Texte intégral
Le Figaro : Pourquoi avoir fait voter une taxe de 5 % sur la vente des droits de retransmission des manifestations sportives ?
Marie-George Buffet : Le sport manque cruellement d'argent. Dire cela peut paraître étonnant lorsqu'on entend parler de sommes énormes. Mais celles-ci ne concernent qu'un secteur limité de sports, qui occupent une place dominante en télévision. À côté du secteur professionnel de quelques disciplines, il y a l'immensité des pratiques sportives, associatives qui manquent d'argent. L'argent ne descend pas jusqu'aux clubs de base amateurs.
Le Figaro : Le football professionnel, par exemple, est déjà taxé sur les retransmissions télévisées. Fallait-il instituer un nouvel impôt ?
Marie-George Buffet : Il ne s'agit ni d'une taxe, ni d'un impôt, car ce n'est pas de l'argent qui va dans les caisses de l'État. La recette de ce prélèvement sera directement versée au fonds national de développement du sport (FNDS), qui est cogéré par les pouvoirs publics et le mouvement sportif. Aussi, cet argent serait-il immédiatement attribué aux différentes pratiques amateurs. Un prélèvement de 5% permettrait une recette estimée entre 150 et 180 millions par an.
Le Figaro : Face à la multitude des clubs en attente de subventions, ne craignez-vous pas que le gain redistribué soit très faible ?
Marie-George Buffet : Cette mesure ne résoudra pas, à elle seule, le manque de moyens du sport français, mais ce sera un point d'appui supplémentaire pour aider les pratiques amateurs. Le budget du ministère a régulièrement augmenté depuis 1997, mais il correspond à peine au montant des droits de télévisions liés au sport.
Le Figaro : Ce prélèvement, concerne-t-il également les sociétés privées détentrices de droits ?
Marie-George Buffet : Cette mesure s'appliquera à tous les évènements sportifs organisés en France et donnant lieu à une vente de droits à des sociétés de télévision. Il s'agit donc aussi bien de fédérations sportives, des ligues professionnelles que des sociétés privées.
Le Figaro : Une société privée, détentrice des droits d'un évènement français et domiciliée à l'étranger, pourra-t-elle être taxée ?
Marie-George Buffet : Non. Mais à ma connaissance, ce cas n'existe pas.
Le Figaro : N'avez-vous pas peur que cela encourage les organisateurs français à missionner des sociétés étrangères pour échapper au prélèvement ?
Marie-George Buffet : Cette hypothèse ne correspond ni à la culture, ni à l'esprit de responsabilité du mouvement sportif français.
Le Figaro : Ne craignez-vous pas que la menace de ce nouveau prélèvement ne favorise l'inflation, à laquelle on assiste dans les négociations sur les droits sportifs ?
Marie-George Buffet : Cette inflation est bien antérieure au projet de prélèvement.
Je pense que ce phénomène devrait se stabiliser, d'autant que les chaînes de télévisions sont confrontées à des risques réels de saturation. Le public, de son côté, réclame également la diversification des sports mis à l'antenne.
Le Figaro : Les grands clubs font pression pour négocier eux-mêmes les droits de retransmission. La ligue, pourra-t-elle conserver le monopole des négociations avec les télévisions ?
Marie-George Buffet : La loi sur le sport, telle qu'elle est aujourd'hui, attribue la propriété des droits de télévision aux organisateurs des compétitions sportives que sont les fédérations ou les ligues professionnelles. Le principe auquel je suis très attachée, comme le sont les fédérations sportives, est celui de la redistribution solidaire vers l'ensemble des acteurs d'une compétition.
L'existence de la première et de la seconde division de football n'est possible que si les 38 clubs qui les composent bénéficient des droits de télévision.
Le Figaro : Pourquoi avoir fait passer l'amendement sur les 5 % dans la loi de finances 2000, avant que la loi sur le sport ne soit débattue au Parlement ?
Marie-George Buffet : Si nous avions suivi l'adoption de ces textes dans cet ordre, les clubs amateurs auraient dû attendre la fin de l'année 2001 pour percevoir les effets bénéfiques de cette mesure, alors qu'il y a urgence.
Le Figaro : Vos adversaires politiques vous accusent d'avoir fait passer cet amendement « en catimini » ?
Marie-George Buffet : On peut sans doute regretter que le débat parlementaire sur une mesure aussi importante se soit déroulé à 6 heures du matin. Ce n'est pas de mon fait. Cela dit, l'annonce de la création de ce fonds de mutualisation n'a pris personne par surprise. J'ai posé le principe même de cette solidarité lors des deux journées de réflexion sur le football en septembre 1997. J'ai mis en avant ce projet lors de toutes mes rencontres avec le mouvement sportif.