Texte intégral
Chers compagnons et amis,
Nous voici au terme de nos assises
Le moment est donc venu de remercier l’ensemble de nos mandataires pour le travail qu’ils y auront accompli ;
– de remercier, de même, toutes celles et tous ceux qui auront su contribuer à leur organisation, avec beaucoup de compétence et de dévouement...
– de remercier à nouveau nos amis étrangers, pour leur présence fraternelle et leurs témoignages chaleureux...
– de souhaiter la bienvenue à tous les militants, adhérents, sympathisants qui nous auront rejoints, ce dimanche, en si grand nombre, au fil des heures...
– et d’exprimer, enfin, notre gratitude, notre fidélité et notre solidarité à nos amis de l’opposition qui ont tenu à être parmi nous, et tout particulièrement à notre invité d’honneur, le président de l’Union pour la Démocratie Française, François Léotard.
Mes chers compagnons,
En un peu plus de six mois, fait sans précédent, nous nous serons réunis à deux reprises en assises extraordinaires.
Le 6 juillet dernier, compte tenu des circonstances exceptionnelles auxquelles nous étions confrontés, nous nous étions fixé un cap, nous avions pris des résolutions, nous avions arrêté un calendrier. Ils ont été tenus.
Tout au long de ces deux journées que nous aurons vécues ensemble et qui venaient couronner un exceptionnel processus de réflexion et d’échanges, nous nous sommes donné en effet les moyens de parvenir aux objectifs que nous nous étions assignés.
En ces instants, nous pouvons mesurer le chemin parcouru... et celui qui reste à accomplir...
Le 6 juillet dernier, nous nous étions rejoints sur trois mots d’ordre en forme de défis : la réconciliation, la rénovation, l’ouverture.
La réconciliation, j’ai très sincèrement le sentiment qu’elle est faite. Il n’est que de comparer l’atmosphère de ces assises empreintes de sérénité, de respect mutuel et de commune résolution, avec le climat des précédentes...
C’est que le débat est le meilleur antidote contre la division.
Nous avons eu la démonstration que notre diversité fait toute notre richesse, que notre diversité n’est pas un handicap mais qu’elle est notre vocation et notre chance.
En tout cas, pour ma part, je n’ai eu et n’aurai de cesse de respecter toutes les sensibilités, pour peu que chacun veuille bien les considérer comme une contribution à la définition de l’ambition collective et non comme un prétexte à de vaines querelles.
La rénovation sera la meilleure garantie de notre cohésion. Une rénovation qui devait se traduire dans un nouveau projet et une nouvelle organisation.
Ce nouveau projet, hier, vous l’avez fait vôtre.
Il rappelle haut et clair ce qui fait la spécificité de notre démarche de rassemblement. Il dit, en toute transparence, les règles de comportement que nous entendons nous imposer. Il rappelle avec force, et sans détour, les valeurs auxquelles nous nous référons, valeurs qui inspirent notre action et que nous voulons défendre, jour après jour, devant les Français... Il exprime enfin notre vision de la France et les perspectives nouvelles que nous souhaitons, avec Jacques Chirac, lui ouvrir.
Notre nouvelle organisation, vous l’avez également approuvée. Vous avez mesuré tout à la fois son ampleur et son exigence. Une organisation fondée, comme vous l’aviez voulu, sur le principe de l’élection. Une organisation plus démocratique, plus moderne, plus souple, mais qui n’aura de signification que si nous savons la faire vivre.
C’est là le sens de la troisième, ultime et sans doute principale étape que nous avons désormais à préparer : celle de l’ouverture.
Il ne s’agit pas que de grossir nos rangs... Si cela doit arriver, cela viendra naturellement, et de surcroît... Mais ce n’est pas une fin en soi. Car ces Assises n’auront eu d’utilité que si elles nous ont donné l’envie et les moyens d’entamer le dialogue avec les Français...
C’est vers les Français, en effet, que nous devons aller. C’est aux Français que nous devons nous adresser. C’est là la mission que nous a confiée, hier, Jacques Chirac.
Nous devons leur dire que nous ne sommes pas là pour défendre des intérêts particuliers, que nous ne sommes les représentants d’aucun groupe de pression, que nous ne sommes ni une faction, ni un parti...
Nous devons leur dire que si nous nous sommes engagés en politique, c’est sans a priori, sans esprit de système, mais seulement pour rechercher et servir l’intérêt général, dans une fidélité renouvelée aux valeurs qui, à nos yeux, fondent notre République.
Ces valeurs, les Français sauront les reconnaître, car pour la plupart d’entre eux, ce sont leurs valeurs de toujours. Et parce que ces valeurs nous semblent plus modernes que jamais, nous voulons les proclamer, sans complexe, ni faiblesse.
Nous croyons, comme tous ces Français, que la sauvegarde de la liberté et de la dignité de l’individu passe par une certaine conception de la nation et de la société. Nous partageons la conviction que le destin de chaque homme, de chaque femme ne prend pleinement son sens que lorsqu’il s’inscrit dans un vaste projet collectif.
Le lieu d’accomplissement de ce destin c’est la nation. C’est au sein de la nation que les citoyens ressentent le plus puissamment la force et l’utilité du lien de solidarité qui les unit.
La nation n’est pas une pièce de musée. Elle n’est pas davantage une référence figée ou une citadelle assiégée. Elle est un principe vivant, un sentiment, un acte de volonté. Elle est par excellence le lieu de réalisation de l’intérêt général. Elle ne se réduit pas à la juxtaposition d’un ensemble de communautés : elle est au contraire un principe d’unité, et la garantie d’une liberté assumée. C’est ainsi, et ainsi seulement qu’elle peut espérer intégrer.
Et pour nous, la nation, c’est la France, c’est notre patrie, avec son histoire, son présent, son futur, avec ses rêves et ses ambitions, avec le lien qu’elle noue entre les générations.
Notre nation n’est pas repliée sur elle-même. Elle est ouverte sur le monde.
Elle est la plus solide des fondations. Et c’est pourquoi nous croyons, plus que jamais, que la construction de l’Europe ne sera une réussite durable que si elle s’appuie sur les nations, et non si elle les contrarie. Contrariez la nation, vous n’obtiendrez que le nationalisme et les conflits identitaires. Reconnaissez la nation, et vous aurez des sociétés solides, prêtes à affronter ensemble l’avenir.
