Déclaration de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, sur la mise en oeuvre du passage à l'an 2000 pour les entreprises, la responsabilité des chefs d'entreprise et le calendrier du projet "an 2000", Paris le 21 avril 1999 (en annexe, la charte de coopération et d'action "Ensemble pour les entreprises du 19 avril 1999).

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Circonstance : Réunion de la CGPME et de l'ACFCI sur le passage informatique à l'an 2000 le 21 avril 1999

Texte intégral

Je vous remercie, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, d'avoir répondu aussi nombreux, à notre invitation à participer à cette manifestation organisée en étroite collaboration avec l'A.C.F.C.I. dont je salue ici son Président, mon ami, Jean-Paul NOURY. Le passage informatique à l'an 2000, sujet qui nous réunit aujourd'hui, est un problème majeur qui met en cause la responsabilité directe du chef d'entreprise. Ce passage, inéluctable par nature, peut gravement nuire au bon fonctionnement de nos entreprises. D'où la dramatisation volontaire du titre de cette réunion. Vous connaissez en effet le problème ; les pouvoirs publics et la presse s'en sont largement fait l'écho. Pendant des décennies, les dates ont été enregistrées sur six chiffres dont deux seulement permettent aux systèmes de reconnaître l'année. Le 1er janvier 2000 est donc représenté, daris la plupart des dispositifs électroniques, par 01/01/00, ce qui équivaut électroniquement au 1er janvier 1900 ou à d'autres dates. Cette erreur d'interprétation peut se produire dans nos systèmes partout où il y a calcul ou comparaison, c'est-à-dire partout dans nos entreprises : en gestion, en planification, en fabrication. A moins de 300 jours de l'an 2000, de nombreux chefs d'entreprise PME sous-estiment encore l'ampleur du problème. J'en entends fréquemment me rétorquer : « il n'y a pas de problème grave de l'an 2000 ; on sème la panique pour stimuler les ventes de logiciels et de matériels » ou bien encore « il y a un problème de passage à l'an 2000 mais il ne touche pas mon entreprise ».... Or, les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes : 48 % des chefs d'entreprises de 1 à 199 salariés n'ont pas commencé, à ce jour, à préparer leur passage informatique au troisième millénaire. Encore plus préoccupant, dans certains sondages récents, 36 % de ces mêmes chefs d'entreprises déclarent n'envisager aucune démarche.

Or, les risques sont multiples et peuvent se faire sentir, je le répète, à tous les niveaux de l'entreprise, quel que soit son secteur d'activité. Des perturbations majeures peuvent intervenir et gêner, voire même empêcher son fonctionnement normal : perte des fichiers contenant les commandes passées fin 1999 et livrables début 2000, annulation erronée des comptes clients et des commandes et livraisons correspondantes, perturbation des programmes de gestion des stocks, défaillance des systèmes de chauffage, de climatisation, de sécurité, impossibilité de maîtriser le contrôle qualité des produits dont certains peuvent toucher à la santé publique, etc., etc. Ces scénarios ne sont pas le fruit d'une vision apocalyptique ou d'un phénomène de panique devant l'imminence du changement de millénaire. Les risques de dysfonctionnement sont importants et réels, avec de graves conséquences tant sur le plan de la production que sur le plan commercial, mais également risque concurrentiel en cas d'arrêt de la production et surtout risques juridiques si la responsabilité des chefs d'entreprise est engagée. Cette responsabilité de chef d'entreprise peut en effet être engagée vis-à-vis de nos actionnaires, de nos salariés, de nos clients, de nos banquiers, de nos assureurs et de nos fournisseurs en général. Nous pouvons être également pénalement responsables des accidents du travail qui seraient causés par une carence ou une insuffisance dans l'organisation de ce passage à l'an 2000. Il est clair, de par les sondages multipliés ces dernières semaines, que les dirigeants de PME ont des difficultés pour évaluer et apprécier les problèmes posés par le bogue ; il est donc urgent de leur faire prendre conscience de leur responsabilité, de votre responsabilité, de la nécessité d'engager sans délai des opérations de diagnostic et de prévention. Yves MOTTE, Président de la CCI de Péronne, aura l'occasion tout à l'heure de vous présenter l'« outil technique » qui a été mis au point, en collaboration avec la mission interministérielle pour le passage à l'an 2000 et la DRIRE de Picardie, pour faciliter la démarche des chefs d'entreprise et les aider à évaluer les équipements les plus vulnérables de leur établissement, sous l'angle de la sécurité des personnes, de l'environnement et de la pérennité de l'entreprise.

