Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Vous arrivez au terme d’une journée de travail consacrée à l’examen de l’avant-projet de loi d’orientation agricole et vous avez bien voulu me convier à m’exprimer devant vous à cette occasion.
Je tiens à vous en remercier, et à saluer l’implication de votre institution tout au long du processus d’élaboration, de discussion et de concertation, qui nous a permis d’aboutir à ce premier texte.
Je crois pouvoir dire que depuis le début du mois de septembre, jusqu’à aujourd’hui même, il ne s’est pas écoulé une seule semaine sans qu’une réunion de concertation ou une rencontre, avec mon cabinet ne se soit tenue. J’ai pu apprécier le soin avec lequel vous avez réfléchi, discuté et proposé. Je tiens encore une fois à vous en remercier.
Je voudrais, Monsieur le Président, en réponse aux analyses que vous venez de développer, évoquer principalement trois points :
– le contexte et le calendrier ;
– les objectifs poursuivis avec ce projet de loi d’orientation ;
– les questions liées au contenu et à la mise en œuvre du contrat territorial d’exploitation.
1. J’évoquerai donc en premier lieu le contexte et du calendrier.
C’est le président de la République lui-même qui a ouvert ce chantier, il y a deux ans. Des travaux ont été conduits qui ont abouti à un premier projet déposé par le précédent Gouvernement, avant que n’intervienne la dissolution.
Le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a pris l’engagement dans son discours de politique générale du mois de juin dernier, de présenter devant le Parlement, dans les meilleurs délais, un projet de loi d’orientation agricole.
Nous nous sommes donc mis au travail en ouvrant largement le débat, puisque vous-même comme d’autres représentants du monde agricole, affirmiez que l’avenir de l’agriculture n’était pas seulement un débat technique mais bien un débat de société. C’est dans cet esprit que nous avons conduit les réunions de travail de l’automne.
J’ai présenté le projet auquel nous avons travaillé ensemble, jeudi dernier, à l’ensemble de mes collègues du Gouvernement réunis sous la présidence du Premier ministre, et aujourd’hui même les réunions de travail interministérielles ont commencé.
Je pense que nous serons en mesure de transmettre au Conseil d’État, ainsi qu’au Conseil économique et social, dans les premiers jours du mois de mars, un projet de loi qui aura reçu l’accord de l’ensemble des membres du Gouvernement. Dans ces conditions, il me serait possible de présenter le projet définitif devant le Conseil des ministres à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril, puis de le déposer sur le bureau des assemblées au même moment. Ainsi donc, le débat parlementaire pourrait intervenir dès le second trimestre comme nous le souhaitons tous.
Dans le même temps, la commission de l’Union européenne adoptera le 18 mars prochain les projets de règlements d’application des orientations présentées dans ce qu’il est convenu d’appeler « le paquet Santer », et un très important Conseil des ministres de l’agriculture des quinze se réunira à Bruxelles le 31 mars pour en prendre connaissance.
Je rappelle cet élément de calendrier pour que vous sachiez à quel point je me soucie de construire de façon cohérente, une politique agricole nationale et européenne, qui nous permette de préparer les prochaines négociations de l’organisation mondiale du commerce, que certains de nos partenaires, je pense bien sûr aux Américains, ont déjà commencé à préparer.
C’est précisément parce que notre loi d’orientation entend définir une politique agricole communautaire, et non pas simplement nationale, qu’il importe de tout faire pour que le calendrier que je viens d’esquisser devant vous soit respecté, et que le parlement puisse examiner ce texte au printemps.
2. J’en viens maintenant à l’orientation que je souhaite donner à la politique agricole
Ma première conviction est que nous entrons dans une nouvelle période de l’histoire de l’agriculture et de la politique agricole. Les exigences de cette nouvelle période, de cet avenir à construire, nous arrachent, je le reconnais, aux certitudes de cette période glorieuse et conquérante qui a fait de la France, encore largement déficitaire dans sa couverture alimentaire au lendemain de la seconde guerre mondiale, le premier exportateur mondiale de produits agro-alimentaires transformés et le deuxième exportateur mondial de produits agricoles bruts. Nous entrons dans une période plus complexe, qui nous oblige à renouveler notre vision de l’agriculture et des politiques publiques qui y sont liées. Le temps est venu de redéfinir la place de l’agriculture dans notre société, et de reformuler les objectifs de la politique agricole en prenant en compte explicitement ses fonctions économiques mais aussi territoriales et sociales.
