Communiqué de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture en hommage à André Franquin, le 6 janvier 1997 et paru dans "Le Figaro" du 7, et interviews dans "La Croix" du 8 janvier, et dans "Nice-matin" et "La Tribune" du 20 janvier 1997, sur la création d'un parc culturel à La Villette et le prix du disque.

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Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - La Croix - La Tribune - Le Figaro - Le Var Nice matin - Nice matin - Presse régionale

Texte intégral

Le Figaro - 7 janvier 1997

Le ministre de la culture a rendu hommage hier au dessinateur belge André Franquin décédé dimanche : « La grande famille de la bande dessinée est endeuillée par la disparition de l’un des figures les plus marquantes de cet art populaire », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Précurseur dans un domaine où l’imagination doit immédiatement prendre forme grâce au trait et à l’humour, il laisse derrière lui une œuvre qui a influencé des générations d’auteurs. À travers ses personnages comme les aventuriers Spirou et Fantasio, le premier antihéros de la bande dessinée, Gaston Lagaffe, ou bien encore le légendaire et fabuleux Marsupilami, André Franquin donne sa propre vision du 9e art et son œuvre fait et continue de faire l’admiration de tous. »

 

La Croix - 8 janvier 1997

Q. : En quoi le grand projet du parc de la Villette est-il un espace culturel d’un type nouveau ?

R. : J’attache une grande importance au parc et à la Grande Hall de la Villette. Avec ses 55 hectares, ce parc est le plus grand espace consacré à la culture.

C’est à la fois une maison de la culture, un lieu de partage, de communion et de souci de l’autre surtout s’il est différent. Il s’agit d’établir une communication sociale dans la cité en mettant la culture au service de tous. Je souhaite que s’établisse dans ce projet culture un équilibre entre la fête et l’esprit. Il faut expérimenter de nouvelles formes de rapports entre art, culture et société. C’est le pari de ce parc situé entre le pôle scientifique au Nord et musical au Sud.

Q. : Comment définissez-vous la notion de parc culturel ?

R. : C’est un lieu unique. Le seul lieu où peuvent se conjuguer toutes les disciplines, toutes les formes de savoirs. Ce n’est ni un jardin public ni un parc d’attractions. C’est un creuset culturel.

Q. : Quelles sont les caractéristiques de la nouvelle programmation ?

R. : Le service public de la culture doit s’engager au-delà de sa mission qui relève de la production et de la diffusion d’œuvres d’art. Il s’agit ni plus ni moins de consolider le lien social. La culture c’est l’épanouissement. La programmation va refléter ce souci. D’abord en accordant une place importante aux expositions de civilisation et de société, ensuite par la mise en place à l’automne 1997 des Rencontres nationales des cultures urbaines. De plus, la saison d’été sera enrichie, les arts de la piste et le théâtre de rue seront développés, et nous allons reconstruire des ateliers pour que formation et information se complètent.

Q. : La notion de « parc culturel » ne donne-t-elle pas la pré-dominance au côté Disney de la culture ?

R. Pas du tout. Les Rencontres comme les expositions prévues témoignent du contraire. Si la Grande Halle reste l’espace privilégié des grandes expositions – la prochaine étant prévues en 1998 sur le thème de l’abolition de l’esclavage – deux lieux sont désormais consacrés en permanence à cette activité : le Pavillon Tusquets et la Maison de la Villette. À l’issue des travaux, dès 1998, ils accueilleront quatre expositions par an.

Q. : Soumettez-vous l’action culturelle à la politique de lutte contre l’exclusion ?

R. : Il ne s’agit pas de soumettre mais d’accompagner. Dans une société où vivent de plus en plus d’exclus, comment peut-on ne pas comprendre l’importance de la musique, de la danse, du cinéma, de l’écriture, des arts plastiques, de tout ce qui, à des degrés divers, est une manière de communion et de rencontre avec l’autre ? La culture est une manière de retisser le lien social puisque la culture, c’est l’autre. En rapprochant les cultures, en les faisant dialoguer, elles finiront par se comprendre.

 

Nice-Matin - 20 janvier 1997

Nice-Matin : Le syndicat national de l’édition discographique ainsi que les consommateurs réclament depuis plusieurs années l’alignement de la TVA applicable aux disques sur celle en vigueur sur tous les autres produits culturels, notamment le livre. Quel est, sur ce dossier, votre position et, surtout, votre marge de manœuvre ?

