Texte intégral
Q - Les 626 nouveaux députés vont élire leur président ou plutôt leur présidente puisqu'on parle beaucoup de N. Fontaine. Alors, N. Fontaine est très européenne, c'est une femme, une parlementaire très assidue, elle est française, vous votez pour elle ?
- « Pour l'instant, au premier tour, je voterai pour la candidate des Verts, A. Otala qui est une députée finlandaise, la coprésidente du groupe Vert. »
Q - Au deuxième tour, vous voterez pour le socialiste Monsieur Soares ?
- « Au deuxième tour, s'il y a entre les deux tours un accord entre les Verts et les socialistes, je voterai pour le socialiste parce qu'un accord signifie aussi que les socialistes cèdent des commissions aux Verts, etc. Sinon, je verrai, ce sera selon mon intuition momentanée. »
Q - On croyait ici que le clivage le plus important était entre les euro-enthousiastes et les eurosceptiques et finalement on s'aperçoit qu'on retrouve un clivage droite-gauche bien traditionnel…
- « Non, ce n'est pas possible. Il n'est pas si facile, pour les libéraux par exemple, de dire qu'ils sont à droite : sur les problèmes de société, ils sont à gauche ; sur les problèmes économiques, ils sont plutôt néolibéraux et avec quand même les Italiens de Prodi qui sont dedans. Donc, je crois que le clivage traditionnel gauche-droite ne fonctionne pas de cette manière au niveau européen. »
Q - Donc on garde un vrai clivage entre les eurosceptiques et ceux qui ne sont pas aussi favorables à la construction européenne que vous ?
- « Oui, par exemple si vous prenez les conservateurs, le PPE, vous avez des Anglais, des Italiens qui sont franchement non européens. Vous avez chez les libéraux par exemple des pro-européens et des anti-européens. Donc, c'est beaucoup plus compliqué. »
Q - Alors comment l'Européen que vous êtes et comment l'Europe selon vous doit-elle réagir aux mesures de représailles américaines, c'est-à-dire 100 % de taxes sur les produits comme le foie gras dont on parle beaucoup ici à Strasbourg, représailles donc à notre interdiction d'importer du boeuf aux hormones ? Conseillez-vous à l'Europe de continuer ?
- « Il faut continuer et faire des contre-représailles. C'est le droit de l'Europe de réguler le marché, de ne pas laisser la viande aux hormones rentrer sur le marché européen. Il faut se battre, il faut que les Américains comprennent que nous ne voulons pas d'hormones dans la viande. »
Q - C'est vraiment nocif ?
- « Je n'en sais rien mais le principe de précaution dit : si je n'ai pas envie que sur le marché européen il y ait de la viande aux hormones, on n'en a pas besoin. On peut élever des boeufs sans avoir besoin d'hormones. »
Q - Au lendemain des élections européennes, vous vous attendiez à être reçu par L. Jospin. Vous n'avez toujours pas de rendez-vous ?
- « Je vis très bien même comme ça, c'est la vie ! »
Q - Vous êtes déçu ? Il vous boycotte ? Il vous snobe ?
- « Je ne sais pas, c'est un homme occupé, il a beaucoup de choses à faire, il est Premier ministre, il s'occupe de tas de dossiers, il voit des tas de gens… C'est son choix d'homme libre de choisir avec qui il veut avoir rendez-vous, point à la ligne. »
Q - Vous attendiez malgré tout du gouvernement et du Premier ministre qu'il y ait un effet Vert aux européennes, c'est-à-dire qu'il y ait une traduction de votre score ?
- « Le score aux européennes est un potentiel. D'après moi, il faut réaliser ce score aux municipales. C'est pour ça qu'il faut se battre. Moi, je me bats pour que les Verts se présentent aux municipales dans les grandes villes, dès le premier tour, derrière la bannière Verts. Après, on verra. Évidemment, au deuxième tour, on fera des listes communes avec la gauche plurielle. Mais il faut que les Verts essaient de démontrer leur force dans les villes. Les municipales sont un scrutin pour les Verts. Maintenant, savoir s'il y aura un remaniement ministériel, ça ne m'intéresse pas. »
Q - Quand on vous entend dire ça, on pense que vous n'êtes pas très solidaire de D. Voynet ni de vos copains Verts qui, eux, se disent peut-être qu'une place au gouvernement, un portefeuille plus important, ce n'est pas si mal que ça ?