Il s'agit là, je le souligne, d'une mission d'importance lorsque l'on sait par exemple que, en cas de litige, les assureurs demanderont les preuves que la démarche a bien été effectuée en temps utile. Nul doute que Dominique DENIS, qui représente ici la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurances (FNSAGA), vous apportera les précisions indispensables sur la manière dont les choses peuvent se passer après le 1er janvier 2000, en matière d'assurances. Vous le savez, la CGPME s'est mobilisée sur le passage à l'an 2000 depuis près d'un an. Nous avions déjà accueilli Gérard THERY qui nous fait le plaisir de revenir aujourd'hui à nouveau au siège de la CGPME. Il s'agissait alors de lancer la première phase de sensibilisation et d'information. Depuis la CGPME n'a cessé d'alerter inlassablement ses adhérents à travers les régions et les professions, sur les perturbations majeures que pourrait entraîner le changement de millénaire et la responsabilité y compris éventuellement pénale du chef d'entreprise à cette occasion : réunions d'information ; publication d'articles dans la presse confédérale ; envoi de circulaires fortement incitatives auprès des fédérations professionnelles adhérentes et de nos 127 structures territoriales ; diffusion très large, à travers le réseau confédéral, de la brochure "passage à l'an 2000 : il n'y a pas de temps à perdre", réalisée conjointement avec différents partenaires, dont déjà l'ACFCI. La manifestation que nous organisons aujourd'hui doit nous permettre de franchir une étape supplémentaire dans cette mobilisation. Le Président NOURY aura l'occasion d'y revenir à l'issue de la table ronde en tirant les conclusions des débats qui vont se tenir dans un instant. Il ne s'agit plus seulement en effet, je le souligne pour les journalistes présents, d'informer les chefs d'entreprise mais de les mettre en garde et surtout de leur donner des moyens concrets d'agir. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de nous adjoindre l'expertise d'IBM ainsi que l'appui du Conseil Supérieur de l'Ordre des experts comptables avec lequel la CGPME signera un protocole d'accord le 4 mai prochain. Maurice TALBOT et le Président LEDOUBLE feront part dans quelques minutes des solutions pratiques qu'ils sont en mesure d'apporter aux chefs d'entreprise PME.

Ces chefs d'entreprise doivent dès aujourd'hui, mettre en œuvre de façon urgente et concrète, les travaux d'analyse et d'adaptation requis. Ils doivent être dans leur entreprise le moteur de l'action et le passage obligé du contrôle d'avancement du projet "an 2000". Il leur appartient ainsi en tant que dirigeant de PME-PMI de mettre en place les moyens nécessaires, de planifier l'organisation pour passer le cap de l'an 2000 sans dommage pour personne. Plus nous nous rapprocherons de l'an 2000, plus la pression montera et moins les compétences seront disponibles. Les remises à niveau seront d'autant plus difficiles et onéreuses à accomplir au fur et à mesure où l'échéance se rapprochera. Je souhaite vivement que les débats qui vont suivre maintenant et qui seront animés par Monsieur Ludovic MARTINEZ, Secrétaire Général de la C.C.I. d'Agen, nous persuadent, vous persuadent de cette impérieuse nécessité. Monsieur MARTINEZ, je vous cède la parole et vous invite à rejoindre le plateau afin d'y accueillir les différents orateurs.


Charte de coopération et d'action : « Ensemble pour les entreprises »
19 avril 1999

Au moment où les entreprises sont confrontées au triple défi de l'euro, de l'espace européen et d'une économie ouverte au monde, il convient de tout mettre en œuvre pour accompagner leur développement, alléger leurs contraintes et libérer l'esprit d'entreprise.

C'est en effet, aujourd'hui, la vitalité économique d'un pays qui détermine son rayonnement et sa capacité à jouer un rôle dans le concert mondial.

Conscients de ces enjeux et de l'impérieuse nécessité de redonner aux entrepreneurs de notre pays l'espace de liberté indispensable pour gagner cette bataille avec leurs salariés,

le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF),
la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprise (CGPME)
et l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie (ACFCI) décident de mettre en commun leurs efforts et d'associer leurs compétences.

Ils déterminent, dans le cadre de la présente Charte, les champs de collaboration qu'ils jugent prioritaires, mais précisent préalablement les QUATRE CONDITIONS nécessaires à la réussite de leurs objectifs :

1 - Le statut particulier des Chambres de commerce et d'industrie, établissements publics gérés par des chefs d'entreprise élus, leur confère une spécificité dont le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI souhaitent le maintien. La nécessaire réforme consulaire doit être une occasion pour l'Etat de mettre en œuvre un nouveau type de relations, moins tutélaires, mieux organisées, plus souples et plus confiantes, avec les chambres de commerce et d'industrie.

Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI rappellent à cet égard que la contribution fiscale des entreprises représente à elle seule près de 30 % de l'ensemble des ressources financières des chambres.

2 - Les trois parties veulent préserver dans ces organismes à vocation économique le pouvoir réel d'animation, de gestion et d'expression des entrepreneurs régulièrement élus par leurs pairs sur la base de leurs qualités intrinsèques d'entrepreneurs.

