Interviews de M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des PME du commerce et de l'artisanat, à Sud-Radio le 14, et dans "Le Parisien" du 15 mai 1997, sur les grandes lignes du plan PME, les propositions en faveur des entreprises notamment l'élargissement du "plan textile" d'abaissement des charges patronales aux secteurs à forte main d'oeuvre.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Le Parisien - Sud Radio

Texte intégral

Date : 14 mai 1997
Source : Sud Radio

Q. : La principale mesure pour les PME, c’est l’abaissement des charges…

Jean-Pierre Raffarin : C’est en effet la mesure principale parce que c’est là où se trouve de notre point de vue la réserve de croissance et donc d’emplois. Au fond, je crois que le mérite d’Alain Juppé est d’avoir replacé la préoccupation PME au premier rang des préoccupations économiques. Pendant quinze ans, on a mésestimé la petite dimension, la petite structure, et au fond on a fait croire que la grande dimension était la solution et que (…) plus c’était grand plus c’était beau. Quinze après, on s’aperçoit que les structures d’avenir sont les structures qui respectent la dimension humaine, parce que la première énergie nationale, c’est l’énergie individuelle et que ce sont les structures qui libèrent cette énergie qui sont les plus efficaces. Il fallait donc replacer la PME au centre des préoccupations, et c’est ce que nous avons fait : un plan PME pour la France, un grand nombre de décisions pour soutenir ce secteur avec la création d’une Banque de développement des PME, avec des simplifications administratives, avec une loi sur l’urbanisme commercial, une loi sur la concurrence, un certain nombre de dispositions très précises. Mais il faut aller plus loin pour l’emploi. Puisque tout le monde est d’accord pour dire que ce sont les PME qui font l’emploi, il faut leur trouver des marges de manœuvre pour qu’elles puissent embaucher. Où sont les marges de manœuvre ? Ce n’est pas dans la dépense publique puisque nous avons 4000 milliards de dettes et que toute dépense publique est un déficit nouveau, c’est-à-dire de nouveaux impôts. Donc, on ne peut pas charger davantage la barque des PME. Et donc, il faut alléger les charges pour développer la croissance. Et toute la démarche que nous développons, c’est de faire des économies pour faire des allégements pour trouver de la croissance. On en fait par exemple dans la Défense nationale et on les a réinjectées pour baisser les impôts et les charges sociales. On a un bon exemple avec le secteur textile puisque nous avons réussi à alléger les charges patronales à hauteur de 1800 francs sur un SMIC à 6400 francs. La proposition que nous faisons pour l’avenir, c’est d’élargir le plan textile aux secteurs qui sont fortement consommateurs de main-d’œuvre et donc aux secteurs porteurs d’emplois. C’est cela notre démarche.

Q. : N’est-ce pas un formidable pari que de jouer la lutte contre le chômage sur la seule baisse des charges et les entreprises ?

Jean-Pierre Raffarin : C’est en effet un pari, mais nous avons quand même fait une expérience, nous ne partons pas de zéro, ce n’est pas l’aventure totale puisque nous avons fait baisser le coût du travail de 15% sur les salaires de 6400 à 8500 francs, c’est-à-dire pour tous les bas salaires. Nous avons vu les résultats : ils sont créateur d’emplois, ce sont des possibilités fortes données aux PME de protéger un certain nombre d’emplois. Dans le textile par exemple : j’étais à Troyes dernièrement face à 250 chefs d’entreprise. Tous disent que le textile a retrouvé une nouvelle dynamique grâce à l’allègement des charges. Ma conviction personnelle c’est qu’aujourd’hui, on ne peut pas soutenir la demande par la dépense. On soutiendra la demande par l’allègement des charges, par une activité nouvelle. Donc, la procédure textile doit être élargie. Elle a été un succès, elle pourra être pour toutes les entreprises de l’oxygène supplémentaire. (…)

