Déclarations de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication et porte-parole du gouvernement, sur le rôle de la Cinémathèque dans la diffusion de la culture cinématographique, la politique culturelle urbaine, et la découverte des littératures d'Amérique centrale, Paris les 6, 7 et 18 novembre 1997.

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Intervenant(s) : 
  • Catherine Trautmann - ministre de la culture et de la communication et porte-parole du gouvernement

Circonstance : Inauguration du Festival Cinémémoire à Paris le 6, assises des Rencontres urbaines à Paris le 7, programme les "Belles Etrangères" d'Amérique centrale à Paris le 18 novembre 1997

Texte intégral

Date : 6 novembre 1997
Source : cinémathèque française

C’est avec une grande joie que j’inaugure ce soir la nouvelle implantation de la cinémathèque au Brooklyn et le festival Cinémémoire, double occasion de célébrer notre passé cinématographique. Le Brooklyn a aujourd’hui, pur quelque temps encore, la lourde responsabilité d’incarner à lui seul la cinémathèque française. Vous savez à présent que cette responsabilité sera limitée dans le temps puisque la cinémathèque occupera, avant le printemps prochain, la salle du Palais de Tokyo. Quant au festival Cinémémoire, il a pour mission d’exposer le travail de titan réalisé pour préserver les films des ravages du temps qui passe – ce qui est aussi un défi de taille.

La cinémathèque française, on le sait à travers le monde entier, est l’un des lieux les plus riches du cinéma, elle possède des exemplaires uniques de films dont toutes les autres copies ont disparu, elle recèle une quantité de trésors que nous nous devons de mettre en valeur et de partager avec le public. J’ai appris que vous veniez de découvrir dans ses fonds de nouveaux trésors ?– une série de Western, d’une grande qualité artistique, et qui permettront sans doute de revisiter l’histoire des débuts du cinéma américain. Ce genre de découvertes, les restaurations, la programmation sont essentiels pour garder vivant le cinéma. Je crois profondément que la création a besoin d’explorer son passé pour rester toujours vivante.

Je tenais à rappeler à l’occasion de ce festival mon attachement à la dimension culturelle et patrimoniale du cinéma. Je pense que la connaissance de l’histoire cinématographique, la diffusion des chefs d’œuvre, mais aussi des œuvres mineures qui sont savoureuses pour ce qu’elles reflètent d’une époque, sont essentielles à la formation du regard du spectateur. Cette diffusion, cette culture cinématographique doivent être aujourd’hui revitalisées. Il serait paradoxal de voir se multiplier les supports et les modes de diffusion du film, sans que ce développement ne soit aussi au service du patrimoine cinématographique. La cinémathèque française, les cinémathèques en régions, le réseau des salles art et essai, celui des salles non commerciales, mais aussi les chaînes thématiques, la vidéo, bientôt le DVD doivent accorder une place plus importante au passé du cinéma qui, par sa grandeur, est toujours aussi actuel. Les œuvres de Jean Renoir, Marcel Carné, Orson Welles, Hitchcock, Truffaut, Jean-Luc Godard et de tous les autres sont les meilleures preuves que les classiques cinématographiques sont définitivement modernes.

Cette attention au patrimoine cinématographique, je souhaite l’incarner dans une politique culturelle dont le futur Palais du cinéma sera le creuset. Mais dès à présent, une série de propositions et de mesures doivent donner un nouveau souffle à cette aspect de la politique cinématographique conduite par le CNC :
    - ainsi, dans le domaine de la restauration, je souhaite que le renforcement des crédits affectés au secteur soit accompagné d’une réflexion approfondie, sous l’égide du CNC, de l’ensemble des partenaires, producteurs, laboratoires, institutions culturelles, salles de cinéma, chercheurs, diffuseurs, sur les problèmes techniques, juridiques, économiques que peut poser la restauration – en y incluant des films récents qui sont également menacés. Je souhaite également que chaque année soit restaurée l’œuvre d’un grand réalisateur et que cette œuvre puisse ensuite être largement montrée ;
    - dans le domaine de la diffusion, je souhaite favoriser, dans le cadre de la politique contractuelle mise en place par le CNC, la collaboration entre les collectivités locales et les cinémathèques régionales. Je souhaite également encourager la diffusion du patrimoine dans les salles de cinéma et dans le secteur du cinéma non commercial et pour cela j’envisage d’élargir les missions de l’agence pour le développement régional du cinéma.

