Déclaration de M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d’État chargé de l'action humanitaire d'urgence, sur la réforme des attributions de logements sociaux, Paris le 19 mars 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Xavier Emmanuelli - Secrétaire d’État chargé de l'action humanitaire d'urgence

Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale des offices HLM, à Paris le 19 mars 1997

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord, Monsieur le Président, de vous dire l’honneur et le plaisir que vous m’avez fait en m’invitant à participer à cette assemblée.

C’est pour moi l’occasion de réaffirmer tout l’intérêt et toute l’importance que j’attache à la réforme des attributions de logements sociaux. Cette réforme, nous l’avons élaborée ensemble, dans le cadre d’une authentique concertation entre le gouvernement et le mouvement HLM.

Connaissant, comme vous, l’enjeu capital que représente l’accès au logement, à un vrai logement, dans la lutte contre l’exclusion et l’insertion des personnes en difficulté, je considère que l’inscription de cette réforme des attributions d’HLM dans le projet de loi de cohésion sociale, et dans le programme d’action qui s’y rattache, a une portée symbolique et pratique considérable. Elle traduit en effet de façon très claire l’engagement du mouvement HLM – et en son sein celui des offices – à garantir, selon la philosophie qui guide l’ensemble de ce projet de loi, l’accès de tous, y compris des plus démunis de nos concitoyens, aux droits de tous.

Cette réforme résulte, et cela mérite à mon sens d’être rappelé et souligné, d’une vraie concertation entre les pouvoirs publics et le mouvement HLM. Elle a donné lieu – vous le savez aussi bien que moi, Monsieur le Président – à des discussions parfois serrées, sans complaisance. Mais elles se sont toujours déroulées dans un climat de confiance et de respect mutuel, chacun des partenaires autour de la table ayant réellement et sincèrement le désir d’aboutir. Ces discussions ont été l’occasion de découvrir, à travers les représentants du mouvement HLM, des interlocuteurs nouveaux pour moi, des interlocuteurs soucieux – et c’est normal – de leurs contraintes financières et de gestion, mais ayant une conscience aiguë de leur vocation sociale et une réelle volonté de prendre leur part du combat commun entre l’exclusion et la précarité.

La réforme des attributions à laquelle nous sommes parvenus matérialise un accord sur des objectifs et sur une méthode. Les grands objectifs de cette réforme sont au nombre de trois :
    1. Garantir une meilleure transparence des attributions (transparence de l’offre et de la demande) ;
    2. Mieux assurer l’égalité des chances et le respect des droits des demandeurs ;
    3. Renforcer les garanties d’accès des plus démunis et des ménages défavorisés, dans le respect de la mixité sociale.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons défini ensemble un certain nombre de mesures, que je ne vous présenterai pas ici le détail. Je rappellerai seulement l’obligation d’examiner prioritairement les demandes restées sans réponse après un délai anormalement long, l’instauration d’un système d’enregistrement cogéré permettant d’attribuer un numéro départemental à toute demande de logement social, ou encore l’engagement pris par le mouvement HLM d’accueillir dans le parc social, dès 1997, 50 000 ménages défavorisés, avec une priorité donnée à ceux qui fréquentent les dispositifs temporaires de logement ou d’hébergement (logements d’urgence du « plan Périssol », CHRS, centres d’hébergement d’urgence…).

Ce dernier engagement a pour moi une portée considérable. Il devrait en effet permettre d’apporter, enfin, une réponse au redoutable problème de l’engorgement des centres d’hébergement, dont la difficulté de trouver pour leurs résidents une « sortie par le haut » – c’est-à-dire dans un véritable logement – constitue la principale cause. À travers cet engagement concret et quantifié, le mouvement HLM a montré sa volonté de ne pas s’en tenir à l’effet d’affichage, à l’énonciation de grands objectifs sociaux, mais de participer effectivement à l’effort collectif d’accueil des plus démunis.

