Interview de M. Daniel Vaillant, ministre chargé des relations avec le Parlement, à RMC le 13 octobre 1997, sur la politique du Gouvernement et l'attitude du CNPF en matière de réduction du temps de travail, la création d'emploi par le dispositif des emplois-jeunes, l'affaire Yann Piat et le projet de loi sur l'immigration clandestine.

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P. Lapousterle : Êtes-vous certain, avec le Gouvernement, que les 35 heures payées 39 au 1er janvier 2000, pour les entreprises de plus de 10 salariés, cela créera des emplois en France ? Puisque c’est le but, quand même ?

R. Vaillant : Évidemment que c’est le but ! D’abord, je vous rappelle que c’est un engagement que nous avons pris devant les Français, et que les Français ont approuvé dans leur vote au 1er juin. C’est le premier élément. La deuxième chose, c’est que, évidemment, la réduction du temps de travail doit être un élément pour lutter contre le chômage. Bien évidemment, il y a la croissance mais la réduction du temps de travail, pour nous, est aussi un élément pour redonner de la croissance mais la réduction du temps de travail, pour nous est aussi un élément pour redonner de la croissance, du pouvoir d’achat et, d’une certaine manière la relance par la consommation intérieure. Je vous rappelle que c’est 35 heures sans baisse de salaire. Mais il y a un processus long, deux ans, pour les entreprises, à travers toutes les incitations gouvernementales, pratiquent, par le dialogue social, la réduction du temps de travail et procèdent aux embauches. Je pense que les entreprises y auront intérêt, elles vont s’en apercevoir très vite, malgré les déclarations péremptoires et guerrières du CNPF.

P. Lapousterle : Mais sur le fond, lorsque le patronat dit non seulement qu’il n’y aura pas de création d’emplois par cette mesure ?

R. Vaillant : Je pense que ce sont des déclarations un peu hâtives. Ou bien il y a des problèmes internes, je n’en sais rien et ce n’est pas la vocation du Gouvernement de s’immiscer dans les affaires internes d’organisations syndicales ou patronales. Moi, je ne crois pas à cette thèse. On le voit bien d’ailleurs dans certaines entreprises, et pas seulement en France, où la réduction du temps de travail permet une organisation différente du travail et, notamment grâce aux gains de productivité, redonne des marges aux entreprises et donc permet de lutter contre le chômage par la création d’emplois. Et je ne crois pas que dans un match, M. Grandois a parlé de guerre, je ne crois pas que se mettre dans un coin, ce soit la bonne manière de gagner la partie. On n’a pas à se mettre hors-jeu quand on veut faire un match, éventuellement pour le gagner. Mais, d’une certaine manière, le match qu’il faut gagner, c’est celui contre le chômage qui prime, par la croissance, par a réduction du temps de travail, par des mesures incitatives, notamment dans les PME-PMI.

P. Lapousterle : Quand le patronat se dit « berné » : vous avez un peu manipulé le patronat dans cette affaire ?

R. Vaillant : Qui peut penser que les chefs d’entreprise moi, n’aime pas trop parler de « patronat », parce que je trouve que cela est un peu ancien, comme terme – savent très bien quels sont les engagements que nous avons pris devant le pays. Ils savent que L. Jospin est un Premier ministre qui veut tenir ses engagements et qui les tiendra. Donc, il n’y a pas d’élément de surprise. »

P. Lapousterle : Le CNPF représente-t-il les entreprises, ou bien il y a un problème ?

R. Vaillant : Écoutez, de toute façon, il n’y a pas qu’une organisation professionnelle, de ce côté-là. Il y a tout le tissu des petites et moyennes entreprises qui, à mon avis, comprennent qu’il faut relancer la machine économique. La croissance semble poindre à l’horizon : 3 % prévus par tous les organismes en 1998. C’est un bon signe. Il faut conforter cette reprise économique, notamment par la demande intérieure, et je pense que toute la politique gouvernementale – notamment la réduction du temps de travail, progressive et par le dialogue – contribuera à redonner des marges aux entreprises.

P. Lapousterle : M. Papon en liberté, cela vous choque ?

R. Vaillant : Évidemment, que cela me choque. M. Papon, de surcroît, en rajoute un peu, je trouve, dans la communication ; parce que s’installer dans des hôtels cossus du Bordelais, cela paraît vraiment une sorte de bras d’honneur à l’ensemble de ceux qui sont choqués par cette période. Le procès Papon arrive. Je souhaite que la justice fasse son travail, mais c’est vrai que l’on a des éléments de surprises, et de surprises négative, en constatant que M. Papon est totalement libre – c’est une décision de justice, me direz-vous. Mais enfin, elle choque les citoyens et elle choque aussi le ministre que je suis.

