Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le bilan de la négociation collective pour 1996 et le développement du dialogue social au service de l'emploi, Paris le 23 juin 1997.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale de la négociation collective à Paris le 23 juin 1997

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureuse de présider cette réunion de la Commission nationale de la négociation collective, quatre jours seulement après la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement.

Je veux y voir la manifestation du rôle éminent que la négociation collective doit jouer pour concrétiser la priorité absolue que le gouvernement entend donner à l'emploi.

Je souhaite en effet ardemment que vous puissiez jouer pleinement votre rôle pour favoriser l'emploi et lutter contre l'exclusion du marché du travail.

Le Premier ministre m'a confié un ministère de l'emploi et de la solidarité, aux compétences très étendues : le travail, l'emploi et la formation professionnelle, l'action sociale, la lutte contre l'exclusion, la santé, la sécurité sociale mais aussi la ville, l'intégration et les rapatriés. Il y a dans tous ces domaines matière à négociation.

J'aborderai dans un premier temps le bilan de la négociation collective (I).

Je vous indiquerai ensuite, dans le cadre des grands axes de la politique du gouvernement, quelles sont les principales orientations des mois à venir (II).

Je tracerai enfin devant vous les pistes d'action (III) qui s'ouvrent et pour lesquelles toutes les énergies doivent être mobilisées.

En effet, dans l'ensemble de ces domaines, l'État entend ne pas agir seul et de façon centralisée. La lutte pour l'emploi et contre le chômage ne sera vraiment efficace que si elle parvient à fédérer les efforts de tous, c'est-à-dire au premier chef des partenaires sociaux, aux niveaux interprofessionnel, des branches et des entreprises, mais aussi de tous les acteurs locaux. Gouverner autrement, ce sera aussi mettre en mouvement l'ensemble de ces acteurs.

Vous comprendrez ainsi toute l'importance que j'attache à la négociation collective, qui doit prendre toute sa place dans le pacte de développement et de solidarité qu'a proposé le Premier ministre.

Je voudrai maintenant aborder le bilan de 1996.


I. - Les principales tendances de la négociation collective en 1996 : une bonne tenue d'ensemble malgré un certain nombre de zones d'ombre selon les thèmes et les niveaux

Le contexte économique prévalant en 1996 a été maussade. Sans revenir sur l'analyse qu'a développée à l'instant le directeur de la prévision, force est de souligner que l'atonie de la demande intérieure, et notamment la faiblesse de l'investissement a contribué à maintenir un niveau très élevé de chômage (12,8 %). Dans ce contexte peu porteur, la négociation collective a fait preuve globalement d'une bonne tenue, même si apparaissent des zones d'ombre, lorsque l'on se livre à une analyse plus fine des thèmes de négociation et de leur articulation.

I.1. La négociation collective s'est dans l'ensemble maintenue en 1996.

S'agissant du niveau interprofessionnel, force est de constater qu'après la forte relance, en 1995 de la politique contractuelle, ayant conduit à la signature d'accords marquants par leur ambition et l'audace de leurs compromis sociaux, l'année 1996 apparaît en demi-teinte. La négociation a porté en germe moins d'innovations, les accords reconduisant le plus souvent des dispositifs existants ou visant à sauvegarder et réorganiser les régimes de retraites ou de prévoyance.

À ce titre, et sans en mésestimer l'importance, je citerai les principaux accords ayant vu le jour, en matière de retraite complémentaire, de renégociation de la convention pluriannuelle d'assurance chômage, ou encore de création du fonds de gestion de la formation professionnelle.

Je note avec satisfaction que l'accord relatif à l'ARPE (l'allocation de remplacement pour l'emploi), dispositif prometteur mis en place en 1995, a été reconduit en 1996. Il a permis, au 31 mars 1997, l'embauche sous CDI de 56 500 salariés, dont beaucoup de jeunes.