Q. : Mais le plan textile a été désapprouvé à Bruxelles ?

Jean-Pierre Raffarin : On peut peut-être faire d’un handicap un avantage. Pour Bruxelles, il n’est pas acceptable de soutenir un secteur de cette manière. Notre réponse consiste à soutenir non pas un seul secteur mais d’élargir le dispositif. Je crois que c’est très important de sortir de cette crise par l’élargissement des secteurs accessibles à cette mesure des allègements de charges. Par exemple, en effet, pour l’ensemble du sud de la France, notamment le Sud-Ouest qui a une forte vocation touristique, l’allègement des charges dans la restauration, dans l’hôtellerie, c’est quelque chose de très important et le Premier ministre s’est engagé devant la CGPME, aujourd’hui 14 mai, dans cette perspective. La restauration, l’hôtellerie, le tourisme en général sont des secteurs pour lesquels il faut faire baisser les charges pour transformer des flux touristiques importants en chiffres d’affaires et en emplois. Il y a là, je crois, pour un grand nombre de territoires régionaux des possibilités nouvelles de développement.

Q. : Mais ne s’agit-il pas plutôt de sauver des emplois que d’en créer ?

Jean-Pierre Raffarin : Nous sommes redevenus créateurs d’emplois puisque le rythme est de 250 000 emplois créés. C’est insuffisant mais nous sommes redevenus positifs grâce à la dynamique des PME et je crois que tout ce qui allège cette dynamique est bon pour l’emploi. C’est vrai qu’il faudrait sans doute beaucoup d’autres facteurs de développement. Si on peut, comme le Premier ministre l’a envisagé, accélérer la réforme de la taxe professionnelle, faire en sorte de mieux soutenir le financement des entreprises, soutenir l’exportation et l’innovation. Mais fondamentalement, je crois qu’il y a une réserve de croissance dans notre pays pour l’emploi par l’allègement des charges. (…) C’est vrai qu’il faudrait faire beaucoup plus, aller plus vite, plus fort, plus loin, mais au moins sur les grands axes de la politique en faveur des PME, nous avons déjà obtenu des résultats qui crédibilisent nos propositions.


Date : 15 mai 1997
Source : Le Parisien

Le Parisien : Vous présentez aujourd’hui une charte visant à améliorer les relations entre les banques et les entreprises. Ce type d’initiative, en pleine période électorale, apparaît plutôt clientéliste…

Jean-Pierre Raffarin, ministre des PME, du Commerce et de l’Artisanat : Vous exagérez : j’ai confié il y a plus d’un an à Denis Picarle, expert-comptable et expert en diagnostic d’entreprise, une mission d’audit en vue de formuler des propositions concrètes sur les relations banque-PME. Il ne s’agit donc pas d’une décision de circonstance. La charte comporte 21 engagements réciproques entre le chef d’entreprise, s’engageant à plus de transparence, et la banque. Parmi les principales mesures de cette charte signée avec la plupart des réseaux et des associations bancaires, je suis particulièrement attaché au principe de l’exclusion du logement familial des garanties demandées à l’entrepreneur. J’ajoute que nous avons déjà largement montré aux PME et aux commerçants que nous étions à leur écoute avec l’adoption de la déclaration unique d’embauche et tout récemment la promesse d’étendre l’allègement des charges sociales accordé aux industries textiles à d’autres secteurs.

Le Parisien : Vous pensez que les commerçants et les patrons des PME vous seront reconnaissants de cette politique et vous apporteront leurs voix ?

Jean-Pierre Raffarin : Le programme du Parti socialiste est tellement loin de leurs préoccupations qu’ils ne peuvent que nous soutenir ! En voulant imposer une réduction du temps de travail à 35 heures payées 39 et en remettant en cause le principe des privatisations, le PS est « anti-PME », car les chefs des petites entreprises ont peur de payer l’addition. Je pense que c’est une erreur majeure des socialistes. Les « petits patrons » sont des vrais leaders d’opinion dans leur société. Ils sont respectés et appréciés. Ce sont des patrons de proximité, sans cigare ni chauffeur, que l’on tutoie… et que l’on écoute.

Le Parisien : Les erreurs éventuelles de l’opposition suffiront-elles à faire gagner une élection ?

Jean-Pierre Raffarin : Nous sommes dans un contexte politique très particulier où celui qui saura le mieux mobiliser ses sympathisants remportera la victoire. C’est dans nos propres rangs qu’il faut se battre et convaincre. Nous avons un programme précis pour les PME. Si nous réussissons à mobiliser suffisamment nos électeurs traditionnels, nous remporterons cette élection. Or le Parti socialiste, avec ses propositions repoussoirs, invite notre électorat à se rendre aux urnes.