P. Lapousterle : Affaire Y. Piat : votre sentiment, finalement ?

R. Vaillant : « Je vous rappelle que Mme Piat, cela fait hélas maintenant beaucoup d’années qu’elle a été assassinée. On croyait qu’il y avait véritablement une enquête qui avait permis d’identifier les coupables – les commanditaires, cela semblait plus difficile. Moi, je ne connais pas le fond du dossier, donc je me prononcerai pas. Ce que je sais, c’est que le Gouvernement fera tout pour qu’il y ait aucune zone d’ombre. Je vous rappelle que nous ne sommes là que depuis quatre mois et que Mme Piat a été assassinée en 1994. »

P. Lapousterle : Pourquoi le Parquet n’agit-il pas dans cette affaire ? Il pourrait ?

R. Vaillant : Écoutez, je ne suis pas sûr que le Parquet, comme vous dites, n’intervienne pas pour obtenir des compléments d’enquête. Ce que je sais, c’est que le ministre de la Défense, a diligenté une enquête directe pour savoir quels seraient les militaires qui se seraient livrés à des manœuvres. En tout cas, c’est grave, c’est choquant. Et soit ce qui est dit dans le livre est faux – et il y a tout lieu de penser que cela n’est pas vrai, il faut faire crédit aux personnalités en cause – et donc c’est grave. Soit, si des éléments de l’enquête prouvaient le contraire, cela serait aussi très grave. Ce que je constate, c’est que cela fait les choux gras du Front national et ça, de toute façon, cela ne peut que choquer et rendre combatifs les démocrates que nous sommes.

P. Lapousterle : Quel est votre constat, ce matin ? Il y a eu sept élections aux cantonales partielles dimanche. Et dans quatre élections cantonales dans le Midi, il y a trois duels gauche-Front national ?

R. Vaillant : Oui. Cela veut bien dire que la confiance est du côté du Gouvernement. C’est le résultat des différentes élections partielles qui le montre. Heureusement que la gauche est là. Heureusement que les démocrates sont derrière les candidats de la gauche plurielle – mais rassemblée. Et c’est triste de voir que c’est le Front national qui, effectivement, dans cette région notamment, est présent que second tour, la droite s’éliminant par elle-même. Et cela, c’est son problème, de retrouver un positionnement, un espace politique. Mais je pense que ce sont des problèmes de fond : tant que la droite n’aura pas fait l’effort sur elle-même de trouver les voies d’une alternance possible, je pense qu’elle n’y réussira pas tel qu’elle le fait actuellement, en suivant les discours ultra-libéraux de MM. Madelin et Balladur.

P. Lapousterle : Ce matin, on lit M. Jospin – dans Le Parisien – dire que les irréguliers qui ne seront pas acceptés en France seront renvoyés dans leur pays ? On a demandé aux irréguliers de se présenter et puis 80 % d’entre eux doivent prendre l’avion.

R. Vaillant : Pas du tout. C’est la règle du jeu. Arrêtons l’hypocrisie. Il y a un problème autour de l’immigration et des problèmes concrets qui se posent. Le Gouvernement fait un projet de loi pour maîtriser les flux migratoires, de manière humaine – les droits de la personne. Je vous rappelle qu’il y a des tas de dispositions qui font que les lois que la droite avait fait passer – et qui avaient fait couler beaucoup d’encre, à juste titre – seront supprimées et remplacées par d’autres dispositions. En même temps, à partir du moment où il est hors de question de régulariser tous les sans-papiers – parce qu’ils ne sont pas dans les critères retenus par la Commission des droits de l’homme et par la circulaire de ministre de l’Intérieur -, on ne peut pas quand même, nous, dire : « la loi ne s’appliquera pas ». Donc la loi s’appliquera avec humanité. Il est évident qu’il est hors de question de faire comme les gouvernements précédents ont fait, c’est-à-dire de faire parler beaucoup autour de charter et autre. Mais ceux qui ne pourront pas être régularisés devront quitter le territoire. Cela me paraît normal, en démocratie, que la loi de la République soit appliquées. C’est la gauche qui le fait : je trouve cela très bien.