Déclaration de M. Bernard Pons, ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme, sur les agences de voyage et le développement du tourisme en France, Saint-Tropez le 5 avril 1997.

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Intervenant(s) : 
  • Bernard Pons - ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme

Circonstance : Clôture du 40ème congrès du syndicat national des agences de voyage à Saint-Tropez le 5 avril 1997

Texte intégral

Monsieur le député,
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,

C’est avec un réel plaisir que je viens clôturer les travaux de votre 40e congrès, et dans ce plaisir, se mêlent celui de participer à un anniversaire important pour votre syndicat, celui de retrouver le député-maire de Saint-Tropez, président du comité départemental du tourisme du Var et rapporteur du budget du tourisme à l’Assemblée nationale, celui enfin de m’adresser à votre profession.

Je tenais d’autant plus à le faire qu’il me semble que votre profession a, dans le domaine du tourisme, un rôle particulier. Je sais bien que dans une vision étroite de la politique touristique, les agents de voyages sont avant tout de dangereux individus qui incitent nos compatriotes à aller dépenser leurs économies hors de France et qu’à ce titre ils ne seraient pas dignes de la sollicitude publique. Ce n’est pas ma conception.

Il est évident qu’il est macro-économiquement préférable que nos concitoyens restent en France, même si les voyages ont bien des vertus par ailleurs. Pour autant, il est aussi de l’intérêt de la France d’avoir une industrie du voyage dynamique, diversifiée et puissante. Il n’est pas indifférent que nos compatriotes puissent s’adresser à des voyagistes français plutôt qu’allemands ou britanniques.

Il n’est pas mauvais qu’ils puissent être accueillis à l’étranger dans des structures appartenant à des groupes français ou liées avec eux, important des produits français, versant des redevances à des groupes français et captant une clientèle étrangère.

Je dirais même qu’il est sans doute bon pour l’image de notre pays qu’un certain nombre de tour-opérateurs spécialisés français, en organisant des circuits de qualité, donnent une bonne image de nos concitoyens à ceux qui les accueillent. C’est la raison pour laquelle je suis très attentif, même si l’État n’a pas toujours son mot à dire dans ces évolutions, aux mouvements de concentration dans votre secteur et à la santé de vos entreprises.

Tels me paraissent être pour la France quelques-uns des enjeux d’une profession du voyage dynamique. S’agissant de vos conditions d’exercice, je voudrais rapidement répondre aux quelques points que vous avez soulevés. S’agissant de la fiscalité, vous l’avez relevé, j’ai obtenu du ministre des Finances l’exonération de la TVA pour les voyages à destination des DOM, vieille revendication de votre syndicat, et mis fin ainsi à une distorsion de concurrence au détriment des agences françaises. Comme vous le savez, la direction du tourisme suit de près vos discussions avec le service de la législation fiscale sur les modalités d’imposition de la marge des agents de voyages. Enfin, j’ai bien entendu votre souhait d’application du taux réduit de TVA aux prestations de tourisme réceptif.

Je ne vous apprendrai pas que ces questions sont complexes, que les marges de manœuvres budgétaires sont étroites, qu’une telle décision ne peut être prise qu’à l’unanimité des États membres de l’Union, sur proposition de la Commission.

Mais je dois dire que, quelles que soient ses chances de succès, s’il y a un combat fiscal à mener au plan européen, c’est bien celui-là et j’en ai saisi le ministère des Finances. En effet, je ne sais pas si la fiscalité est trop élevée, mais il me semble en tout cas absurde que le touriste soit considéré comme une exportation et que l’Union européenne impose au taux normal les Européens qui restent en Europe alors que les autres sont exonérés.

L’intérêt de la France, pays réceptif, et de l’Europe, serait le choix d’un taux unique, nul ou le plus faible possible, sur l’ensemble des prestations touristiques, intra ou extra-communautaires.

