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La Tribune : Comment aider les PME à entrer dans l’ère Internet ?
Marylise Lebranchu : Les chambres de commerce et d’industrie, un certain nombre de collectivités territoriales et le Gouvernement travaillent actuellement sur des propositions pour faciliter l’accès des PME au Net. Qu’il s’agisse des très petites entreprises (TPE), qui sont de futures PME, ou de PME de moins de 100 salariés, on se rend compte que majoritairement leur encadrement est faible, dépassé, peu formé. Un certain nombre d’entre elles disent n’avoir jamais regardé Internet. Il faut donc une information publique, parapublique et institutionnelle.
Pour aller plus loin, un levier financier est indispensable, d’où la création d’une enveloppe de 50 millions de francs qui sera gérée par le ministère de l’industrie. Elle sera destinée à aider à façonner des sites. Peu de petites entreprises sont capables d’assurer la création et le suivi de sites Internet, de leur mise à jour. Il s’agit d’apporter un conseil à l’entreprise en amont de sa décision. Un certain nombre de professions sont déjà en train de s’organiser, mais nous n’excluons pas de suggérer des regroupements par professions, pour plus d’efficacité, ou par bassins d’emplois.
Ces Choix nécessitent une étude préalable. Ce qui manque le plus en France, c’est le crédit à l’étude. Je suis partisane de l’aide à l’investissement immatériel et le conseil en fait partie.
La Tribune : Pensez-vous qu’il y aura dans les régions françaises la même inflation de sites Internet que de palais des congrès ?
Marylise Lebranchu : Il faut regarder quel est l’intérêt d’un serveur Internet. Ce que je constate surtout, c’est qu’il existe ensuite des inégalités sur le territoire en matière d’information auxquelles il faut remédier. À nous de la réparer avec des partenaires institutionnels. Certaines régions ont déjà annoncé que dans leur budget 1998, il y aurait des enveloppes spécifiques pour la formation, l’information et l’entrée des entreprises sur le Web.
La Tribune : Quelles seront les relations entre les pouvoirs publics et le secteur privé ?
Marylise Lebranchu : Nous n’interviendrons pas directement sur le choix des prestataires, mais réaliserons plus d’une action en amont. Il faut créer des guichets d’informations sur le Web, développer une aide au choix du matériel, du contenu et du média. Nous menons une action interministérielle. Claude Allègre, le ministre de l’éducation nationale, a annoncé des formations à l’Internet dans les centres d’apprentissage en 1998. Un certain nombre de PME en profiteront car elles auront donc déjà à disposition des matériels, des formateurs et des conseils. Voilà une action qui peut irriguer à la fois l’apprentissage et les PME.
La Tribune : En quoi Internet peut-il affecter les relations entre les petites et les grandes entreprises ?
Marylise Lebranchu : Le jour où les entreprises vont maîtriser cet outil, elles ne seront plus dépendantes. Ce qui me préoccupe, ce sont les facilités avec lesquelles la grande distribution pourra trouver, sur l’Internet, le meilleur produit au meilleur prix au meilleur endroit. Là il y a danger. L’entreprise qui ne sera pas sur le site que va interroger l’acheteur de la grande surface va perdre des marchés. La concurrence va être plus vive. D’où la nécessité de faire le nécessaire pour que toutes les entreprises aient leur chance.
La Tribune : Que se passera-t-il sur l’accès aux informations administratives ?
Marylise Lebranchu : Elles seront rassemblées sur le site Internet de Bercy. Le message d’Hourtin est passé dans les services. Mon regret est que l’administration centrale soit équipée, mais que nous n’ayons pas suffisamment de crédits pour que toutes les administrations délocalisées le soient, c’est dommage. Par ailleurs des outils d’information existent, comme les numéros verts sur l’euro. Nous devons aller au-delà et créer des sites de dialogues.
La Tribune : Comment voyez-vous l’évolution du commerce électronique ?
Marylise Lebranchu : Mes plus grandes inquiétudes portent sur les droits et la protection des consommateurs, leurs possibilités de recours en cas de litiges lors d’achats sur le Net auprès d’un vendeur. Quel droit va s’appliquer ? L’administration américaine prône une régulation par le marché uniquement. En Europe, nous allons vers un droit lié à l’acheteur. Lors des conférences de l’Organisation mondiale du commerce, ce sujet sera évoqué.
Lorsqu’une entreprise va acheter des produits, auprès de qui va-t-elle s’adresser si la commande n’est pas conforme ? Quelle est la garantie d’une domiciliation virtuelle ? Aujourd’hui, nous n’en savons rien et le rôle des pouvoirs publics est de se poser ce type de questions.