- « Puisqu'au gouvernement il y a deux communistes, c'est évident qu'il faudrait qu'il y ait deux Verts, donc je comprends très bien qu'ils se battent pour cette deuxième place. Mais ce n'est pas mon souci majeur. Maintenant, je serais très content que les Verts aient l'environnement plus autre chose. »
Q - Ce serait quand même un bon moyen de rendre hommage à votre score aux européennes de donner un portefeuille plus important à D. Voynet. C'est ça aussi une traduction.
- « De toute façon, beaucoup de gens n'ont pas envie de rendre hommage à ce score. »
Q - Pourquoi ?
- « Parce qu'il embête un peu tout le monde. Il embête d'un côté la gauche plurielle dans son rapport de forces, dans la vision classique, traditionnelle de l'union de la gauche de Jospin, par exemple. Tout d'un coup, il se retrouve avec la deuxième force – les Verts – il se dit que c'est passager, que c'est comme un orage et qu'après ça cesse. Mais aussi pour les Verts parce que, s'ils analysent vraiment ce qui s'est passé aux européennes, ça veut dire : les Verts plus autre chose, c'est-à-dire que les Verts doivent s'ouvrir. C'est partir de l'acquis des Verts, du travail que fait D. Voynet au gouvernement et dire qu'il y a une volonté, un potentiel d'aller au-delà de ce que sont les Verts aujourd'hui. Beaucoup de Verts réagissent en parti, en mouvement. Ils ont peur de l'ouverture. »
Q - Ils ont peur de Daniel Cohn-Bendit ?
- « Je ne sais pas s'ils ont peur de moi. Ils disent : de toute façon, il est allemand, donc il va continuer de faire de la politique en Allemagne, il ne va pas nous casser les pieds, il est à Bruxelles maintenant, de temps en temps à Strasbourg, mais ça, c'est presque l'Allemagne, donc ça va. »
Q - Si D. Voynet avait un portefeuille plus important, c'est-à-dire l'environnement qu'elle doit conserver selon vous, plus la ville, vous seriez content ?
- « Ce sera très bien pour celui qui sera ministre de la ville ou secrétaire d'État à la ville. Certains meurent d'envie d'être ministres, donc je serai content pour eux qu'ils soient ministres. »
Q - Vous parliez justement des municipales. Quand une centaine de Verts fait une pétition pour dire : D. Cohn-Bendit, candidat à Paris, vous trouvez ça bien ?
- « Que les gens m'aiment bien, je trouve ça bien mais je ne suis pas candidat à la mairie de Paris. »
Q - Vous ne serez pas candidat à la mairie de Paris où vous ne l'êtes pas actuellement ?
- « Je ne suis pas actuellement candidat à la mairie de Paris. Je n'ai aucune intention d'être candidat à la mairie de Paris. J'ai l'intention de devenir Français pour pouvoir être candidat partout et nulle part, c'est-à-dire aussi bien en Allemagne qu'en France. »
Q - C'est-à-dire faire peur partout, comme vous dites, créer des fantasmes ?
- « Oui. Depuis les résultats du 13 juin, on est tous en train de discuter. En Allemagne, on dit : il est français. En France, on dit : il est allemand. Moi, je veux qu'en France on puisse dire : il est français et allemand et en Allemagne qu'on puisse dire : il est allemand et français. »
Q - Pourquoi avez-vous décidé aujourd'hui de demander la nationalité française ?
- « Parce que j'ai été énervé après les élections européennes qu'on dise : il est allemand ou il est français. Il est français et allemand. Alors, pour le démontrer, il faut les deux passeports. C'est techniquement difficile. Les services de Mme Aubry ont été très sympas ; ils m'ont téléphoné et m'ont dit : il n'y a aucun problème pour que vous ayez la nationalité française mais vous perdez la nationalité allemande. Alors maintenant, il faut que je négocie avec le gouvernement allemand parce que je ne veux pas perdre la nationalité allemande. Mon fils est allemand, ma femme est allemande et moi je veux continuer à être allemand et français. »
Q - Mais vous n'avez pas l'intention de vous installer en France, de vivre en France ?