Vous avez également dénoncé le para-commercialisme. C’est évidemment un phénomène malsain. Je me félicite des accords que vous avez passés avec les fédérations territoriales de tourisme et avec les associations de tourisme qui permettront d’instaurer des règles de bonne conduite. Pour le reste, il semble que l’essentiel des conflits provienne de difficultés d’interprétation des textes et je vais donc donner aux préfets les indications nécessaires pour trancher les litiges et leur demander d’en saisir la direction du tourisme.

S’agissant des commissions départementales d’action touristique, il est possible que les préfectures travaillent de façon inégale.

J’entends là aussi donner des instructions pour harmoniser les conditions de traitement des dossiers. En revanche, il n’est pas sûr qu’une reconcentration des décisions, même au niveau régional, n’aurait pas plus encore d’inconvénients.

On peut en revanche, et dans tous les cas de figure, accélérer le traitement des dossiers.

À cet égard, un décret est en préparation, dans le cadre de la politique de simplification pour permettre que l’octroi de licence puisse faire l’objet d’une autorisation tacite au bout de quatre mois. Il ne s’agira pas, naturellement de favoriser les décisions aveugles, mais de pousser l’administration à davantage de célérité.

En ce qui concerne la garantie financière, je souhaiterais rappeler ici la rapidité d’intervention de mon administration pour apporter des modifications à la grille de calcul de la garantie financière.

Les nouveaux arrêtés que j’ai signés ont permis de maintenir, pour un an supplémentaire, le montant minimum de 550 000 F au lieu des 750 000 F que nous avions ensemble initialement envisagé.

De même, pour tenir compte de la spécificité de certaines agences réceptives, en particulier dans les DOM, le seuil de la garantie a été abaissé pour elles à 350 000 F. J’ai accepté cette mesure parce que je suis convaincu qu’elle peut permettre la création de nombreuses agences réceptives et faciliter la création de nouveaux emplois. Enfin, et dans le même esprit, le taux de garantie apporté aux ventes de prestations hexagonales est passé de 8 à 1 % depuis le début de cette année.

Par ailleurs, je me réjouis de l’annonce du succès de la démarche engagée à l’initiative de l’Association de prévoyance et de solidarité du tourisme pour faire bénéficier l’ensemble des clients de ses adhérents de la garantie totale des fonds déposés. Il s’agit, en effet, d’une grande avancée qui renforcera la confiance des consommateurs et l’image de la profession.

Ainsi, le cadre juridique d’exercice de votre métier se précise peu à peu et la loi du 13 juillet 1992 entre dans son régime de croisière. Aujourd’hui, les principales difficultés ont été résolues. La position des agences de voyages par rapport aux autres acteurs a été éclaircie et confortée.

Permettez-moi de saluer le travail important réalisé en partenariat avec l’État qui a pu jouer, dans votre domaine d’activité, un véritable rôle d’impulsion et de régulation.

Des solutions ont été apportées à certains dossiers sensibles, notamment ceux relatifs à la responsabilité civile des agents de voyages.

Je suis sûr, Monsieur le président – pour en terminer avec ces questions importantes pour le fonctionnement quotidien des agences – que la qualité de la coopération entre mon administration et votre syndicat permettra de résoudre, au fur et à mesure, toutes les difficultés qui surgiront.

Mais, au-delà de ces réponses, parce que votre profession, parmi l’ensemble des professions touristiques, est la plus à même de comprendre les évolutions et de s’y adapter, je souhaite aujourd’hui évoquer devant vous, plus largement, l’ensemble des questions qui, dans l’activité de mon ministère, intéressent votre profession.

Vous le savez mieux que personne, la compétitivité d’un pays, y compris en matière touristique, tient à un ensemble de facteurs dont certains n’ont en apparence qu’un rapport lointain avec le tourisme : la qualité des infrastructures ou le niveau de formation des personnels de service, la performance des transports, le confort des hébergements, le cours des monnaies, l’environnement concurrentiel et fiscal.

