Texte intégral
Q - Gérard Miller: Invité de Guy Bedos et Florence Belkacem, vous avez été la cause involontaire de leur rupture. Vous ne vous sentez pas coupable ?
Philippe Douste-Blazy : Leur mésentente était patente avant même l'émission, je n'y suis pour rien. De tout cela je garde plutôt un souvenir amusé : il n'y a pas qu'en politique que l'on rencontre des couples infernaux.
Q - Bedos a laissé entendre que vous étiez moins à droite que Chevènement, Vous confirmez ?
– Disons que l'humour de Guy Bedos est une valeur sûre.
Q - Testons le vôtre. Souhaitez-vous désormais qu'on brûle Christine Boutin ?
– Ce que je souhaite, c'est que l'UDF soit le parti de la tolérance. Christine Boutin sait se mettre en scène, mais la haine lui est étrangère. Avant le vote sur le Pacs, nous avons organisé de nombreuses réunions de travail : je ne l'ai jamais entendue manifester un quelconque esprit d'exclusion ou stigmatiser qui que ce soit.
Q - Vous ne regrettez pas de l'avoir choisie comme porte-parole ?
– Mais elle n'a jamais été la porte-parole du groupe UDF ! Elle a défendu une motion de procédure, c'est très différent. Ce que je regrette, c'est qu'il y ait eu polémique sur des sujets aussi importants. L'épidémie du sida a provoqué des souffrances humaines terribles, elle a aussi révélé des vides juridiques qui ont souvent tourné au cauchemar. Les clivages traditionnels entre la gauche et la droite n'avaient pas lieu d'être.
Q - Vous ne changerez donc pas de position sur le Pacs ?
– Non, parce que je continue de penser que la majorité a été hypocrite. Plutôt que de donner une véritable existence légale à la vie commune entre deux personnes du même sexe, elle a présenté une proposition de loi confuse et juridiquement mal ficelée. Parce que son texte n'est pas un bon texte, notre avis n'a pas matière à être modifié. Mais je n'en regrette pas moins que les uns et les autres aient voulu jouer sur l'ordre du symbolique et attiser les passions. Et je trouve terrible que, dans cette atmosphère électrique, certains aient pu percevoir des propos tenus de part et d’autre comme une agression.
Q - A propos d'« atmosphère électrique », où en est le conflit qui vous oppose à François Bayrou ?
– Quand un responsable politique est seul, la presse titre sur son isolement ! Quand il est associé à d'autres, elle titre sur ses rivalités ! Il se trouve que François Bayrou et moi, nous nous entendons bien, même s'il y a entre nous une différence irréductible : il est béarnais, je suis bigourdan.
Q - Etre numéro deux, cela doit finir cependant par vous lasser.
– Connaissez-vous cette publicité pour le loueur de voitures Avis, qui était toujours numéro deux par rapport à Hertz ? « C'est parce qu'on est numéro deux qu'on a décidé de faire mille fois plus. »
Q - Comment jugez-vous la récente prestation télévisée du Premier ministre ?
– On voit bien que Lionel Jospin a atteint ses limites. Présenter sur les 35 heures une loi autoritaire. non négociable, applicable à toutes les entreprises, et affirmer dans le même temps que la loi ne peut pas administrer l'économie, c'est une vraie contradiction.
Q - Diriez-vous de l'UDF qu'elle a un projet social ?
– Bien sûr ! Alors que les bénéfices des entreprises explosent et que les salaires, eux n'ont jamais été autant gelés, nous devons être ceux qui inventent les nouvelles rémunérations du salarié, en développant en particulier ce que j'appelle le « profit partagé », c'est-à-dire l'actionnariat du salarié dans l'entreprise et la représentation de l'actionnaire, y compris minoritaire, au sein du conseil d'administration.
Q - Ce serait une révolution dans notre pays.
Vous êtes toujours convaincu que l'UDF a le vent en poupe ?
– Il est clair que le rapport de forces a changé au sein de l'opposition et que les idées de l'UDF peuvent y devenir majoritaires. Que ce soit sur l'économie sociale de marché, sur la décentralisation, dont il faut maintenant organiser l'acte II, ou sur cette Europe progressivement fédérative dans laquelle nous vivons. Pour ne pas parler du refus absolu de toute compromission avec l'extrême droite ! Aujourd'hui cela paraît facile, mais ? il y a six ans, nous étions quelques-uns à nous sentir seuls...
Q - Quels sentiments vous inspire le courant souverainiste ?
Je le respecte totalement. Ce courant anti-européen moins décentralisateur que le nôtre, a l'avantage d'être républicain et de réduire le Front national.
Il est tout à fait complémentaire et rien n'interdit de penser qu'il y aura avec lui des désistements, des accords.