Philippe Douste-Blazy : Je partage la préoccupation des professionnels au sujet de l’application à l’édition discographique du taux réduit de TVA. Le livre, le spectacle et le cinéma en bénéficient. Il est évident que je me bats d’autant plus, pour que le disque connaisse un traitement analogue, que les jeunes en seront les principaux bénéficiaires. Ces négociations ne peuvent, en effet, aboutir que dans le cadre de la communauté économique et européenne. C’est pourquoi le ministère de la culture multiplie les démarches en ce sens. La Commission européenne notamment a été saisie, à notre initiative, d’une demande de réexamen de la directive communautaire de la fiscalité de 1992 et j’ai réuni le 20 juin dernier à Bourges les assises européennes du disque. Il s’est dégagé, lors de cette rencontre, une réalité convergence de vue entre les nombreux partenaires présents, et je vois dans les structures européennes, par-delà les « contraintes » que vous évoquez, un contexte favorable à la notion de « bien culturel ».

Nice-Matin : Alors que l’année 96 se solde par une stagnation du (...) disquaires attendent beaucoup de l’instauration d’un « prix plancher ». Où en est-on aujourd’hui ?

Philippe Douste-Blazy : Vous savez qu’il y a un an, lors du dernier MIDEM, je m’étais exprimé à Cannes en faveur d’une réglementation du prix du disque.

Depuis lors, la loi du 1er juillet 1996 constitue une avancée importante, puisqu’elle donne désormais les moyens de sanctionner « les prix abusivement bas » pratiqués en matière discographique.

Nice-Matin : Les disquaires « de coin de rue » sont menacés. Plus de 2 000 au milieu des années 80. Ils sont aujourd’hui moins de 200. Or, ils sont les derniers promoteurs de la création française qui souffre toujours d’ostracisme commercial face aux productions anglo-saxonnes. Quelles est votre analyse de la situation ?

Philippe Douste-Blazy : Il est vrai que nombre de grandes surfaces considèrent le disque comme un « produit d’appel » et n’exposent qu’un petit nombre de références, constitué essentiellement de quelques titres à succès ; 60 % des ventes de disques sont réalisées par la grande distribution, qui ne leur doit environ que 1 % de son chiffre d’affaires.

Pour aider les disquaires spécialistes à survivre dans ce contexte, nous avons notamment mis en place, en liaison avec le ministère du commerce, un dispositif de soutien aux commerces culturels de proximité.

Depuis janvier 1996, une quinzaine de disquaires ont été aidés au titre de dispositif qui permet d’aider à hauteur de 20 % maximum un investissement plafonné à 700 000 francs, consacré à la création ou à l’agrandissement de magasins de disques ou de livres.

Nice-Matin : La croisade pour la chanson française a abouti à l’instauration de quotas sur les radios FM. Deux ans après leur mise en application, quel bilan dressez-vous de cette politique culturelle volontariste ?

Philippe Douste-Blazy : Un an après la mise en application de la loi du 1er février 1994 instaurant un quota de 40 % de chansons d’expression française sur les radios FM, le bilan est extrêmement positif. Les ventes de disques ont largement bénéficié de cette mesure : la part des artistes français sur le marché est, en effet, aujourd’hui de 54 % alors qu’elle était tombée à 46 % en 1993.

Par ailleurs, les radios qui, dans l’ensemble, ont parfaitement joué le jeu, diffusent plus de nouveaux talents, contribuent ainsi au repérage et au lancement de jeunes artistes.

Nice-Matin : Le rap – avec MC Solsar, I am, etc. – semble être aujourd’hui le dernier bastion visible de la chanson française. Porte-voix de la génération banlieue. Il a récemment été pris dans une tourmente juridico-médiatique. Avec du recul, avec du recul, comment analysez-vous l’affaire « NTM » ?

Philippe Douste-Blazy : Le rap est une expression musicale actuelle qui traduit la réalité sociale des banlieues. Sans intervenir en matière de choix artistique. Il est clair en tout état de cause que la liberté d’expression de chacun doit être sauvegardée.

Dans le même temps, ministre de la République, je sais l’importance qui s’attache au maintien de l’ordre public et au respect des lois qui sont le fondement même de l’État de droit.

Nice-Matin : La culture « techno » fait de plus en plus d’adeptes. Soupçonnée d’être un vecteur de propagation des drogues dures (LSD, ecstasy), elle est au centre d’une polémique. De nombreux préfets ont pris la décision d’interdire des « rave party » : quelle est votre position sur ce dossier juridico-culturel ?