Je voudrais tout d’abord vous rassurer, monsieur le président, je n’oublie par la fonction économique de l’agriculture. Les agriculteurs seront, demain comme aujourd’hui, des producteurs de denrées alimentaires et de matières premières pour les industries de transformation. Mais les préoccupations sociales et environnementales ne sont pas étrangères à l’économie. Les exploitations agricoles ne pourront produire durablement qui si elles prennent en compte les exigences de protection, et de renouvellement des ressources naturelles. Si elles ne le font pas, c’est leur capacité à produire et à commercialiser qui sera remise en cause. Ce que l’on baptise « contraintes environnementales » constitue en fait une condition de la pérennité des exploitations.
De la même façon, en faisant de la production de services collectifs l’un des objectifs de la politique agricole, nous ne nous éloignons pas de l’économie agricole. Les jeunes ne s’installeront que s’ils trouvent un milieu rural vivant, offrant les services collectifs que tous nos concitoyens attendent. En contribuant au maintien de ce tissu social dans le monde rural, par les services collectifs qu’ils pourront rendre, les agriculteurs travaillent pour eux-mêmes en même temps qu’ils travaillent pour les autres.
Et puis, n’ayons pas une vision trop restrictive de l’économie. Le développement du tourisme en zone rurale est producteur de richesses, dont une partie revient aux agriculteurs qui s’y investissent. Contribuer à son développement par la protection des paysages est une activité de nature économique aussi respectable que la production de blé ou de viande bovine.
L’économie agricole reste intimement liée aux politiques publiques. Comme vous le savez, en 1996, les concours publics à l’agriculture productive se sont élevés à 75 milliards de francs. Ceci signifie que plus de la moitié du revenu disponible des agriculteurs provient des fonds publics.
Nous ne devons jamais perdre de vue que ces soutiens, qui ont été légitimes pour encourager la production ou encore pour compenser des baisses de prix, sont menacés dans le court ou moyen terme, de perdre toute légitimité si celle-ci tire sa source dans le passé et non pas dans l’avenir.
L’avenir, c’est une agriculture qui va devoir affronter les conséquences d’une ouverture croissante des marchés mondiaux tels que les accords de Marrakech le stipulent. Ce qui signifie que la fixation des prix en agriculture sera de moins en moins protégée et s’effectuera de plus en plus par le marché.
L’avenir, c’est encore la gestion de nos territoires par la production. Nous savons à quel point les gisements de production de matière première sont désormais à tout moment, menacés de délocalisation. C’est vrai pour l’industrie, c’est vrai aussi pour l’agriculture. Il suffit pour s’en rendre compte de mesurer à quel point les productions agricoles depuis vingt ans se sont concentrées toujours davantage autour des pôles d’approvisionnement, de transformation et de commercialisation.
Le maintien d’une agriculture sur l’ensemble du territoire national n’est plus inscrit dans la logique économique, il nous faut donc l’inscrire dans une logique politique, vous l’avez d’ailleurs indiqué monsieur le président.
Enfin, l’agriculture de demain, c’est aussi un ensemble d’hommes et de femmes exerçant ce métier d’agriculteurs et d’agricultrices.
Nous ne pouvons pas construire une politique publique, agricole, qui ne prendrait pas en compte la question de l’emploi et du travail et ceci pour deux raisons :
– la première parce que l’exclusion du monde du travail mine chaque jour les fondements de la cohésion sociale et représente un gâchis humain insupportable ;
– la seconde parce qu’une agriculture française ne comptant plus que 100 000 exploitations serait pour notre société un appauvrissement économique, culturel, social et politique, que nous refusons.
Voilà pourquoi nous voulons reconnaître les fonctions multiples de l’agriculture.
Voilà pourquoi nous voulons dire, avec ce projet, que le métier d’agriculteurs est appelé à se complexifier et non pas à s’appauvrir.
Cette orientation générale correspond, je crois, à ce que nos concitoyens attendent quant à la place de l’agriculture dans notre société. Elle correspond aussi à l’idée que les agriculteurs se font de leur métier et de sa dignité. C’est peut-être cela l’identité européenne de l’agriculture.
L’Europe, précisément, cherche une voie nouvelle pour sa politique agricole.
