Interviews de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, dans "Le Figaro" et à Arte le 25 mars 1997, sur la monnaie unique, l'élargissement de l'Union européenne, les travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG), l'Europe sociale et la défense européenne.

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Circonstance : Cérémonie à l'occasion du 40ème anniversaire de la signature du Traité de Rome le 25 mars 1997 à Rome

Média : Arte - Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro - Télévision

Texte intégral

Date : 25 mars 1997
Source : Le Figaro

Le Figaro : Quel triste anniversaire pour le traité de Rome ! Quarante ans après, la construction européenne n’est-elle pas en train de s’enliser ?

Hervé de Charette : Je récuse cette analyse. Il y a quarante ans qu’on annonce la fin de l’Europe. Mais les obstacles ont toujours été surmontés. Jean Monnet, l’un des « pères fondateurs »’ avait d’ailleurs averti : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportés à ces crises. » Nous avons deux événements majeurs devant nous : la monnaie unique et l’élargissement vers l’Est. La monnaie sera le parachèvement de ce qui a été accompli depuis quarante ans. Ce choix fondamental ne se réduit donc pas à une simple décision économique. Il s’agit d’un acte, politique. L’euro sera l’une des deux grandes monnaies du monde. En 1957, lorsque le traité de Rome a été signé, il n’y en avait qu’une seule : le dollar.

Le Figaro : Mais quand l’Allemagne elle-même se montre réticente, ne faut-il pas craindre un abandon de l’euro ?

Hervé de Charette : Je ne suis pas inquiet. Les interrogations s’accentuent parce que l’échéance de la monnaie unique approche : 1999 pour le démarrage officiel, 2002 pour l’entrée dans la vie quotidienne de l’homme de la rue. La monnaie unique se fera parce que, derrière ce projet, il y a une volonté politique. Dès lors que la France et l’Allemagne sont déterminées à aller de l’avant, les autres suivront.

Le Figaro : Avant de passer à l’élargissement, les membres fondateurs de l’Europe auraient donc trouvé le moyen de reconstituer, entre eux, un noyau dur.

Hervé de Charette : Je le répète, il s’agit d’une décision politique majeure. Mais nous ne voulons pas mettre en place un système fermé. Notre intérêt est que le plus grand nombre de pays participe à la monnaie unique. Dans l’histoire européenne, la Grande-Bretagne a toujours eu pour premier réflexe de se tenir à l’écart. Mais, une fois que la nouvelle étape européenne avait réussi, Londres se rapprochait. Je suis persuadé que la Grande-Bretagne, viendra à la monnaie unique : il y a des forces économiques qui poussent en ce sens.

Le Figaro : Vous n’avez cessé de dénoncer la médiocrité des travaux de la conférence intergouvernementale qui est supposée préparer l’élargissement en réformant les institutions européennes. Le sommet d’Amsterdam en juin, qui doit conclure cette CGI, pourra-t-il accoucher d’autre chose que d’une souris ?

Hervé de Charette : Je suis un euro-optimiste. Cet élargissement est une première dans l’histoire de l’Europe. Dans le passé, Charlemagne, Charles Quint, Napoléon, d’autres avaient tenté de rassembler notre continent par le fer et par le feu. Cette fois, l’unification va se faire pacifiquement. L’élargissement est dans le droit fil des pères fondateurs. Il s’agit d’abord d’enraciner la paix. Dans les années 50, le but était de réconcilier la France et l’Allemagne. Aujourd’hui, nous achevons d’effacer le rideau de fer. Deuxième objectif : la prospérité. Hier, les Européens mettaient en commun le charbon et l’acier. Aujourd’hui, ils veulent créer un grand espace économique qui, face à la mondialisation, donnera les meilleures chances à chacun des partenaires.

Le Figaro : En somme, la CIG doit fournir l’huile qui permettra que les deux projets s’emboîtent.

Hervé de Charette : C’est vrai. À terme, il s’agit de construire un ensemble de plus de trente nations car, même les Balkans pourraient un jour nous rejoindre. Il faut donc que cet ensemble s’organise autour d’un nouveau contrat. À l’origine, la France avait ouvert son économie au commerce avec ses voisins en demandant une contrepartie : la création d’une politique agricole commune. Aujourd’hui, la France propose un contrat européen qui précise le but poursuivi en commun.