J’ai pu mesurer moi-même, par exemple, l’effet spectaculaire pour le développement des DOM-TOM des mesures d’ouverture à la concurrence aérienne et de défiscalisation que j’avais fait adopter, il y a dix ans. Cela nous oblige, dans tous les domaines, dans la compétition totale dans laquelle nous sommes engagés, à ne jamais nous dérober aux nécessités, à assumer les transitions et à préparer l’avenir avec courage et résolution.

C’est ce qui a été engagé sous l’impulsion du gouvernement, dans le domaine ferroviaire. Alors que beaucoup se résignaient au déclin de nos chemins de fer et différaient gravement les réformes nécessaires, le gouvernement a su faire voter la première grande réforme de la SNCF. Il s’agit, en créant l’établissement public Réseau ferré de France et en reprenant la dette, de mieux clarifier les responsabilités pour mieux gérer et pour rendre un meilleur service. Depuis le vote de la loi, nous sommes entrés dans une phase de mise en œuvre d’une réforme ambitieuse qui va permettre de recentrer la SNCF sur le service de ses clients. Cette réforme doit s’accompagner d’un changement profond dans le comportement et les performances de la SNCF dont l’objectif est de faire remonter les voyageurs dans les trains, voyageurs qui veulent être considérés comme des clients.

Forte de cette dynamique nouvelle et sous l’autorité de son président, la SNCF a donc défini un projet industriel et s’engage dans la voie d’une politique commerciale plus dynamique. Enfin, le rachat très récent par la SNCF de British Rail International confirme que cette entreprise est prête à relever les défis de l’international. Ces évolutions ne sont qu’entamées.

Beaucoup de chemin reste à parcourir.

Mais elles sont porteuses pour votre profession de perspectives prometteuses. À cet égard, je ne peux que me féliciter de la signature, le 22 octobre 1996, de l’accord entre votre syndicat et la SNCF, qui me paraissait être une chose nécessaire.

Aux termes de cet accord, la rémunération des agences de voyages est passée de 7 % à 7,4 % en 1997 pour atteindre 7,8 % le 1er janvier 1998, sur les ventes en trafic intérieur.

Je rappelle, pour que l’on mesure le chemin parcouru que la rémunération, en 1994, n’excédait pas 6,5 %.

En échange de ces conditions de rémunération plus favorables, votre syndicat s’est engagé à participer, avec ses adhérents, à la reconquête commerciale entreprise par la SNCF. Les agences de voyages représentent en effet 18 % des ventes de la SNCF et cette part peut augmenter si, grâce à une politique commerciale plus active, cette entreprise sait davantage proposer aux voyagistes des formules souples et adaptées. Il était bon qu’un véritable partenariat puisse exister et que des solutions soient trouvées sur beaucoup de sujets très pratiques. Je souhaite d’ailleurs que la SNCF utilise pleinement les possibilités qu’offre l’accord, d’augmenter encore davantage les commissions en fonction de contrats d’objectifs commerciaux.

Autre secteur menacé, et qui méritait une action déterminée, le maritime. Le transport maritime de voyageurs réalise le quart du chiffre d’affaires de l’armement français, grâce à une offre diversifiée aussi bien sur le plan du matériel naval, dont la moyenne d’âge est plus faible que celle de nos concurrents et grâce à nos atouts naturels : les DOM-TOM, comme les îles métropolitaines, offrent en effet un potentiel important. Les professionnels se sont déjà engagés dans une politique de reconquête commerciale.

Je ne voudrais prendre qu’un exemple, celui de la liaison vers la Corse. Un effort tout particulier a été fait avec la mise en service du transbordeur « Napoléon Bonaparte » et des navires à grande vitesse de la société nationale Corse Méditerranée et de Corsica ferries qui ont permis d’offrir de nouvelles opportunités touristiques.
Pour la croisière, la Corse présente un potentiel remarquable qu’il convient de mettre en valeur.
Les installations portuaires insulaires se sont adaptées.

