Lettre de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, aux principaux de collèges, le 25 août 1997, sur le poids des cartables, publiée dans "Pour info" du 1er septembre, et interview dans "Le Journal du dimanche" du 28 septembre, sur les projets du gouvernement concernant la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la justice sociale et la famille.

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Média : Le Journal du Dimanche - Pour info

Texte intégral

Lettre adressée aux principaux par Ségolène Royal le 25 août 1997

À l’occasion de cette rentrée scolaire, je souhaite appeler votre attention sur quelques démarches simples qui me paraissent de nature à faciliter la vie quotidienne des élèves et particulièrement des plus jeunes sur un sujet qui préoccupe les parents d’élèves, le poids excessif des cartables.

Je sais que l’attention que je porte à ces problèmes ne peut que rejoindre vos préoccupations d’organisation de la vie scolaire, domaine essentiel pour le bien-être et la réussite des élèves.

Je vous demande de veiller tout particulièrement aux trois points suivants :

1. En concertation avec les équipes pédagogiques, vous veillerez à limiter les demandes de fournitures scolaires aux strictes nécessités pédagogiques. Cette juste appréciation permettra d’éviter certains excès pesant financièrement sur les familles et contribuera en plus à transporter le poids des cartables (cahiers de 50 pages renouvelables de préférence à un cahier de 200 pages, possibilité de transporter les feuilles d’un classeur sans le classeur, etc.).

Vous demanderez à chaque enseignant d’expliquer très clairement aux élèves, dès le début de l’année, quels ouvrages et fournitures scolaires, en quantité raisonnable, ils doivent apporter chaque jour, et comment les utiliser. Le professeur principal assurera régulièrement en liaison avec les délégués des élèves, le suivi de cette démarche pédagogique. Par exemple l’utilisation par deux élèves voisins, et à tour de rôle, du même livre ne peut que contribuer au sens de l’échange solidaire.

2. Tout en tenant compte des contraintes qui sont les vôtres, tant en matière d’organisation des emplois du temps, de respect des démarches pédagogiques que de spécificité des locaux en relation avec les disciplines, vous veillerez à limiter au maximum les déplacements des élèves au sein de l’établissement. En leur permettant de rester dans la même salle autant que possible, nous éviterons des fatigues inutiles.

3. Enfin, pour éviter aux élèves d’avoir à transporter systématiquement leurs ouvrages et leurs fournitures, il est souhaitable de leur permettre de disposer de casiers individuels fermant à clé. Je vous demande d’engager à effet toutes négociations nécessaires avec les conseils généraux.

Les premiers collèges qui auront mis au point un plan d’équipement dans ce domaine pourront obtenir du rectorat, à l’appui de leur projet, une aide financière.

Je sais pouvoir compter sur vous pour tout mettre en œuvre afin de fournir aux collégiens les meilleures conditions possibles de vie et de travail et je vous en remercie par avance.


Date : 28 septembre 1997
Source : Le Journal du Dimanche

Rien n’est plus étonnant que la famille. Or, ce qui me frappe dans la polémique actuelle c’est que ceux qui nous mettent en cause sont ceux qui nous ont laissé la situation dramatique dans laquelle se débattent certaines familles. J’étais, jeudi, dans une école à Pantin. On m’a expliqué que la consommation de pain à la cantine doublait le lundi parce que certains enfants ne mangeaient pas à leur faim le week-end dans leur famille ! Et pendant ce temps-là certains crient sur le sort de familles qui bénéficient de 90 000 francs de réduction d’impôt !

Je pense qu’un des premiers droits, c’est le droit des enfants de manger à leur faim. Nos prédécesseurs sont mal placés pour critiquer ce que nous faisons. Eux qui ont supprimé plus de 5 000 postes dans le système scolaire, alors que l’école est le premier effort à faire pour la famille.

En arrivant au gouvernement, nous avons porté l’allocation de rentrée scolaire à 1 600 francs, créé le fonds social pour les cantines. D’autres décisions, sur la rentrée scolaire ou sur la fiscalité du logement social, ont un impact direct sur les familles. Le gouvernement veut une politique familiale moderne qui englobe la famille dans sa totalité et pas seulement par le biais des prestations familiales traditionnelles.

Le plafonnement de ressources pour les allocations familiales serait une mesure de justice sociale si ces sommes étaient redistribuées, ce qui n’est pas le cas.

Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que si nous n’étions pas contraints par la nécessité de l’équilibre budgétaire, sans doute certaines des mesures annoncées n’auraient pas lieu d’être. Mais la situation de notre pays n’est pas facile. N’est-ce pas d’ailleurs pourquoi la droite a dissous l’Assemblée ?  Le gouvernement actuel fait face aux difficultés qu’il a trouvées, il le fait dans un souci d’équité fiscale. Où est la justice quand, du fait de déductions fiscales sur les emplois à domicile, certaines familles ne paient pas d’impôt alors que leurs employés au Smic en paient ? Le gouvernement a plafonné cet avantage fiscale pour rétablir un peu les choses.

Oui mais les 4,8 milliards de francs d’allocations retirées aux familles les plus aisées ne sont pas redistribués aux plus pauvres.

Comparé aux aides nouvelles – 6 milliards de francs pour l’allocation de rentrée scolaire –, le bilan reste positif pour les familles. J’aurais souhaité que les allocations soient versées dès le premier enfant et étendues jusqu’à l’âge de 20 ans pour les enfants à charges. Cela reste l’objectif, dès que possible. Nous ne voulons pas diminuer les allocations familiales mais mieux les répartir.

Certains disent que les socialistes n’aiment pas la famille. Ils prennent l’exemple de la création du CUS, pour les homosexuels.

Les socialistes ont toujours défendu une conception de la famille qui ne se construit pas aux dépens du droit des femmes, notamment à leur droit a travail par le développement de structures d’accueil pour les jeunes enfants ou par la scolarisation à partir de 2 ans. Le droit des femmes fait partie de la politique familiale. Les droits des enfants aussi, comme en témoigne la priorité à l’éducation, premier budget de l’État. Les droits de chacun doivent être respectés. Le contrat d’union civile reconnaît le droit de chacun de vivre selon ses préférences. Ce n’est pas une disposition contre la famille. La famille reste le lieu de la procréation et de l’éducation des enfants.

Selon un sondage IFOP pour Notre temps, les Français estiment que les parents sont les premiers responsables de l’échec scolaire. Haro sur les familles, là encore ?

Les parents doivent être davantage partenaires de l’école. Je l’ai dit, hier, au congrès des parents d’élèves de la FCPE. École et famille, nous devons éduquer ensemble. Dans ce but, je vais créer une journée nationale des parents d’élèves à l’école. Parents et enseignants sont partenaires de la réussite scolaire de l’enfant. J’en appelle à la responsabilité des parents et je vais lancer une campagne pour leur demander d’aller voter les 17 et 18 octobre pour les élections des conseils d’école. La nouvelle citoyenneté commence là.

En 1995, un député de droite a fait voter la suppression de la demi-part supplémentaire pour les concubins chargés de famille. Votre compagnon François Hollande et vous-même avez-vous râlé contre cette augmentation de vos impôts ?

C’est ma vie privée. Mais parlons de principes : la fiscalité doit être neutre sur les choix de vie des personnes. Cette évolution paraissait donc équitable. Mais il ne faut pas faire d’une mesure fiscale un acte de répression idéologique.

Il fallait donc aussi aligner le statut fiscal de l’union libre sur celui des couples mariés pour bien d’autres domaines. Ce que la droite a refusé. Cela aurait été plus honnête intellectuellement.