Mais la force de la nation ne suffit pas. Une société n’est vigoureuse que si elle se réfère aussi a des valeurs aussi fondamentales que la famille, la liberté, la responsabilité, l’égalité des chances, le travail, la solidarité.
La famille est le premier lieu de l’épanouissement personnel. C’est le lieu de mémoire où se transmettent les premiers savoirs, où se construisent les repères. Elle a en charge le renouvellement des générations. L’État ne saurait se substituer à elle.
La liberté, c’est la capacité, pour chacun d’entre nous, de s’engager. C’est le pouvoir de dire non, quand le totalitarisme, lui, sous toutes ses formes, politique, économique, intellectuelle, se résume à une constante obligation de dire oui. La liberté, c’est le libre choix du citoyen, qui doit l’emporter sur tout autre pouvoir, qu’il soit technique, financier ou médiatique.
C’est pourquoi la liberté ne va pas de soi. Elle est un combat permanent. Elle doit toujours être reconquise, et primer sur la tentation de la facilité et de l’uniformité.
Car il arrive, malheureusement que l’absence de liberté soit confortable dès lors qu’elle dispense de penser et de vouloir. Aussi la liberté est-elle inséparable de la responsabilité. La responsabilité, c’est accepter d’assumer nos devoirs, contrepartie nécessaire de nos droits. La responsabilité n’est pas diffuse : elle est d’abord individuelle. Or, nous vivons dans une société ou le principe de responsabilité tend à se diluer, entraînant dans cette dilution la liberté elle-même. Il faut donc réhabiliter, à toutes les étapes de la vie, la notion de responsabilité.
Cette notion s’acquiert pour beaucoup à l’école, et pas seulement par l’instruction civique. La citoyenneté, ce n’est pas une matière parmi d’autres. C’est l’objectif premier de l’école que de former les citoyens.
L’école, qui est aussi le lieu, par essence, de l’égalité des chances. L’égalité des chances, fondement, depuis plus d’un siècle, de notre projet républicain. L’égalité des chances qui n’a rien à voir avec l’égalitarisme. L’égalité des chances qui est la possibilité offerte à chacun, par ses études, son talent, son travail, de vivre mieux que ceux qui l’ont précédé...
La réalisation de l’égalité des chances suppose la solidarité. La solidarité qui n’a que de lointains rapports avec l’assistanat qui s’est développé dans notre pays. La solidarité, la vraie, consiste à rendre à chacun son autonomie, sa dignité, sa responsabilité. Elle n’est pas un acte de charité : elle est la garanti de notre cohésion.
Mais cette cohésion ne peut être clairement assurée qu’à deux conditions : que l’autorité de l’État soit reconnue ; que le travail soit garanti à tous.
Pour nous, l’autorité de l’État est une nécessité. Parce qu’il n’est pas de nation sûre et libre sans ordre républicain. Le droit à la sûreté est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous n’admettons pas qu’il soit quotidiennement bafoué.
Le travail, enfin, est une valeur en soi.
Foin d’imposture, en effet ! On nous dit : puisqu’il n’y a pas de travail pour tous, partageons les restes. Cette démarche a un nom : c’est une capitulation. Parce que nous, nous croyons dans les vertus de l’effort, parce que nous, nous sommes convaincu que le travail, loin d’être une aliénation, est un facteur d’émancipation et d’épanouissement, la clef de tout équilibre social. Sans le travail, il n’est pas d’identité, ni de lien entre les individus. C’est bien ce que le chômage démontre, hélas, a contrario...
Telles sont, mes chers compagnons, les valeurs que nous partageons avec un si grand nombre de Français... Les valeurs qui nous ont fait nous rassembler autour de Jacques Chirac.
Nous devons donc convaincre les Français que ces valeurs constituent le socle de notre action future. Un socle sur lequel ils peuvent eux-mêmes se rassembler, d’où qu’ils viennent.
Oui, nous tournant vers les Français, comme nous l’a demandé Jacques Chirac, nous devons leur dire ceci :
Regardez les hommes et les femmes qui peuplent nos rangs. Ils vous ressemblent. Ils ont les mêmes problèmes, les mêmes tracas quotidiens. Ils ont les mêmes inquiétudes. Comme vous, ils s’interrogent sur l’avenir de leurs enfants, ou de leurs petits-enfants. Ils partagent avec vous les mêmes souvenirs. Ils ont les mêmes espérances...
Pas plus que vous ils ne croient aux théories idéologiques, aux programmes clés en mains.
Ils sont d’autant plus à même de comprendre les sentiments que vous nourrissez si souvent à l’égard de la chose publique.
Oui, nous comprenons le scepticisme qui vous habite, vous qui en avez tant vu et tant entendu.
Vous ne croyez plus aux partis dont vous pensez qu’ils disent tous plus ou moins la même chose...
Vous ne croyez plus guère, au demeurant, à la capacité de la politique de peser sur le cours des choses. Vous la considérez seulement comme un mal nécessaire, puisqu’il faut bien des institutions, et des gens pour les faire vivre.
Mais vous voyez surtout la politique comme un jeu auquel se livrent des spécialistes, des professionnels qui sont bien, selon vous, les seuls que cela intéresse encore...
Et ce jeu, vous le jugez d’autant plus sévèrement que vous n’admettez pas plus les engagements non tenus que les manquements à l’honnêteté et a l’éthique, dont vous avez eu trop d’exemples...
Et pourtant, pourtant, tout indique qu’au fond de vous-mêmes, vous continuez à croire et à espérer...
En juin dernier, vous vous êtes souvent montrés attentifs aux bonnes intentions que vous paraissait afficher la nouvelle équipe gouvernementale...
Vous en êtes rapidement revenus...
Et vous en avez été réduits à cette nostalgie que vous entretenez de l’espérance qui vous avait saisis en 1995...
En 1995, vous aviez été nombreux, très nombreux à vous dire que peut-être une voie nouvelle était en train de s’ouvrir... Deux ans après, vous avez exprimé votre déception.
Nous y sommes certainement pour beaucoup... Nous n’avons su ni vous parler ni vous entendre. Alors que vous étiez sans doute prêts à tirer toutes les conséquences de la grande ambition à laquelle vous aviez adhéré, nous n’avons su ni vous expliquer l’effort qu’elle impliquait, ni vous mobiliser pour l’accomplir...
Alors, aujourd’hui, nous venons vous dire humblement, mais résolument, que nous nous sommes efforcés, loyalement, patiemment, méthodiquement de tirer les enseignements de ce rendez-vous manqué, que nous sommes prêts à faire en sorte, avec vous, qu’il soit possible, à nouveau, de changer le cours des choses...
