Texte intégral
Date : 7 novembre 1997
Source : Le Progrès
Le Progrès : Max Mosley, président de la FIA, avait signifié l’interdiction du Grand prix de France de F1 en raison d’un problème d’exclusivité de retransmission télévisée. Où en est ce dossier ?
Marie-George Buffet : J’ai rencontré le président de la FIA au début de cette semaine. Nous sommes dans une phase où on peut être raisonnablement optimiste. Le Grand prix de France devrait se tenir en juin prochain.
Nous avons essayé de reprendre le dossier de façon très rigoureuse, à partir de la loi de 84, à la fois de la réalité des contrats d’exclusivité, mais aussi de l’accès à l’information qui doit être respecté.
Nous avons, enfin, travaillé à un véritable décret d’application de la loi de 84. Nous avons, également, à l’initiative du ministère et du CSA, réuni l’ensemble des chaînes de télévision concernées qui se sont mises d’accord sur le protocole. M. Mosley doit encore examiner cela avec ses juristes. Nous, nous avons eu une commission interministérielle, mercredi, pour finaliser réellement le décret. Maintenant, il faut le passage du décret au Conseil d’État. Nous espérons que le 11 décembre, au prochain conseil international de la Fédération, la décision sera prise.
Le Progrès : À propos de Coupe du monde de football, vous avez dit du CFO et de Michel Platini qu’ils se montraient un peu trop discrets au sujet de la publicité donnée à cet événement que reçoit la France ?
Marie-George Buffet : Ce fut une interprétation de ce que j’ai dit, et d’ailleurs, on s’en est expliqué tranquillement avec Michel Platini. Ce n’était pas un reproche au CFO. C’était un reproche à l’État, au gouvernement. Le CFO a parfaitement rempli, jusqu’à présent, son rôle d’organisation.
À l’État, au gouvernement, de prendre ses responsabilités, non seulement pour que cette Coupe du monde se passe bien dans les stades, mais pour qu’elle devienne aussi une grande fête citoyenne et populaire. Depuis, les choses ont avancé.
Nous avons obtenu, dans les huit cents quartiers classés zones sensibles, la possibilité d’avoir des retransmissions, sans droit à payer, en direct sur grand écran.
Nous avons aussi cinq cents projets d’animation, notamment organisés par des jeunes autour de ces écrans ou autour des stades, et nous allons pouvoir donner quinze millions pour aider ces projets.
Nous allons présenter, enfin, le 25 novembre, l’affiche pour la Coupe du monde. En fait, les choses sont lancées et un travail uni se fait entre CFO, ministère et commission interministérielle.
Le Progrès : Au sujet inévitable du dopage, vous aviez signifié, suite à une actualité récente, votre volonté de démanteler les filières. Comment cela se traduira-t-il concrètement ?
Marie-George Buffet : La question qu’il faut se poser, c’est qui a fourni le produit dopant au sportif déclaré positif et sanctionné ? J’ai donc demandé qu’il y ait des suites judiciaires. Il faut agir, pas seulement sur le sportif, mais aussi sur l’entourage qui peut l’inciter à utiliser ces produits, et ensuite agir sur des questions de fond.
Souvent, cette utilisation est due à des méformes provenant de surentraînements ou de surcompétitions, et il faut donc regarder les calendriers sportifs. Parfois, elle est due à une méforme touchant quelqu’un en fin de carrière face à un transfert ou un nouveau contrat. Après un contrôle antidopage le mal est fait. L’idée est donc de développer des mesures préventives pour essayer d’empêcher l’élargissement du dopage.
Le Progrès : Avant d’arriver à Lyon, vous étiez en visite à Givors, ville natale du champion olympique de judo Djamel Bouras, récemment contrôlé positif. On imagine qu’il fut question de cette affaire ?
Marie-George Buffet : D’abord, il y a la présomption d’innocence. Il faut la défendre avec détermination. Djamel a eu un contrôle positif. Il y a la contre-expertise, puis la décision de la Fédération. Préservons-le donc de toute campagne. À Givors, j’ai salué son papa. Attendons que la procédure se termine avant de porter des jugements.
Le Progrès : Les représentants du monde sportif local vous attendent à la direction régionale jeunesse et sports. Quel message allez-vous leur délivrer ?
Marie-George Buffet : Je vais leur parler d’une nouvelle ambition pour ce ministère, notamment par rapport à la jeunesse et à une mission publique qui pourrait de nouveau se développer.
Date : 17 novembre 1997
Source : Les Échos
Les Échos : Ce projet de budget vous donne-t-il les moyens de mener à bien votre politique sportive ?
Marie-George Buffet : Le budget 98 marquera une inversion de tendances. Pour la première fois depuis 1993, les crédits d’intervention jeunesse et sports sont en augmentation. Prenons deux domaines précis : 21 millions de francs supplémentaires sur les actions de proximité auprès des jeunes ; et 6,5 millions de plus pour la lutte contre le chômage. De même, 10 millions de soutien supplémentaires aux associations s’ajouteront à dix autres millions en faveur de la rénovation de leur patrimoine, les centres de vacances et de loisirs notamment.
