Interview de M. Jack Lang, député européen et membre du bureau politique du PS, dans "Le Point" le 19 avril 1997, sur l'harmonisation des moyens de lutte contre la fraude communautaire et l'opportunité de créer un espace judiciaire européen.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion de la Commission des libertés publiques du Parlement européen et des magistrats signataires de l'appel de Genève, à Bruxelles le 16 avril 1997.

Média : Le Point

Texte intégral

Le Point : Pensez-vous que l’initiative des magistrats européens aboutisse ?

Jack Lang : L’idée d’un espace judiciaire européen est excellente. J’y suis personnellement favorable. Elle n’est pas plus utopique que l’idée, lancée naguère, de créer une monnaie unique. Quand je suis devenu ministre en 1981, rien n’existait à l’échelle européenne pour la culture. Tout était à inventer. Depuis, on a élaboré des textes. Il y a aujourd’hui des échanges. Ce qui manque beaucoup à l’Europe, c’est une âme. Une âme qui inclut le droit, en particulier la défense des droits de l’homme, et naturellement la culture. Il ne fait aucun doute que l’Europe du droit, de la justice, des libertés, fait partie intégrante d’une Europe véritable.

Le Point : Comment peut-on, selon vous, parvenir à une Europe judiciaire ?

Jack Lang : On ne passe pas aisément d’une situation dans laquelle l’État national est souverain et régalien à une confédération d’États-nations. Il faut procéder par étapes. Mais les choses ne peuvent avancer que par une initiative politique forte des gouvernements ou par une initiative de la société civile, comme c’est le cas avec ces magistrats. La question, en effet, aujourd’hui, est de savoir comment assurer la circulation des informations pour permettre aux magistrats instructeurs d’accomplir leur métier librement, sans se heurter à trop d’obstacles. Notamment en matière de lutte contre la fraude intercommunautaire. La vraie préoccupation, indépendamment de l’aspect pénal, c’est l’argent public de l’Europe. La France y apporte une contribution importante. Il faut trouver le moyen de sanctionner les détournements d’argent public et toutes sortes de fraudes.

Le Point : Renaud Van Ruymbeke s’insurge contre la facilité avec laquelle le blanchiment d’argent sale s’opère dans les paradis fiscaux d’Europe. Qu’en pensez-vous ?

Jack Lang : Il n’est pas normal que, dans le domaine de la rémunération des capitaux, il y ait de telles divergences entre les États membres de l’Union européenne. La Suisse est un cas particulier. Elle restera pour longtemps un îlot de résistance.