Le Figaro : Justement, quel est ce but commun ?

Hervé de Charette : La France accepte la pleine participation de l’Europe à la mondialisation. Mais en échange, elle demande la mise sur pied d’une organisation régionale assez puissante pour défendre ses propres intérêts. Dans les faits, l’Europe se montre bien plus libre-échangiste que les États-Unis et l’Asie. À l’exemple des Américains et des Asiatiques, elle doit oser défendre ses intérêts ; Nous l’avons fait devant le Gatt, il y a quatre ans ; Aujourd’hui, nous devons répliquer aux lois unilatérales votées à Washington : les lois Helms-Burton et d’Amato qui prétendent punir le commerce avec Cuba et avec l’Iran. En prévision de la vaste négociation, qui doit s’engager en l’an 2000 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, l’Europe devra combattre sans complexe et ne pas être sur la défensive. Lorsque je vois, comme à Vilvorde, les difficultés de l’industrie automobile européenne, je me demande vraiment si l’Europe doit tenir parole et ouvrir son marché à la concurrence mondiale dans deux ans. Plus précisément, je me demande s’il ne faudrait pas renoncer à l’extension de l’accord dont bénéficie l’automobile japonaise.

Le Figaro : Quelles autres clauses voulez-vous inscrire dans ce nouveau contrat européen ?

Hervé de Charette : le deuxième élément porte sur la réforme des institutions. Il faut revenir sur la centralisation qui a remis trop de décisions aux instances de Bruxelles. Il faut revenir au respect des identités nationales, conformément d’ailleurs au traité de Maastricht qui pose en principe la règle de la subsidiarité. Une décennie de dérive socialiste a affaibli les poids de la France, il s’agit maintenant de rétablir sa position. Le troisième élément porte sur la défense. L’Europe doit assumer la responsabilité de sa défense dans le cadre de l’Alliance. C’est pourquoi il faut obtenir de Washington un plus grand partage des responsabilités au sein de l’Otan.

Le Figaro : À en juger par l’état d’avancement des travaux de la CIG, on est bien loin de ce projet de contrat.

Hervé de Charette : La France n’a pas cessé de se battre sur cette ligne. Si l’Union européenne fonctionne mal à quinze, qu’en sera-t-il à vingt ou plus. La révision des institutions et un impératif majeur et les sujets clef sont identifiés : les pouvoirs de la Commission, la subsidiarité, la pondération des voix, le poids des Parlements nationaux. À cet égard, les Pays-Bas, dont la présidence se caractérise par un grand dynamisme, méritent toutes nos félicitations. La négociation est véritablement entrée dans le vif du sujet.

Le Figaro : L’affaire de Vilvorde n’est-elle pas le genre d’accident qui peut faire capoter votre projet ?

Hervé de Charette : Ce que Vilvorde démontre c’est que les grands groupes industriels en Europe sont aujourd’hui multinationaux. Renault gère ses activités sur un plan européen

Le Figaro : En préférant mettre au chômage les ouvriers belges plutôt que les ouvriers français…

Hervé de Charette : Encore une analyse que je conteste. Les ouvriers français ne sont malheureusement pas épargnés. Renault gère son potentiel industriel au nom de critères d’efficacité qui dépassent les frontières. Ce que je trouve frappant, c’est que, face à ces multinationales, l’Europe sociale n’existe pas. Il n’y a pas de syndicats européens : d’une nation à l’autre, le dialogue entre partenaires sociaux est faible et les contradictions restent fortes. Il n’y a pas non plus de droit social européen, il n’y a toujours pas de statut de la « société européenne » : d’un pays à l’autre, les lois et les règlements diffèrent.

Le Figaro : Êtes-vous partisan d’une Europe sociale ?

Hervé de Charette : Nous avons intérêt à la construire. Aujourd’hui, la croissance moyenne de l’Europe est de 2 % et celle de la France de 1 %. Avant 1981, la France avait un taux de croissance d’un point supérieur à la moyenne européenne. Actuellement, c’est l’inverse : nous sommes un point en dessous. Il est clair que la France a commis l’erreur de laisser filer ses charges sociales. Ce n’est pas le modèle français de la protection sociale qui est menacé, ce n’est pas le modèle européen qui doit être abandonné, c’est leur application qui doit être modifiée. Comme le doit Jacques Chirac, il faut sauver le modèle social européen. Mais, pour cela, il faut le remettre en ordre.

