Interview de M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, dans "Libération" et à France 2 le 1er juillet 1999, sur le bilan de la session parlementaire et les relations au sein de la gauche.

Prononcé le 1er juillet 1999

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Libération - Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Libération - Télévision

Texte intégral

LIBÉRATION
1er juillet 1999


Q - En tant que ministre de la majorité plurielle, comment appréciez-vous cette session, et le « couac » du Pacs, cet automne ?

La session unique 1988-1999 offre un bilan extrêmement positif, quantitativement et qualitativement, pour le gouvernement et sa majorité. Il n'y a pas eu de recours au 49.3 (1), la majorité a permis l'adoption de nombreux textes, même quand il y avait des difficultés, voire des désaccords. Une quarantaine de textes ont été adoptés, parmi lesquels la couverture maladie universelle (CMU), l'intercommunalité, la loi d'orientation agricole et la loi sur l'aménagement du territoire. Autant de lois qui vont améliorer la vie quotidienne des gens. Certes, une proposition de loi, le Pacs, a démarré dans des circonstances difficiles. Je regrette que l'obstruction de la droite, qui n'a rien compris aux mouvements de la société, ait ralenti au maximum l'examen de ce texte. La droite n'a aucune illusion à se faire, le Pacs sera adopté définitivement au mois d'octobre pour être appliqué dès l'an 2000. Le gouvernement n'oublie pas qu'il tire sa légitimité des urnes et dispose du soutien d'une majorité à l'Assemblée. Il gouverne avec elle, il réforme avec elle.

Q - Les résultats des européennes n'obligent-ils pas le gouvernement à tenir compte des exigences manifestées par les différents partis de gauche ?

Tout le monde peut avoir des exigences, mais ce qui compte, c'est la dynamique. Dans ma fonction de ministre, je ne peux que me satisfaire de la capacité de la gauche à assumer tout à la fois sa diversité et sa cohérence. Toute la gauche manifeste sa volonté de contribuer aux réformes inscrites dans la déclaration de politique générale du Premier ministre. Tous ont compris que l'intérêt des uns est complémentaire des intérêts des autres.

Q - Mais les Verts ont fait comprendre qu'ils voulaient être plus entendus…

Les européennes sont des élections très spécifiques. L'abstention est importante, l'offre politique dispersée, et elles donnent des résultats qu'il faut apprécier avec prudence. Je ne crains pas l'incidence de ce scrutin sur le travail de la majorité : elle a conscience de ses responsabilités, elle a conscience d'agir dans la durée.

Q - N'empêche, les Verts sont revendicatifs. La polémique avec Jean-Pierre Chevènement le montre…

Je comprends que les Verts soient satisfaits de leurs résultats. Mais je crois aussi qu'ils ont bien compris que s'ils siègent à l'Assemblée, s'ils y pèsent, c'est parce qu'ils ont été élus en 1997 grâce à la stratégie de la majorité plurielle. C'est par un effort commun qu'ils sont aujourd'hui à l'Assemblée. Cela les crédibilise, comme cela crédibilise l'ensemble de la majorité. Mais j'ajoute que, lorsqu'il y a une mauvaise polémique entre partenaires, il faut y mettre rapidement un terme.

Q - Après son échec aux européennes, Robert Hue veut lui aussi se faire entendre, à défaut d'être écouté. Comment lui donner satisfaction ?

Les communistes, dans la diversité qui est désormais la leur, m'apparaissent bien vivre dans la majorité. Je peux témoigner combien ils sont considérés et écoutés. Ils laisseront leur empreinte tout au long de cette législature. Si j'ai bien compris Robert Hue, c'est cette stratégie positive qu'ils souhaitent continuer à mettre en oeuvre. Je m'en félicite.

Q - N'avez-vous pas été parfois surpris par les différences de position entre Robert Hue et Alain Bocquet ?

Je n'ai pas constaté ce genre de problème durant cette session. Je dialogue avec les groupes parlementaires des différents partis de la majorité. Je réunis très régulièrement Alain Bocquet [PCF] avec Jean-Marc Ayrault [PS], Roger-Gérard Schwartzenberg [PRG], Yves Cochet [Verts] et Georges Sarre [MDC]. J'agis dans le respect des fonctions et des personnes.

Q - Les grandes réformes dites « de gauche » du début de la législature sont réalisées ou en passe de l'être. Quelles réformes emblématiques pouvez-vous annoncer ?

Depuis deux ans, nous avons bien travaillé. Mais tout ce qui a été engagé n'a pas encore été mené à son terme. Je pense notamment à la réforme de la justice et à l'audiovisuel. Nous ne sommes pas menacés par le vide politique et parlementaire. Il nous faut même parfois établir des priorités parmi les nombreux projets de loi portés par les ministres. Et puis il y a des chantiers nouveaux, tels que la bioéthique, les droits des malades, l'habitat, la politique de la ville. C'est la volonté de réforme qui assure la cohésion de ce gouvernement.

Q - Dans la perspective des échéances législatives et présidentielle, comment pensez-vous articuler le futur programme des socialistes et le projet de leur présidentiable ?