Vous nous avez signifié que le chômage était au cœur de vos préoccupations, qu’il résumait toutes vos angoisses, qu’il était – et comment ne pas vous approuver ? – le premier critère de vos choix.
Vous éprouvez compassion et solidarité pour tous ceux qui sont privés d’activité. Vous l’avez encore montré ces toutes dernières semaines... Car vous savez que nul, quel que soit son âge, son ancienneté, son niveau de qualification, n’est désormais à l’abri de ce fléau...
Nous partageons d’autant plus votre sentiment que le chômage nous paraît, comme à vous, à l’origine directe des graves fractures qui caractérisent la France d’aujourd’hui, qu’il fonde, tout à la fois, l’ampleur des maux de notre société et les difficultés que nous avons à y remédier.
Oh, certes le chômage n’explique pas tout. Mais il n’est rien qu’il n’aggrave ou amplifie : délinquance juvénile, violence dans les quartiers, crise de l’école, montée de la consommation de drogue, autant de phénomènes dont la dimension tient au développement du chômage...
Il n’est donc pas d’autre politique possible – comme vous nous le dites et nous le répétez – que celle qui fait de la lutte contre le chômage l’alpha et l’oméga. Et il n’est pas d’autre manière d’aborder ce sujet qu’en usant d’un langage de vérité...
Or ce n’est pas faire injure à la vérité que de dire que le chômage peut être réduit... Ne serait-ce que parce que nombre de pays développés, d’Europe ou d’Amérique du Nord ont su le démontrer.
Si nous prenons le risque de le dire, c’est parce que nous sommes conscients de nos insuffisances passées, et conscients de nous être trompés.
Nous nous reconnaissons coupables et responsables. Avec d’autres sans doute. Mais nous y avons notre part... Nous sommes coupables et responsables d’un échec qui aurait dû être, qui aurait pu être évité... D’un échec auquel il faut de toute urgence porter remède.
Certes vous avez raison de ne pas croire les faux prophètes ou les charlatans qui prétendent détenir le truc ou l’élixir qui permettront de tout régler, sans douleur ni délai.
Car il n’y a pas de recette miracle contre le chômage. Pas de potion magique. Il n’y a même pas à proprement parler de mesures ou de batteries de mesures, ou de plans anti-chômage qui vaillent. Il n’y a rien à envisager qui soit facile, indolore, et efficace à lui seul...
En fait, c’est toute la politique du pays qui doit se trouver réorienté vers la lutte contre le chômage. La politique intérieure comme la politique extérieure, la politique économique comme la politique sociale.
Cela implique un effort considérable. Un effort considérable que les Français eux-mêmes doivent accomplir, tant certaines conceptions, certaines habitudes doivent être revues de fond en comble...
Car le chômage n’est pas un problème qui puisse être traité et réglé par les seuls responsables politiques... Sans l’adhésion et l’engagement des Français, sans votre adhésion et votre engagement, rien ne sera possible... Aux responsables politiques d’expliquer et de convaincre. À vous de faire en sorte que tout redevienne possible...
Sans doute, certains viendront-ils vous dire, vous affirmer, très doctement que, ce disant, nous choisissons le libéralisme, ou l’ultra-libéralisme, ou le libéralisme sauvage, que sais-je encore ?
Refusez de vous laisser enfermer dans ce genre de débat doctrinal ou idéologique. Car vous pourrez aisément vérifier que tous ces mots n’ont plus guère de sens.
En vérité, c’est précisément parce que nous voulons rester fidèles aux principes et aux valeurs qui ont fondé l’organisation de notre société, parce que nous voulons toujours mieux garantir l’égalité des chances, la promotion sociale, la solidarité ; oui, c’est pour toutes ces raisons, justement, qu’il nous faut changer radicalement d’orientation et d’approche. Et, alors, notre société reprendra sa marche en avant...
Pour cela, il nous faut d’abord voir le monde tel qu’il est... Faute de quoi, on perd toute chance de pouvoir le changer, de pouvoir l’améliorer.
C’est bien pourquoi nous devons comprendre, admettre la mondialisation et en tirer toutes les conséquences.
La mondialisation, ce phénomène prodigieux qui, conjuguant l’explosion technologique et la libération de l’échange, bouleverse la donne mondiale et redessine les rapports de puissance entre les États ; crée ici des emplois, en détruit d’autres ailleurs ; génère de la croissance au profit des plus dynamiques, la compromet chez les moins aptes au changement...
La mondialisation, qui n’est pas une fatalité mais le lieu d’un combat, où chaque nation se doit de conduire une stratégie qui soit en accord avec ses propres valeurs et le modèle social qu’elle s’est choisi.
Rien ne serait donc plus grave que de rester immobiles face à de telles mutations. Nous sommes à la croisée des chemins : les transformations de l’économie mondiale sont là, sous nos yeux. Nous avons le choix entre les subir passivement ou chercher à les maîtriser en mettant en œuvre les réformes nécessaires. Nous avons le choix entre la volonté et la soumission.
Car, ne nous y trompons pas : les marchés ont toujours des visions simples ; ils n’aiment rien plus que la spécialisation par métier, par secteur, par compartiment géographique. Ils verraient volontiers Londres devenir la seule place financière européenne d’envergure mondiale, avec Francfort comme relais continental, l’Allemagne devenir le pivot de la production et de la gestion de l’industrie européenne et la France une sorte de zone de loisirs, assurant, en quelque sorte, le repos du guerrier économique.
Et bien, aujourd’hui, si nous voulons continuer à exister, si nous voulons conjurer le chômage, il est temps de nous battre. De nous battre sur notre territoire. De nous battre en Europe. De nous battre sur les marchés mondiaux. De favoriser l’émergence de groupes français mondialisés qui seront des acteurs à part entière sur les marchés concurrentiels de demain. D’éviter leur prise de contrôle par des intérêts et des institutions étrangers, afin que la France ne devienne pas une simple succursale, une simple annexe de pôles extérieurs.
Bref, à nous d’utiliser la mondialisation comme une opportunité pour notre renouveau !
Qu’il soit bien clair, néanmoins, que nous ne saurions accepter une mondialisation « sauvage » qui transformerait la planète en un gigantesque casino dans lequel se règlerait, sans eux, et au seul bénéfice de quelques nantis, le sort des hommes et des femmes de notre planète.
