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LE FIGARO. – Pensez-vous que les chaînes doivent, à la lumière des contrats qu’elles négocient avec la Ligue nationale de football, investir davantage dans le cinéma ?
Catherine TRAUTMANN : « Ce qui m’a frappée, c’est cette concurrence frontale qui peut être dommageable pour d’autres secteurs et tout particulièrement pour l’offre cinéma dans son ensemble. Elle peut être néfaste au pluralisme du cinéma, c’est la raison pour laquelle je souhaite qu’il y ait une parité d’effort entre TPS et Canal +.
Ainsi, l’investissement minimal par abonné doit être le même pour les deux bouquets.
Les obligations et les accords avec les professionnels doivent être établis au même niveau. Les périodes du paiement à la séance et de la première diffusion ne doivent pas se superposer. Enfin, je souhaite qu’il y ait une clause fixant, par écrit, le montant des préfinancements.
Nous devons aussi penser à instituer de nouvelles obligations en faveur de la distribution cinématographique trop longtemps négligée. Récemment, les pouvoirs publics ont revu à la hausse le soutien à la distribution. Cet effort doit s’accompagner de nouvelles obligations qui s’appliqueront aux opérateurs de télévision à péage et qui s’ajouteront à celles existant en faveur de l’exploitation en salle.
Il faut également poursuivre un double objectif : donner aux longs métrages un meilleur accès aux écrans et permettre une meilleure programmation des films français.
Autre point qui me tient à cœur : éviter le phénomène de concentration financière sur les films à gros budgets et préserver la capacité d’investir dans tous les genres. »
LE FIGARO. - Pensez-vous que ces deux bouquets soient capables de supporter financièrement ces nouvelles charges ?
Catherine TRAUTMANN : « Il y a une nouvelle donne. Avec l’affaire du football, les chaînes ont démontré qu’elles disposent d’une capacité financière supérieure à ce qu’elles ont affirmé. Elles peuvent donc investir davantage en faveur du cinéma.
Cette situation peut donc justifier que l’on réexamine, par exemple, le principe de la généralisation de l’abattement de 20 % applicable aux décodeurs numériques de Canal +. »
LE FIGARO. - Que recherchez-vous ?
Catherine TRAUTMANN : « Le cinéma fait partie de notre patrimoine, c’est une œuvre qui dure, qui a une valeur et dégage une plus-value. La meilleure preuve est apportée par le fait qu’il y a une chronologie de diffusion des films alors qu’il n’y en a pas pour les matches de football ! Dans l’immédiat je souhaite favoriser les discussions entre les partenaires. Mon objectif est de rendre compatibles les accords interprofessionnels. Celui que le Blic (Bureau de liaison des industries cinématographiques) a passé avec TPS et celui que le Bloc (Bureau de liaison des organisations cinématographiques) a conclu avec Canal + sont tous deux perfectibles.
Les professionnels du cinéma doivent comprendre qu’ils peuvent être victimes d’une stratégie des diffuseurs privilégiant le football à leurs dépens.
Si les télévisions sont en situation de concurrence directe, elles doivent en tirer les conséquences pour tous leurs programmes. En fait, ce qui importe le plus, c’est de préserver la période d’exclusivité des films en accordant cette durée avec l’effort investi. Autant que la chronologie des médias. Ce qui compte c’est l’importance de l’effort financier concédé par les uns et les autres. »
LE FIGARO. - Depuis le 1er janvier dernier, la directive européenne a aboli toute possibilité pour le Gouvernement d’intervenir dans le domaine de la chronologie des médias, quelle est donc votre légitimité pour intervenir sur ce dossier ?
Catherine TRAUTMANN : « Il est légitime pour le Gouvernement d’intervenir car il est le gardien du patrimoine, et à ce titre, il supervise tous les mécanismes financiers d’aide au cinéma. Il est donc normal que je travaille à une évolution conforme aux intérêts légitimes du septième art qui peuvent être menacés par les surinvestissements dans le football.
Même si les deux activités ne sont pas comparables, je rappelle que le coup du préfinancement d’un film par abonné coûte 10 fois moins cher que celui d’un match de football.
J’aimerai qu’on ne l’oublie pas lorsqu’on fixera définitivement l’engagement des TV péage vis-à-vis du cinéma. »