Le Figaro : Si l’Europe sociale ne devient pas une réalité avant l’échéance de l’élargissement, ne craignez-vous pas que l’adhésion de pays, dont le niveau de vie est plus bas, ne crée de graves distorsions ?

Hervé de Charette : Absolument : il faudra faire l’Europe sociale avant l’élargissement. Mais la CIG ne représente que l’une des multiples étapes dont le traité de Rome fut la première. La loi constitutionnelle de l’Europe s’élabore pas à pas. Lorsque Helmut Kohl a dit « il y aura d’autres CIG », tout le monde s’est indigné. Pourtant le chancelier allemand a raison. Il faudra d’autres conférences pour compléter l’édifice.

Le Figaro : Comment faire si les Quinze gardent des visions différentes de l’avenir de l’Europe ?

Hervé de Charette : Ceux qui ont toujours poursuivi le projet d’une Europe fédérale de l’abandonneront pas. Dans cette grande Europe qui s’organise, un petit nombre d’États seront les éclaireurs. Dans cette perspective la France propose, avec l’Allemagne, d’organiser des coopérations renforcées. C’est bien ce que je veux dire. Il s’agira d’organiser, demain, les étapes du progrès européen. Pendant des années, on a cru pouvoir faire deux choses en même temps : la poursuite d’un projet fédératif et l’élargissement. Je souligne l’expression : un projet fédératif. Parler d’une Europe fédérale, supposerait que l’on s’inspire du modèle américain où le pouvoir vient d’en haut. Or, en Europe, le pouvoir vient d’en bas. Quant à l’élargissement, il s’est heurté à des contradictions existentielles dès les origines. La Grande-Bretagne et les pays scandinaves, par exemples, se sont toujours montrés peu sensibles au projet fédératif. La seule solution, c’est de mener ces deux projets par deux voies différentes.

Le Figaro : Donc poursuivre un projet fédératif au cœur d’un projet confédéral ?

Hervé de Charette : C’est une bonne formule.

Le Figaro : Vous demandez que, dans le nouveau contrat européen, le problème de la défense soit sérieusement pris en compte. Mais, au sommet d’Helsinki, les Etats-Unis et la Russie ont jeté les bases d’un nouvel ordre européen sans que les Européens soient présents.

Hervé de Charette : Le masochisme de certains Européens m’exaspère. Lorsqu’une crise explose sur le continent, comme par exemple en Albanie, les commentateurs s’indignent : « Que fait donc l’Europe ? » Mais, si on décidait d’envoyer un contingent de militaires ou de policiers français, les mêmes commentateurs crieraient au scandale. Tout au contraire, la France fait, une lecture positive de la réunion d’Helsinki. Premier point : Washington et Moscou sont tombés d’accord sur des projets de désarmement qui dépendaient d’eux seuls ; Ils ont décidé de ratifier Start 2 qui permettra à chaque camp de passer de 10 000 têtes nucléaires sur les fusées à 3 500. Ils veulent aller plus loin en négociant un Start 3 et en progressant sur le traité ABM qui concerne les missiles antimissiles. Deuxièmement : comme, la France l’avait proposé, les Américains ont accepté d’inviter la Russie à participer de façon substantielle aux travaux de la prochaine réunion du G7 à Denver. Troisièmement : des progrès ont été accomplis sur la voie d’une charte entre l’Otan et la Russie. C’est une idée européenne qui avait été exprimée lors du conseil européen de Cannes, sous présidence française. La négociation n’est pas terminée car l’accord final sur l’élargissement de l’Otan ne doit intervenir qu’ne juin à l’occasion du sommet de l’Alliance qui doit se tenir à Madrid. La France compte bien y apporter sa contribution.

Le Figaro : Les Polonais, les Tchèques et les Hongrois sont sûrs d’être acceptés. En insistant pour que la Roumanie fasse également partie de cette première vague, la France ne s’est-elle pas engagée dans un combat perdu d’avance ?