Le choc qui ébranle l’Asie résonne ainsi comme un avertissement solennel. Qu’il ait suffi de la défaillance d’une monnaie, le bath thaïlandais si je ne me trompe, pour entraîner, par contagion quasiment immédiate, l’effondrement financier d’une région jusqu’alors considérée comme la plus dynamique du monde, en dit long sur l’absence de garde-fou et la fragilité du système ; aussi bien, d’ailleurs, que sur le crédit à accorder aux experts, spécialistes et autres donneurs de leçon.
Car enfin, comment ne pas se souvenir des descriptions dithyrambiques qui nous étaient faites de ces dragons et autres tigres censés incarner un nouveau modèle de développement – quand ça n’était pas une nouvelle civilisation ! – et dont on nous explique gravement, aujourd’hui, que leur ascension, qui apparaissait irrésistible, était bâtie en réalité sur des structures vermoulues et dépassées, qu’il est heureux de voir disparaître pour faire place au modèle dominant...
La mise en conformité avec le modèle dominant, l’uniformisation, le voilà bien l’autre risque à conjurer dans la mondialisation...
Car la mondialisation ne saurait être une machine à gommer les différences et à effacer les cultures. Elle ne saurait donc être que progressive et maîtrisée, sauf à provoquer un rejet des peuples dont il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’ils doivent en être les bénéficiaires et non point les victimes.
Cette maîtrise passe, bien sûr, par la refonte d’un système monétaire international qui n’en est plus un...
Le mode de fonctionnement actuel du Fonds monétaire international ne correspond plus à un monde ouvert où la quasi-totalité des mille milliards de dollars qui s’échangent quotidiennement sur les marchés de capitaux sont de nature spéculative. Il doit donc être profondément réformé, ses missions étendues à la surveillance « a priori » des marchés mondiaux, et non au règlement « a posteriori » des crises à répétition qu’ils déclenchent. Et ses moyens adaptés en conséquence.
Dans cette optique, il convient de réfléchir sérieusement à la proposition d’instituer une taxe mondiale sur les mouvements de capitaux mondiaux, taxe qui permettrait de limiter la volatilité des marchés et d’alimenter les ressources du FMI. Ainsi serait-il mis fin au principe actuel qui veut que les profits aillent aux opérateurs et les pertes aux contribuables.
Ainsi pourra-t-on apporter de premiers éléments de réponse à cette question essentielle : quelle est la légitimité des marchés ? En d’autres termes, est-il normal que ces outils indispensables au financement des économies ouvertes l’emportent en puissance sur les États et sur les peuples, et puissent – comme on l’a vu dans la crise asiatique – mettre à genoux des pays dont ils ont largement profité en pillant leurs réserves de change ?...
Question essentielle, qu’il faudra un jour définitivement trancher, sauf à ce que la World Company passe définitivement de la caricature à la réalité…
La réponse est dans l’Europe et l’Euro nous dit-on çà et là. Nous le souhaitons. Nous l’attendons. Encore faut-il en créer les conditions.
Nous avons évidemment besoin de l’Europe. À condition que l’Europe soit capable d’incarner une grande ambition, de prendre de vraies décisions, de s’assumer en un mot.
Seule l’Europe peut créer les conditions d’un développement sain et équilibré des échanges, permettant un enrichissement mutuel des États au lieu d’entraîner la ruine des uns pour mieux favoriser la fortune des autres.
Seule l’Europe peut créer un contexte favorable à la modernisation de nos systèmes sociaux sans que nous renoncions à nos principes fondateurs, ni à l’exigence fondamentale de solidarité qui les inspire.
Seule l’Europe, en définitive, peut restituer aux peuples du continent les marges de manœuvre qui leur permettront de maîtriser leur destin.
Encore faut-il que les enjeux de sa construction soient clarifiés et ses objectifs politiques précisés.
Car l’Europe ne peut continuer de s’édifier par simple habitude, obligation ou résignation, comme on s’accroche à une planche de salut. Elle ne peut s’affirmer que si elle s’appuie sur l’adhésion des peuples.
Nous sommes prêts, pour notre part, à exercer en commun de nouvelles compétences que nous aurons préalablement déléguées, dans la mesure où il en résultera une réelle valeur ajoutée pour le citoyen et où le respect de nos intérêts fondamentaux sera garanti.
Cela ne nous paraît pas nécessiter que nous renoncions au principe de notre souveraineté. Une souveraineté, d’ailleurs, ne se transfère pas. De quel droit le ferions-nous ? Et d’ailleurs à qui pourrions-nous la transférer ?
Nous voulons, en définitive, une Europe dont la dimension politique soit affirmée ; une Europe qui démultiplie l’effort de nos économies, notamment pour la création d’emplois ; une Europe qui défende l’identité culturelle des pays qui la composent ; une Europe qui soit une véritable puissance mondiale.
À cet égard, la mise en place de l’Euro sera bel et bien un tournant décisif.
Elle aura déjà l’avantage de réduire le champ d’intervention des amateurs de poker monétaire.
Considérer pour autant que la seule création de l’Euro résoudra tous les problèmes, serait un peu court.
D’abord parce que nous ignorons la parité qui sera retenue. Euro stable ? Euro fort ? Euro compétitif ? Le débat, pour être feutré, est d’ores et déjà ouvert. Et, visiblement, les avis divergent.
Ces interrogations légitimes en amènent d’autres, notamment sur la politique monétaire que mènera la banque centrale européenne indépendante, dont, par parenthèse, il faut souhaiter qu’elle mettra autant d’ardeur à s’affranchir de la tutelle des opérateurs financiers qu’elle en a mis à rejeter celle des politiques !
À défaut d’être en mesure d’en juger, le moment est venu de prendre date et de réaffirmer une conviction dont nous ne démordrons pas : une monnaie, fut-elle européenne, doit être mise au service des priorités de la politique économique. Que fait d’autre la Réserve fédérale américaine, qui n’est pas pour rien dans l’embellie durable que connaissent les États-Unis ?
Encore faut-il s’entendre sur la politique qu’il s’agit de servir...
Situation curieuse, en effet, que celle de ces pays européens qui vont, dans quelques mois, porter sur les fonds baptismaux une monnaie qui leur sera commune, puisqu’unique, sans trop savoir ce qu’ils en feront.
Qu’on se rassure. Je n’entends pas ici relancer un débat dont je continue de croire pourtant qu’il a moins affaibli qu’honoré notre Mouvement et, en tous cas, contribué à éclairer nos compatriotes. Ceux-ci ont tranché. La France n’a qu’une parole. Mais une parole n’est pas un blanc-seing !