C’est encore insuffisant au regard des demandes sociales des jeunes et du mouvement sportif, mais c’est un premier pas, et surtout une amorce de rupture avec la courbe antérieure du désengagement de l’État. Quant au plan emploi-jeunes, je pense que nous pouvons atteindre les 8 000 emplois-jeunes en 97-98 dans le secteur « jeunesse et sports ».
Les Échos : Les villes ne seront-elles pas amenées à s’engager davantage dans le sport ?
Marie-George Buffet : Les villes s’engagent déjà beaucoup dans le sport. Et, pour en avoir discuté avec de nombreux maires, elles souhaitent aller plus loin. Non en raison du désengagement de l’État au cours des dernières années, mais surtout parce que c’est au niveau de la commune que le mouvement sportif est le mieux à même de répondre à des besoins de proximité.
Je crois aussi que de nombreux maires perçoivent bien le rôle que peut avoir le sport dans la création de liens de solidarité et le développement de la citoyenneté. Le rôle de l’État est d’accompagner ce développement, en particulier en consacrant davantage de moyens à la rénovation et à l’adaptation d’équipements sportifs qui ont beaucoup vieilli, et ne sont souvent plus adaptés aux nouvelles pratiques sportives, notamment en salle. L’augmentation du Fonds national de développement du sport en 1998, qui va enfin passer la barre du milliard de francs, permettra un effort particulier en faveur des équipements des collectivités locales, mais aussi un soutien renforcé aux clubs.
Les Échos : Êtes-vous favorable à la disparition des subventions des collectivités locales aux clubs professionnels ?
Marie-George Buffet : Supprimer brutalement les subventions publiques à tous les clubs professionnels serait une erreur.
Deux raisons à cela : d’une part, cela mettrait en grand danger la plupart des clubs de football de deuxième division ; d’autre part, cela créerait une coupure radicale entre le sport professionnel et le sport amateur, y compris de haut niveau. Je ne suis donc pas favorable à ce désengagement public, dont l’effet le plus pervers serait de mettre les sports les plus populaires et médiatiques sous la dépendance économique du seul secteur privé.
Il faut donc maintenir un engagement financier public, en veillant à ce que ces fonds aillent prioritairement au secteur associatif du club et à la formation.
Les Échos : Les villes s’engagent-elles suffisamment dans la Coupe du monde de football ?
Marie-George Buffet : La Coupe du monde de football se prépare dans de bonnes conditions. Avec le Comité français d’organisation, qui accomplit un travail remarquable, l’État et les villes sont désormais très mobilisés. Les travaux des stades sont soit terminés, soit très avancés. Une première campagne de communication du gouvernement autour de l’événement se déroulera du 25 novembre au 10 décembre.
Nous recensons actuellement plus de 300 animations autour de l’épreuve, dans les dix villes concernées, mais également dans bien d’autres communes. Pour soutenir nombre de ces projets, un crédit de 15 millions de francs est inscrit au budget 98.
Par ailleurs, et c’est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur, tous les matchs pourront être retransmis sur des écrans géants, dans les dix villes, mais également dans les 800 quartiers de France classés en zone urbaine sensible, sans avoir à payer de droits. L’accord intervenu entre le Groupement des radiodiffuseurs français et le Comité français d’organisation va permettre à des centaines de milliers de jeunes, à des millions d’amoureux du football, de vivre l’événement comme une grande fête du sport et de l’ouverture du monde.
Date : Vendredi 21 novembre 1997
Source : Corse-Matin
Corse-Matin : Vous êtes à l’écoute des jeunes. Vous allez les rencontrer à Bastia. Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer auprès de la jeunesse insulaire ?
Marie-George Buffet : Avant tout, un message d’espoir. Je sais combien les jeunes qui vivent en Corse éprouvent parfois un sentiment de révolte face aux difficultés qu’ils rencontrent. Beaucoup d’entre eux sont attachés à cette terre, à une culture, et ils expriment une volonté de s’en sortir pour vivre ici. À ces jeunes, je ne dis pas que je vais tout régler à leur place. Mais, je veux leur dire, de manière tout à fait directe, ma détermination à construire avec eux des réponses positives à une série de problèmes. J’étais à Limoges et à Bobigny cette semaine, je serai jeudi prochain à Toulouse, j’ai tenu des dizaines de rencontres de ce type dans plusieurs régions, et je peux vous assurer que partout, j’entends des jeunes qui ont des idées, des propositions, de l’imagination. Avec le gouvernement, j’ai la volonté de traduire tout cela en actes concrets.
Corse-Matin : Vous irez sur le site pilote de Furiani : entendez-vous poursuivre, voire amplifier à l’avenir la politique d’aménagement des rythmes scolaires qui a reçu en Corse un écho très favorable ?