Philippe Douste-Blazy : La culture techno est un mode d’expression qui doit être pris en considération dans le paysage des musiques actuelles.

Pour autant que soient pleinement respectés toutes les règles de sécurité et d’hygiène, conformément à la législation en vigueur lors des concerts et des manifestations de musique, je ne pense pas que telle ou telle musique doivent faire l’objet d’un traitement autre que celui accordé aux concerts de rock ou de rap.

D’ailleurs, je m’associe pleinement aux travaux sur la question des « rave party » que mènent la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Une charte de qualité devrait être prochainement élaborés et proposée aux organisations de soirées techno.

 

La Tribune - 20 janvier 1997

La Tribune : Le dossier de la baisse de la TVA a-t-il une chance d’aboutir avant 1999, date de l’harmonisation fiscale européenne ?

Philippe Douste-Blazy. – Oui, et je le souhaite très fortement. C’est un des combats qui me mobilisent le plus. J’ai le sentiment que nous avançons. C’est afin d’expliquer au mieux notre position et convaincre nos partenaires que j’ai demandé à Monsieur André Larquié d’être, en quelque sorte, notre ambassadeur itinérant sur cette question : au cours de l’année écoulée, il a rencontré les pouvoirs publics et les professionnels de tous les pays européens. J’ai, de mon côté, organisé des Assises européennes du disque à Bourges afin d’évoquer, avec les représentants de la commission de pays membres de l’Union et les professionnels, la situation du disque et la nécessité d’une TVA adaptée. Il est plus que jamais important que les professionnels s’impliquent fortement sur cette question, et ce dans tous les pays européens, afin de convaincre l’ensemble des gouvernements. De mon côté, j’aborde cette question à chaque conseil européen et j’ai demandé à la commission de faire un rapport qui devrait nous être présenté très prochainement.

La Tribune : Les éditeurs commencent à se plaindre d’être moins bien traités par le ministère de la culture que les industries du cinéma, alors qu’ils font autant pour la création française. Qu’en pensez-vous ?

Philippe Douste-Blazy. – Les producteurs phonographiques indépendants ont tenu à le rappeler récemment : à la différence du cinéma, le disque ne bénéficie, c’est vrai, que de peu de soutien à la production. Ce type de comparaison a son intérêt, mais doit tout de même être nuancé : l’aide au cinéma doit être comparée à celle accordée à la musique dans son ensemble. Si 1,5 milliard de francs alimentent le soutien au cinéma, la musique bénéficie d’un budget supérieur à 2 milliards.

Pourtant, je suis, comme vous, convaincu qu’il nous faut trouver, malgré un contexte budgétaire difficile, des ressources nouvelles. Le premier objectif est de mettre en œuvre un dispositif d’avance sur recettes dans le domaine du disque. Le second est d’accroître les capacités de subventions. Plusieurs voix nous demandent aujourd’hui d’aller plus loin, y compris, peut-être, par des mécanismes de taxe parafiscale au profit du disque. Vous n’ignorez pas la difficulté d’une telle approche, dans le contexte de rigueur budgétaire. Mais les pouvoirs publics ne sont, a priori, fermés à aucune hypothèse. Encore faut-il que les demandes soient claires. C’est pourquoi j’attends des professionnels eux-mêmes qu’ils nous soumettent des propositions consensuelles.

La Tribune : Quel bilan tirez-vous de la première année d’application des quotas de chansons françaises à la radio ?

Philippe Douste-Blazy. – J’observe, un an après la mise en place des quotas de chansons d’expression française, que cette disposition n’a pas eue, au contraire, d’effets pénalisant pour les réseaux, cependant que de nouveau talents plus nombreux trouvaient la voie d’une programmation sur les antennes. Objet de polémiques l’an passé, cette loi se sera révélée efficace. La plupart des radios dépassent ou avoisinent le taux de 40 % posé par la loi. De plus, il faut souligner que les trois réseaux à format « jeunes » ont vu la forte progression de leur taux de programmation de chansons françaises s’accompagner d’une hausse de leur audience. La loi a eu, en outre, des effets incontestables sur les ventes de disques : les variétés d’expression française sont majoritaires – 54 % en 1996 contre 46 % en 1993 – et ont même progressé en 1996 sur un marché en recul.