Déclarations de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la réforme de l'OCM, le paquet prix 1998/1999 et sur l'organisation des marchés de la banane et du tabac, Bruxelles les 16 et 17 février 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil des ministres de l'agriculture à Bruxelles les 16 et 17 février 1998

Texte intégral

Intervention sur le Paquet Prix 98/99 16 février 1998

Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire.

Je remercie Monsieur le Commissaire, pour les propositions rapides qu'il vient de nous présenter, mais permettez-moi toutefois de dire que je suis très déçu par ce Paquet prix 1998/1999. Non pas tellement en raison des propositions qui nous sont soumises que par l'absence de celles dont notre Conseil aurait dû être saisies.

Le gel des terres :

Cela fait désormais plusieurs années que nous avons tous reconnu la nécessité de fixer le taux de gel des terres avant le début des campagnes des grandes cultures. Il est clair aussi que le gel extraordinaire n'est pas une mesure adaptée aux politiques que nous souhaitons mener dans ce secteur car elle ne peut être appliquée de façon homogène et compréhensible par les agriculteurs et qu'elle conduit à des difficultés d'application quasi insurmontables. C'est d'ailleurs pour cela que nous l'avons suspendue l'année dernière.

Il ne serait pas compréhensible que nous n'en tirions pas les conséquences dans ce Paquet Prix.

Je souhaite ainsi que nous puissions fixer avant le 30 juin de cette année, le taux de gel applicable à la campagne 98/99 et que nous supprimions définitivement le gel extraordinaire anticipant aine une décision que la Commission nous a demandé de prendre dans le cadre de la réforme de la PAC et qui réunit un large consensus.

Le vin :

Il existe un autre secteur où des mesures doivent être prises incessamment. Il s'agit du secteur vitivinicole. À la différence des autres grandes productions, son organisation commune de marché n'a pas été réformée depuis 15 ans. Elle n'est plus adaptée à la réalité d'aujourd'hui.

Je comprends toutefois que sa révision nécessite un examen approfondi dans le cadre de la réforme de la PAC.

Cela ne doit cependant pas signifier que l'on ne fasse rien dans ce secteur d'ici l'an 2000.

Il faut au contraire lui donner les moyens d'atteindre cette échéance dans les meilleures conditions.

Une mesure dans ce cadre s'impose tout particulièrement. Il s'agit de l'octroi d'un nouveau contingent de plantations nouvelles afin de poursuivre la reconversion qualitative du vignoble.

Cette mesure ne génère pas de coût financier pour l'Union Européenne, encourage les viticulteurs à continuer leur effort vers une politique de qualité et donne à notre viticulture une souplesse d'adaptation aux besoins du marché.

Il s'agit en fait de proroger les deux mesures décidées conjointement il y a deux ans. Vous avez prorogé le régime d'arrachage. Il convient de le faire aussi pour les plantations nouvelles.

Il est donc impératif qu'elle soit décidée dans le cadre de ce Paquet.

Les propositions de la Commission :

En ce qui concerne les propositions de la Commission, je voudrais à ce stade me limiter à remarquer la sévérité de celle qui a trait à la culture du chanvre.

Je m'interroge sur les conséquences d'une baisse de 25 % des aides. Elle risque de décourager les véritables producteurs, sans pour autant freiner l'appétit de bénéficiaires qui n'ont rien à voir avec l'agriculture.

Je souhaite ainsi que cette question puisse faire l'objet d'un examen approfondi eu CSA.


Voilà brièvement, Monsieur le Président, mes premières remarques sur ce Paquet Prix dont je déplore donc le manque de substance.

Il ne sera pas acceptable pour la France tant que les demandes que j'ai formulées sur le gel des terres et les droits de plantation viticoles, ne seront pas satisfaites.

Déclaration concernant la réforme de l'OCM Banane - 16 février 1998

 

Comme vous le savez, Monsieur le Président, la France accorde une très grande importance à l'organisation des marchés de la banane. Ce produit est indispensable à l'équilibre de l'économie agricole et même de l'ensemble de l'économie des départements français des Antilles, mais aussi d'autres régions communautaires ainsi que de plusieurs pays ACP avec lesquels l'Europe a toujours entretenu des relations privilégiées.

 

Je souhaite d'emblée rappeler que l'organisation du marché de la banane est un tout et qu'elle doit faire l'objet d'une approche globale qu'il s'agisse de la réforme de l'OCM ou des mesures en faveur des producteurs ACP examinées dans une autre enceinte. Il faudra en tenir compte, quelles que soient les procédures d'instruction de ce dossier au Conseil, qui seront utilisées.

L'Organisation Mondiale du Commerce n'a pas contesté la légitimité des fondements de l’OCM.

La proposition de la Commission doit donc être modifiée et complétée sur deux plans :

1 - l'octroi de compensations :

Les producteurs subiront la suppression des licences B.

Ils perdront en effet à la fois leur droit d'accès au contingent d'importation alors que leurs produits perdront leur attrait dans le mécanisme futur d'attribution des licences, quel qu'il soit.