J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de m’exprimer sur le paquet Santer. L’heure est venue pour la France d’être une force de propositions, de telle sorte que la politique agricole européenne ne deviennent pas, au fil des ans, le talon d’Achille de la construction européenne, mais qu’elle en demeure au contraire le fer de lance.
Mais comment la PAC pourrait-elle être un ferment pour bâtir l’Europe si elle continuait durablement à reposer sur les postulats qui étaient ceux de 1960 ? Soyons clairs, la question que nous nous posons en France autour de la préparation de la loi d’orientation agricole, nous devons la porter dans le débat européen puisque c’est là que se joue principalement la grande question de la relégitimation des aides publiques.
Une politique agricole commune qui ne reposerait que sur des mécanismes de compensation, a-t-elle un avenir durable alors que ce cette même Europe est confrontée à des problèmes internes tels que celui de la réforme de ses institutions ou celui de l’emploi, à des problèmes externes comme celui de son élargissement et celui des règles du commerce international ?
Ce qui nous est proposé me paraît abusivement baptisé « réforme de la PAC ». Il s’agit en fait d’une adaptation de ce qui a été décidé en 1992, d’un réglage différent des « curseurs », plutôt que d’une réforme. Tout cela se résume à « un peu plus de baisse des prix et un peu plus de compensations ».
Alors, quelle doit être la position française dans ce débat ?
Nous contenterons-nous de demander un peu moins de baisse des prix et un peu plus de compensations ?
Même si nous obtenions cela, je pense que nous aurions échoué, car nous aurions manqué l’occasion de faire une véritable réforme de la PAC.
Celle qui nous est proposée, c’est de poursuivre la course sans fin à la compétitivité pour vendre des produits de base sur le marché mondial. Comme nous ne sommes pas en mesure de le faire sans aides, l’essentiel des moyens publics serait consacré à donner sous forme d’aides directes aux agriculteurs, le revenu qu’ils ne pourront pas tirer du marché.
Mais que penser d’un système dans lequel les aides publiques représenteraient en moyenne 110 % du revenu disponible des céréaliers et 210 % de celui des producteurs de viande bovine, car ce serait le résultat de l’application du paquet Santer ?
Quelle serait la rationalité économique et la pérennité d’un tel système ?
Poursuivre dans cette voie, c’est emmener les agriculteurs dans une impasse. Il est temps de refonder la politique agricole commune sur des nouveaux objectifs, de sortir progressivement d’un système qui a eu ses vertus, mais qui conduit aujourd’hui à l’appauvrissement de notre agriculture, en la spécialisant sur un type de production pour lequel nous n’avons aucun avantage par rapport à nos partenaires. Les atouts de l’agriculture européenne pour l’avenir, ont pour nom innovation, produits élaborés à haute valeur ajoutée, recherche, marketing, identification, différenciation des produits, etc. C’est à ces défis qu’il faut nous atteler.
Loin de faire de la LOA un exercice hexagonal ou un avatar du débat européen, notre ambition est de faire de cette loi une nouvelle approche européenne de la politique agricole et une anticipation face aux défis mondiaux que nous avons décidé de relever.
En effet, alors même que se déroulent les négociations européennes, commence à s’amorcer le débat sur la réforme de l’organisation mondiale du commerce. Le fil conducteur qui traverse ces négociations nationales européennes et mondiales, c’est bien le découplage entre les aides et la production.
Je vous invite à vous préparer à ces échéances, sachant que c’est aussi le moyen de rester pour notre agriculture, présente sur les marchés mondiaux, pour l’agriculture européenne, de demeurer le pivot de la construction de l’Union, pour l’agriculture française, de répondre aux nouvelles demandes qui lui sont adressées.
L’outil, et j’en viens à mon troisième point, l’outil que je vous propose pour engager la politique agricole dans la voie du découplage des aides, c’est le contrat territorial d’exploitation.
Permettez-moi de revenir sur chacun des termes de ce qui est déjà devenu un sigle.
Contrat :
Voilà plusieurs années déjà que les organisations professionnelles en appellent à un nouveau contrat entre l’agriculture et la Nation.
C’est une exigence magnifique, ne la gâchons pas, et allons jusqu’au bout de l’intuition en permettant à l’agriculteur responsable économique de son exploitation, de signer concrètement avec les pouvoirs publics, ce document qui consigne les droits et les devoirs de chacun.
