Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, à France 2 le 2 août 1999, sur l'argent dans le football, le dopage et la sécurité dans les centres de vacances pour les jeunes.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. David
Ce week-end était sportif, il a été aussi médiatico-sportif avec l’annonce du transfert de N. Anelka de l’Arsenal au Real Madrid contre une somme qui est quand même assez importante, puisqu’il s’agit de 220 millions de francs. On sait que ce genre de transferts, ces sommes énormes, ne sont pas tellement de votre goût ?

M.-G. Buffet
– « Je pense surtout que toute la famille du football amateur, lorsqu’elle entend parler de telles sommes et que dans les clubs on a parfois du mal à trouver les moyens pour transporter les gamins, pour avoir l’équipement nécessaire etc., et bien les bénévoles souhaiteraient qu’une partie de cet argent serve à développer le football pour tous. Parce qu’il faut toujours penser que ce joueur – qui est un très bon joueur de foot –, tous les champions ont d’abord démarré dans un club amateur, entourés de bénévoles. Ces clubs ont besoin d’un encadrement renforcé, ils ont besoin d’équipements, etc. Donc c’est pourquoi je vais proposer une redistribution partielle des droits télé dans le projet de loi sur le sport, pour que cet argent quand même irrigue tout le sport. Et puis je pense au joueur lui-même, il a 20 ans et il fait déjà l’objet de médiatisation, de tractations financières. J’espère qu’il pourra quand même construire son avenir. Ça paraît drôle puisqu’il gagne des sommes formidables, mais… »

F. David
On parle de deux millions par mois…

M.-G. Buffet
– « … pourra-t-il garder son équilibre ? C’est des marchandises de luxe. C’est choquant au bout d’un moment. »

F. David
Est-ce qu’il existe un moyen de mettre fin à ce genre de pratique dont vous dites vous-même qu’elles sont un peu choquantes ?

M.-G. Buffet
– « Ecoutez, il faudrait qu’on arrête un peu la course entre les clubs. En France, la Ligue professionnelle contrôle les finances des Clubs. Et un club qui n’a pas les moyens nécessaires ne peut pas acheter les joueurs – et j’emploie exprès ce terme d’« acheter ». Dans d’autres pays de l’Union européenne, des clubs peuvent être en déficit et continuer à acheter, à faire de la surenchère. Je pense qu’on aurait besoin – je l’ai proposé au président de la FIFA, M. Blatter – je pense qu’on aurait besoin qu’au niveau de l’Union européenne – je parle au niveau sportif, au niveau de l’Union européenne de foot – il y ait des règles qui permettent de limiter cette course aux transferts qui devient complètement folle, et je le répète choquante, par rapport à l’ensemble du sport. »

F. David
Un autre dossier qui vous échoit en matière sportive, c’est celui du dopage. Bien sûr on en a beaucoup parlé au moment du Tour de France. Vous avez semblé dire que ce Tour de France, finalement c’était « Pas mal mais peut mieux faire ». Qu’est-ce que vous attendez de l’édition de l’année prochaine en matière de dopage, de contrôle du dopage ?

M.-G. Buffet
– « Je pense que ce Tour de France a quand même marqué une avancée. Des équipes, des coureurs ont décidé réellement d’être de cette lutte contre le dopage, de donner à leur sport une nouvelle image. On est au début. On n’est qu’au début parce que, bon, le système lui-même ne s’est pas modifié. Je pense que la lutte contre le dopage – qui n’est pas que dans le cyclisme parce que vous savez il faut toujours penser qu’il y a plus d’une cinquantaine de pratiques qui sont touchées – sera longue. Ça va demander beaucoup de volonté, de permanence mais je pense qu’avec l’aide du mouvement sportif tel qu’il s’est mobilisé on va y arriver. Ce qu’il faut maintenant c’est qu’on arrive à faire en sorte que cette lutte soit internationale. On avance au niveau de l’Union européenne. Il semblerait que la dernière réunion entre l’Union européenne et le CIO ait permis d’avancer sur l’Agence internationale de lutte contre le dopage. Moi je souhaite réellement… »

F. David
Que pour les jeux de Sydney, par exemple, elle soit en place !

M.-G. Buffet
– « Voilà ! Sinon je pense qu’on va perdre toute crédibilité dans ce combat. »

F. David
Un autre dossier – vous êtes aussi chargée en plus des Sports, de la Jeunesse : on parle beaucoup, on montre en ce moment à nos téléspectateurs des stages, des jeunes qui sont en stage, des jeunes qui sont dans des centres de vacances, des jeunes qu’on extraie de la ville pour essayer de leur faire retrouver quelque chose qu’ils n’ont plus. Est-ce qu’on peut déjà faire un petit peu un bilan de la compagne de cet été ?

M.-G. Buffet
– « Oui, on a déjà un premier bilan sur le mois de juillet. Au total, plus de quatre millions d’enfants et d’adolescents vont partir dans ces centres de vacances ou dans les camps de scouts. »

F. David
C’est plus que les années précédentes ?

M.-G. Buffet
– « Non. On a un chiffre à peu près égal, on a même une petite régression certainement liée à la fois au coût de ces séjours pour des familles moyennes et puis des familles qui ont parfois quelques inquiétudes, suite à des accidents qui ont eu lieu dans ces centres. Alors on s’aperçoit en fait que ces accidents, même s’ils sont à chaque fois, bien sûr, intolérables… »

F. David
Accidents puis les fermetures…

M.-G. Buffet
– « … c’est très minoritaire, c’est vraiment une infime minorité. Dans la plupart de ces centres les enfants sont très heureux, ces centres ont renouvelé leurs pratiques. Moi j’en ai visité cinq-six au mois de juillet. J’ai visité des centres d’EDF, de la SNCF, je suis allée voir les Guides de France où 4 000 filles étaient rassemblées à Jeanborée, bon ! Elles font des choses, ils font des choses formidables. Mais il faut être très vigilant. Nous avons fermé huit centres : des centres où il n’y avait pas d’encadrement qualifié ou trop peu d’encadrement qualifié ; des centres où les conditions d’hygiène et de sécurité n’étaient pas respectées. Nous allons poursuivre cette vigilance au mois d’août, je le dis pour ceux qui auraient la tentation de réorganiser ce genre de centres. Nous allons faire en sorte que très rapidement nos directions déconcentrées, les préfets, puissent intervenir pour les fermer. »

F. David
Vous avez prévu plein de choses à propos de l’éclipse. Que se passera-t-il dans ces centres de jeunes à propos de l’éclipse ?

M.-G. Buffet
– « Je crois d’abord que ça doit être une fête. Donc il y a beaucoup d’initiatives qui vont se préparer : il y aura du théâtre autour du thème du soleil, des fêtes, des veillées, etc. Et beaucoup de travail pédagogique parce que, à partir de là, on peut faire beaucoup de choses. Par contre nous avons également lancé une grande campagne pour la sécurité des yeux des enfants, une campagne qui s’appelle : « Plein les mirettes avec des lunettes ». Nous avons des cartes que nous allons distribuer dans les colos, des affiches, et nous allons distribuer des lunettes, nous avons commencé. »

F. David
Vous avez les vôtres ?

M.-G. Buffet
– « Oui, bien sûr. »

F. David
Vous serez en vacances au moment de l’éclipse ?

M.-G. Buffet
– « Oui, oui, je serai en Bretagne. Donc pas en plein cœur vraiment de l’éclipse, mais on va quand même regarder ça. »