Je propose aussi que les compétences patrimoniales du CNC soient renforcées, en particulier dans le domaine de la collecte des documents en proposant un projet de loi qui ouvrirait le droit de préemption de l’État, donnant au CNC la possibilité de recevoir des dons et legs ou des dations faites à l’État. Enfin, il me paraît essentiel d’encourager la diffusion télévisuelle en France et à l’étranger des œuvres restaurées. L’accord récent entre le CNC et Ciné Cinéfil constitue un premier exemple de coopération. Je veillerai à ce que d’autres initiatives soient prisent dans ce domaine.

 

Clôture des assises des « rencontre urbaines » à la Grande Halle de La Villette, - vendredi 7 novembre 1997

Un emploi du temps de ministre de la culture est une construction bizarre : on parle beaucoup des publics et des gens, du rôle social de l’art et de la culture, mais si l’on n’y prend pas garde, on se retrouve très vite et très naturellement à passer de première en première, à fréquenter autant le tout Pais que les artistes et les vrais publics. Dans cet agenda type, j’ai innové il y a deux jours en me rendant à une dernière à la Comédie française.

Mais j’ai encore plus le sentiment ce soir sinon d’innover, du moins d’être à ma vraie place a milieu des praticiens de la culture en milieu urbain, de cette culture des villes qui m’attire et me fascine, car j’aime la ville et sa rue. Je sais qu’il n’y a pas de ville sans culture, parce que la ville est culture, parce que la culture dans ses lieux, ses gestes artistiques, ses émotions est le point nodal de la formation du lien social sans lequel il n’y a pas, bien sûr, de nation mais surtout sans lequel il n’y a pas de ville.

J’ai donc bien volontiers accepté l’invitation de Bernard Latarjet à venir m’entretenir avec vous au terme de ces « Rencontres des cultures urbaines ». Et je voudrais d’emblée remercier Bernard d’avoir organisé de telles rencontres dans un lieu qui est, je le crois, la plus grande réussite de la politique culturelle de François Mitterrand et Jack Lang.

À la lecture du programme de ces rencontres, je suis impressionnée par la multiplicité et la richesse de toutes les formes artistiques qui ont été présentées, pendant près d’un mois, sur le site de la Villette.

Cette profusion et cette force créative bousculent notre perception de ce qu’il est convenu d’appeler les « quartiers défavorisés ».

Ces territoires et leurs habitants ne sont trop souvent considérés qu’en fonction des maux dont ils souffrent : chômage, insécurité, marginalisation. Depuis plusieurs années, la politique de la ville a stigmatisé cette réalité sans soutenir résolument l’émergence de ces nouvelles formes d’expression artistique.

Aujourd’hui, l’exclusion et la relégation économique ou sociale doivent être traitées en première urgence. Le gouvernement s’y emplois et l’affirmation du droit à la culture trouvera sa place dans la loi de prévention et de lutte contre les exclusions que Martin Aubry prépare.

Je souhaite pour ma part développer les initiatives artistiques et culturelles dans les quartiers urbains, mais dans le cadre d’un véritable projet politique, dont les objectifs et les méthodes seront en rupture par rapport à ce qui a été fait précédemment.

L’appellation « cultures urbaines » fait débat. Je ne souhaite pas m’engager dans une querelle stérile sur le sens des mots, pour départager les partisans du « local » contre les défenseurs de « l’universel ».

Ce qui m’importe, c’est d’observer que la création artistique dans ces quartiers dévoile bien toute sa charge symbolique et sa signification sociale. Ce qui constitue la culture, ce ne sont pas seulement des créateurs et des objets qui se montrent ou que l’on montre, c’est d’abord et avant toute chose le rapport à l’autre, la manière de vivre et de se représenter, et l’expression la plus achevée par laquelle les gens entrent en relation.

J’oppose cependant une critique fondamentale par rapport aux méthodes qui ont été employé au cours de ces dernières années.