Ceci ne veut pas dire que le contrat n’est qu’une formalité individuelle, n’intégrant pas les préoccupations collectives nécessaires au développement de l’agriculture.
Pour être un contrat avec la Nation que représente l’État, il faut certes que soit mise en place une règle du jeu commune à tous.
Cette règle du jeu, sera fixée dans les cahiers des charges nationaux qui seront élaborés.
Pour préciser comment les choses pourraient être mise en œuvre, je dirai que le contrat territorial d’exploitation pourrait être une sorte de menu comportant plusieurs plats, quatre au maximum.
Les deux premiers pourraient être choisis parmi les objectifs généraux fixés au plan national. Je veux parler d’objectifs en matière de pratiques agronomiques, de la gestion de la ressource en eau, d’évolution des processus de production, de la gestion des paysages, etc.
Le troisième volet devrait s’élaborer localement au sein d’une petite région agricole. Il correspondrait à une orientation définie collectivement par un groupe d’agriculteurs, décidé à rentrer dans cette démarche.
Je pense évidemment au rôle essentiel qu’auront à jouer les chambres et les services de développement dans la mise en place de cette réflexion.
Enfin un quatrième plat pourrait avoir une dimension individuelle et relever plus directement d’un projet personnel de reconversion de certaines productions, de diversification[BN1] ou d’élargissement du projet d’exploitation. Ainsi donc, le contrat symboliserait la triple dimension nationale, locale et individuelle, d’une exploitation agricole et en même temps sa dimension économique et territoriale.
Il est un autre symbole auquel je suis attaché, c’est celui du contrat lui-même. En effet, arrimer la politique agricole à un contrat entre l’agriculteur et les pouvoirs publics, c’est non seulement fortifier la politique agricole mais c’est aussi et surtout ouvrir une perspective enthousiasmante de modernisation de nos politiques publiques.
Faisons en sorte que les politiques agricoles ne soient pas seulement enviées pour leur budget, mais qu’elles soient copiées pour leur modalité.
Faire des producteurs des partenaires tout à la fois économiques et politiques de la société, c’est ouvrir le chemin d’une démocratie aussi soucieuse de cohésion sociale que de développement économique.
Territorial :
L’assise de ce contrat ne saurait être que la seule fonction marchande de l’agriculture. En effet, à travers ce contrat territorial nous poursuivons deux objectifs :
Le premier je l’ai déjà évoqué, vise à maintenir des exploitations agricoles viables sur tout le territoire national et pour cela il faut une politique volontariste puisque la seule logique économique conduirait inéluctablement à concentrer la production sur une part de plus en plus restreinte du territoire.
Cette politique de territorialisation de l’agriculture n’est pas nouvelle. Elle a été inaugurée notamment par la politique de la montagne, consacrée par la fameuse loi montagne du 9 janvier 1985, à laquelle beaucoup d’entre vous sont attachés à juste titre, puisque, effectivement, cette approche a permis de maintenir des exploitations nombreuses dans nos montagnes, d’y enregistrer un taux d’installation double de celui que l’on enregistre au plan national, et d’avoir des massifs montagneux qui sont habités, entretenus et gérés.
Le deuxième objectif de ce contrat territorial consiste à faire prendre en compte à travers l’activité de production marchande, la production de richesses, qui elles, ne sont pas marchandes. Ces richesses non marchandes, je veux bien sûr parler de la ressource naturelle, des paysages, de l’eau, sont par construction non délocalisables. Ce sont des richesses irremplaçables.
La nouveauté est que nous avons compris que pour les conserver, il fallait en quelque sorte les produire. Cette production-là doit être reconnue, elle doit être rétribuée.
Exploitation :
Le contrat territorial concerne l’ensemble de l’exploitation et de son activité, à commercer par sa dimension économique.
Il s’agit bien de contracter avec un agent économique et de l’encourager dans son développement. Ceci de deux façons :
– la première en reconnaissant que c’est à travers son activité économique que s’élaborent les richesses non marchandes dont j’ai parlé – et non marchandes ne signifie pas en dehors de la sphère économique – ;
– la deuxième tient au fait que le contrat doit prendre en compte la dimension d’innovation que l’exploitant veut mettre en œuvre. Cette innovation peut consister à chercher de nouveaux créneaux, à s’associer à d’autres pour promouvoir un produit. L’innovation c’est aussi trouver des moyens pour maintenir ou créer de l’emploi.
