Texte intégral
Q - Vous adressez aujourd'hui à la Commission européenne la nouvelle carte de la PAT. Cette carte est très attendue par les élus et les chefs d'entreprise. Craignez-vous de fortes contestations ?
– Nous n'éviterons pas les inévitables récriminations ici ou là. Mais je veux insister sur un point : le vrai choix politique ne tient pas dans le fait de retenir telle ou telle zone, mais bien dans le choix des critères qui nous ont permis d'arriver à cette carte. Bruxelles nous imposant de concentrer le bénéfice de la PAT sur un territoire plus restreint, je souhaitais que l'effort porte sur la définition de critères rigoureux, clairement définis (par exemple, un chômage supérieur à la moyenne et le déclin démographique pour les territoires les plus pauvres), qui soient les plus justes possible. Ils ont d'ailleurs été discutés avec les élus au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire (CNADT).
Q - La participation de l'État au prochain contrat de plan va être modulée entre les régions, mais selon quels critères ?
– Pour répartir l'enveloppe de 105 milliards de francs arbitrée par Lionel Jospin, nous allons tenir compte de la richesse des régions en regardant leur PIB et leur potentiel fiscal, de l'évolution de l'emploi, de leur retard manifeste d'équipement et de la qualité des projets qui nous sont soumis. Je souhaite, comme pour la PAT, des critères robustes, que je puisse défendre la tête haute et pas des bidouillages politiques comme cela a été trop souvent le cas dans le passé.
Le Gouvernement ayant choisi d'augmenter la participation de l'État, je vais utiliser la marge dont je dispose pour accroître la part de financement en faveur des régions maltraitées par les anciens contrats de plan. En effet, calculée en francs par habitant, la contribution de l'État a été du simple au double, par exemple, en Provence-Alpes-Côte d'Azur (1 700 francs) et la Lorraine (3 400 francs). De tels écarts ne se justifient pas et doivent être rattrapés.
Q - Le président de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon, estime que sa région mérite un coup de pouce alors que les déséquilibres sociaux s'accroissent et que les nouvelles infrastructures de communication coûtent cher. Cela vous paraît-il aussi urgent qu'il le dit ?
– Je ne suis pas hostile au principe de solidarité nationale en faveur de l'Île-de-France, mais elle ne peut venir qu'en complément de la solidarité infrarégionale. C'est donc d'abord à tous les élus d'Île-de-France, ceux des Hauts-de-Seine comme ceux de Seine-Saint-Denis, de s'entendre pour assurer la cohésion de cette région. Par ailleurs, je constate qu'au-delà des discours alarmistes, la région Île-de-France reste encore une région riche, qui a la capacité de mobiliser des financements importants. Je ne souhaite pas commencer la négociation par des chantages de part et d'autre. Je ne suis pas du tout dans cette logique. Le minimum à attendre des régions, c'est qu'elles fassent de même.
Q - Êtes-vous satisfaite des copies que vous envoient les préfets et des projets qui vous ont déjà été présentés par certaines régions ?
– Je suis très satisfaite des diagnostics faits par les préfets sur l'analyse des dynamiques territoriales. Ils témoignent d'un vrai effort d'aller au-delà d'une approche purement quantitative. Je suis par contre moins satisfaite des projets eux-mêmes : on est encore très au-delà de ce qui est raisonnablement finançable. Les préfets ont été exhaustifs, mais tout cela manque encore de ligne de force, de hiérarchisation des priorités.
Quant à ce que je peux percevoir des demandes des élus, à partir notamment des déplacements effectués dans différentes régions, je note une différence frappante entre les nouveaux présidents élus en mars 1998, qui ont naturellement tendance à empiler les desiderata de chaque conseil général, et ceux qui maîtrisent mieux les priorités régionales et les modalités de la concertation.
Q - Vous souhaitez que les programmes routiers, qui représentaient la moitié des crédits-engagés dans la génération précédente, accaparent moins les contrats de plan. À quelle hauteur idéale devrait être ramené le poids des routes ?
– Je ne veux pas répondre à cette question. Un contrat État-région qui engagerait 50 % de ses crédits sur les routes n'est pas forcément un mauvais contrat si les programmes en question sont nécessaires et portés par toute une région. En revanche, si les élus se mettent d'accord sur un stock de routes pour masquer une panne de projets, même 30 % de crédits affectés en routes, c'est trop. Les trois priorités des prochains contrats de plan, arrêtés par Lionel Jospin – l'emploi et la formation, le renforcement de la solidarité et le développement durable –, vont conduire à s'intéresser à autre chose qu'aux seules routes. N'oublions pas aussi que le ministère de l'Équipement réfléchi à des modalités nouvelles de financement des infrastructures routières qui permettront peut-être d'alléger les contrats de plan.
Q - La discussion parlementaire de votre projet de loi d'orientation sur l'aménagement du territoire entre dans sa dernière ligne droite avec une dernière lecture au Sénat cette semaine. Le texte ressemble-t-il in fine à celui que vous rêviez de faire ?
– On peut toujours imaginer plus, mais je considère que ce texte est une avancée en matière de décentralisation, en faisant par exemple des pays et des agglomérations les pivots du développement local et d'une future organisation du territoire. Si j'avais un regret, il serait de ne pas avoir pu intégrer des mesures économiques en faveur du développement local. Jean-Pierre Raffarin avait fait des propositions au Sénat, mais qui n'étaient pas acceptables car trop libérales. J'ai évoqué ce besoin de mesures complémentaires, par exemple pour mobiliser l'épargne locale en faveur des PME, avec Marylise Lebranchu, qui prépare un projet sur l'initiative économique. Par ailleurs, dans la prochaine loi de Finances, nous allons revoir quelques-unes des aides fiscales en faveur de certaines zones rurales fragiles. Certaines ont fait preuve de leur inefficacité d'autres ne sont pas assez concentrées. Nous procédons actuellement à une évaluation de ses mesures mises en place par la loi d'aménagement du territoire de 1995.