Si l’action culturelle a été sollicité dans les tentatives de reconstruction du lien social, l’instrumentation de cette action au profit des effets d’annonce ou de la promotion du ministère de la culture a été privilégié au détriment d’un travail durable, régulier et profond.

Les artistes ne peuvent être employés dans un rôle de médecins du social que l’on envoie en dernier recours quand tous les autres remèdes semblent avoir échoué ou tout aussi fréquemment comme alibi à notre propre impuissance.

L’action artistique et culturelle doit trouver sa place et s’articuler avec les autres interventions économiques et sociales de la collectivité. La culture n’est pas un substitut, elle participe de la reconstruction d’une véritable citoyenneté. N’oublions jamais que le théâtre, pour ne citer que lui, est historiquement le lieu de rencontre et de représentation des citoyens, des hommes libres.

À cet égard, je sais bien que confrontés aux difficultés d’une ville qui exclue et qui a perdu ses repères intelligibles, les habitants – et surtout les jeunes – tentent de créer les référents culturels de leur identité urbaine. C’est cela qu’il faut prendre en compte et accompagner s’il le faut et non plaquer des modèles actuels sur un milieu qui n’est pas forcément prêt à les recevoir.

La langue, inventée et inventive, la musique – où la parole a retrouvé le ton de la révolte – la danse, l’expression graphique, la vidéo et le théâtre s’emplissent de la rue et d’une aspiration à la reconnaissance.

Un ministère de la culture digne de ce nom doit savoir répondre à cet appel en reconnaissance.

Cette aspiration engendre des solidarités et fonde des identités, c’est-à-dire des distinctions et des repères pour tous.

Il y a dans certaines manifestations des cultures urbaines d’aujourd’hui des témoignages frappant d’une méthode de création et d’un rapport à la culture qui peuvent réellement révolutionner nos perceptions.

Les grands peintres contemporains disent souvent qu’il leur a fallu du temps pour détruire leurs bases avant de créer. Je pense souvent à cette idée quand j’entends, par exemple dans la musique techno, les DJ qui partent de l’œuvre d’un autre, la détruisent dans une certaine mesure et recréent sur ces bases.

La ville peut exclure, mais alors elle n’est plus la ville. La culture peut être réservée à quelques un, mais alors elle n’est plus la culture.

Ancrer ces principes dans un programme d’action politique suppose trois efforts constants de l’État :
Il faut d’abord assurer pour tous une éducation fondamentale qui donne à chacun la clé des langages artistiques. Le savoir sur l’art et la culture est le plus constitutif de repères et contribue le plus sûrement à l’affirmation d’une identité. Dans le même temps, il me semble que cette construction d’identité, sur la base de connaissances et de pratiques partagées est celle qui peut dépasser et transcender les appartenances communautaires.

Nous devons reconnaître les pratiques culturelles sans imposer un modèle esthétique. Le ministère de la culture a trop négligé les pratiques amateurs, l’expression et le désir artistique des gens. Dans la ville moderne, l’action culturelle ne peut plus ignorer l’implication des habitants qui ne veulent plus être de simples spectateurs. Les savoir-faire, l’initiative, la liberté d’agir et de penser ne sont pas réservés aux seuls professionnels ;
Les professionnels de la culture doivent s’engager contre l’exclusion sociale. La transmission du patrimoine culturel est un devoir. Un devoir en actes. Je souhaite rendre accessibles à un large public les collections des musées actuellement conservées dans des réserves situées à la périphérie des villes, afin d’en faire de véritables « musées du deuxième type », renouvelant leurs pratiques éducatives, renforçant leurs liens avec la création contemporaine, allant à la rencontre de nouveaux publics.

J’ai décidé de confier à Guy Amsellem, directeur général de l’Union centrale des arts décoratifs, une mission de réflexion et de propositions sur la mise en œuvre de cette mesure, qui permettra de déboucher rapidement sur des avancées concrètes.

Les équipes artistiques et les structures de diffusion ne peuvent plus ignorer les territoires et les gens exclus de l’héritage culturel. La charte du service public que je vais élaborer, en étroite concertation avec les professionnels des arts de la scène, posera les conditions de leur action.

