Déclaration de M. Michel Sapin ministre de l'économie et des finances, sur le bilan d'activité de la BERD en faveur notamment des pays de la CEI lors de sa première assemblée annuelle, Budapest le 14 avril 1992.

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Circonstance : 1ère assemblée annuelle de la BERD à Budapest le 14 avril 1992

Texte intégral

Discours de M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, gouverneur pour la France

Première assemblée annuelle de la BERD (Budapest, 14 avril 1992)

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,

Cette rencontre est pour moi une double première : 
     – elle marque mon premier contact avec la Communauté financière internationale depuis que je suis ministre de l'économie et des finances ; 
     – et ce premier contact est aussi l'occasion de ma première expression publique sur ce dossier crucial pour l'avenir de l'Europe : l'avenir de l'Est du continent.

Attentif depuis toujours aux signes, j'y vois bien le symbole du rang qu'occupe ce dossier parmi tous ceux que j'aurai à traiter.

Je suis donc particulièrement heureux que ce premier contact soit consacré à une des institutions nouvelles, à cette première assemblée de la BERD, ici, au cœur de notre vieille Europe.

Cette réunion traduit notre volonté de construire ensemble un espace de démocratie et de solidarité, d'assurer au continent tout entier une prospérité durable. La Banque européenne est l'un des moyens de cette ambition.

La présence des représentants des États de la CEI, témoigne de leur adhésion aux valeurs démocratiques, Qu'il me soit permis, au nom de mon pays, de leur adresser un salut chaleureux ; notre soutien ne leur fera pas défaut.

La Banque européenne dans laquelle ils font aujourd'hui leur entrée est une institution reconnue par tous. Sous votre impulsion, Monsieur le Président, et grâce au concours de ses administrateurs et de son personnel, la BERD a su prendre rapidement sa place parmi les institutions financières internationales.

L'appui de nos pays actionnaires a été un des éléments déterminants du succès de la Banque. Le versement accéléré du capital, l'apport de fonds d'assistance technique, lui ont permis de conforter son assise financière et d'accomplir la plénitude de ses missions. La France se félicite d'avoir pu contribuer à cet effort, notamment par l'octroi à la Banque de fonds pour l'assistance technique.

Le nombre et la qualité des projets déjà approuvés montrent que la Banque a su prendre un excellent démarrage. Cette célérité dans l'action est certainement, depuis sa création, un de ses atouts essentiels.

Permettez-moi d'évoquer avec vous les grands enjeux qui doivent permettre la réussite du processus en cours dans les pays d'Europe Centrale et dans la CEI.

Le processus engagé ne pourra réussir que si trois éléments sont conjugués la mise en place des réformes économiques indispensables à la croissance :
     – la mise en place des réformes économiques indispensables à la croissance ; 
     – l'assistance financière des pays occidentaux et des institutions multilatérales ; 
     – enfin, l'ouverture des marchés, condition d'une insertion durable dans la communauté internationale.

1. L'engagement par les pays en transition des réformes macroéconomiques est un processus de longue haleine.

Nous savons tous que ces réformes se traduisent d'abord par des difficultés pour la population, alors que leurs effets bénéfiques ne se font sentir que très progressivement.

La chute de la production et du niveau de vie, parfois aggravée par des mesures de libéralisation commerciale trop précoces, peut mettre en danger le tissu social et la démocratie. La libéralisation de l'économie et l'introduction de mécanismes de marché, si elle n'est pas organisée et accompagnée, peut rapidement être assimilée par les populations au marché noir, voire à la corruption.

La démocratie a besoin de structures politiques, mais aussi administratives et sociales, auxquelles chacun puisse adhérer. L'État doit être en mesure de réguler l'activité économique : il lui appartient aussi de définir les cadres institutionnels et réglementaires dans lesquels elle s'exerce.

Notre présence à Budapest, capitale d'un État engagé avec succès, depuis plusieurs années, dans la transition économique, est là pour nous rappeler les vertus du gradualisme ou, plus simplement, de la mesure.