Marie-George Buffet : Ce dossier est l’un des premiers que j’ai étudié à mon arrivée au ministère. Depuis, j’ai rencontré nombre de partenaires et acteurs impliqués dans cette politique d’aménagement du temps de l’enfant et j’ai pu constater chez tous une véritable volonté d’améliorer l’accès au savoir, à la culture, à la découverte. Je souhaite que ce dossier soit conduit en parfaite coordination avec les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture, ce qui n’était pas toujours le cas jusqu’au mois de juin dernier. Je fais procéder actuellement à une évaluation des actions déjà engagées. Un groupe de travail interministériel s’attache dès à présent à dessiner les nouveaux contours de ce dispositif. Le cadre sera annoncé au début de l’année prochaine.
Le temps non scolaire peut et doit être un temps éducatif. Il s’agit de permettre aux enfants et aux jeunes de mieux utiliser ce temps – que l’on a qualifié à une époque de « temps libre » – pour un meilleur épanouissement personnel, un véritable enrichissement culturel, pour être davantage acteur dans la société. Développer leur créativité, s’exprimer, faire valoir leurs droits et les exercer, mettre en œuvre, autour d’eux, de nouvelles solidarités, voilà ce qui intéresse les jeunes.
Corse-Matin : À la veille de votre venue en Corse, quel regard jetez-vous sur la qualité de la vie et des infrastructures sportives de l’île. Avez-vous des projets précis ?
Marie-George Buffet : La Corse a de fortes traditions sportives. Elle le montre, bien sûr, au travers de ses beaux fleurons du football comme Bastia et Ajaccio, mais également par l’existence d’une multitude de clubs et d’associations dans de très nombreuses disciplines. Je constate également que les rencontres sportives entre clubs de l’île et du continent sont en développement, ce qui est très positif. Pour ce qui est des infrastructures, il convient de reconnaître qu’un retard important a été en partie rattrapé au cours des dernières années. L’effort a notamment porté sur la réalisation de terrains de foot et de courts de tennis. Cela étant, il reste des besoins à satisfaire. Je sais en particulier que l’infrastructure sportive de l’université de Corte est devenue insuffisante, et qu’il faut poursuivre l’effort engagé dans ce domaine à Ajaccio. Je crois également beaucoup à la possibilité de développer les sports de plein air en Corse, compte tenu des atouts naturels exceptionnels que possède l’île.
Corse-Matin : Le président de la Ligue nationale de football a récemment rencontré des élus dans le cadre de la poursuite, dès 1998, du chantier de reconstruction du stade de Furiani. L’État maintiendra-t-il, à la même hauteur, sa participation financière ?
Marie-George Buffet : La reconstruction du stade de Furiani répond à une nécessité. L’État a participé au financement des travaux des tribunes est et nord pour un montant global de 21 millions de francs. À propos de la tribune nord, j’indique qu’en juin dernier, nous avons trouvé une situation de blocage total des financements prévus. Ma première action, avec le soutien du Premier ministre, a été d’obtenir le versement effectif de la subvention. Dans le même temps, le gouvernement a tenu à ce que le contentieux relatif au marché de ces travaux soit examiné de façon rigoureuse. J’ajoute qu’aujourd’hui, la décision de poursuivre les travaux, de déterminer les priorités, de rechercher des partenaires financiers, appartient aux acteurs locaux de ce dossier.
Corse-Matin : À défaut de matches, la Corse serait-elle en mesure, selon vous, d’accueillir en phase préparatoire un, voire deux pays participant à la Coupe du monde ?
Marie-George Buffet : Incontestablement, la Corse possède des infrastructures hôtelières et sportives de qualité qui pourraient intéresser un pays qualifié. Les municipalités intéressées par cet accueil peuvent faire acte de candidature auprès du Comité français d’organisation, en sachant que beaucoup de choix se feront dans la foulée du tirage au sort du 4 décembre à Marseille.
Corse-Matin : Vous avez donné votre accord à la construction d’un bassin de 50 mètres. Quel est son montage financier, le délai de construction et surtout son lieu d’implantation pour que toute la population sportive de la Corse puisse bénéficier de cette piscine olympique ?
Marie-George Buffet : La Corse a besoin d’une piscine de 50 mètres et l’État est prêt à participer à la réalisation d’un tel équipement dans le cadre d’un partenariat. Ce principe étant posé, plusieurs questions restent en effet en suspend. Quelle doit être la vocation de cette piscine ? Peut-elle être à la fois un outil d’entraînement des nageurs de haut niveau, un lieu d’accueil de compétitions internationales et un équipement largement ouvert au public ? Quelle peut être l’implication des collectivités dans sa gestion ? C’est précisément pour répondre à ces questions qu’une concertation s’est engagée en Corse-du-Sud entre l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le CREPS d’Ajaccio. Ce dialogue doit se poursuivre et j’ai la volonté qu’il aboutisse dans l’intérêt de la Corse et du développement du sport.