Éducation artistique, reconnaissance des pratiques artistiques et culturelles, transmission du patrimoine culturel, voilà quelles sont, à mon sens, les clauses d’un contrat républicain pour la culture.

Mais je l’ai dit, les méthodes doivent également changer.

Les projets culturels les plus réussis sont caractérisés par une approche territoriale globale, impliquant tous les acteurs et tous les services publics de la culture.

Les projets culturels les plus aboutis s’inscrivent dans la durée. Il n’y a rien de plus antinomique de l’action culturelle que les projets sans lendemain, que les expérimentations qui abandonnent les gens à leurs illusions perdues.

Plus généralement, je crois que c’et la méthode de travail du gouvernement en la matière qu’il faut changer radicalement. Je suis entièrement d’accord avec Martine Aubry pour dire que la politique de la ville doit être globale, que l’on ne peut pas séparer le culturel, le social et l’économique. Mon action de ministre de la culture des villes et des quartiers ne peut être rien d’autre que la contribution d’un réseau de compétences à une politique globale de la ville telle que nous la voulons, Lionel Jospin, Martine Aubry et moi, loin des coups médiatiques où les quartiers servent de faire valoir aux ministres.

Je veux maintenir l’effort budgétaire du ministère de la culture en faveur des quartiers. Mais je veux surtout contribuer pour ma part à une vraie politique de la ville, lisible et surtout efficace.

Enfin la durée doit être garantie par la contractualisation avec les collectivités locales qui permet, seule, la mise en place de programmes structurants, en prise avec la réalité.

La mise en œuvre d’une politique durable nécessite la création d’emplois pour de nouvelles fonctions de médiation et d’action culturelle, et plus généralement pour l’éclosion de nouveaux services aux habitants.

Pour ce qui concerne la culture, le plan emplois-jeunes doit trouver prioritairement et naturellement son application dans ces banlieues et ces quartiers.

Je défendrai ces principes auprès de Jean-Pierre Sueur, qui a reçu mission de repenser l’action publique en faveur des quartiers défavorisés.

J’attache également beaucoup d’importance au rôle de l’architecture. La requalification des villes, c’est d’abord réapprendre à habiter l’espace public et modifier le plan urbain en prenant en compte la vie réelle des gens, de leur circulation et de leurs échanges.

Lionel Jospin a annoncé la réhabilitation d’un million de logements dans les prochaines années. Un « label architecture » doit être conféré à ces réhabilitations. C’est ce que j’ai demandé aux responsables de la construction, au ministère de l’équipement, à ceux du logement social, et à l’union nationale des HLM.

Ce « label architecture » marquera ma volonté d’une recherche constante de qualité.

J’aime cette définition que donne Henri Gaudin de l’architecture « faire habiter les hommes ». L’architecture ne doit pas être seulement le concepteur d’objets isolés. La réforme de l’enseignement de l’architecture qui vient d’être mise en place permettra de diversifier les formations et faire notamment que les architectes deviennent de vrais professionnels de la recomposition et du remodelage des villes et des quartiers. Je m’engage sur l’apport indispensable et positif des architectes dans la conception sensible et qualitative des projets urbains, car je suis clairement leur tutelle.

Les réalisations artistiques qui ont été présentées dans ces premières « rencontres des cultures urbaines » ont démontré que l’art ne peut pas être l’instrument de la recherche du consensus social. La fonction critique de l’art, la recherche du sens, la construction d’une distinction individuelle dans un collectif de création caractérisent toutes les expériences qui ont été menées.

Nous sommes loin d’une culture des particularismes et des communautés fermées. C’est là tout l’enjeu de mon action ministérielle et la tâche qui m’incombe : reconnaître sans enfermer dans des catégories, respecter les identités en ouvrant toujours sur l’universel.

Mesdames et Messieurs, j’étais hier le maire d’une grande ville de France, avec ses quartiers favorisés, d’autres plus difficiles. Ministre aujourd’hui, je veux vous dire une chose essentielle qu’aucun discours, qu’aucun budget ne résume ; j’aime la ville, ses quartiers, ses rues, ses habitants, sa jeunesse. Univers de création, lieu d’échange avec des cultures qui lui semblent étrangères, objet d’étude culturelle, la ville est une de mes références culturelles.