Au niveau de la branche professionnelle, je note l'augmentation du nombre d'accords (1 030 accords). J'y vois le signe de la vigueur de ce niveau de négociation dont on entend trop souvent dire qu'il serait dépassé.

Ces données marquent en outre le succès de la politique de généralisation de la couverture conventionnelle. En effet, je ne peux que me féliciter que 8 nouveaux secteurs soient désormais couverts par une convention collective. Au-delà, je souhaite rappeler l'attention que je porte à la poursuite de cette démarche de généralisation, qui, depuis le début des années 1980, a permis de ramener le nombre de salariés non couverts par une convention collective de 3 millions à moins de 500 000. J'y vois le signe qu'un très important travail a été accompli, qu'il nous appartient de poursuivre ensemble.

La généralisation de la couverture conventionnelle étant désormais pratiquement acquise, il faut aussi éviter que de nouveaux vides conventionnels ne se créent. Dans ce cadre, je veillerai à ce que l'opération de réécriture des champs d'application, sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir, entre bien dans cette perspective d'amélioration de la couverture conventionnelle des salariés, tout en clarifiant le panorama conventionnel. En effet, offrir à chaque salarié une couverture de branche est un objectif d'équité mais aussi une garantie essentielle pour sa protection.

La négociation d'entreprise quant à elle continue de progresser, dépassant en 1996 les 9 200 accords. Le ralentissement observé de cette progression doit retenir toute notre attention, compte tenu de la nécessité d'assurer le développement de la négociation d'entreprise, qui ne couvre encore aujourd'hui qu'un salarié sur cinq environ. L'effort doit donc être poursuivi, à ce niveau de négociation.

I.2. S'agissant des thèmes, deux points méritent d'être soulignés en 1996 : le déplacement de la négociation des thèmes salariaux vers des thèmes non salariaux et la faiblesse persistante de certains autres thèmes

J'évoquerai d'abord le bilan Bas et Moyens Salaires, qui appelle de ma part quelques commentaires. En effet, après l'augmentation du SMIC décidée au 1er juillet 1995, suivie en 1996 d'un réajustement en cours d'année, les bilans successifs qui vous ont été présentés s'avéraient en nette détérioration. En revanche, après celui du 31 décembre 1996, le bilan établi au 1er juin 1997 enregistre des progrès au regard du pointage des branches dont tous les coefficients minima sont supérieurs au SMIC. Le nombre de ces branches repasse en effet de 50 à 70 % du total. Espérons que les négociations salariales qui devront s'engager cet automne permettent de maintenir au moins cet objectif après l'augmentation de juillet.

La déficience persistante de certaines branches mérite d'être pointée. S'agissant des branches aux grilles les plus détériorées, parmi lesquelles le négoce de l'ameublement, l'industrie du caoutchouc et les coopératives de consommation, des initiatives doivent désormais être rapidement prises, de manière à relancer la négociation, avec l'aide des services du ministère si cela s'avère nécessaire.

Plus généralement, la négociation salariale marque un repli numérique, après deux années de forte hausse. J'observe cependant que le taux moyen de hausse des salaires augmente légèrement, dans un contexte d'inflation faible et décroissante, sans retrouver pour autant son niveau de 1993.

En 1996, les branches continuent à négocier principalement sur les salaires minima. Mais la hiérarchie de ces minimas n'en exerce pas moins un effet structurant de longue durée sur la hiérarchie des salaires effectifs négociés dans les entreprises. Ces dernières situent en effet globalement leurs augmentations réelles dans une fourchette analogue à celle des branches, en favorisant le bas des grilles de classification.

