Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis pour procéder à l'installation dans sa troisième mandature de la Commission supérieure de codification, créée par un décret du 12 septembre 1989 pour, je cite, « œuvrer à la simplification et à la clarification du droit », en procédant « à la programmation des travaux de codification », en fixant « la méthodologie d'élaboration des codes », et enfin en adoptant' et transmettant au Gouvernement les projets de code.
La Commission est placée sous la présidence du Premier Ministre et comprend un vice-président, des représentants du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes, deux parlementaires, membres des commissions des lois de l'Assemblée Nationale et du Sénat et plusieurs directeurs d'administration centrale.
Depuis la création de cette Commission, vous en êtes M. le Président Guy BRAIBANT, le vice-président, et de ce fait le principal animateur. Votre désignation pour ce troisième mandat manifeste la compétence et la détermination dont vous avez su faire preuve pour asseoir son autorité.
Je souhaiterais donc vous rendre d'emblée, M. le Président, un hommage tout particulier. Je salue également les autres membres, magistrats, parlementaires et hauts fonctionnaires, ainsi que les rapporteurs et collaborateurs de la Commission.
La présence à mes côtés de M. Zuccarelli, Ministre de la Fonction Publique, de la Décentralisation et de la Réforme de l'Etat, témoigne de l'importance de nos travaux pour les secteurs de sa responsabilité. Mme GUIGOU, Garde des Sceaux, en déplacement à l'étranger, a souhaité s'associer à cette cérémonie en désignant le directeur de son cabinet pour la représenter.
Je voudrais en premier lieu souligner les enjeux de la codification, puis montrer quel est le bilan des deux premiers mandats de la Commission, enfin proposer des perspectives pour le troisième mandat de quatre ans qui s'ouvre aujourd'hui.
Les enjeux de la codification
« Nul n'est censé ignorer la loi », mais nous savons tous qu'il est aujourd'hui bien difficile de connaître les lois et les règlements, non seulement dans leur totalité, mais même dans des domaines spécialisés.
Les textes se multiplient. Les sources du droit sont devenues plus nombreuses avec le développement rapide du droit communautaire et international.
Le droit pénètre des matières à caractère scientifique ou technique, dont il était jusque-là absent. Les lois et les règlements sont modifiés et complétés avec une fréquence accrue, au point qu'il est souvent difficile pour un non-spécialiste de connaître le texte applicable.
La démographie législative et réglementaire paraît incontrôlable. Régulièrement, un accord semble se faire sur l'objectif de simplification des textes, sur la nécessaire limitation des textes nouveaux, sur l'inévitable suppression des réglementations dépassées.
Mais, simultanément se manifeste l'attente d'une présence plus intense et plus précise de la loi, pour réglementer des domaines nouveaux, comme l'activité spatiale, les télécommunications, l'environnement ou la bioéthique. L'inquiétude de l'excès de normes cède alors le pas devant le sentiment de l'urgence de combler un « vide juridique ».
Les limites d'une régulation quantitative du flux de normes ainsi rappelées, apparaît plus clairement l'importance d'organiser le droit, de bâtir une architecture logique des lois et des règlements, préalable à l'indispensable effort d'information.
L'exercice de codification, en réalisant un « état des lieux » des textes, permet d'actualiser et de clarifier le droit. Il conduit à repérer des dispositions qui seraient contraires à la Constitution, à des engagements internationaux souscrits par la France ou devenues obsolètes.
La codification, en proposant une présentation exhaustive et cohérente de la règle de droit dans un domaine donné, est un facteur déterminant de la sécurité juridique.
Celle-ci est, on le sait, d'une grande importance pour les relations entre les personnes, pour les collectivités territoriales et pour les entreprises. La sécurité juridique est un élément essentiel de la compétitivité économique.
La sécurité juridique et la plus grande transparence du droit, permises par la codification, sont nécessaires à l'exercice effectif de la citoyenneté. Si la loi n'est accessible qu'aux plus cultivés, aux plus fortunés ou à quelques spécialistes, l'exigence démocratique est insatisfaite, le pacte républicain est atteint. L'expression de la volonté générale ne peut rester masquée aux yeux des citoyens.
Les enjeux de la codification sont donc d'une grande importance.