Allocution à l’occasion des « Belles Étrangères » d’Amérique centrale - 18 novembre 1997

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter la bienvenue au ministère de la culture et de la communication, où je suis très heureuse de vous accueillir ce matin, et en France, où vous allez voyager dans les jours qui viennent, aller à la rencontre de lecteurs, où vous aurez, au gré des programmes qui vous ont été proposés et préparés, un aperçu de la diversité de notre pays.

Vous êtes les invités des Belles Étrangères. Je voudrais, d’un mot, vous dire combien cette initiative, dont nous fêtons avec vous le dixième anniversaire, est importante et tout le prix que nous y attachons. Le titre de cette entreprise, dont vous inaugurez la vingt huitième édition – ce qui, en matière éditoriale, est plus qu’un succès – a été emprunté au poète Louis Aragon, dont nous venons de célébrer en octobre dernier le centenaire de la naissance, et qui, si l’on ne voulait retenir de son œuvre que le chant infini de l’amour, nous incite bien en effet à la découverte.

Découvrir. Tel est le mot-clé des Belles Étrangères. C’est bien ce désir qui a présidé à leur invention puis à leur mise en œuvre par la direction du livre et de la lecture et par le Centre national du livre, avec le concours du département des affaires internationales et de la maison des écrivains : découvrir d’autres littératures, s’en aller explorer d’autres mondes, des imaginaires, se mettre à l’écoute des cris et des murmures qui battent au cœur des mots et les faire voyager en les confiant à ces indispensables passeurs que sont les traducteurs.

« Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau » écrivait Charles Baudelaire, forgeant, dans cette fulgurance, la plus belle et la plus juste définition du voyage, au sens du mouvement, mais aussi et peut-être surtout, au sens littéraire.

Romanciers, poètes, artistes, vous êtes de ceux qui, en créant ce que faute d’un meilleur mot pour dire la réalité ou appelle des fictions, nous aidez sans cesse à passer de l’autre côté du miroir des apparences pour apprendre, comprendre, partager. Et c’est bien pour cela qu’un roman donne en général plus d’indication sur un pays, un peuple, une civilisation, qu’une pile d’essais. Ce qui, au demeurant, ne veut pas dire que les essais sont inutiles, loin de moi cette pensée, mais nous savons bien combien les romans et la poésie accouchent de vérités qui ne sont pas encore révélées.

Vous venez d’Amérique centrale, de ce que l’on appelle la « douce ceinture d’Amérique ». Vos pays dessinent en lien entre deux vastes territoires, un lieu d’ancrage et de passage. Vous portez la mémoire de civilisations anciennes et fascinantes et vous êtes au carrefour d’influences multiple, d’un creuset linguistique.

Vous venez de pays qui ont été longtemps victimes d’affrontements, de déchirements, de mises au silence. Vous savez ce que le mot exil signifie et ce qu’il en coûte de force et de volonté pour malgré tout créer. Aujourd’hui, vos pays sont entrés dans un processus de paix, de coopération. Et sans doute faut-il voir dans le fait que vous avez marqué collectivement votre désir de venir en France, le signe de cet élan neuf et prometteur.

Au fond, en participant à ce programme des Belles Étrangères, vous-mêmes, comme les délégations qui vous ont précédés et celles qui vous succéderont, nous aidez à nous maintenir en éveil, à travailler avec les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires pour effacer les frontières, pour trouver, dans les thèmes qui sont les vôtres des échos familiers et d’autres, qui nous ouvrent l’esprit et le cœur, nous rendent sensibles à l’autre, celui que la géographie et l’histoire ont fait naître et grandir, espérer et souffrir, vivre plus ou moins loin de vous.

Je vous souhaite un excellent séjour en France. J’espère que vos contacts seront fructueux.

Et quand vous serez repartis, il restera la série de films qui seront prochainement diffusés sur Arte, et puis vos livres que nous lirons avec des souvenirs, en attendant bien sûr les prochains.