Hervé de Charette : Bien sûr que non. Si nous insistons pour faire aussi entrer la Roumanie, ce n’est pas pour al vaine gloriole d’ajouter à l’Otan un pays francophone. Simplement, nous ne voulons pas de l’Europe du Sud soit oubliée. Cinquante ans durant, notre sécurité a été dominée par la menace venant de l’Est. Demain, nos préoccupations de sécurité devront se porter en Méditerranée

Le Figaro : Autre paradoxe : ne serait-il pas étonnant que la France renonce à revenir totalement dans l’Otan au moment où d’anciens adversaires y sont admis ?

Hervé de Charette : La France propose de construire une défense européenne en s’appuyant sur trois éléments : la volonté politique de l’Union européenne, la capacité opérationnelle de l’UEO, le dispositif de l’Alliance atlantique. Dans le passe, nous avons cherché à faire l’Europe de la défense en dehors de l’Otan. C’était sans doute irréaliste. Désormais, comme l’a décidé Jacques Chirac, la France veut bâtir la défense européenne à l’intérieur de l’Alliance. La diplomatie française a obtenu des résultats importants. Un exemple : les Européens vont pouvoir procéder à des opérations militaires en utilisant le dispositif de l’Otan sans la participation des États-Unis. Il reste à obtenir pour les Européens toute leur place dans le dispositif de commandement. Cela nous semble d’autant plus justifié que les États-Unis vont réduire leur présence militaire en Europe. De 300 000 soldats à l’époque de la guerre froide, ils veulent descendre à 100 000.

Le Figaro : Pourtant Washington continue de dire non quand la France réclame, pour elle-même ou pour un Européen, le commandement sud de l’Otan.

Hervé de Charette : Je ne mets pas en doute la bonne volonté des Américains pour trouver une solution à ce problème. Sur le commandement sud, le dernier mot n’a pas été dit.

 

Date : 25 mars 1997
Source : Arte

 

Arte : Quel est pour vous la réalisation la plus importante de ces quatre décennies de construction européenne ?

Hervé de Charette : Nous avons, grâce à l'alliance, l'entente franco-allemande, construit l'Europe sur la base du principe de la paix. Ensuite, nos pays ont connu un le formidable développement économique au cours de ces quarante dernières années. Aujourd'hui, nous avons des problèmes, un taux de croissance insuffisant, un taux de chômage trop élevé parce que nous avons, des problèmes non réglés. Mais, si l’on regarde la comparaison entre ce qu'était la France au milieu des années cinquante et ce qu'elle est aujourd'hui, c'est le jour et la nuit. Donc, à la fois la paix et la prospérité.

Arte : La grande réalisation de l'année à venir et des années à venir, c'est l'euro, c'est la monnaie unique. En ce moment, il y a du flottement. Et, il y a un flottement, même chez les pays qui devraient être dans le peloton de tête, comme l'Allemagne. L'on entend dire, si l'euro échoue, c'est toute la construction européenne qui risque d'être remise en cause. Est-ce que cela vous semble exact ou pas ?

Hervé de Charette : Oui. Ce serait, en effet, un coup très dur pour la construction européenne. Chacun comprend bien que des lors qu'il y a un marché unique, il faut une monnaie unique. On le sait parce qu'on a en fait l'expérience. Il y a trois ans, nous avons eu une crise monétaire en Europe qui a provoqué l'effondrement de la lire italienne, de la peseta espagnole et de la livre britannique. Nos entreprises françaises ont subi sur un seul marché, le marché unique, la concurrence illégitime d'entreprises qui avaient abaissé tout à coup leur coût de production sur ce même marché, de dix, quinze, vingt, trente, parfois quarante pour cent. Chacun comprend que nous avons besoin d'avoir une monnaie unique qui soutienne un marché unique. Je crois donc que c'est une échéance très importante.

Mais, je ne partage pas votre sentiment. Je ne crois pas qu'il y ait de flottement. La détermination politique du Président de la République française et du gouvernement, du chancelier Kohl et du gouvernement allemand est totale. À partir de là, je constate que depuis maintenant presque deux ans, d'autres pays, qui se demandaient quelle serait leur attitude, ont fait le choix d'être eux aussi prêts pour la monnaie unique. Regardez les efforts formidables que fait le gouvernement italien – je suis à Rome et j’ai plaisir à saluer ce travail formidable – et aussi les sacrifices que consentent les Espagnols pour être prêts le moment venu. Partout en Europe, ça bouge, non pas dans le mauvais sens, pas pour douter : cela bouge pour réaliser, pour être prêt. Vous verrez que le 1er janvier aura beaucoup plus de pays que l’on ne croit.

