Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, à RTL le 25 août 1999, sur la nécessité d'établir une politique de coordination des transports et des contrôles aériens à l'échelle européenne, sur la justice fiscale et sur le débat lancé par les Verts sur la place du nucléaire dans la politique énergétique.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Ceux qui prennent l'avion en ces mois d'été n'apprécient pas les retards de plus en plus nombreux. J.-C. Spinetta explique cela par la multiplicité des contrôles aériens en Europe et vous demande de prendre l'initiative d'une recherche d'unité européenne dans ce domaine.

– « Il y a un sérieux problème en ce qui concerne les retards d'avions pour deux raisons. D'abord, le trafic aérien a plus augmenté que ce que les compagnies aériennes avaient prévu, de l'ordre de 8 % cette année. Deuxièmement, il y a eu aussi la guerre du Kosovo qui a perturbé – on ne le sait pas assez –, pendant toute cette période tragique, la circulation aérienne sur toute une partie de l'Europe, notamment sur l'Est de la France. Cela a eu des conséquences partout. Donc, si je regarde cette situation, je constate d'une part que la guerre du Kosovo étant heureusement finie, s'offrent des possibilités de routes aériennes nouvelles plus importantes pour l'aviation civile. D'autre part, il faut nous organiser pour une meilleure coordination – J.-C. Spinetta a tout à fait raison – à l'échelle européenne. Eurocontrôle est un organisme qui se préoccupe de cette question. Le Conseil des ministres des transports européens s'est prononcé sur cet aspect. »

Q - Vous-même, vous allez aller plus loin ?

– « Absolument. Nous avons augmenté le nombre de contrôleurs aériens, nous avons défini de nouveaux espaces pour les routes aériennes civiles. J'ai discuté avec mon collègue, A. Richard, pour qu'il y ait un meilleur partage entre les militaires et le civil. Nous entendons, d'ici la fin de l'année, y compris, à l'échelle européenne, voir tout ce qu'il est possible de faire pour s'attaquer aux retards. La situation redevient celle de 1998, mais nous sommes toujours en difficulté, il faut s'attaquer à cette situation sérieusement. »

Q - Deux cas – un trisomique refusé dans un avion d'Air France et une personne obèse à qui l'on voulait faire payer une place et demi – ont suscité une certaine émotion. Vous-même, vous vous êtes dit scandalisé. Vous avez agi depuis ?

– « Absolument, Air France a agi ! Vous savez qu'Air France transporte 250 000 personnes par an qui sont handicapées ou qui ont besoin d'assistance. Quand j'ai su cela, comme tout le monde j'ai eu cette émotion devant ce qui m'apparaissait comme une situation tout à fait injuste. Air France, que j'ai sollicité, est prêt à voir l'évolution des règlements. J'ai demandé à l'Inspection générale de l'aviation civile d'étudier pour le mois d'octobre ce que j'appellerais « un code de bonne conduite » pour toutes les compagnies qui proposeront des solutions afin que ce type de situation ne puisse plus se reproduire. »

Q - Les routes : il y a eu avant l'été une importante campagne publicitaire pour sensibiliser à la sécurité routière. Les contrôles et les sanctions, devaient être renforcés. Peut-on mesurer les effets de tout cela ?

– « Nous avons un bilan provisoire, qui n'est que celui de la gendarmerie nationale. Je n'ai pas encore le bilan de la police. Pour la gendarmerie nationale, au mois de juillet, le nombre de tués sur les routes de France a diminué de 14 % environ. C'est un premier pas. Je veux en profiter, pour dire à tous les auditeurs que nous allons être dans le futur grand week-end des retours, et faire vraiment appel à la prudence : respectez les limitations de vitesse, les espaces entre les véhicules ! Il faut absolument que ce véritable fléau que constitue l'insécurité routière soit battu dans notre pays et que l'on puisse rouler en toute sécurité et avec une conduite apaisée. »

Q - Un débat est lancé sur les marges de manoeuvre qu'ouvre la bonne conjoncture économique : entre baisser les impôts et réduire le déficit budgétaire qu'est-ce qui est le mieux ?