La dynamique de la négociation salariale est fondée en pratique sur cette complémentarité très fine des niveaux de négociation. Les décisions que le gouvernement propose de prendre s'agissant de l'augmentation du SMIC prennent donc en compte la nécessité de ne pas oblitérer la négociation salariale de branche, qui a un rôle important à jouer dans ce domaine. Il conviendra de veiller à ce que les objectifs assignés en 1990 à l'opération Bas et Moyens Salaires ne soient pas perdus de vue, et notamment à ce que la négociation permette bien d'assurer à chaque salarié, non seulement une garantie de rémunération supérieure au SMIC mais aussi une perspective de déroulement de carrière valorisant sa qualification. Sur la longue période, le tassement des grilles continue de limiter les perspectives de carrière. J'insiste donc auprès de vous sur l'importance que j'attache à la poursuite et au renforcement de vos efforts en la matière.

Parallèlement à la négociation salariale, le mouvement de refonte des classifications initié dans le cadre de l'opération Bas et Moyens Salaires, s'est poursuivi, avec S nouvelles grilles conclues et de nombreux aménagements à la marge.

En matière d'emploi et de temps de travail, les négociations de branche ont été "portées" durant l'année 1996 par l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995. Après un départ encourageant, les négociations de branche ont connu un essoufflement manifeste au second semestre. Au total, le bilan consacre un succès relatif, puisque 25 grandes branches et 9 plus petites, représentant 4 millions de salariés, sont parvenues en 1996 à un accord sur le thème de l'aménagement et de la réduction du temps de travail.

Au niveau de l'entreprise, le thème du temps de travail dépasse pour la première fois, en proportion du nombre d'accords, légèrement celui des salaires. À ce niveau de négociation, l'aménagement du temps de travail ne saurait être réduit à la mise en œuvre du dispositif d'aide issu de la loi Robien, dont l'impact est évident même si son application n'a concerné que 75 000 salariés.

Au total, l'ensemble des dispositifs d'aménagement du temps de travail couvre aujourd'hui 1,3 million de salariés.

En matière de formation professionnelle et après deux années de· réorganisation du système de collecte, l'année 1996 a permis aux partenaires sociaux d'assurer les moyens de sa gestion. Par ailleurs, la couverture sociale complémentaire constitue l'un des thè1nes dominants, sur laquelle s'investissent de plus en plus les partenaires sociaux à l'ensemble des niveaux de négociation.

Enfin, je ne peux que déplorer que certains thèmes de négociation demeurent trop confidentiels, au stade de l'élaboration des conventions collectives comme à celui de leur révision. C'est le cas des conditions de travail, qui sont une dimension essentielle de toute démarche de réorganisation du travail, de la recherche des voies de l'égalité entre les femmes et les hommes ou encore de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

I.3. Je voudrais, pour terminer sur le bilan, insister sur la nécessité que la négociation articule mieux ses différents thèmes, à chacun de ses niveaux

C'est déjà le cas au plan interprofessionnel, si je me réfère aux deux accords du 31 octobre 1995. Le premier d'entre eux ouvre la voie à une synergie forte entre les thèmes de l'aménagement du temps de travail et de sa réduction dans des conditions qui fassent converger l'impératif de création d'emplois, la nécessité d'adaptation et de réactivité de l'entreprise et l'amélioration des conditions de travail et de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le second s'inscrit également dans une perspective de décloisonnement, puisqu'il redessine l'articulation des niveaux de négociation et appelle les branches à traiter de façon cohérente les thèmes de la représentation des salariés, des modalités spécifiques de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et des conditions concrètes de mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle des acteurs.

Au niveau des branches, l'emploi et la formation professionnelle d'une part, les salaires et les classifications d'autre part, illustrent ce même propos. Enfin, je note que dans les entreprises, la négociation sur les thèmes de l'emploi, des classifications et de la formation professionnelle est de plus en plus souvent globalisée. Cette liaison va dans l'intérêt objectif des représentants du personnel, qui peuvent ainsi appréhender de façon plus globale les enjeux de l'entreprise, qui acquiert de nouvelles marges de manœuvre pour son organisation du travail ou sa gestion des ressources humaines.