Enfin, parce que notre pays disposait d’une longue tradition de transport maritime de passagers de ligne régulière avec des paquebots prestigieux, j’ai eu à cœur de provoquer un sursaut salutaire, pour ne pas laisser disparaître tant de savoir-faire, en faisant adopter la loi du 5 juillet 1996 sur les quirats, qui a mis fin au déclin de notre marine marchande. Cette loi doit permettre de relancer, au-delà des commandes de navires de passagers, qui sont déjà effectives, l’activité touristique liée aux croisières. C’est en effet grâce au tourisme que la communauté maritime française reprendra des parts d’un marché qui recèle un potentiel de développement considérable.

Là aussi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les agences de voyages auront un rôle primordial de mise en marché et de commercialisation à jouer, une fois que toutes les conditions auront été réunies pour développer une filière touristique de qualité. C’est dans cet esprit que j’ai demandé à l’Agence française d’ingénierie touristique d’engager une démarche pour inciter les ports à s’adapter au tourisme, à réserver des espaces de débarquement aux croisiéristes et à favoriser l’activité de location afin d’accompagner favorablement le développement du marché de la croisière et de l’excursion.

Dans le domaine aérien également, l’État a su prendre ses responsabilités pour préparer l’avenir. Le développement du tourisme français dépend largement de nos capacités aéroportuaires et de la capacité de Paris à demeurer la première plateforme continentale. Je me suis donc attaché à faire aboutir le dossier très difficile de l’indispensable aménagement de Roissy, dans des conditions respectueuses des préoccupations des riverains. Le Premier ministre vient de signer la déclaration d’utilité publique qui permettra la construction de deux nouvelles pistes. Parallèlement, pour préparer l’avenir, j’ai engagé les procédures en vue de la construction d’un troisième aéroport parisien sur le site de Beauvilliers, qui sera situé à vingt minutes en TGV de la gare Montparnasse. Il me semble en effet que, de même que le général de Gaulle avait réservé les terrains de Roissy en même temps qu’il lançait Orly, nous avons l’obligation d’avoir une génération d’avance pour ne pas être pris au dépourvu par l’accroissement constant – et souhaitable – du trafic aérien. Enfin, je cherche à développer le trafic des aéroports de province, dont l’activité est encourageante et qui peuvent accueillir davantage de liaisons intercontinentales. J’observe d’ailleurs que l’année 1996 a été faste pour eux et que plusieurs voyagistes français – peut-être parce qu’ils ont des racines provinciales – multiplient les liaisons au départ de villes de province. C’est une évolution qui doit être encouragée et qui va probablement s’accentuer dans la mesure où c’est sur ces aéroports de province que les nouvelles compagnies pourront trouver le plus facilement des « créneaux » de décollage et d’atterrissage.

Je ne peux naturellement quitter le domaine de l’aérien sans évoquer l’avenir de la Compagnie nationale. En recapitalisant la compagnie, le gouvernement a tout mis en œuvre pour appuyer le président d’Air France dans sa politique nécessaire de redressement, préalable indispensable à la privatisation. Je souhaite que chacun comprenne que ces réformes sont nécessaires, que le groupe Air France doit être compétitif et que les solutions proposées, même si elles perturbent les habitudes et les traditions, doivent être acceptées. L’enjeu est de disposer d’une compagnie nationale compétitive, qui pourra, sans subventions ni passe-droits, sans appuis privilégiés des pouvoirs publics qui ne sont plus de mise, tenir son rang dans la compétition internationale, désormais placée sous le signe de la liberté et d’une concurrence de bon aloi.

La libéralisation du transport aérien de voyageurs est effective depuis le 1er janvier 1993, pour ce qui concerne les liaisons intracommunautaires internationales. Depuis le 1er avril, le ciel européen a été entièrement libéralisé avec, notamment, la suppression des restrictions à l’exploitation des liaisons intérieures pour les compagnies communautaires n’étant pas établies en France.

Cette libéralisation ne manquera pas d’avoir des effets directs pour votre profession d’agents de voyages, car je n’oublie pas que la distribution de billets d’avion est, pour vous, une activité commerciale essentielle. En effet vous vendez près de 75 % de la billetterie des compagnies aériennes.

Certains effets sont indéniablement positifs : la multiplication des déplacements ne peut que développer le chiffre d’affaires de vos agences.

