Interview de M. Franck Borotra, ministre de l'industrie de la poste et des télécommunications, dans "La Voix du Nord" du 5 mars 1997, sur le bilan du plan de soutien de l'État aux industries textile, habillement et chaussure.

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Média : La Voix du Nord - Presse régionale

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La Voix du Nord : Quel bilan tirez-vous de votre plan de soutien au textile-habillement et à la chaussure, un an après son adoption ?

Franck Borotra : Globalement, le bilan est très favorable, d’après les indicateurs de l’observatoire que j’ai amené à mettre en place.

Tout d’abord, le moral des industriels est à la hausse. J’ai le sentiment que la réponse apportée à leurs problèmes a reçu un accueil très favorable. Ensuite, je constate que le nombre des faillites des entreprises diminue de manière significative dans toutes les régions. Enfin, il y a eu une participation très importante des entreprises à ce plan. On considère que 70 % des entreprise textiles sont couvertes par le plan, ce qui représente à peu près 70 % des salariés. J’ajoute que pour les plus de 50 salariés, 60 % des entreprises signataires ont déclaré prévoir une baisse inférieure à 5 % de leur personnel et 30 % d’entre elles ont indiqué prévoir u maintien, voire une augmentation des effectifs.

La Voix du Nord : Quel nombre d’emploi ces mesures ont-elles généré ou préservé ?

Franck Borotra : Je rappelle que le plan prévoyait de sauvegarder sur deux ans 35 000 emplois. D’après les statistiques collectées par les fédérations professionnelles, pour les entreprises qui ont signé, la baisse des effectifs est très limitée. De juin à décembre 1996, pour le textile la baisse serait de 0,3 %, soit une quasi-stabilité. Pour la chaussure, en un trimestre, la baisse n’excéderait pas 0.5%. Bien sûr, ces chiffres doivent être corrigés, car un certain nombre d’entreprises n’ont pas signé parce qu’elles ne veulent pas supporter la contrainte du donnant-donnant ou parce qu’elles sont encore sous le coup de plans sociaux qui ont été réalisés précédemment. Je pense qu’on va terminer la première année avec une perte totale d’emploi très en deçà de l’engagement de limitation de la perte à 4 ou 5 %.

La Voix du Nord : La Commission de Bruxelles traîne à accepter les termes de votre plan. La position de Karel Van Miert vous paraît-elle justifiée ?

Franck Borotra : Il y a eu quelques déclarations publiques qui ont été perçues comme des signes négatifs qui m’ont un peu étonné, car elles ne s’inscrivent pas dans une conception sereine de la procédure.

Nous avons modifié en mars 1996 nos mesures à la Commission. Elle a ouvert une enquête en mai parce qu’elle avait des doutes sur compatibilité du dispositif. Nous avons été amenés à apporter des réponses et à expliquer ces mesures, en particulier en juillet et août. À cette occasion, le gouvernement français à clairement exprimé qu’il y avait des contreparties en termes d’aménagement et de réduction du temps de travail de protection de l’emploi et d’embauche des jeunes. À la suite de ces différents échanges, la Commission a complété la procédure d’enquête en octobre. Ce qui montre bien qu’elle a été amenée à réfléchir sur les arguments que nous lui avons donnés.

La Voix du Nord : Si la Commission se prononce défavorablement, vous avez fait savoir que vous feriez appel à la Cour européenne de justice. Si cette dernière donne raison à la Commission, que ferez-vous ?

Franck Borotra : Il ne faut pas aller aussi vite. Premièrement, je veux persister à croire que la Commission va prendre une décision qui tient compte de la spécificité expérimentale des mesures. Deuxièmement, ce plan ne crée aucune distorsion de concurrence avec nos voisins européens. Si la Commission était amenée à l’interdire, cela n’aurait aucune conséquence sur les entreprises de moins de 50 salariés dans la mesure où elles sont couvertes par le seuil en deçà duquel les aides sont autorisées.

Enfin, nous serions amenés à défendre notre point de vue et à contester cette décision devant la Cour de Justice, parce que c’est un intérêt important de la France que de pouvoir appliquer la politique de l’emploi qu’elle souhaite.

La Voix du Nord : Il y a un an, vous laissiez entendre que le textile-habillement servait de laboratoire. Votre plan sera-t-il étendu à toute l’industrie ?

Franck Borotra : À chaque temps suffit sa peine. On est dans le plan présent. Mais je crois que tout le monde est d’accord pour dire que les charges sociales pesant sur l’emploi peu qualifié aujourd’hui sont trop fortes.

Nous avons lancé des mesures expérimentales en exigeant des contreparties. C’est une voie dans laquelle il faut s’engager très fortement pour couvrir progressivement l’ensemble de l’économie, mais en fonction des disponibilités budgétaires. Le problème du coût de cette opération et donc de son échéancier fera l’objet d’un débat interministériel pour répondre à la priorité affirmée par le Premier ministre : abaisser les charges sociales sur les bas salaires et faciliter ainsi l’embauche des jeunes.