- « Écoutez, je passe tout l'été en France, j'ai une maison dans le sud de la France. J'ai un appartement à Paris. Quand on a un appartement à New York et un à Chicago ou à New York et à Los Angeles, ça paraît normal. Est-ce qu'on peut aujourd'hui accepter, au temps de l'Europe, qu'on puisse avoir un appartement à Paris et un appartement à Francfort ? »
Q - Si vous n'arrivez pas avoir les deux passeports, vous ferez quoi ?
- « Ça m'embêterait beaucoup de ne pas arriver à les concilier parce que je tiens aussi à avoir la même nationalité que mon fils et ma femme. »
Q - Ici, à Strasbourg, vous avez croisé le patron des chasseurs, J. Saint-Josse, qui a dit qu'il n'avait pas du tout l'intention de discuter avec les Verts de l'élaboration de la loi sur la chasse. Avez-vous envie de discuter avec lui pour régler ces problèmes de chasse ?
- « C'est un monsieur qui est malpoli parce que s'il est député européen, il sera bien obligé de discuter avec des députés européens sur la directive de la chasse. Il se trompe d'interlocuteur. Ce n'est pas le gouvernement français qui va décider mais, si la France ne respecte pas la directive sur la chasse, elle va être condamné ça va être très très très cher. La seule solution, c'est d'accepter la directive et, après, de négocier un aménagement de cette directive sur la chasse. Et pour négocier, il faut parler avec des gens. Alors, que M. Saint-Josse ne veuille pas parler avec des Verts et ne veuille pas discuter avec moi, j'avoue que ça m'est égal – les gens malpolis ne m'intéressent pas –, mais il sera bien obligé, en tant que député, de discuter. D'ailleurs, ça va lui passer, c'est pour se rendre un peu intéressant. Vous verrez, il discutera, même avec les Verts. »
Q - Ne trouvez-vous pas finalement que les chasseurs sont mieux traités que vous parce que L. Jospin admet qu'ils soulèvent des problèmes, le Président de la République dit que les verts et les chasseurs expriment les mêmes inquiétudes : les liens entre les hommes et la terre qu'il faut prendre en considération ?
- « Ce que j'ai compris dans cette campagne électorale, c'est qu'il y a une réalité de chasseurs dans les campagnes françaises. Les chasseurs doivent comprendre – et là, D. Voynet a raison – qu'ils ne sont pas seuls au monde, que la campagne n'est pas occupée seulement par des chasseurs. Donc un Grenelle de la chasse, un grand compromis tel que j'ai préconisé pendant la campagne – j'ai rencontré l'association des chasseurs et M. Dayan, ça s'est très bien passé – me paraît la seule solution. Débattre, discuter, trouver un compromis pour l'utilisation de la campagne des chasseurs, des associations de l'environnement, des citoyens qui chassent et de ceux qui ne chassent pas me paraît la seule solution. Le Premier ministre, qui est quand même intelligent, sait qu'il faut un vrai compromis entre les chasseurs et les associations protectrices de l'environnement. »
Q - Aujourd'hui, tous les leaders politiques français sont à Strasbourg. C'est la première session. Vous dites à tous : pourvu que ça dure, pourvu qu'ils continuent d'être là ?
- « Ah non, Robert va disparaître, enfin disparaître… Il va rentrer à Paris. F. Bayrou va rester. Pasqua va voir qu'il ne va pas pouvoir faire ce qu'il veut, donc il va partir. Arlette va s'ennuyer, Alain va rester… Qui est-ce qu'il manque encore ? »
Q - Saint-Josse ?
- « Saint-Josse, quand il verra qu'au bout d'une semaine il n'intéressera plus beaucoup de monde, il va se demander ce qu'il fait là. »
Q - Et A. Madelin et N. Sarkozy ?
- « A. Madelin et Sarkozy, c'est pas leur truc l'Europe. »
Q - Et vous, vous restez ?
- « Moi, j'adore être député européen ! Ça fait cinq ans que je suis là, pourquoi voulez-vous que j'arrête ? »