Au total, ce contrat proposé à chacun peut être, si vous acceptez de vous en emparer, un facteur de dynamisme, un facteur d’innovation et aussi un facteur de cohésion.
Je sais pouvoir compter sur votre volonté de faire se rejoindre l’intérêt général de tous nos concitoyens et les intérêts particuliers, légitimes du monde agricole pour mobiliser votre institution sur cette méthode.
En m’expliquant sur le contrat territorial d’exploitation, en m’expliquant sur mon souci de cohérence des politiques agricoles entre elles, je crois avoir illustré ce qu’était l’orientation de ce projet de loi.
Le contrôle des structures, la recherche de la qualité et de son identification, le volet recherche-formation-développement découlent de cette orientation générale et viennent la conforter.
Vous vous inquiétez de certaines lacunes, mais je vais vous faire une confidence. Faut-il à tout prix légiférer sur des domaines qui sont déjà organisés, qui font la preuve de leur efficacité et qui ne demandent qu’à vivre leur vie ?
Nous savons tous à quel point nous légiférons trop.
Je n’ai pas voulu tout traiter dans cette loi, j’ai surtout voulu préparer l’avenir. C’est pourquoi j’ai retenu les aspects novateurs ainsi que quelques points qu’en accord avec vous, la plupart du temps, vous vouliez voir rénover. L’essentiel réside dans la dynamique et dans l’état d’esprit que ce débat et que la loi induiront.
Vous me dites, monsieur le président, le contrat territorial ne peut pas résumer à lui seul toute la politique agricole de demain. J’en suis bien d’accord. Il s’agit grâce à cet outil d’infléchir les choses, de commencer à gérer autrement, sur une base d’avenir, une partie des soutiens publics à l’agriculture. Mais la plus grande partie de ces crédits publics transitera par d’autres voies pendant encore quelques années. Alors, bien sûr, on ne peut pas se désintéresser du reste.
Bien sûr, l’addition de contrats individuels d’exploitation ne fait pas une politique agricole, mais je compléterai en disant que l’addition de politiques de filières ne fait pas non plus une politique agricole.
La cohérence, nous devrons l’établir au travers des cahiers des charges des contrats territoriaux élaborés aux différents niveaux, national, régional et départemental ? mais aussi dans les très nombreuses institutions du dialogue entre la profession et les pouvoirs publics, je pense notamment aux offices.
La régulation des marchés sera demain comme aujourd’hui une préoccupation essentielle de l’intervention publique. Mais il faut à ce propos dire les choses clairement : les modalités d’organisation des marchés inventées par l’Europe il y a 40 ans ne fonctionnent plus. C’est ce qui provoque ce processus permanent de réforme de la PAC depuis le milieu des années 1980. Il faut élaborer de nouveaux modes d’intervention publique qui tiennent compte des contraintes internationales et de l’évolution de nos économies. Vous aurez compris que je n’entends pas baisser les bras dans ce domaine, mais là également, la pire des choses serait de vouloir faire comme si rien n’avait changé et de se contenter de vouloir préserver l’existant.
Voilà pourquoi il faut inventer un nouveau projet pour la politique agricole.
Ce qui m’anime dans ce projet c’est :
– premièrement, de garder au monde agricole et à l’agriculture toute sa place dans une société qui change beaucoup et dans un monde qui lui aussi évolue très vite. Mon ambition c’est que le service rendu par le monde agricole à notre société soit reconnu pleinement ;
– deuxième, c’est d’aider le monde agricole à comprendre qu’il est attendu par contemporains, mais qu’il n’est pas attendu aujourd’hui comme il était en 1960. Ce qui est attendu de l’agriculteur, aujourd’hui, c’est qu’il exerce pleinement un métier qui produit des richesses pour le marché, comme des richesses d’intérêt public. C’est qu’il exerce un métier plus riche et plus complexe que celui de producteurs de matière première. C’est un métier enfin qui le met en contact à la fois avec le marché, mais aussi avec la Nation.
Traçons ces nouveaux chemins, ils ne sont pas seulement ceux de l’avenir de votre métier, ils peuvent aussi contribuer à construire l’avenir de notre pays.