Vous savez aussi que cette libéralisation va probablement profondément modifier vos conditions d’exercice d’autant plus que la billetterie représente une part très importante de votre activité. Vous voyez se mettre en place, à l’initiative des compagnies aériennes, des politiques tarifaires plus complexes. Depuis quelque temps, nous assistons à une multiplication des tarifs négociés, entre les transporteurs aériens et les voyagistes ou les réseaux de distribution, généralement inférieurs aux tarifs publics proposés par les compagnies aériennes.

Cette tendance peut avoir aussi pour conséquence de favoriser les grands réseaux de distribution et les voyagistes de taille importante, et de pousser les petites agences vers des regroupements si elles veulent avoir la même capacité de négociation. Il est certain que cette situation ne fera qu’accélérer un phénomène de concentration ou de regroupements volontaires, déjà perceptible, dans le secteur des agences de voyages.

C’est ce qui rend d’autant plus nécessaire le travail de prospective et d’adaptation que mène votre syndicat pour que ces évolutions soient pour vous des chances plus que des menaces. C’est ce qui rend d’autant plus nécessaire la conclusion d’accords de bonne conduite avec les transporteurs. À cet égard, je ne peux que me réjouir que, sur les pas de la SNCF, le groupe Air France se soit engagé dans une démarche contractuelle avec votre syndicat. Il s’agit encore à ce stade d’un cadre très général et qui a le mérite de lister un grand nombre de sujets, mais je suis sûr qu’il donnera lieu prochainement à des propositions commerciales précises.

Je voudrais à cet égard, et plus largement, dénoncer le discours alarmiste que l’on entend parfois à propos de la libéralisation. Je sais bien qu’elle n’est pas toujours économiquement et socialement pertinente et j’ai eu l’occasion de le dire avec force en m’opposant, au nom du gouvernement, au livre blanc sur le transport ferroviaire en Europe.

Mais, je crois que la libéralisation ne doit pas être présentée comme une menace exogène, un mal inéluctable qui nous contraindrait à la capitulation ou à une défense obsidionale. Nous avons toute notre chance dans la compétition car nous avons les technologies, les talents, le marché, les infrastructures, des traditions aussi. Lorsque l’on a proposé au général de Gaulle de participer au marché commun, ses conseillers lui ont fait part des craintes de toutes les branches industrielles devant les perspectives qu’il ouvrait. Le général de Gaulle a écarté ces peurs d’une seule phrase : « ils sont forts mais ils ne le savent pas ».

Oui, notre pays est fort, même s’il doit traîner le boulet d’années de négligence dans la gestion des finances publiques et de retards dans l’accomplissement des choix essentiels trop longtemps différés. Il n’appartient qu’à nous, qu’à vous, de relever les défis, de nous saisir à bras le corps des problèmes, ce qui nécessite, bien sûr, beaucoup plus de courage et surtout de travail que la récrimination.

Des échéances nous attendent, qui sont aussi des atouts formidables. Je voudrais en évoquer une : notre pays va organiser en 1998 la Coupe du monde de football. Dans moins d’un an, tous les téléspectateurs de la planète auront les yeux braqués sur la France. Ce n’est pas seulement un événement sportif. L’image que nous donnerons tiendra à la qualité de l’organisation, mais elle tiendra aussi à la chaleur de notre accueil, à la commodité de nos transports, à l’ambiance de nos villes, à la manière dont nous saurons faire de cet événement non pas une manifestation pour les initiés, mais une fête pour tous. Cette Coupe du monde, Michel Platini est le premier à le dire, ce sera la Coupe du monde de la France.

J’ai tenu avec lui, et avec les responsables du comité d’organisation, une réunion de travail pour mobiliser tous les services et les entreprises sous tutelle du ministère, qu’il s’agisse du tourisme, bien sûr, mais aussi de l’équipement et des transports : il faut que dans nos aéroports, dans nos gares, sur nos autoroutes, sur les lignes de la SNCF et d’Air France, on sache que la France prépare ce grand événement.