« L’union est un combat », aime-t-on souvent à répéter ? L’union monétaire n’échappe pas à la règle. Ce combat, nous le disputerons avec détermination et loyauté, forts de l’idée que nous nous faisons de notre sort commun, et conscients de ne pas avoir de leçon à donner. Mais pas non plus à recevoir.
Et nous dirons, répéterons que l’Union monétaire doit, pour réussir, remplir trois conditions : avoir l’assise la plus large possible pour épouser au maximum les frontières du grand marché dont elle est le corollaire, en faisant, notamment, toute leur place aux pays méditerranéens ; intégrer dans le fonctionnement et les objectifs de la banque centrale la croissance et l’emploi ; être adossée à un solide gouvernement économique de l’Europe, seul à même, comme le démontre la crise asiatique, de garantir la stabilité du système en cas de crise interne ou de choc externe, soit politique ou économique.
Si nous parlons ainsi de mondialisation assumée et progressivement maîtrisée, d’une Europe s’attachant à démultiplier nos propres efforts sur le chemin de la prospérité et de l’emploi, ce n’est pas pour nous engouffrer dans des échappatoires et éluder l’essentiel : à savoir le combat contre le chômage.
Car, en fait, nous sommes au cœur du sujet.
Et nous pensons que l’amélioration de notre environnement mondial et européen peut renforcer l’efficacité de notre action.
Pour autant, nous savons bien que nous ne pouvons-nous en remettre aux autres. Il ne sert à rien d’en faire des boucs émissaires. Il ne servirait à rien, non plus d’attendre qu’ils fassent notre travail à notre place.
À nous de nous prendre en mains...
Nous ne ferons reculer durablement le chômage que si nous nous décidons à agir dans deux directions :
– la réorientation de toutes nos politiques dans le sens du retour à l’activité ;
– le volontarisme, pour assurer l’ajustement de l’offre et de la demande de travail.
Il n’est pas d’autre voie !
Les emplois de fonctionnaires au rabais, l’application autoritaire et uniforme d’une durée du travail ramenée à 35 heures ne sont pas seulement inopérants et même dangereux sur le long terme. Ils traduisent une vision de l’avenir qui n’est pas la nôtre... Celle d’une société du non-travail, fondée sur l’idée que le travail est non seulement forcément aliénant et oppressif, mais qu’il est, de surcroît, une denrée rare qu’il faut donc forcément partager...
D’ailleurs, si c’était vrai, si la baisse de la durée du travail était vraiment créatrice d’emplois, pourquoi diable s’arrêter à 35 heures ? Pourquoi ne pas aller à 32 heures, comme le suggéraient les écologistes, a 30 ou à 25, voire même au-delà ? Poser la question suffit à démontrer l’absurdité de la démarche...
En vérité, ce sont l’esprit et la volonté d’entreprendre qui doivent de nouveau avoir droit de cité dans notre pays. Cela passe, par exemple, par la création de fonds de capital – développement, spécialisés dans l’accompagnement des projets de jeunes entrepreneurs ; (...) par un encouragement des différentes formes d’intéressement aux résultats des entreprises. Ce n’est qu’avec de telles initiatives que seront progressivement enrayé le découragement des talents, des compétences et des vocations d’entreprise qui nous menace.
Mais cette libération des énergies passe aussi et surtout par une baisse résolue de la fiscalité et des charges...
Il est en effet vital de rompre avec cette situation aberrante qui fait du travail le bien le plus réglementé et le plus taxé de France. Pensez que le coût moyen d’un salarie français pour une entreprise est de 210.000 francs par an, dont l’intéressé percevra à peine la moitié. Pensez que pour l’équivalent du coût d’un salaire dans les services à haute valeur ajoutée à Paris, on peut employer deux personnes aussi qualifiées outre-Manche.
À nous d’en mesurer et d’en assumer les conséquences... Ce ne sera pas si facile. S’agissant en particulier du périmètre d’intervention de la puissance publique...
Et pourtant, il est clair que l’État doit se concentrer sur ses vraies vocations, qu’il assume, au demeurant, fort mal. Il doit cesser de faire des métiers qui ne sont pas les siens. Il y retrouvera toute son autorité. À jouer au banquier, au fabricant de récepteurs de télévisions ou de casseroles, il n’obtient qu’un résultat : faire payer des dizaines et des dizaines de milliards au contribuable pour réparer les dégâts.
M. Jospin nous a objecté que nous faisions fausse route. Ainsi, selon lui, la baisse des charges serait une voie sans issue. J’observe qu’il nous l’a dit quelques heures à peine après que son ministre chargé de l’emploi ait annoncé un plan, très insuffisant certes, mais un plan tout de même... de baisse des charges pour les industries de main-d’œuvre. Pluralité, décidément, quand tu nous tiens !...
Quant aux expériences étrangères si légitimement avancées, il s’est laborieusement employé à les réfuter. Il nous a dit, en particulier que la Grande-Bretagne, ça n’était pas du tout ce qu’on croyait et que, de toute façon, M. Blair allait changer tout ça. J’avoue que cela m’a un peu étonné... J’avais, pour ma part, l’impression que M. Blair restait, à cet égard, dans la ligne Thatcher/Major et avait même tendance, parfois, à aller encore plus loin. Il est vrai qu’en dépit de tous les efforts de notre Premier Ministre pour se réchauffer au soleil de son collègue britannique, il y a autant de points communs entre M. Jospin et M. Blair qu’il y en a entre une cornemuse et un cachalot.
Et puis surtout, surtout, il y a un constat auquel on ne peut échapper, quelles que soient les insuffisances du modèle d’outre-Manche – et elles ne nous échappent pas : ce sont les jeunes Français qui, par milliers, émigrent en Angleterre pour trouver un emploi, ce ne sont pas les jeunes Anglais qui viennent en France. Et ça, comme aiment à le dire les socialistes, ça nous interpelle !
Il reste que nous savons qu’une croissance dynamique et créatrice d’emplois ne suffira pas à répondre au besoin d’activité. Cette activité qui, à nos yeux, fonde la dignité individuelle, conditionne l’insertion sociale, structure notre organisation collective.
C’est bien pourquoi nous souhaitons que toute mesure en termes d’aménagement du temps de travail soit conçue, négociée, mise en œuvre dans le double but d’assurer la capacité d’adaptation de l’entreprise à l’évolution de son marché et la meilleure organisation possible de sa vie par le salarié. Nous croyons, dans ce domaine, à la formule du gagnant-gagnant, pour peu qu’on donne au dialogue social toutes ses chances de se développer librement et équitablement.