Je ne veux pas m'inscrire dans cette perspective. La meilleure manière de préparer ces échéances, c'est de réussir ce que l'on fait. Gouverner, réussir, réformer, moderniser : voilà la tâche du gouvernement. C'est ce que les Français attendent de nous.


(1) L'article 49.3 de la Constitution permet l'adoption d'un texte sans vote si aucune motion de censure n'obtient la majorité des voix.


France 2 – 7h50
F. Laborde
jeudi 1er juillet 1999


Q - Quel est le bilan de cette session parlementaire ? Elle a été marquée par le Pacs ; elle a commencé par la discussion sur le Pacs et s'achève sans que l'on arrive à voter le texte. Vous ne le regrettez pas trop ?

- « C'est vrai que l'on a commencé cette session, le 9 octobre, avec le Pacs. Depuis, le Pacs a cheminé. Vous savez qu'il y a sept lectures pour qu'une loi soit votée. Hier soir, tardivement, les sénateurs ont réglé à leur manière leur problème. Ce qui va me permettre, à l'Assemblée nationale dès la rentrée, d'inscrire de manière définitive le Pacs qui sera donc appliqué dès l'an 2000, ce qui était quand même l'objectif. Il sera tenu, il n'y aura pas de retard à l'adoption de cette loi. »

Q - Les sénateurs vous ont trouvé parfois un peu trop critique à leurs égards.

- « La critique n'est pas qu'unilatérale. J'ai trouvé qu'ils freinaient trop le débat, notamment pour la Couverture maladie universelle. Je me suis permis de le leur dire et, finalement, de rappeler que ce n'est pas en freinant des lois qui sont attendus, qui sont utiles, que l'on revalorise l'institution qu'ils représentent. Je crois qu'ils l'ont compris, ils ont fait des efforts hier soir. Le Président Poncelet m'a appelé pour me dire : “On a terminé le travail.” Et c'est vrai qu'ils ont accéléré un peu hier soir. Je suis très content de ce bilan de la session parlementaire. »

Q - Dans l'ensemble, 48 textes ont été votés. Il y a eu deux réunions de Congrès. Cette année a été un bon travail ?

- « Oui, je crois que cela a été un travail sérieux, utile. Mais ce travail est possible parce que, d'abord, il y a ce gouvernement, pluriel mais rassemblé – L. Jospin incarne bien ce rassemblent, cette volonté de réforme –, et la réussite, ce travail, cette discussion – préparation des textes longtemps en amont ; tout le monde doit être associé, respecté. Eh bien, nous avons une majorité cohérente, plurielle mais cohérente, et qui permet à un gouvernement de passer en force, nous n'avons pas voulu le faire ni l'année dernière ni cette année. Nous en appelons à la responsabilité de la majorité, et les réformes passent, et la France ne va pas si mal. Vous avez vu que le chômage vient encore de baisser ! »

Q - Vous êtes aussi extraordinairement servis par la faiblesse de l'opposition, et puis par un peu de chance. Par exemple, avec l'affaire des paillotes, tout de suite l'enquête sur l'assassinat du préfet C. Erignac a avancé.

- « C'est peut-être aussi cela, la méthode Jospin : il y a un problème, on l'examine, on fait la lumière et on traite, et puis on avance, on essaye de servir l'intérêt général. Et cela, les Français l'ont bien compris. C'est peut-être ce qui manque à la droite : des idées, servir l'intérêt général, des convictions et accessoirement le rassemblement. »

Q - La majorité plurielle n'a pas été trop difficile à gérer cette année ? Il n'y a eu trop de tangage du côté des Verts, des communistes où même des chevènementistes ?

- « C'est pluriel ! donc, chacun s'exprime, veut peser – ce qui est légitime –, laisser sa trace. Mais, justement, si on veut laisser sa trace, il faut partir du principe que l'intérêt des uns bien compris ne peut se concevoir sans l'intérêt des autres. C'est cela l'esprit de rassemblement. Sans les uns et les autres, ce ne serait pas une majorité. Alors, cette majorité, elle est là, dans la durée ; elle va continuer. Et dès la rentrée, on va se remettre au travail. Il y en a sur le métier ! »

Q - Vous n'allez pas partir en vacances tout de suite. Vous allez préparer le travail de la rentrée ?

- « D'abord, il y a encore des Conseils des ministres. Je vais me rendre tout à l'heure à un conseil des ministres, où je vais faire une communication sur ce bilan. Et puis, il y aura d'autres Conseils des ministres, des réunions avec L. Jospin à Matignon. On va préparer le travail de la rentrée, moi-même je vais préparer le travail des parlementaires pour le mois d'octobre et toute l'année 2000. Donc on va travailler sérieusement avec un peu moins de stress au cours du mois de juillet. »

Q - Vous prendrez, cette année, un peu plus de vacances que l'an dernier ?

- « Quinze jours plutôt que huit jours. On peut se reposer bien, et en se reposant vite. »

Q - Surtout pour un gouvernement qui prône les 35 heures, il est bon aussi que les ministres se reposent. Au revoir et bonne journée, M. Vaillant.