Sur la base de ce constat et des évolutions qui se dessinent, j'appelle chacun des niveaux de négociation à s'engager plus avant dans un dialogue social plus global, articulant salaire, temps de travail et accroissement des compétences dans une perspective qui soit favorable à l'emploi. C'est là une des conditions de réussite de la conférence nationale sur l'emploi, les salaires et la durée du travail, sur laquelle je reviendrai.

Au niveau interprofessionnel, une impulsion de la vie conventionnelle s'avère de mon point de vue indispensable. Elle doit nécessairement prendre en compte les paramètres économiques généraux et l'ensemble des mutations à l'œuvre, en ayant une vision en amont des politiques gouvernementales mais aussi des enseignements remontant de la vie conventionnelle des branches et des entreprises. Ce niveau doit donner un cap et outiller, suivre et évaluer les effets des pratiques conventionnelles et des nouveaux compromis sociaux.

La branche, qui conserve son rôle normatif direct, notamment en ce qui concerne les PME, doit jouer un rôle d'encadrement, de suivi et d'animation de la négociation d'entreprise, passant par la formation des négociateurs et l'outillage sur certains thèmes de négociation. Une articulation fine entre la branche et l'entreprise est à cet égard essentielle, au regard des différences de structures et de taille, du niveau d'implantation syndicale ou de l'enchevêtrement des liens juridiques et économiques. La branche peut y trouver des moyens de relégitimation lui permettant de mieux jouer son rôle en tant qu'instance de régulation économique et d'harmonisation sociale.

L'entreprise est enfin le lieu où les régulations les plus fines peuvent s'opérer et les curseurs les plus précis être placés dans le respect des échelons supérieurs. J'insiste à cet égard sur le fait que l'accès à la négociation d'entreprise peut permettre d'accroître le niveau des garanties pour les salariés.

Enfin, ensemble, l'État, l'interprofession et les branches, doivent porter leur attention sur un tissu tout aussi créateur d'emplois que fragile, celui des PME. Les partenaires sociaux doivent y être soutenus et aiguillés et les enjeux clairement explicités. Il s'agit notamment de faire en sorte que les solutions négociées, réduisant aujourd'hui le temps de travail à la faveur d'une exonération de cotisation sociale ou d'une aide publique, ne se traduisent pas à terme par une situation économique et sociale plus difficile encore.


II. Donner une impulsion nouvelle à la négociation au service d'un objectif permanent : l'emploi

La situation que connaît aujourd'hui notre pays appelle un vigoureux effort collectif au service de l'emploi. C'est l'objet principal du pacte de développement et de solidarité proposé par le Premier ministre, dont je souhaite rappeler les orientations devant vous.

Pour faire reculer le chômage, nous devons retrouver une croissance durable et imaginer ensemble un modèle de développement plus solidaire et plus riche en emplois. C'est pourquoi il nous faut relancer le pouvoir d'achat partout où cela est possible, en priorité par la négociation collective. Nous aurons l'occasion d'en parler lors de la Conférence nationale sur les salaires, l'emploi et le temps de travail.

Mais l'État doit utiliser les outils qui sont à sa disposition, tels que la revalorisation du SMIC ; il se doit par ailleurs de donner la priorité aux dépenses publiques qui répondent à la fois aux besoins les plus fondamentaux de nos concitoyens et qui soient créatrices d'emploi. C'est le cas du logement, pour lequel nous avons d'ores et déjà un objectif de réhabilitation de 100 000 logements supplémentaires dès cette année.

Enfin, la réforme de la fiscalité et des prélèvements sociaux, qui va être préparée dès cet été, devra d'une part mieux équilibrer les prélèvements entre revenus du capital et revenus du travail - ce sera le cas du transfert progressif des cotisations salariales d'assurance maladie sur une contribution sociale élargie - et d'autre part, rendre moins coûteux le travail. Toutes ces mesures contribueront largement à fixer un environnement favorable à l'emploi.