Car la solidarité n’a rien à perdre à une évolution de notre droit social. Elle a, au contraire, beaucoup à y gagner. Simplifier et limiter le domaine de la loi, c’est en effet ouvrir de nouveaux espaces de négociation dans les entreprises, au lieu de se contenter de grandes messes rituelles qui sont au dialogue social ce que les pays communistes étaient à la démocratie. Réformer l’État-Providence, c’est l’adapter à la lutte contre les nouveaux fléaux sociaux, notamment l’exclusion, que son fonctionnement bureaucratique l’empêche de combattre efficacement. Or, dans bien des cas, nous pouvons faire mieux et moins cher, à condition de remettre en question les routines et les procédures.
C’est pourquoi nous voulons aussi la transformation du revenu minimum d’insertion, si mal dénommé au demeurant, en revenu minimum d’activité. Non point que nous souhaitions, dans le cadre d’un marchandage dérisoire, obtenir une contrepartie à l’expression de la solidarité nationale, mais parce que, comme Jacques Chirac vient de le rappeler avec force à Mulhouse, nous considérons qu’en se contentant d’assurer un moyen de subsistance, la société n’assume qu’une partie de son devoir de solidarité vis-à-vis de l’exclu... L’offre systématique d’une activité doit être conçue comme un coup d’arrêt au processus de marginalisation, bref, comme une véritable prestation supplémentaire.
Et c’est dans le même esprit que nous croyons à la nécessité d’aider l’émergence de nouvelles activités qui ne sont encore que partiellement solvables. Loin de nous l’idée de marcher sur les brisées des socialistes qui créent et financent d’abord ce qu’ils appellent des emplois et se demandent ensuite, seulement ensuite, à quoi diable on pourrait bien les affecter...
Non, ce que nous voulons, c’est identifier de vrais besoins qui existent, qui existent en grand nombre, qui pourraient être opportunément aidés par l’activation des dépenses énormes consacrées, si inefficacement, à la réparation ou à la prévention du chômage, et qui peuvent, demain, contribuer à rendre notre société plus vivable et plus conviviale.
Nous sommes résolus, dans le même esprit, à explorer toutes les voies que peut ouvrir en termes d’accès à l’emploi, la formule de l’impôt négatif... Nous sommes attachés à la notion de salaire minimum, tout en nous gardant de mésestimer l’impact négatif qu’il peut avoir en terme d’emploi et, plus particulièrement, de plein emploi. Nous croyons donc nécessaire et possible de dépasser la contradiction... En faisant en sorte, sous réserve de toutes les précautions utiles, que la collectivité assume la différence entre revenu garanti et possibilité de prise en charge par l’entreprise...
Mes chers compagnons,
Telles sont les priorités, les seules vraies priorités...
Si nous parvenons à nous libérer du fléau du chômage, des hypothèques et des contraintes qu’il fait peser sur notre destin, si nous parvenons à inscrire notre action dans un vrai projet européen, alors nous serons très proches de la France que nous voulons.
Mais cela ne suffira pas. Pour atteindre notre but, nous devrons aussi faire un vaste effort sur nous-mêmes. Et n’éluder aucune des responsabilités qui nous incombent.
Pour maintenir notre identité, nous devons faire vivre notre citoyenneté. La citoyenneté, on ne le dira jamais assez, ce n’est pas un principe abstrait, ce n’est pas une formule creuse. La citoyenneté, c’est un acte de foi, d’adhésion une histoire que l’on assume, à des valeurs dans lesquelles on croit, à un projet que l’on souhaite construire en commun.
C’est pourquoi nous pensons qu’un enfant étranger ne doit pas devenir français par hasard ou sans l’avoir voulu, mais bien par une démarche volontaire. C’est pourquoi nous jugeons nécessaire de réguler les flux migratoires et de combattre l’immigration clandestine, faute de quoi nous ne pourrions réussir l’intégration de ceux qui souhaitent sincèrement partager notre destin. Nous voulons une France ouverte et unie, non une mosaïque de communautés.
Encore faut-il favoriser à nouveau le mérite et l’émulation.
Il faut que les jeunes aient à nouveau la conviction que le jeu est ouvert. Nous connaissons tous des jeunes qui ont fait des parcours excellents, alors qu’ils venaient de cités difficiles, de familles désunies, alors que leur vie quotidienne était bousculée de toutes les manières. Par leur travail, ils ont saisi cette chance exceptionnelle que reste l’école de la République. Ce sont eux que nous devons donner en exemple, parce que l’exemple est plus convaincant que n’importe quel discours...
Dès lors que sa vocation serait ainsi rendue à l’école, nous serions d’autant mieux armés pour non seulement défendre, mais aussi promouvoir notre patrimoine, notre culture et notre langue, qui expriment l’âme et le génie singulier de notre peuple.
Mais l’identité nationale ne serait rien si le rôle supérieur de l’État n’était réaffirmé : dans toutes ses missions régaliennes ; comme garant, en particulier, d’une justice rapide, efficace, équitable, légitime et qui ne varie pas selon les lieux où on la rend ; comme garant encore de l’équilibre et de la solidarité entre les territoires qui forment notre nation.
Et nous savons bien que l’État ne peut agir efficacement au service des citoyens que s’il s’inscrit dans une démocratie rénovée.
À cet égard, il est clair que si les institutions sont affaiblies, c’est non seulement par les dérives des pratiques constitutionnelles, mais aussi et surtout par la crise de confiance qui s’est installée entre le peuple et ses élus.
La lutte sans faiblesse contre la corruption et l’éradication des mécanismes qui y conduisent, la limitation effective du cumul des mandats, la clarification des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, enfin une modernisation profonde des structures administratives du pays, sont les conditions premières d’une réconciliation des Français avec la chose publique. Ce sont donc des priorités absolues.
Mes chers compagnons,
Plus la France assumera fièrement son identité plus elle s’appuiera sur un État fort et une démocratie rénovée, plus elle sera à même de peser sur les affaires du monde.
L’Histoire de la France témoigne de la force des principes républicains, qui permettent de faire vivre sur un même sol des citoyens libres, égaux en droit, fraternels dans l’adversité.
