Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur l'action en faveur des "musiques actuelles" notamment la musique techno, et sur le soutien aux scènes de musique actuelle, Rennes le 6 décembre 1997.

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Circonstance : 19èmes rencontres de Transmusicales, dans les Jardins du Thabor, à Rennes le 6 décembre 1997

Texte intégral

Lors de mon arrivée rue de Valois j'ai été très rapidement interpellée par la faible reconnaissance accordée par le ministère aux musiques actuelles, et j'ai décidé d'en faire un chantier tout à fait prioritaire.

Donner aux musiques actuelles et à la chanson leur pleine reconnaissance et les moyens de leur développement, associer à la réflexion tous les acteurs et tous les métiers publics comme privés, réfléchir aux enjeux dans le cadre nouveau pour l'État d'une forte déconcentration des responsabilités culturelles, tel est le programme que je me fixe pour les prochains mois.

L'enjeu est bien sûr budgétaire, mais plus largement culturel, dépassant les frontières entre le public et le privé, le spectacle vivant et le disque, l'entreprise et le secteur associatif.

Les musiques actuelles sont tout d'abord en quête d'une reconnaissance culturelle.

Bien des efforts ont été faits depuis une quinzaine d'années : la création d'institutions communes comme le Fonds de soutien aux variétés et le Fonds pour la création musicale, la politique d'équipement de salles (des Zéniths aux salles moyennes), la mise en place d'outils importants pour la découverte d'artistes (le Réseau Printemps), d'insertion de jeunes groupes (le FAIR), et d'information sur les musiques actuelles (l'IRMA), ont constitué parmi d'autres des initiatives importantes.

Ces avancées demeurent cependant isolées, et ce morcellement témoigne de cette étonnante difficulté à reconnaître les musiques actuelles cl à les traiter au même titre que les autres esthétiques musicales.

Cette difficulté doit être surmontée ne serait-ce que parce qu'elle est bien spécifique à la musique : dans les autres domaines artistiques l'action publique fait une large place aux répertoires contemporains et aux courants les plus novateurs.

Par ailleurs, considérant que le secteur est largement d'initiative privée, l'État trouvait sans doute là une raison supplémentaire de ne s'impliquer que modérément.

Je voudrais le dire ici très clairement : la nature publique ou privée du secteur, ne constitue pas en soi un critère pour l'action de l'État. En revanche, la mission de l'État est précisément de compenser ce que le marché ne peut résoudre, dans ce secteur comme ailleurs.

L'État doit montrer qu'il accueille et traite les musiques actuelles au même titre que les autres expressions culturelles : il en va de sa crédibilité à l'égard d'un secteur qui regroupe 50 % des pratiques culturelles, notamment chez les jeunes, et que certains veulent bâillonner, je pense notamment à la fermeture du sous-marin à Vitrolles par le Front national.

J'ai souhaité que puisse être apportées des réponses à quelques situations urgentes que j'avais trouvé à mon arrivée.

1. La première situation concernait la musique techno

Il s'agit évidemment d'un phénomène culturel de grande ampleur, musical autant que graphique, célébré en France et à l'étranger par des musiciens nouveaux comme par des compositeurs pionniers de la musique concrète.

Que ce mouvement ait pu être réduit, pour l'organisation des concerts, aux seuls problèmes d'ordre public, voilà qui n'a pas manqué de me surprendre.

C'est la raison pour laquelle dès le mois de juillet dernier, j'ai pris des contacts avec le ministère de l'intérieur afin que les soirées technos, les « raves », puissent n’être soumises ni plus ni moins aux mêmes contraintes d'ordre public que les autres formes de spectacles. Dès lors que l'organisateur de spectacle apporte toute les garanties nécessaires, un concert techno doit être organisé.

Un texte rappelant ces règles de base sera communiqué prochainement aux préfets, et il appartiendra aux interlocuteurs du milieu techno de faire connaître ces règles aux organisateurs potentiels.