3 - Comme les entreprises, les Chambres de Commerce et d'Industrie, qui en sont l'émanation, doivent être libérées de toute dérive fiée à des enjeux politiques locaux et nationaux.

4 - Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI décident de s’engager encore plus activement pour obtenir la nécessaire baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises, l'ACFCI s'engageant, quant à elle, à tout mettre en œuvre pour y contribuer également au sein de son propre réseau, notamment en ce qui concerne les frais de fonctionnement.

Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI s'engagent à collaborer sur le programme suivant et à mobiliser en conséquence leur réseaux respectifs à tous les niveaux en les invitant à contractualiser sur la mise en œuvre de partenariats locaux et régionaux.

1. L'ACCOMPAGNEMENT DES CHEFS D'ENTREPRISE ET DE LEURS ÉQUIPES

Cette mission de proximité participe, de façon essentielle, au développement des entreprises, donc de l'emploi, lequel ne se décrète pas.

A cet égard, trois domaines sont à privilégier :
le développement des entreprises existantes, notamment des plus petites d'entre elles, dans tous les domaines, y compris suries marchés extérieurs,
la création de nouvelles entreprises,
l'accueil d'investisseurs étrangers.

La poursuite de ces objectifs exige une coopération renforcée pour ce qui concerne :
les conséquences liées à l'euro et à l'émergence du nouvel espace économique européen,
l'adaptation des entreprises aux nouvelles technologies,
l'accompagnement et la diffusion des actions de développement de la recherche et de l'innovation en étroite liaison avec les universités et les grandes écoles,
l'appui au développement international des PME.

2. LA MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE COMMUNE DE FORMATION TOURNÉE VERS LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

La formation est le moyen permettant d'améliorer la compétence des salariés et, par là même, la performance des entreprises.

Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI ainsi que leurs réseaux respectifs s'engagent à veiller à ce que l'intérêt de· leur appareil de formation ne l'emporte pas sur celui des entreprises et qu'il soit en permanence au service des compétences des. salariés et donc de leur employabilité optimale.
Ils s'engagent donc :
à définir une politique commune de formation,
à élaborer une offre de formation coordonnée correspondant aux besoins des entreprises,
à structurer en conséquence les outils de formation existants,
à optimiser l'affectation et l'utilisation des ressources financières disponibles, dont ils rappellent qu'elles proviennent de l'entreprise, en respectant les contraintes du critère qualité/prix, auxquelles les entreprises sont en permanence confrontées.

3. L'AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE DANS LA GESTION DES ÉQUIPEMENTS COLLECTIFS

Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI considèrent que la gestion par les CCI d'un certain nombre d'équipements collectifs est une mission d'intérêt général qui contribue à l'aménagement harmonieux du territoire, et par là même à l'intérêt des entreprises.

Ils estiment que trois exigences doivent être respectées :
la rigueur de la gestion dans le souci constant du rapport qualité/prix,
la prise des décisions alliant les exigences locales et les capacités contributives réelles de chaque Chambre,
la nécessité d'évaluations régulières.

Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI rappellent que lé dynamisme du réseau consulaire repose sur la capacité des chambres locales à assurer leur mission de proximité auprès des entreprises et des territoires.

Mais ils soulignent :
la nécessité, d'un minimum de coordination au niveau régional,
l'existence d'actions spécifiques à compétence régionale.

Face à l'émergence en 1972 des régions en tant qu'établissements publics, puis à leur transformation en 1986 en collectivités territoriales, les CRCI n'ont pas été dotées des compétences et des moyens nécessaires à une bonne collaboration avec les Conseils régionaux.

Ainsi, les échelons régionaux du MEDEF, de la CGPAOE et les CRCI doivent œuvrer ensemble, en liaison avec leurs échelons locaux respectifs, dans les domaines suivants :
l'aménagement du territoire,
les infrastructures qui en découlent,
la formation, notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur,
le soutien à l'internationalisation des entreprises.

Le MEDEF, la CGPME et l'ACFCI décident de mettre en place dès à présent un groupe de coordination national composé à parité de représentants de leurs trois organisations et placé sous la responsabilité directe de leurs présidents respectifs.

Ce groupe sera chargé de la mise en œuvre d'un plan d'action, doté d'objectifs et de moyens, ainsi que du suivi et de l'évaluation de la présente Charte tant au plan national qu'au plan territorial.

Les trois organismes se félicitent d’avoir, au cours de ces derniers mois, renforcé leurs liens, en particulier à l’occasion des travaux de réflexion menés sur le projet de réforme des chambres de commerce et d’industrie envisagé par les pouvoirs publics.

Dans ce contexte, le sens du présent accord, fondateur du rapprochement du MEDEF, de la CGPME et de I"ACFCI ainsi que de leurs réseaux, est de montrer aux entreprises de France à quel point ensemble, ils sont conscients que c’est l’Entreprise, créatrice de richesses et donc d’emplois, qui est au cœur de leurs préoccupations et qu’ils se doivent de servir.