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Le Figaro économie : Ce nouveau programme d’aide à la création d’entreprise est-il l’aveu de l’inefficacité du système actuel ?
Jean-Pierre Raffarin : Il s’agit effectivement d’un programme national de mobilisation en faveur de la création d’entreprises et non d’un projet de loi, le dispositif législatif étant déjà fort complexe. Ce programme repose sur le constat d’un taux de mortalité trop élevé dans les entreprises nouvellement créées : 50 % dans les cinq premières années. Notre objectif est de réduire de moitié ce taux dans les trois années à venir.
Le Figaro économie : Quelles sont les grandes lignes de ce programme ?
Jean-Pierre Raffarin : Ce programme a trois priorités. Primo, rassembler pour simplifier les différents dispositifs d’aide à la création d’entreprises. Les actions des administrations, des réseaux professionnels et des acteurs locaux vont ainsi être regroupées à un échelon national et régional, via la constitution d’un Conseil national et d’un comité régional pour la création d’entreprises. Le créateur sera ainsi face à un guichet unique.
Secundo, nous voulons favoriser l’esprit d’entreprise, notamment auprès des jeunes. En 1995, 700 000 personnes ont souhaité créer une entreprise, 230 000 l’ont fait réellement Notre action de promotion doit se faire en liaison avec le ministère de l’éducation nationale, le ministère de la jeunesse et des sports, les organisations de jeunesse, les responsables des grandes écoles et de l’université… A cette action prénatale, doit s’ajouter une politique post-natale d’accompagnement des créateurs, ce qui sera notre troisième objectif.
Il faut combattre la solitude du créateur, première cause d’échec. Nous voulons l’aider à construire une « démarche qualité » définie par le Conseil national de la création d’entreprise. Cette démarche sera déclinée dans chaque département, notamment par le réseau Entreprendre en France lancé par l’Association française des chambres de commerce, partenaire privilégié de cette politique.
Le Figaro économie : Partenaire privilégié ou partenaire exclusif ?
Jean-Pierre Raffarin : Il n’y aura pas de parcours obligé. La création d’entreprises reste un acte de liberté. Ou le projet est bon et le créateur va voir directement sa banque. Ou le projet est fragile et le créateur fait « qualifier » son projet. Entreprendre en France est une porte d’entrée naturelle, mais pas exclusive. Les collectivités territoriales, les banques, les réseaux associatifs auront évidemment le choix de mener leur propre politique de création d’entreprises.
Le Figaro économie : Ce sésame suffira-t-il auprès des banques ?
Jean-Pierre Raffarin : Il n’y aura pas que le label. Nous souhaitons faire évoluer le système des garanties bancaires. Avant, un créateur muni de son projet allait chez son banquier qui prenait ou non une garantie Sofaris. Désormais, il pourra aller chez son banquier avec son projet « qualifié », qui lui donnerait droit à des garanties pouvant aller jusqu’à 70 %, voire 80 %, du montant de son financement contre 50 % dans le cas général. Il y aura donc renversement du rapport de force en faveur des créateurs. De même, ce système met un terme à une prise d’hypothèque sur l’habitation principale du créateur.
Le Figaro économie : Les subventions à la création d’entreprises étant supprimées, quelles seront les nouvelles aides de l’État ?
Jean-Pierre Raffarin : Les subventions ont l’inconvénient de ne pas suffisamment motiver à la fois le créateur d’entreprise et ses partenaires. Je préfère le système des prêts bonifiés, qui incite les différentes parties à être plus responsables. Je vais engager des négociations sur ce sujet avec les banques et les collectivités pour augmenter de manière très significative l’enveloppe des prêts bonifiés aux entreprises. Je compte beaucoup sur la BD PME (Banque de développement des PME) pour cela.
Le Figaro économie : Cette réforme va-t-elle contribuer à créer des emplois ?
Jean-Pierre Raffarin : Oui, car faire de la pérennité l’objectif de développement des entreprises, c’est faire le choix des emplois solides contre les emplois précaires.