Une fois ces questions réglées, nous pourrons aborder sérieusement les vrais sujets :
    - comment offrir aux musiciens techno de meilleures capacités de travail, sujet sur lequel nous travaillons avec l'IRCAM ;
    - quel doit être le statut social du DJ ? Sur ce point, je souhaite consulter officiellement le Conseil national des professions du spectacle.

2. La seconde situation concernait les scènes de musiques actuelles

Le soutien aux salles petites et moyennes constitue un aspect tout à fait fondamental de l'action publique.

Un ensemble de lieux ouverts à la jeune création, facilitant le développement de carrières d'artistes, accueillant un public large à des conditions économiques acceptables, fondés sur un véritable projet artistique, est nécessaire au développement et à l'expression des musiques actuelles.

Un premier effort avait été engagé par le regroupement des moyens budgétaires existants au profit du dispositif des scènes de musiques actuelles.

Toutefois trop insuffisamment doté (17 MF pour environ 130 salles) manquant d'un cahier des charges précis et concerté avec les organisations professionnelles du secteur, il montrait dès son lancement des signes de fragilité.

Deux orientations ont pallié ce handicap :
    - les concertations avec les organisations professionnelles ont été effectives depuis mon arrivée pour établir un vrai cahier des charges pour les scènes de musiques actuelles. Ce cahier des charges sera publié dès janvier 1998 ;
    - en second lieu les moyens budgétaires affectés à ce programme seront accrus en 1998, les directions régionales des affaires culturelles obtiendront les mesures nécessaires au titre du développement culturel pour le fonctionnement et l'investissement.

3. La troisième situation concernait la concertation engagée avec les organisations professionnelles de producteurs et de salariés dans le cadre du Fonds de soutien aux variétés.

Ce travail avait été engagé il y a près d'un an, et j'ai tenu à ce qu'elle puisse s'achever avant le lancement des travaux que j'entends mener dans le cadre d'une commission nationale des musiques actuelles.

Une concertation plus régulière entre l'État et les deux collèges professionnels dans le cadre de cette instance, un renforcement de l'aide aux salles qui y est attribué concluront notamment ce travail.
J'en viens à présent à la décision que j'ai prise de réunir une commission nationale des musiques actuelles.

J'en viens à présent à la décision que j'ai prise de réunir une commission nationale des musiques actuelles.

Cette commission a devant elle une tâche importante : réunir une quarantaine de professionnels et de personnalités qualifiées afin de procéder à un bilan de l'existant, de déterminer les carences et les moyens d'y remédier, en précisant ce qui dans ces réponses doit être du ressort de l'État, des collectivités locales, des organismes professionnels et du marché.

Formation, création et diffusion du spectacle vivant, disque et audiovisuel, enjeux liés à la déconcentration et à la décentralisation, ouverture européenne seront évoqués à cette occasion.

Cette commission devra, au terme de trois mois de travail me présenter des propositions d'actions : celles-ci devront être très larges, et concerner tout à la fois les moyens budgétaires nécessaires, la transformation d'outils existants et la création de nouveaux, l'élaboration de mécanismes de suivi et d'évaluation, la modification lorsqu'elle est nécessaire du cadre légal et réglementaire.

J'ai demandé à Alex Dutilh, directeur du studio des variétés, de prendre les contacts nécessaires dans les milieux professionnels, et artistiques, ainsi qu'avec les collectivités publiques afin de me faire des propositions de composition pour cette commission, et ce dans les plus brefs délais.

Je sais également que les musiques actuelles souffrent comme beaucoup d'autres expressions musicales d'un système de distribution du disque qui paralyse peu à peu la diversité de la création artistique.

Avant la fin de l'année, je confierai à un petit groupe d'experts le soin de mener une étude économique approfondie sur la distribution et le prix du disque en France. Ce rapport à partir duquel je prendrai les initiatives qui s'imposent devra m'être rendu le 30 mars 1998 au plus tard.

Ces axes de travail en faveur des musiques actuelles expriment bien une nouvelle volonté politique :
    - forte reconnaissance de l'État par l'installation d'une commission nationale permanente et représentative de toute la filière ;
    - moyens de fonctionnement et d'investissement accrus pour les structures de diffusion.