La réduction de la durée du travail devra, quant à elle, permettre de créer des emplois tout en constituant un facteur d'équilibre dans une société où le manque de temps contribue à engendrer bien des difficultés personnelles ou familiales. La négociation sur ce thème, qui ne pourra s'engager qu'en liaison avec la politique salariale, est majeure car, selon les modalités qui seront retenues, les effets sur les conditions d'emploi et de travail seront plus ou moins imposants. Nous savons déjà que cette réduction doit être significative. C'est pourquoi nous devons donner du temps à la négociation, tout en appliquant les nouvelles dispositions sans trop tarder.

Il est désormais indispensable d'établir ensemble un cadre général pour faciliter l'organisation de ces négociations et pouvoir en attendre une issue favorable. C'est dans cet esprit que le gouvernement entend mettre sur pied avec les partenaires sociaux une Conférence nationale sur les salaires, l'emploi et le temps de travail, qui s'ouvrira en septembre. Elle intégrera dans sa discussion l'ensemble des éléments de l'équation qui permettront de déclencher de façon concomitante une relance de la consommation des ménages et une réduction progressive du temps de travail.

Cette conférence aura à fixer des orientations cohérentes pour cet effort collectif, dans le cadre des orientations gouvernementales. Elle devra être préparée soigneusement avec vous, dès cet été, et visera à favoriser la création d'emplois, sans alourdissement excessif des· charges, tout particulièrement s'agissant des entreprises de main d'œuvre. C'est pourquoi l'Etat s'engage à apporter son appui, notamment financier, de façon à éviter une perte de compétitivité pour les entreprises.

Un projet de loi-cadre sera présenté au Parlement à l'issue de la conférence nationale. Le texte législatif aura pour objet de fixer la date à laquelle la durée légale sera ramenée à 35 heures, et renverra à des négociations.

Ces actions générales sur la croissance et le temps de travail ne rendent pas moins nécessaire une très grande attention aux difficultés particulières que rencontrent certaines catégories pour accéder à l'emploi. La lutte contre l'exclusion sociale doit de mon point de vue commencer très en amont. Le gouvernement accordera donc une grande priorité à la qualité de la formation continue dans les entreprises, qui ont une obligation de qualifier, d'entretenir et de développer les compétences de tous les salariés, leur pem1ettant ainsi de faire face avec plus de sérénité aux évolutions professionnelles auxquelles ils seront nécessairement confrontés. Les ressources disponibles doivent être mobilisées à bon escient dans ce but.

Par ailleurs, le gouvernement souhaite favoriser la cessation d'activité de tout salarié ou demandeur d'emploi ayant cotisé 40 ans. Nous demanderons donc aux partenaires sociaux d'examiner dans quelles conditions pourrait être élargi l'accord sur l'ARPE.

Le programme d'action que je vous propose est ambitieux, exigeant et réaliste. Il est tel qu'il laisse à chaque acteur sa place pleine et entière et le resitue dans ses responsabilités. Cette démarche, qu'il nous appartient désormais de concrétiser ensemble, se place pour certains de ses éléments dans une perspective de moyen terme, mais doit commencer à se déployer sans tarder. Elle vise à créer par des actions conjoncturelles et une démarche structurelle, un climat de dynamisme et de confiance qui facilite la réalisation des transformations que nous devons construire.

À l'évidence la prise en charge des exigences absolues que nous dicte l'objectif d'un meilleur emploi implique enfin un surcroît de dynamisme et une extension de la négociation collective. L'État mettra de son côté tout en œuvre pour soutenir le développement de la négociation collective afin qu'elle puisse prendre en charge plus largement les enjeux de transformation qui se présentent aujourd'hui à nous.


III. Il faut aujourd'hui que l'État appuie l'effort des partenaires sociaux pour que la négociation collective puisse relever ce défi en tant qu'acteur de la transformation.

Il le fera résolument à partir des instruments existants, mais aussi en concevant en liaison avec les partenaires sociaux de nouveaux outils d'appui au dialogue social.