Arte : Oui, mais ces derniers temps, les efforts demandes par la mise en place de la monnaie unique européenne ont provoqué bien des résistances et des protestations. C’est le cas en France où les médecins font grève et manifestent contre la nouvelle réglementation des dépenses d'assurance maladie ? C'est le cas de l'Allemagne où les secteurs du bâtiment et des charbonnages ont connu récemment des mouvements sociaux, c'est le cas de l'Italie où une grande manifestation s'est déroulée le week-end dernier…

Vous avez parlé de la nécessité de mettre en place un système de solidarité renforcée. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ?

Hervé de Charette : II s'agit dans cette union qui s'élargit, que ceux qui veulent aller plus vite et plus loin puissent le faire. Je m'empresse de dire que c'est déjà possible. Nous l'avons d'ailleurs fait en signant à quelques-uns le Traité de Schengen qui visait à permettre plus de libre circulation entre quelques pays de l'Union européenne. Donc, c'est déjà possible de le faire, en dehors des traités de l'Union. Ce que nous suggérons, c'est de proposer à nos partenaires d'adopter en commun quelques règles qui feraient que les actions, de ceux qui veulent aller plus vite et plus loin, soient déterminées dans le cadre du traité de l'Union.

Arte : Cela pourrait se faire dans quels domaines ?

Hervé de Charette : Dans beaucoup de domaines. Imaginez, par exemple, que les pays qui auront adopté la même monnaie peuvent vouloir aller plus loin dans le domaine de la politique des transports, de la politique industrielle. Vous pouvez: imaginer aussi que cela vaille dans le domaine de la circulation des personnes. Vous pouvez enfin l'imaginer dans le domaine de la politique étrangère : quelques pays peuvent vouloir traiter une question de politique étrangère ensemble, parce qu'ils sentent que d'autres n'en n'ont pas envie, mais qu'eux sont mobilisés pour le faire.

Arte : Cela a failli se produire, Monsieur le ministre, puisque en ce qui concerne l’Albanie, il me semble qu'il y avait la volonté de certains pays d'envoyer un minimum de forces de sécurisation pour permettre l'envoi de secours en Albanie, et cela ne s'est pas fait. Et l’on se retrouve de nouveau devant l’impuissance européenne.

Hervé de Charette : Non, on ne peut pas parler comme cela. Je ne suis pas d'accord avec vous. En Albanie, il y a des problèmes à résoudre. Ces problèmes sont d'abord des problèmes d'ordre civil, économique, humanitaire. L'Europe fera ce qu'il faut. Elle a pris la décision de le faire. Maintenant, faut-il envoyer une force ? Alors, vous avez raison, c'est un bon exemple. II y avait des pays qui étaient pour et des pays qui étaient contre. La France était plutôt pour. Elle était prête, et elle continue d'ailleurs à être prête, car l'affaire n'est pas tranchée. Elle continue à être favorable à l'envoi d'une force légère pour protéger à la fois la mission européenne civile qui va s'installer à Tirana, l'aide humanitaire qui va s'installer dans le port de Durrës, le port d'accès des bateaux charges de ces produits alimentaires. Nous restons disponibles, et nous avons dit, notamment à nos amis italiens – qui sont le plus directement touchés par cette crise albanaise, parce que c'est à quelques encablures de leurs côtés et que c'est un territoire qu'ils connaissent bien – que nous étions disponibles et prêts à marcher avec eux.

Arte : L'ancien président de la commission, M. Jacques Delors a suggéré que l’on pourrait élire un président du Conseil européen, une sorte de président pour l'Europe pour deux ans. Qu’en pensez-vous ?

Hervé de Charette : Oui, pourquoi pas. C'est une proposition que nous avons faite nous-mêmes à l'UDF, que j'ai eu l'occasion de faire, que M. Giscard d'Estaing avait faite il y a quelques années. Pourquoi pas ? Mais franchement, au point où nous en sommes, je ne crois pas qu'il y ait une majorité d'États membres pour accepter cette idée. Mais, encore une fois, je suis, en effet, favorable à toutes les décisions qui permettraient de faire aller l'Europe plus vite et plus loin.