si, c'est beaucoup trop. Mais je voudrais déjà que l'on modifie le système actuel : sept ans, c'est déjà beaucoup trop. Il n'y a aucune autre démocratie où l'on observe une telle concentration de pouvoirs dans les mains d'une seule personne. (…)

Les parlementaires français sont largement dépossédés du pouvoir législatif sur le plan national. Le fait de l'être sur le plan européen et de se contenter de transposer au niveau national les directives communautaires ne les gênaient pas outre mesure, en tout cas beaucoup moins que cela ne gênait les parlementaires anglais ou allemands. (…)

La durée du mandat à cinq années, dans la mesure où elle réduit un peu les pouvoirs du Président. J'y suis favorable. On ne reviendra pas – et je le regrette – à l'élection du Président par le Congrès. C'est la raison pour laquelle je me suis prononcée depuis plusieurs années pour un système présidentiel. (…)

Q. : Êtes-vous favorable à des élections législatives anticipées ?

R. : Maintenant que nous sommes entrés dans le processus de ratification du Traité de Maastricht, il serait regrettable d'avancer les échéances électorales. (…)

Le climat politique

Q. : Estimez-vous que M. Bérégovoy est en mesure de mettre fin à la morosité des Français ?

R. : Je n'en sais rien car tout cela est très psychologique. (...) Le débat politique ne tourne plus autour de Mme Édith Cresson ou de telle ou telle situation, mais autour de Maastricht. Cela a un effet de mobilisation et c'est une bonne chose. De vrais problèmes sont abordés au fond et certaines interventions sont de qualité. (…) On a un peu oublié le reste. Pendant combien de temps ? On n'en sait rien. (…)

Q. : L'opposition pourra-t-elle éviter de se diviser sur la ratification du Traité de Maastricht ?

R. : L'opposition va se trouver exactement dans la même situation que le Parti socialiste, avec des personnalités et des courants qui seront hostiles à ce Traité, mais qui seront très minoritaires. À l'UDF, il n'y a que quelques personnalités qui y sont opposées ; au RPR, le courant minoritaire sera un peu plus important. Il en sera de même au Parti socialiste autour de M. Chevènement. (…) Il semble, selon les pointages, qu'il y aura une majorité des trois cinquièmes au Congrès.

Q. : Ne pensez-vous pas que M. Mitterrand sera tenté d'utiliser la ratification du Traité pour effacer l'échec personnel qu'ont selon vous, représenté pour lui les dernières élections locales ?

R. : Il essaiera, c'est évident. Mais le sondage qui a été publié ce matin montre que les français ne seront pas dupes. Ils sauront faire la part des choses. (…) Ils se diront que M. Mitterrand a raison sur ce point, qu'on ne peut pas pénaliser la France, son avenir et l'Europe (…) même si, sur le plan intérieur et en matière de politique étrangère, il a commis des erreurs telles qu'ils ne peuvent plus lui accorder leur confiance.