Un certain nombre d'outils existent ou peuvent être développés, à l'initiative de mes services, en lien avec les partenaires sociaux

Les commissions mixtes, au nombre d'une soixantaine, donnent d'années en années des résultats encourageants, notamment dans le cadre de l'opération, lancée en 1981, de généralisation de la couverture conventionnelle.

Je signale tout particulièrement à votre attention, sachant que certains d'entre vous en ont été les acteurs directs, la conclusion de la convention collective des hôtels-cafés-restaurants, pour laquelle, à la fois les partenaires sociaux et mes services se sont particulièrement impliqués. J'ai parfaitement conscience que la signature de ce texte, tant attendu et qui comporte des avancées au regard des particularités du secteur, est intervenue au bénéfice d'engagements de la puissance publique. Je m'emploierai donc à faire en sorte que ces engagements soient tenus.

En matière d'aide à la négociation de branche et de généralisation de la couverture conventionnelle, on peut estimer que nous atteignons aujourd'hui un palier, au-delà duquel les marches deviennent difficiles à monter : le sport et l'audiovisuel sont des secteurs complexes et multiformes, pour lesquels nous nous attacherons, avec votre aide, à trouver des solutions adaptées et négociées.

Pour ce qui concerne les vides résiduels, je crois désormais que la voie de l'adhésion doit être - sérieusement envisagée chaque fois qu'elle s'avère possible, de façon à ne pas multiplier indéfiniment le nombre de conventions collectives, ce qui conduirait à terme à un éclatement préjudiciable aux salariés comme aux entreprises, sans parler du problème de la compétence des négociateurs.

Enfin, sachez que je n'exclus pas à priori la voie de l'élargissement, pour les secteurs où le blocage de la négociation apparaîtrait par trop important.

Par ailleurs, l'outillage des négociateurs à chaque niveau de leur intervention est un thème sur lequel mes services travaillent avec régularité, le prochain guide à paraître devant porter sur la négociation sur le thème de l'égalité salariale, en particulier entre les femmes et les hommes. Mes services vous solliciteront sur les modalités de diffusion de ces guides ainsi que sur toutes les autres formules de promotion, de facilitation et d'aide aux négociateurs.

Enfin, je voudrais citer la démarche expérimentale que le ministère conduit pour développer de nouvelles modalités d'appui au dialogue social. Cette démarche, dont les partenaires sociaux avaient été informés, démarre actuellement dans deux régions pilotes (Rhône-Alpes et Auvergne) sous l'impulsion de la direction des relations du travail, avec la participation des services déconcentrés et du réseau de l'ANACT.

Cette démarche de facilitation du dialogue social dans les entreprises s'inspire des formules d'aide à la négociation de branche, en l'adaptant à la réalité de petites entreprises où le dialogue social se déploie difficilement.

Cette initiative, si elle devait être pérennisée à la fin de la phase d'expérimentation, permettrait sans doute d'aider le dialogue social à se démultiplier dans les entreprises où, 15 ans après les lois Auroux, seulement un salarié sur dix est couvert par un accord d'entreprise portant sur les salaires réels.

Mais un engagement vigoureux des partenaires sociaux est indispensable.

Ce rôle de stimulation et d'appui de l'État ne saurait évidemment suppléer à l'engagement, indispensable, des partenaires sociaux eux-mêmes dans l'animation et la régulation de la négociation collective. Cette implication peut prendre des formes diverses dont je me bornerai à citer quelques exemples.

Tout d'abord, je compte bien entendu développer l'appui méthodologique et technique à la négociation, qui fait partie de la vocation naturelle des services du ministère. J'entends aussi démultiplier, tout particulièrement pour les PME, les possibilités d'aide au diagnostic et au conseil ainsi que les interventions du FACT.