– « C'est effectivement un débat ! Et il est toujours bon d'entendre qu'il y ait de l'argent supplémentaire, des rentrées supplémentaires par rapport à ce qui avait été prévu. Mais il y a eu une autre information qui a été communiquée : l'an dernier, le partage entre les revenus du travail et ceux du capital s'est encore « dégradé » – j'utilise ce mot – en faveur des revenus financiers, des revenus du capital. »

Q - Vous êtes pour les taxer davantage ?

– « Je suis pour que cette ligne de partage soit déplacée en faveur de ceux qui n'ont que leur travail, que leurs économies pour vivre. Je suis pour que l'on élargisse cette question. Sur le plan de la fiscalité, je ne dirais pas : « Il faut baisser les impôts de tout le monde. » … »

Q - Vous dites qu'il faut les augmenter ?

– « Pour certaines catégories, je pense à l'impôt sur la fortune, je pense à ceux qui vivent de la spéculation financière, il n'y pas de raison qu'il y ait pour ceux-là de réduction. Parce que si l'on veut faire des équipements, si l'on veut faire de la solidarité dans notre pays, il faut aussi qu'il y ait des rentrées fiscales. Mais, par contre, je suis pour la justice fiscale. Je pense à la taxe d'habitation, je pense à la TVA. J'ai obtenu, dès le début, avec L. Besson, secrétaire d'État au Logement – L. Jospin avait fait du logement social une priorité – que la TVA soit baissée sur les travaux de réhabilitation pour le logement collectif. Dès ce moment-là, j'ai demandé que cette baisse soit élargie aux travaux du bâtiment, de l'entretien public et privé. Le moment, je crois, est venu qu'il y ait cette baisse de la TVA pour les travaux d'entretien. »

Q - Quand L. Fabius dit que la gauche peut être battue par les impôts ?

– « La gauche ne sera battue que si elle ne réalise pas ce que les gens attendent de la gauche : une politique pour l'emploi – nous avons commencé, des choses se font mais il faut amplifier – une politique pour la justice sociale, pour la justice fiscale. Nous avons commencé, mais il faut continuer, amplifier. Je le répète, il faut que ceux qui n'ont que leur travail pour vivre, que ceux qui ont des bas salaires, qui ont des revenus minimaux puissent avoir une amélioration de leur situation. »

Q - Pensez-vous que la décision – qui serait franco-allemande – de construire le prototype d'une nouvelle génération de réacteurs nucléaires va se concrétiser ?

– « Cette décision n'est pas, pour l'instant, à l'ordre du jour. Je crois qu'il faut un véritable débat démocratique sur cette question. »

Q - Un référendum, par exemple ?

– « Non, moi je parle de débat démocratique… »

Q - Ce sont les Verts qui parlent de référendum.

– « Les Verts ont leur position, ça les regarde. Nous sommes dans une majorité plurielle, et il est bien que chacun puisse s'exprimer. Ce que je ne voudrais pas c'est que le débat se tranche par oui ou par non. Ce n'est pas ça la question ! Nous sommes le premier pays du point de vue de l'environnement qui lutte contre l'effet de serre parce que nous avons une électricité qui est fournie pour une grande partie par l'énergie nucléaire. »

Q - Êtes-vous vous un adepte d'une idolâtrie pro-nucléaire ?

– « Pas du tout ! … »

Q - On l'entend dire de la part des Verts pour le Gouvernement en général.

– « Le Gouvernement a dit qu'il était, bien sûr, pour que cette source d'énergie soit utilisée dans les meilleures conditions de développement et de sécurité. Il faut aussi qu'il y ait une diversification, j'y suis favorable. Mais, ne faisons pas sortir des peurs ancestrales comme celle de la bête du Gévaudan ou autres à propos du nucléaire. Il s'agit d'un véritable débat, sérieux, démocratique. Nous avons besoin de cette énergie. Il faut qu'elle soit produite dans des conditions optimales de sécurité.

Q - Selon vous, les Vert représentent dans la majorité une sensibilité marginale ?

– « Non, pas marginale. Chaque sensibilité dans la majorité, qui est plurielle, représente quelque chose. Pour notre part, les communistes, nous voulons faire en sorte que la gauche réussisse. Elle réussira si elle pratique une politique cohérente en faveur de la justice sociale et de l'emploi. »