Je peux vous assurer que je me félicite de cette avancée, très significative à mes yeux. À propos de cette question du logement des plus démunis, je souhaiterais faire ici deux observations :
    1. Si le mouvement HLM doit s’impliquer plus vigoureusement – et il est décidé à le faire – dans ce domaine, il n’est pas le seul concerné. Le parc privé l’est également, et il importe de s’employer sans tarder à inverser la tendance très préoccupante à la résorption du « parc social de fait » dans le secteur privé.
    2. Un plus grand effort du mouvement HLM en faveur des personnes démunies ne signifie aucunement de revenir sur le principe de mixité sociale, bien au contraire. Cet effort doit s’accompagner d’une meilleure répartition des populations très défavorisées au sein du parc. Créer des zones de concentration de ces publics dans le parc social – des ghettos en quelque sorte – irait à l’encontre de la finalité de notre projet, qui est la lutte contre l’exclusion et le maintien de la cohésion sociale. La diversité sociale de l’habitat au sein du parc HLM est donc un objectif auquel je suis, comme vous, Monsieur le Président, très attaché.

La réforme des attributions de logements sociaux que nous avons adoptée consacre, comme je le disais tout à l’heure, un accord sur des objectifs et sur une méthode. Après avoir évoqué les objectifs, je souhaiterais, Monsieur le Président, m’attarder quelques instants sur la méthode. Je la résumerai volontiers par une formule : primauté à la concertation locale. C’est là une idée à laquelle les offices, comme l’ensemble du mouvement HLM, tiennent beaucoup, et ils ont raison. Il eût été absurde et contre-productif de vouloir imposer un modèle unique d’attributions. Le choix du gouvernement a été au contraire de laisser une grande latitude aux acteurs locaux pour s’organiser comme ils l’entendent, dans le cadre d’objectifs clairs et dans une transparence qui permette une évaluation précise et régulière du respect de ces objectifs.

C’est pourquoi le projet de loi de cohésion sociale renvoie à des accords locaux la définition et la quantification des objectifs d’attribution, ainsi que leurs modalités de mise en œuvre.

Cette primauté donnée au partenariat local (dans lequel les communes devront bien sûr tenir toute la place qui leur revient), cette volonté de préserver la diversité des modes d’organisation et l’autonomie des acteurs locaux ne signifie nullement, dans notre esprit à P.A. Périssol et à moi-même, que l’État et ses représentants doivent renoncer à leur rôle de garant du respect des objectifs et du bon fonctionnement du système. Ce rôle de garant suppose un certain droit de regard, d’où la possibilité pour le préfet de participer, à sa demande, à certaines commissions d’attribution. Il implique aussi le pouvoir d’intervenir directement, à titre subsidiaire, en cas de non-conclusion d’un accord ou de non-respect d’un accord conclu. Ces possibilités d’intervention directe en dernier recours sont précisées dans le projet de loi. Elles ont, comme le reste du texte, été établies en concertation avec le mouvement HLM.

Au terme de cette présentation des grandes lignes de la réforme des attributions, sur laquelle mon ami P.A. Périssol reviendra sans doute de façon plus détaillée, je voudrais simplement vous redire ma satisfaction d’avoir abouti à un compromis qui me paraît équilibré et porteur de plus d’équité et d’efficacité. Je voudrais aussi exprimer à nouveau le plaisir que j’ai eu à découvrir, à travers les représentants du mouvement HLM, des partenaires que je connaissais mal et dont j’ai réellement (et sincèrement) apprécié le sens de l’intérêt général et la sensibilité sociale. J’ai trouvé en eux, et notamment en vous, Monsieur le Président, des interlocuteurs vraiment mobilisés par ce défi majeur que constitue la lutte contre l’exclusion sociale.

Je sais à présent que je peux vous faire confiance et compter sur vous pour faire vivre cette réforme des attributions et pour la réussir. Cette réforme, nous la réussirons ensemble, parce que nous l’avons pensée et définie ensemble. Et ainsi, nous réaliserons un grand progrès dans la concrétisation de ce droit au logement qui nous tient, à vous comme à moi, tellement à cœur.

Merci