Voilà un exemple. Ce souci de préparer la France aux évolutions en cours, c’est celui qui m’a guidé dans la définition de la politique du tourisme de notre pays, que j’ai exposée devant le Conseil national du tourisme et précisée lors du salon des vacances en France.

Je me félicite à cet égard, Monsieur le président, que vous ayez choisi de consacrer ce congrès au thème de la destination France. Je sais bien que vous n’avez pas voulu seulement me montrer que vous n’êtes pas les dangereux individus que j’ai évoqués au début de mon propos, uniquement attentifs à envoyer nos compatriotes à l’étranger. Vous l’avez fait parce qu’il s’agit d’un enjeu capital pour votre profession. Je sais bien qu’il faut prendre l’exacte mesure de cet enjeu : tous les Français ne penseront pas inéluctablement à recourir à des agents de voyages pour se rendre en France ; toutes les prestations n’auront pas une valeur suffisante pour justifier l’intervention d’un intermédiaire commissionné. Pour autant, il existe probablement un marché considérable, à la condition qu’il se structure. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à beaucoup d’entre vous puisque je vois qu’Havas ou Sélectour, pour ne citer qu’eux, proposent désormais un catalogue France consistant. Ce sont des initiatives dont je ne peux que les féliciter.

Je le dis avec d’autant plus de conviction que je crois que les agences ne sont pas seulement des acteurs incontournables dans la commercialisation du transport aérien, ferroviaire et maritime de voyageurs. Elles sont aussi l’intermédiaire nécessaire pour que, dans certains secteurs, l’offre se professionnalise. Parce que vous êtes des assembleurs, parce que vous êtes en contact direct avec le client et parce que vous êtes amenés à comparer les prestations avec exigence, vous pouvez devenir un stimulant formidable pour permettre à notre offre de s’organiser.

Vous êtes donc une pièce maîtresse de la politique systématique de mise en valeur de la richesse touristique de la France et de son offre que j’ai souhaité mettre en place.

Cette politique de valorisation de l’offre française s’inscrit dans une logique forte de développement de l’économie touristique, de création d’emplois et de développement soutenu de la demande. Elle s’appuie sur une logique de marché dont vous êtes familiers.

Elle représente un changement de perspective par rapport à l’expression précédente des politiques du tourisme qui avait défini les priorités dans une logique exclusivement territoriale.

Ce changement s’explique par la conviction qu’il fallait, si nous souhaitions inscrire le tourisme dans une démarche économique volontaire, que nous organisions notre réflexion autour des filières de produits et non plus autour d’une logique territoriale.

J’ai donc décidé, au début de cette année, de retenir quelques priorités et de les orienter autour d’axes précis. En effet, cette politique de mise en valeur de la richesse touristique de la France et de son offre ne peut aboutir sans que des efforts soient menés pour développer la compétitivité des filières de produits, pour adapter les produits aux évolutions porteuses des marchés, pour améliorer la commercialisation de l’offre française. Si nous voulons que le tourisme français puisse davantage être mis en marché par des professionnels tels que vous, il faut que nous soyons capables de faire émerger, à partir d’un potentiel incomparable de véritables produits touristiques.

C’est aussi parce que je crois que rien ne doit être négligé pour maximiser la richesse touristique que j’ai souhaité réexaminer la question du calendrier scolaire. Celui-ci semble faire une relative unanimité, sauf sur la question des départs en milieu de semaine, en particulier lors des vacances d’hiver, imposés à l’origine par des préoccupations liées à la circulation routière. J’ai demandé une étude précise de cette question. J’en ai retiré le sentiment que les avantages d’un départ le mercredi ne sont pas suffisamment avérés pour justifier de bouleverser les habitudes de vacances de millions de Français. Je viens donc d’informer mon collègue François Bayrou, à qui appartient la décision finale, qu’en ce qui me concerne, je ne m’opposerai pas à ce que l’on revienne, dès l’an prochain, à des départs en fin de semaine.

