Interview de M. Georges Jollès, vice-président du MEDEF et président de la commission sociale du MEDEF, dans "Les Echos" du 27 octobre 1999, sur le recul du Gouvernement sur le financement des 35 heures par les organismes paritaires, le paritarisme, la validation des accords de branche et le maintien du MEDEF dans les organismes paritaires.

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Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

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Les Échos : Jugez-vous suffisant le recul du gouvernement sur le financement des 35 heures ?

Georges Jollès : C'est un premier pas vers un retour à la raison. Martine Aubry a été contrainte de reculer devant le front uni des partenaires sociaux. Cette démarche commune du patronat et des syndicats a permis de donner un coup d'arrêt au mépris envers la concertation sociale.

Les Échos : Le Medef va-t-il rester dans les organismes sociaux ?

Georges Jollès : La décision ne peut qu'être prise par le conseil exécutif, qui sera consulté mardi prochain. Mais nous avons d'ores et déjà la démonstration que le partenariat social a un avenir, s'il est déterminé à défendre ses responsabilités.

Les Échos : Estimez-vous que le paritarisme est sauvé ?

Georges Jollès : Il y a eu un signe fort donné au gouvernement et au Medef par les organisations syndicales. Ces dernières doivent, elles aussi, en tirer toutes les conséquences en défendant le respect des accords de branche sur la réduction du temps de travail.

Les Échos : La validation des accords de branche, que vous réclamez, est-elle une condition sine qua non de votre maintien dans les organismes paritaires ?

Georges Jollès : Je ne saurais me prononcer sur ce point dans l'instant, mais je ne peux que souligner le réveil des partenaires sociaux, qui marque une volonté de maintenir un ordre social à la française. Celui-ci est un tout. Il est aussi dans le respect, par l'État, des accords signés.

Les Échos : Les syndicats estiment que le Medef n'a plus de prétexte pour mettre fin au paritarisme. N'êtes-vous pas aujourd'hui plus isolés qu'hier ?

Georges Jollès : Nous sommes loin d'être isolés : ce qui s'est passé le démontre. Les syndicats ont fait cause commune pour défendre les prérogatives de gestion des partenaires sociaux. Peut-on être moins déterminé à défendre des négociations de branche ? Leur attitude devrait être convergente.

Les Échos : Mais le gouvernement minimise les différences entre les accords de branche et la seconde loi…

Georges Jollès : C'est de la mauvaise foi. Les partenaires sociaux, lorsqu'ils ont signé ces accords, avaient la ferme volonté de faire en sorte que le contingent d'heures supplémentaires puisse être mis en oeuvre par les entreprises. Or, ce n'est pas possible puisque le repos compensateur se déclenche à 130 heures. De facto, nous sommes donc dans l'impossibilité de mettre en oeuvre les contingents d'heures supplémentaires. Tous ces accords se trouvent caducs. Leur finalité a été bafouée, alors même qu'ils facilitaient la mise en oeuvre des 35 heures.

Les Échos : Le Medef pourrait-il prendre des décisions différentes quant à sa place dans l'assurance-chômage et à la Sécurité sociale ?

Georges Jollès : Sur l'Unedic (assurance-chômage) si le gouvernement avait maintenu ses dispositions initiales, mais cela n'est pas le cas, cela aurait été une dépossession des partenaires sociaux. Pour les caisses de Sécurité sociale, la décision dépend des prélèvements indus qui avaient été envisagés, mais aussi de la capacité plus générale des partenaires sociaux à remplir leurs missions.

Les Échos : Que pensez-vous du nouveau montage de financement des 35 heures ?

Georges Jollès : Il est un peu surréaliste de décider aujourd'hui d'affecter au fonds de réserve des retraites des dividendes de la Sécurité sociale qui n'existent pas encore. Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il conviendrait, d'abord, de s'assurer du retour à l'équilibre et, s'il est réalisé, de commencer par apurer le passif accumulé.

Les Échos : Dans son projet de budget de la Sécurité sociale, qui est examiné depuis hier à l'Assemblée, le gouvernement donne à la CNAM une plus large autonomie de gestion. Est-ce à vos yeux une vraie ou une fausse autonomie ?

Georges Jollès : C'est une première prise de conscience. Ce qui me préoccupe, c'est que la maîtrise des dépenses de santé soit équitable, c'est-à-dire que les financements alloués à la santé aillent là où la demande est plus forte. Or l'hôpital est nettement favorisé, alors que son activité baisse, et que celle de la médecine de ville augmente.