Mais ces politiques publiques, qui seront intensifiées, doivent trouver leur pendant du côté des organisations syndicales et patronales dans un surcroît d'effort d'animation et d'instrumentation de leurs réseaux de responsables de branches, qui doivent à la fois prodiguer des appuis et donner des repères aux acteurs de la négociation d'entreprise, pour mettre en œuvre une meilleure articulation : des niveaux. Sans ces enchaînements, il est à craindre que le « changement de braquet » que nous souhaitons provoquer par des démarches tripartites nationales n'embraye pas assez sur la réalité de la négociation de branche et d'entreprise.

Je voudrais aussi aborder un dossier que la sous-commission des conventions et accords suit en lien avec les services. Il s'agit de l'opération de réécriture des champs d'application, engagée depuis maintenant plus de trois ans. Sur la centaine de branches ayant engagé des négociations, une trentaine de champs peuvent être étendus, mais une soixantaine présentent des problèmes de chevauchements particulièrement délicats, aux pourtours des champs des grandes conventions collectives (métallurgie, chimie, plasturgie...). J'attends des confédérations et des fédérations patronales et syndicales qu'elles opèrent un effort conséquent de rapprochement en direction des branches de moindre surface avec lesquelles elles présentent des interférences rendant impossible l'extension des accords présentés.

L'objet du lancement de l'opération de réécriture des champs n'était pas, dès 1994, d'opérer un regroupement forcé des conventions collectives. Je veillerai donc personnellement à ce que cet effort soit mené à bien, afin que nous puissions désormais sortir à la fin de l'année 1997 de l'opération en bénéficiant d'un panorama conventionnel clarifié.

L'effectivité de l'application des conventions collectives constitue un autre exemple de domaine d'implication et de vigilance des partenaires sociaux et de l'État. Bien entendu, je rappelle tout l'attachement que je porte aux services déconcentrés du ministère, et notamment à l'inspection du travail, qui exercent une action difficile dans des conditions souvent inconfortables, et veillent au quotidien à la bonne application des conventions collectives, aussi bien qu'à celle des lois.

J'entends bien que cette mission ne soit pas perdue de vue. Mais comment nier que, dans cet univers foisonnant qu'est devenu le monde du travail, le rôle de « veiller au grain » doit aussi être pris en charge par les partenaires sociaux eux-mêmes, au travers notamment des instances de suivi et d'évaluation. C'est pourquoi j'appelle à un développement de ces mécanismes, qui sont non seulement un gage de meilleure application du droit, une source d'éclairage sur la réalité des pratiques sociales, mais aussi une façon de mesurer l'impact socio-économique véritable des mesures légales et conventionnelles sur l’emploi.

De manière plus générale, j'invite les partenaires sociaux à poursuivre leurs efforts, tant au niveau interprofessionnel qu'à celui des branches, pour que la vie conventionnelle s'inscrive dans un cadre rénové, permettant de renforcer la vitalité du paritarisme. Des accords visant ces objectifs ont été conclus ces dernières années, qui pourraient faire école.

Dans un esprit de saine complémentarité, - les partenaires sociaux et l'État assumant toutes leurs responsabilités - je demanderai également à mes services de prolonger, au sein de la sous-commission des conventions et accords, le débat qui s'est engagé en 1996 sur la portée des avis d'interprétation des conventions collectives.

Et c'est dans le même souci que je dialoguerai avec vous et avec les parlementaires sur les conséquences à tirer de l'étude que mon prédécesseur, à la demande d'ailleurs de certains d'entre vous, avait confiée à Monsieur Yves Robineau, conseiller d'État, sur les rapports entre lois et négociation collective, et qui vous a été diffusé il y a quelques semaines.

Je souhaite maintenant vous écouter pour recueillir vos opinions sur le bilan de la négociation collective en 1996, qui vous a été remis et dont j'ai résumé· les grandes lignes, mais aussi sur les grandes orientations que j'ai souhaité tracer aujourd'hui devant vous.