Texte intégral
G. Leclerc : C’est vous qui avez mené les négociations en vue d’un accord électoral avec les radicaux et les Verts. Ce serait chose faite. Quelles en sont les grandes lignes ? Cet accord correspond-il à vos attentes ? Est-il historique ?
Dominique Vaillant : Ce n’est pas fait, puisque c’est aujourd’hui que le bureau national du PS va se prononcer sur les bases de l’accord. Je souhaite que cela puisse se faire. Je ne parlerais pas d’accord historique – il faut se méfier des mots – mais je crois que c’est dans la vie politique française, si ça se réalise, un élément très important. L’objectif, c’est l’attente des Français, c’est préparer l’alternance pour une politique alternative. C’est l’objectif. On sait que les Français, notamment la dimension de la défense de l’environnement et la pollution, sont sensibles à ce que les forces de gauche et de progrès se rassemblent. On est dans un mode de scrutin majoritaire pour les législatives. Est-il utile que des écologistes qui s’engagent vers le PS ou vers le rassemblement de la gauche, vers les forces de progrès soient présents à l’Assemblée nationale ? Ma réponse est oui. C’est ce qui fait que nous avons souhaité cet accord entre à la fois les radicaux-socialistes – c’est bien légitime et c’est traditionnel – et aussi, non symboliquement, mais sérieusement, avec les Verts, dans une alliance de premier tour ; au second tour, il y aura un large rassemblement avec celles et ceux qui, comme les communistes, présentent leurs candidats au premier tour avec un large rassemblement au second tour. C’est très important pour les Français, en dehors même des partis politiques, y compris le PS.
G. Leclerc : Une trentaine de circonscriptions seront donc réservées aux Verts. Un accord programmatique est également présent : les 35 heures, le moratoire sur les centrales nucléaires, l’arrêt de Superphénix. N’êtes-vous pas en train de charger encore un peu la barque ?
Dominique Vaillant : Mais non ! D’abord, sur le texte politique – car c’est cela qui fonde les engagements – nous allons l’examiner ce matin. Il est hors de question de charger la barque, mais vous avez bien vu que quand nous avons fait nos propositions sur le terrain économique et social, certains disaient que c’était trop timoré, d’autres que ça allait trop loin. Je pense que l’accord, s’il peut être signé, ce que je souhaite, avec nos amis écologistes, sera un utile complément, notamment dans les domaines qui leur sont privilégiés, celui de la défense de l’environnement. Ça ne charge pas la barque sur le plan économique et sur le réalisme des propositions socialistes vis-à-vis des Français en 1998.
G. Leclerc : Le PCF ne semble pas convaincu et souffle le froid : il évoque votre hégémonisme et votre volonté d’escamoter le débat, en particulier sur l’Europe.
Dominique Vaillant : Je le dis amicalement à Robert Hue : la discussion peut se poursuivre. Elle est ouverte, notamment sur la question de l’Europe. Il est hors de question de refuser toute discussion.
G. Leclerc : Lionel Jospin avait dit « Pas de veto » !
Dominique Vaillant : Certes, pas de vote, mais ni d’un côté, ni d’un autre. Donc, il n’y a pas de volonté hégémonique. Je suis désolé de le dire ici devant vous : un PS qui est capable de maîtriser, y compris par rapport à ses propres fédérations, un accord avec des partis politiques qui ne peuvent pas être présents à l’Assemblée nationale… Je demande à Robert Hue : cela lui convient-il qu’il n’y ait pas d’écologistes de gauche à l’Assemblée nationale ? Nous disons que ce n’est pas convenable. Nous, au contraire, nous sommes ouverts et nous ne voulons pas de l’hégémonie du PS : nous voulons le rassemblement. C’est ce que les Français attendent. C’est ce qui nous guide dans notre volonté de signer un accord aujourd’hui à la fois avec les radicaux-socialistes, les Verts et si possible, le Mouvement des Citoyens.
G. Leclerc : Ça semble mal parti avec le Mouvement des Citoyens !
Dominique Vaillant : On verra bien. On les connaît bien, on se connaît bien. Je verrai tout à l’heure mes amis du Mouvement des Citoyens pour savoir s’il est possible de conclure un accord. Ils y ont intérêt. Je pense que ce serait bien qu’il y ait cette phase de rassemblement dès le premier tour.
G. Leclerc : La réforme de la justice, vous la vouliez. Jacques Chirac n’est-il pas en train de vous couper l’herbe sous le pied ?
Dominique Vaillant : Là encore, le problème avec Jacques Chirac, c’est qu’il a tendance à ne pas tenir ses propres promesses et vouloir tenir celles des autres ! Le problème, c’est que ce serait, semble-t-il, une vraie-fausse réforme de la justice. Lionel Jospin pendant l’élection présidentielle avait, lui, demandé la rupture du lien entre le Parquet et la Chancellerie. Aujourd’hui, après que Jacques Chirac a annoncé en décembre qu’il était pour cette réforme, il propose la création d’une commission ; il n’est déjà plus pour la totale indépendance du Parquet vis-à-vis du Gouvernement ; pendant les six mois qui viennent, les affaires dont tout le monde sait qu’elles existent seront-elles étouffées ou pas ? On n’en sait rien. Et puis, il y a un élément très concret : pour les Français, pour les citoyens du pays, les moyens de la justice, sur le plan budgétaire, seront-ils accrus, comme Lionel Jospin s’était engagé lors de l’élection présidentielle, ce que Jacques Chirac et Alain Juppé n’ont pas traduit dans les différents budgets qu’ils animent depuis maintenant deux ans ? Pas de réforme au rabais : nous serons vigilants. Les Français veulent du vrai, du concret, pas des promesses ou des commissions.
G. Leclerc : Les sondages remontent un peu pour la majorité et le Gouvernement. Avec l’annonce d’une embellie économique et les grandes réformes, le Gouvernement n’est-il pas en train de réussir ?
Dominique Vaillant : Si vous le pensez, c’est votre jugement. Les embellies, méfions-nous qu’elles ne soient artificielles ! Ce que je constate, c’est qu’il n’y a pas d’embellie sur le plan du chômage, de l’investissement, du chômage des jeunes notamment. Je ne crois pas que la politique du Gouvernement soit en train de réussir. C’est l’échec. Ce n’est pas parce qu’on essaie par la communication, par des petits bouquins, par des interventions répétées à la télévision – plutôt d’ailleurs sur le service privé que sur le service public, au passage – qu’on va faire l’embellie. Ce sont les Français qui décideront. Je crois que les Français sont mécontents. Ils ont des raisons de l’être. Nous voulons faire des propositions crédibles, audacieuses pour de la justice, y compris de la justice sociale. C’est cela, l’efficacité.
G. Leclerc : Peut-on reprocher au Gouvernement de vouloir trouver une solution concernant le Crédit Foncier ? Il y a un vrai problème avec 15 milliards de déficit.
Dominique Vaillant : Reconnaissez que là, il n’y a pas d’embellie du tout ! Il y a une méthode, brutale, technocratique, de M. Arthuis, qui conduit à l’impasse. On provoque les salariés. Le Crédit Foncier fait des bénéfices cette année. On sait que c’est un groupe financeur du logement social. On veut encore le privatiser, le démanteler. C’est une mauvaise réforme. La méthode est mauvaise. Il faut que le dialogue reprenne, mais sans manœuvres de la part du Gouvernement. Ils ont beaucoup à apprendre encore, s’ils veulent l’embellie ! Ce n’est pas demain !