Texte intégral
Sud-Ouest : Faut-il abroger la loi Verdeille ?
Lionel Jospin : Sûrement pas. J’avais d’ailleurs, pendant la campagne législative, confirmé qu’il n’était pas dans mes intentions de remettre en question ses dispositions, qui permettent la mise en commun des territoires de chasse et qui créent donc une sorte de partage de cette richesse qu’est le gibier. Cette loi organise une bonne gestion de la faune, condition indispensable à son développement.
Sud-Ouest : Êtes-vous partisan de réduire les périodes de chasse ?
Lionel Jospin : Une législation européenne existe dans ce domaine : c’est la directive oiseaux du 2 avril 1979. Cette directive pose depuis le début un problème d’interprétation, celui de la capacité de chaque État de fixer sur son territoire les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse. Chaque État a ses propres traditions. Elles doivent être respectées, mais, en même temps, les règles qu’elles inspirent doivent être compatible avec les principes communautaires. Je ne peux me satisfaire que la France se trouve dans l’illégalité et en même temps se sente atteinte dans ses traditions, qui sont enracinées dans les aspirations populaires, depuis la Révolution, époque à laquelle remonte le droit de chasse.
Sud-Ouest : Quelles solutions retenir ?
Lionel Jospin : Il n’y en a qu’une : ouvrir des discussions avec Bruxelles pour expliciter les modes d’application de cette directive au regard de la réglementation française. Des démarches ont été entreprises et sont actuellement en cours auprès de la Commission. Cette action, dans laquelle le Gouvernement s’engage, devrait éclaircir des questions qui avaient été éludées par nos prédécesseurs, ce qui n’a donné satisfaction à personne.
Sud-Ouest : Pourquoi semble-t-il nécessaire, aujourd’hui, d’étendre les zones de protection naturelle dans le cadre du plan Natura 2000 ?
Lionel Jospin : Il s’agit là aussi de l’application d’une directive européenne. Par respect des engagements pris par la France, le Gouvernement a relancé dès le mois de septembre 1997 les consultations nécessaires à la mise en œuvre de la directive du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels et des habitats d’espèces. Dans un souci de concertation et de transparence, Madame Dominique Voynet a souhaité pour la première fois élargir le comité national de suivi Natura 2000 aux associations d’élus locaux (maires et conseillers généraux) ainsi qu’à des associations d’usagers des espaces naturels. Les sites Natura 2000 n’ont pas vocation à être des « sanctuaires de nature ». Par exemple, l’exploitation des fonds ruraux et forestiers ou des marais salants est conciliable avec les objectifs de conservation des futurs sites Natura 2000.
Sud-Ouest : Ne risque-t-on pas d’aboutir à un système générateur de contraintes ?
Lionel Jospin : Si certains sites, pour des raisons impérieuses de protection, devaient être assujettis à quelques dispositions contraignantes, le Gouvernement veillerait à ce que, par des contrats ou des formes de compensation ou d’indemnisation, les gens qui vivent de l’exploitation des terres ne soient pas lésés. Et même puissent être rémunérés pour l’entretien de ces zones particulièrement précieuses…
La concertation, dans la plus grande transparence, sera donc présente à toutes les étapes du processus, et les chasseurs comme les agriculteurs auront toute leur place dans la mise en œuvre de la directive. Naturellement, cette démarche nécessite des explications détaillées. Les élus locaux, en particulier les maires, doivent disposer d’une meilleure information, afin qu’ils puissent être eux-mêmes les relais indispensables auprès de la population. J’y veillerai personnellement.