C’est dans le même esprit de valorisation de l’économie touristique que je conçois le projet de serveur national que nous finançons. Il doit s’agir clairement d’inscrire ce serveur dans une logique commerciale, puisque son but est de vendre la France, plutôt que dans une logique strictement territoriale. Il me paraît donc indispensable que cet outil soit d’abord accessible aux agents de voyages, les autres accès présentant à mes yeux un degré d’exigence moindre. Vous savez qu’en matière informatique, les échecs ont été nombreux. Je ne souhaite pas qu’on lance un nouveau projet sans qu’il corresponde parfaitement et scrupuleusement aux besoins et aux habitudes des agents de comptoirs en matière de convivialité, de configurations d’écrans et de services. Je compte d’ailleurs sur votre syndicat pour être un censeur vigilant et valider toutes les étapes du processus. J’ai souhaité nommer le responsable informatique de votre syndicat dans le comité de pilotage. Je souhaite aussi que ce serveur regroupe une part très large de l’offre française, et pas seulement celle des organismes territoriaux de tourisme. Le serveur ne réussira en effet que s’il peut être consulté très souvent et pour des prestations simples ; il est illusoire de penser – me semble-t-il – qu’il pourrait s’imposer s’il ne contient qu’une offre territoriale inégalement professionnelle, inégalement répartie sur le territoire, insuffisamment mise à jour. Parce que nous voulons créer un outil professionnel de commercialisation en temps réel, il faudra nous garder de trop céder à la logique territoriale : la multiplication des serveurs virtuels n’est pas une bonne chose. Le touriste consommateur n’a pas à connaître des limites administratives et le serveur ne doit pas être conçu en fonction de celles-ci. L’économie du serveur, les budgets de publicité et de promotion, l’existence éventuelle d’un service téléphonique d’assistance aux agences, les taux de redevance ou de commissionnement doivent être scrupuleusement étudiés. Telles sont quelques-unes des orientations que j’ai fixées pour garantir la réussite économique de cette entreprise indispensable à la commercialisation du produit France. Le moment venu, le ministère mettra les moyens qu’il faudra pour assurer son succès et sa promotion.

Je suis prêt à examiner, dès à présent, la suggestion qui m’a été faite par certains professionnels du voyage et certains hébergistes de soutenir à leurs côtés une campagne grand public destinée à faire prendre conscience aux Français qu’ils peuvent aussi pousser la porte d’une agence de voyages pour voyager en France. La direction du tourisme est déjà en discussion avec M. Philippe Demonchy, président de votre commission communication à ce sujet.

En conclusion, je ne voudrais pas terminer sans évoquer le cinquantième anniversaire de votre syndicat et mesurer avec vous l’extraordinaire adaptation de votre profession, qui demeure indiscutablement liée à l’essor des congés payés et au développement des transports.

Votre profession s’est emparée de cette révolution sociale qui est intervenue dans une France industrielle déjà en pointe sur le plan technologique.

Par la suite, avec obstination, votre profession s’est toujours adaptée à la fois à l’évolution des goûts et des attentes des Français pour les voyages et les vacances et à l’évolution des transports.

Entre le public, parfois désorienté, la diversité infinie des propositions commerciales et les grandes compagnies de transports, il y a le rôle charnière que joue votre profession. Vous assurez tous les jours l’intermodalité, par l’assistance que vous portez à vos clients, en leur proposant des choix adaptés à leurs besoins et en leur évitant le maquis des horaires, des réductions et des tarifs.

Aujourd’hui, le développement de la destination « France » et l’essor des transports nécessitent une nouvelle adaptation de vos entreprises.

Je suis convaincu que, plus que la libéralisation des transports, l’incidence directe des nouvelles technologies de l’information sera, dans les deux ou trois ans à venir, à l’origine d’une révolution du mode de distribution à laquelle vous devrez vous adapter.

J’ai l’intime conviction que votre profession saura, comme elle l’a toujours fait, relever ce nouveau défi. L’État sera à vos côtés pour vous y aider.

Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, le message que je souhaitais vous apporter à l’issue de votre congrès.