La « patrie des droits de l’homme », ce n’est pas cette utopie prétentieuse, desséchante et désincarnée dont tant d’idéologues verbeux ont fait leur fonds de commerce. C’est, tout simplement et sans emphase, le rôle fondamental et concret qu’a si souvent joué la France à la pointe du combat pour le respect de la personne humaine.
Elle l’a montré en œuvrant sans relâche, hier avec de Gaulle, puis Pompidou, aujourd’hui avec Jacques Chirac, pour l’établissement d’un ordre économique international plus équitable et en apportant son aide aux nouvelles démocraties.
Elle l’a prouvé hier en refusant la logique d’affrontement des blocs, au temps de la compétition entre les États-Unis et l’Union soviétique. Elle doit le prouver aujourd’hui en réaffirmant son rôle de médiation dans un monde où les antagonismes et les tensions sont plus disperses et dangereux qu’ils ne l’ont jamais été.
Sa présence au sein du Conseil de sécurité de l’ONU et dans les grandes instances internationales est le meilleur vecteur de son influence.
Mais cette influence, elle n’est parvenue jusqu’à présent à l’exercer que pour autant qu’elle était forte. Et si elle doit rester forte, ce n’est pas seulement pour elle-même, mais aussi pour le reste du monde.
C’est pourquoi, parallèlement à notre engagement européen, nous devons poursuivre avec énergie notre politique de coopération avec les pays émergents, notamment avec les peuples qui nous ont accompagnés dans notre histoire et ont souvent partagé nos sacrifices.
Il y a ainsi l’espace francophone, dont nous avons reçu l’écho ici-même ce matin, qui porte les promesses d’un véritable co-développement dans le domaine de l’économie, de l’éducation, de la culture.
Il y a aussi ce dialogue vital entre le Nord et le Sud, que la France s’efforce de promouvoir au sein de l’Union européenne, et dont le Bassin méditerranéen forme le cœur, entre notre continent, le Proche et Moyen-Orient, et au-delà l’Afrique.
Dans tous les cas, la France doit s’en tenir à la ligne qui a toujours été la sienne: l’exigence d’équité, le refus de l’arrogance.
C’est une ligne qu’il n’est pas toujours aisé de tenir.
Ainsi, nous partageons le sentiment d’horreur qu’éprouvent, jour après jour, nos compatriotes devant les événements d’Algérie. Nous partageons leur sentiment de compassion à l’égard du peuple algérien, ainsi meurtri dans sa chair et dans son âme.
C’est pourquoi nous devons refuser de céder aux facilités de l’irresponsabilité, l’irresponsabilité des fausses solutions qui font fi de la souveraineté et de la dignité de l’Algérie.
On ne saurait parler de guerre civile en Algérie car on prétendrait, du même coup, qu’une fraction du peuple algérien se serait dressée contre une autre.
En fait, c’est le peuple algérien tout entier qui est martyr. Et on ne saurait reconnaître la barbarie comme une alternative...
Au gouvernement de l’Algérie de savoir et de dire si une aide peut lui être apportée dans le combat qu’il a à conduire. Il ne serait pas de meilleure manière de servir la cause de la paix et de l’ordre en Algérie que de lui dire que les Français y sont prêts.
Mes chers compagnons,
Alors que nous sommes engagés sur le chemin de la rénovation, nous voici appelés à un premier grand rendez-vous avec les Français.
Dans six semaines, auront lieu les élections régionales et cantonales. Et les candidats issus de nos rangs se porteront à la rencontre de nos compatriotes...
À la lumière du projet dont j’ai rappelé les lignes de force, vous aurez à leur tenir ce langage :
Nos candidats ont été choisis sur un critère essentiel : leur capacité de dialogue avec vous. C’est-à-dire leur capacité d’écoute et leur capacité de conviction.
Les listes que nous vous présenterons aux régionales s’en trouvent profondément renouvelées, rajeunies et féminisées.
Renouvelées car, comme vous, nous pensons qu’il n’existe pas, en politique, de droit à carrière.
Rajeunies, car les générations qui montent doivent avoir accès plus rapidement encore que par le passé aux responsabilités.
Féminisées, car la meilleure façon de donner aux femmes toute leur place dans la vie publique, c’est l’engagement sincère et concret de chaque formation politique.
Le choix que vous accomplirez, vous aurez à le faire à la lumière de trois appréciations.
Il s’agira d’abord de juger du bilan des Conseils régionaux et généraux.
Avec nos partenaires de l’UDF, nous avons administré, solidairement, la plupart d’entre eux. Nous croyons sincèrement qu’un bon travail y a été accompli. Il vous en sera rendu compte, département par département
Il s’agira ensuite de valider notre propre démarche et nos propositions.
Il s’agira enfin d’émettre, plus et mieux qu’indirectement, une appréciation sur les grandes orientations de la politique nationale...
D’autres que nous vont venir solliciter vos suffrages...
Qu’ils soient à gauche ou à l’extrême-droite, ils ont au moins en commun ceci : ils ont également monté leur fonds de commerce sur la division des Français. Et quand nous, nous voulons rassembler, ils jouent, eux, constamment, une partie de la France contre l’autre.
Les uns ont inventé la France de gauche qui ne saurait survivre et s’accomplir qu’en combattant sans répit ni merci la France de droite. Les autres créent et entretiennent une atmosphère d’affrontement perpétuel quand ce n’est pas un climat de haine.
Sous ses aspects doucereux et sa générosité affichée, la gauche ne véhicule plus, en effet, que des nostalgies... Encore ne s’agit-il pas toujours des mêmes, selon celle de ses composantes qui s’exprime...
La majorité qui assume le pouvoir est en effet une coalition hétéroclite, incapable de définir une ligne simple et claire et de s’y tenir.
Il ne s’agit pas pour nous que de la brocarder et de nous en moquer. L’essentiel, à nos yeux, est ailleurs : à l’heure où la France a besoin d’une direction lucide et ferme, il nous paraît profondément regrettable qu’elle se retrouve gouvernée par un attelage qui ne parvient à une cohérence apparente qu’en s’entêtant sur des mesures symboliques dont les effets réels sont franchement désastreux :
– ainsi en est-il d’un budget qui s’en prend, par des décisions fiscales iniques, à tout ce qui dans ce pays crée, entreprend, embauche...