Premier bilan de la codification
Depuis la création de la commission, quatre codes ont été élaborés et adoptés par le Parlement, ceux relatifs à la propriété intellectuelle, à la consommation, aux juridictions financières et aux collectivités territoriales, ainsi que six des neuf livres du code rural.
Six autres codes ont été adoptés par la commission et approuvés par le conseil des ministres. Ils ont été déposés sur les bureaux des assemblées.
Je voudrais souligner que la réalisation de dix codes en huit années constitue un succès remarquable, compte tenu de l'ampleur et de la difficulté de la tâche.
Peu à peu la commission a élaboré en quelque sorte une doctrine sur les principes de la codification. Le principe de l'élaborer à droit constant, c'est-à-dire sans apporter aux textes codifiés de modifications de fond, a permis d'accélérer la codification. Les règles de délimitation des codes entre eux, ce qui est appelé le périmètre, le choix d'un plan selon une classification logique qui va du général au particulier et d'une division interne en fonction de la nature juridique des actes, ont permis de bâtir une architecture d'ensemble d'une grande cohérence.
Les travaux de la commission pendant ces huit années ont permis de constituer les fondations solides d'un édifice juridique dont la construction prendra de longues années et sera d'ailleurs en quelque sorte permanente.
Les perspectives
Il reste, nous le savons, un travail considérable à accomplir. Le programme de travail de la commission pour votre troisième mandat est largement défini. 20 codes sont inscrits, parmi lesquels le code de commerce, le code de l'artisanat et le code des transports, d'une grande importance pour les secteurs professionnels concernés, ainsi que le code de la magistrature et de la juridiction administrative ou le code des étrangers, dont l'utilité est évidente.
Il est souhaitable que l'œuvre de codification progresse à un rythme satisfaisant, compatible avec l'attente qu'elle suscite et la charge de travail qu'elle représente, pour les ministères et pour la commission.
Chaque ministre doit s'associer à cet effort en consacrant au travail de codification les moyens humains et matériels nécessaires. Je ne manquerai pas de le rappeler aux membres du gouvernement.
A titre d'illustration de cette reconnaissance de priorité gouvernementale, j'observerai que l'un des premiers conseils des ministres tenus sous le nouveau gouvernement a examiné deux projets de code, le Code de l'éducation nationale et différents livres du Code rural.
Les deux assemblées jouent un rôle déterminant dans la qualité de la codification. Il convient que leur rôle s'exerce pleinement, ce qui conduit à écarter la codification par ordonnances.
Comme vous le savez, l'ordre du jour du Parlement est chargé.
J'ai tenu, et il n'y a pas de précédent, à ce que, dès la session extraordinaire, soit examiné un projet de code, en l'espèce un livre du code rural.
Le ministre des relations avec le Parlement s'est déjà rapproché des présidents des commissions des lois afin de définir, d'un commun accord, une méthode de travail.
Je suis donc convaincu que la prise de conscience par toutes les institutions de l'État de l'importance de la codification va permettre de poursuivre et même d'accélérer la réalisation d'un travail juridique essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie.
Il serait bienvenu que l'exemple montré par le gouvernement soit suivi par les autres autorités qui produisent des normes, je pense notamment aux autorités administratives indépendantes, qui se sont vues déléguer une part du pouvoir réglementaire dans des domaines où les enjeux sont importants, régulation de l'audiovisuel ou des opérations boursières ou bien encore édiction de normes pour la constitution de fichiers informatiques.
D'autres normes échappent à toute codification, comme celles que diverses autorités élaborent dans des domaines techniques. Elles participent à la surcharge normative que les associations d'élus me signalent pour la déplorer. L'expérience de notre commission pourrait utilement être mise à profit pour proposer des règles de conduite pour l'élaboration et le classement de ces normes.
L'accès effectif au droit suppose également que le résultat des travaux de codification soit mis à la disposition du public dans des conditions permettant une consultation large et aisée, par tous les moyens de communication.
A chaque étape de l'évolution de la société et des techniques, il nous faut inventer des codes et des conventions pour permettre l'accès de chacun, quel que soit son niveau social et culturel, à la règle de droit.
Monsieur le Président, Messieurs, je suis heureux de déclarer la commission supérieure de codification installée dans sa troisième mandature et souhaite à vos travaux un plein succès.