Sur le plan macroéconomique, les pays d'Europe Centrale ont déjà réalisé des évolutions importantes. L'introduction de signaux de marché par la libéralisation des prix et les politiques de stabilisation et d'ajustement sont en bonne voie. Malheureusement, l'inflation reste élevée et le chômage s'aggrave, mais les bases sont posées pour une croissance durable.

Cependant, l'ajustement, comme les réformes structurelles nécessaires, dépendent de l'appui financier de l'Occident.

2. C'est la là seconde condition nécessaire au succès de la transition.

Les besoins de financement sont considérables : la situation des balances de paiements, les besoins d'équipement en infrastructures publiques, la reconstruction d'un appareil de production adapté, sont des enjeux décisifs.

La communauté internationale a réagi avec rapidité. La création de la BERD, mais aussi la constitution du G 24, les efforts consentis par les créanciers dans le cadre du Club de Paris, et surtout l'adhésion rapide des pays de l'Est et de la CEI aux institutions de Bretton Woods, permettent de traiter de manière globale la situation.

Pour les États de la CEI en particulier, la reconnaissance conjointe et solidaire de la dette de l'ancienne URSS, et leur adhésion prochaine au FMI et à la Banque mondiale, étaient des étapes indispensables. La mise en place, le moment venu, d'un fonds de stabilisation du rouble pourrait dans ce contexte, apporter le filet de sécurité nécessaire au rétablissement de la confiance dans la monnaie et au maintien des flux d'échanges. La France y est favorable.

L'effort accompli est considérable : la Communauté européenne et ses États membres, en particulier, ont su montrer dans ces circonstances historiques leur capacité de mobilisation et de solidarité.

La Banque européenne a un rôle particulier à jouer. Sa double nature de banque de développement et de banque d'affaire en fait un partenaire de premier plan. Définir des stratégies sectorielles dans des secteurs clés, tels que l'énergie ou les télécommunications, financer les infrastructures de base nécessaires, participer enfin au développement de projets rentables dans le secteur privé, sont des tâches urgentes. Elle y jouera un rôle de premier plan.

3. L'ouverture des marchés enfin est le troisième sujet que je voudrais évoquer.

L'assistance financière est, pendant cette première phase de la transition, indispensable, bien évidemment. Mais il ne faut pas confondre l'instrument et l'objectif.

L'objectif que nous recherchons ensemble, c'est de faire des pays d'Europe Centrale et des partenaires à part entière dans tous les domaines : économique, commercial, scientifique, culturel.

L'ouverture plus résolue de nos marchés est une des conditions nécessaires. À l'engagement des pays en transition dans des réformes difficiles doit répondre notre engagement ferme en faveur de l'accès aux marchés et aux technologies.

À terme, le renforcement des échanges à l'échelle du continent immense qui est le nôtre, est un gage de croissance et de prospérité pour tous.

Il faut inciter les entreprises occidentales à accroitre leur présence à l'Est. C'est dans les jours difficiles que traversent nos partenaires de l'Europe Centrale et de la CEI que se noueront les relations de confiance. Elles sont le gage d'une coopération durable et fructueuse.

Ces évolutions seront longues : elles seront, nous le savons tous, difficiles. C'est pourquoi, il est très important de disposer d'enceintes de réflexion et de dialogue.

La BERD, outre son rôle d'institution financière, est l'un des forums où s'ébauche l'Europe de demain. Ce premier anniversaire est l'occasion de lui confirmer notre soutien.

Je suis convaincu que nous pourrons, ensemble, surmonter les obstacles et créer, à l'horizon du XXIe siècle, un espace de prospérité, de paix et de démocratie.

Comme Buda et Pest se sont rejointes il y a bien longtemps sur le bord du Danube, il appartient à la génération présente de faire se rejoindre les deux moitiés de notre Europe.