– ainsi en est-il des textes sur la nationalité et l’immigration, aussi dangereux pour l’étranger en situation régulière, victime désignée de tous les amalgames, que pour le clandestin, abandonné au risque de la marginalité et de la délinquance ; aussi nocifs pour les pays d’origine souvent privés d’une partie de leurs ressortissants parmi les plus dynamiques que pour la France dont la situation intérieure, déjà tendue, ne peut que s’en trouver aggravée... ;
– et ce n’est pas non plus en mettant le chômage sur le dos de la droite et du patronat – toujours cette volonté de couper la France en deux ! – qu’on légitimera ces trente-cinq heures dont tout indique qu’elles risquent d’être ravageuses en termes d’emploi...
Oui, décidément, nous aurions beaucoup à redouter de voir une telle majorité, demain, s’installer aux commandes de nos régions !
De la même manière, qu’y a-t-il à escompter de bon et de positif d’une forte présence de l’extrême-droite dans nos régions ?
La réponse est claire : rien ! Absolument rien !
Nous pouvons comprendre le niveau d’exaspération auquel en sont parvenus nombre de nos compatriotes. Nous pouvons comprendre leur lassitude d’être toujours davantage pressurés, empêchés, entravés par une fiscalité, par des réglementations toujours plus lourdes alors même que le chômage ne cesse, parallèlement, d’augmenter, l’insécurité et le désordre de se développer, la crise morale et politique de gagner...
Mais l’heure n’est plus à la seule expression de cette exaspération.
Le temps est venu de préparer la relève et d’émettre un vote constructif.
Il n’y a rien à espérer d’une faction qui n’a rien à proposer de sérieux, de crédible... Il y a tout à redouter, en revanche, d’un parti qui, lorsqu’il se laisse aller, trahit sa vraie nature liberticide, xénophobe et raciste.
Que tous ceux et toutes celles qui ont vu dans le Front national le moyen d’exprimer leur angoisse et leurs refus, que tous ceux-là comprennent que voter dans ce sens serait offrir un pont d’or aux socialistes, aux communistes et aux Verts...
Voter Front national, outre une image ternie de la France, c’est l’assurance de plus de régions socialistes et communistes. Ce n’est rien d’autre.
Mes chers compagnons,
Au terme de ces deux belles journées, que nul ne se méprenne sur le sens de ce qui s’est passé...
Nos assises n’auront été ni un requiem, car nous croyons à la permanence de nos valeurs, ni un te deum, car les victoires ne sont qu’à venir, ni une messe de couronnement, car il n’y a personne ici a couronner.
C’est Jacques Chirac qui est notre référence et qui le demeure.
Il n’y avait ici que des militants décidés à agir et à s’engager.
Et je ne suis que l’un d’entre eux. Un militant qui a souhaité assurer la présidence du mouvement à une période difficile de son histoire, une période sans précédent, pour sauver, dans l’urgence, son unité, son unité qui était menacée...
Pour faire en sorte que demain, son unité ne soit plus compromise, pour aider les uns et les autres à y vivre ensemble, pour créer les conditions du dialogue et du débat, pour moderniser nos structures, pour faire en sorte que la première échéance électorale qu’il avait à affronter ne soit pas un sauve-qui-peut général où on se serait arraché les dernières prébendes à espérer d’un parti qui eut été moribond.
Voilà ce que j’ai voulu. Et comme je n’attends ni n’espère rien, voilà dans quel esprit j’achèverai ma tâche.
Qu’on le sache bien : je balaierai tous les obstacles qui sont sur ce chemin. Que tous ceux qui rêvent de listes dissidentes ou d’aventures personnelles le comprennent. Car toutes les décisions que j’aurai à prendre seront inspirées par le seul souci de régénérer notre rassemblement.
Dès la semaine prochaine, je nommerai le secrétaire général et la Commission exécutive. Tout au long des prochains mois, je veillerai, selon le calendrier que vous avez arrêté, à la mise en place de nouvelles structures. Et, à l’automne, quand tout sera achevé, je remettrai mon mandat à votre disposition, et il reviendra à l’ensemble des adhérents d’élire au suffrage universel celui ou celle qu’ils veulent voir conduire notre rassemblement.
En tous cas, la mission que vous m’aviez confiée aura été accomplie.
Mes chers compagnons,
Les Françaises et les Français n’attendent qu’un signe de nous pour croire à nouveau en leur démocratie. Un signe fort. Un signe qui soit un acte de foi dans l’orgueil français et dans la capacité de la France à se redresser. Un signe qui donne une nouvelle vigueur, un nouveau relais à l’action du Président de la République.
Le caractère français, quoi qu’on en dise, est fait pour les efforts et les sacrifices. Encore doit-il être clair que ces efforts et ces sacrifices servent à quelque chose.
Vous allez devoir le démontrer. Vous allez le démontrer.
Vous allez démontrer que vous n’êtes pas les survivants nostalgiques d’un temps irrémédiablement révolu, que vous n’êtes pas repliés sur vous-mêmes, arc-boutés sur des certitudes ou des ésotérismes d’un autre âge.
Vous allez démontrer que la vraie modernité, c’est vous qui en êtes les porteurs. Parce que vous croyez dans la France, parce que vous croyez dans son énergie, dans sa vitalité, contre tous ceux qui vous soutiennent que notre pays est fini et que le temps est venu pour lui de vivre par procuration...
Vous avez fait, mes chers compagnons, il y a trois ans, le choix de renoncer au renoncement.
Et vous pressentez, vous savez qu’il n’est pas trop tard pour rendre vie au grand espoir qui s’est alors levé, pour renouer « le pacte républicain », pour libérer les initiatives, assurer l’égalité des chances, lutter contre la fracture sociale.
Vous avez hâte d’appeler à nouveau au rassemblement, au-delà des divergences, des divisions, des intérêts particuliers.
Car, en dépit de tout, de nos erreurs, de nos faiblesses, malgré nos querelles, nous sommes un peuple uni et fort, un peuple qui n’en finit pas d’espérer en ses valeurs, de croire en son avenir.
Nous sommes une grande Nation qui a surmonté d’autres obstacles, vaincu d’autres périls, subi d’autres épreuves.
Une nation capable de se mobiliser aujourd’hui pour triompher du chômage ; pour bâtir une Europe conforme à ses aspirations ; pour construire une République moderne.
Mes chers compagnons,
Ayons confiance en la France : il n’est pas une pensée mesquine, pas une paresse, pas un renoncement, pas une lâcheté que l’évocation de la France n’aide à repousser.
Alors, forts de votre détermination, autour de Jacques Chirac, et comme vous l’avez vous-même décidé par votre vote, je vous le dis : nous ferons le rassemblement pour la République. Et pour la France.
Vive la République. Vive la France.