Nous ne pouvons admettre qu'une telle perte de revenu au détriment des producteurs, sans doute les plus pauvres de l'Union Européenne, ne soit pas compensée. Cela est proprement inexplicable dans le contexte actuel de la PAC.

Il ne saurait y avoir de PAC à deux vitesses, l'une sur le continent européen, attentive à la situation de ses producteurs, l'autre dans les régions les plus défavorisées de l'Union Européenne, les régions ultra-périphériques, négligeant leur revenu.

Une compensation financière appropriée doit être accordée aux producteurs communautaires pour réparer le préjudice subit suite à la réforme du régime d'attribution des licences et la recette forfaitaire de référence doit être revalorisée pour tenir compte de l'augmentation des coûts de production.

La proposition de la Commission doit donc être complétée sur ces points, notamment par un engagement clair sur une augmentation substantielle de la recette forfaitaire de référence.

2 - Le niveau du contingent d'importation et les autres aspects de la proposition de la Commission :

Par ailleurs, en dehors d'une pétition de principe, repris dans l'exposé des motifs, il n'y a plus de garantie effective d'écoulement de la production communautaire et ACP. Cela renforce d'autant plus la nécessité d'ajuster le niveau global des contingents tarifaires aux besoins réels du marché. De ce point de vue, le niveau proposé pour le contingent tarifaire additionnel n'est pas conforme aux bilans d'approvisionnement de l'Union européenne et n'est pas justifié par la Commission. Les arguments que j'ai avancés lors de notre dernière session n'ont pas été réfutés.

Je suis prêt Monsieur le Président à participer d'une façon constructive à cette négociation complexe.

Il faudra cependant, que cet accord permette de garantir le revenu des producteurs européens et l'écoulement de leurs bananes pour que je puisse m'y rallier. La proposition de la Commission actuellement sur la table ne le permet pas et c'est pour cela qu'elle est inacceptable pour la France.

D'autres aspects de la proposition de la Commission continuent de m'interroger fortement. Il s'agit en particulier des modalités de gestion des contingents tarifaires et du quota ACP ainsi que des modalités des certificats cyclones.

Je souhaiterais d'ailleurs, Monsieur le Président, que vous chargiez le CSA d'approfondir ces deux points en vue d'éclairer nos débats futurs.

Intervention au Conseil des Ministres de l'Agriculture à Bruxelles - 17 février 1998
Point : OCM DU TABAC

Monsieur le Président,

Moi aussi, je voudrais remercier la Commission pour la proposition qu'elle transmet aujourd'hui au Conseil visant la réforme de l'OCM du Tabac.

Comme nous le savons, il s'agit d'un secteur agricole tout à fait particulier, dont les caractéristiques ne permettent pas un désengagement à l'égard des producteurs : production dans les zones parmi les plus défavorisées de l'Union, exploitations de petite taille, à faible capacité de reconversion, main-d’œuvre familiale nombreuse. La réforme proposée est, à cet égard, dans la ligne de nos préoccupations couvrant l'orientation d'une politique agricole fondée sur les impératifs de l'aménagement rural.

Comme nous l'avions indiqué à l'occasion de la présentation du rapport de la Commission l'an dernier, je peux donc approuver les objectifs généraux qu'elle nous propose aujourd'hui : améliorer la qualité de la production, faciliter son débouché commercial, s'appuyer sur les groupements de producteurs, simplifier la gestion permettant un renforcement des contrôles.

Cependant, certains points de cette proposition méritent un examen attentif pour en vérifier la cohérence avec ces objectifs :

- tout d'abord il faut que la question du niveau de prime aux tabacs Burley produits dans les États membres du Nord soit réexaminée. Il s'agit de tabacs dont le marché est demandeur, mais qui sont caractérisés par des coûts de production élevés. La nouvelle OCM doit en tenir compte.

- la Commission nous propose un système d'enchères aux contrats. Le système me paraît contradictoire avec la notion même de contrats de culture, et peut créer des difficultés d'application quant au rôle de groupements de producteurs, et, plus encore, des coopératives. Je suis donc, à ce stade, très réservé sur ce point.

- Enfin, et comme mes collègues, je suis extrêmement perplexe sur le dispositif de reconversion par rachat de quotas que propose la Commission. En effet, en France, la production de tabac qui est d'un niveau modeste, est répartie dans de nombreuses zones : toute diminution de la production aura des conséquences négatives sur la capacité d'organisation des groupements de producteurs, sur laquelle on veut faire reposer de plus en plus l'OCM.

En outre, un simple dispositif de retrait aurait pour conséquence de défavoriser l'installation de jeunes agriculteurs, qui sont une de nos préoccupations principales.

À ce stade, je ne peux donc que marquer une forte réserve sur ce dispositif. J'attends de la Commission qu'elle se montre ouverte et constructive dans les débats qui vont avoir lieu avant que nous nous ressaisissions du dossier, lors de nos prochaines réunions.