Texte intégral
G. Leclerc : Le Mouvement pour la France a tenu ce week-end son premier congrès, et il s’est allié à cette occasion avec le Centre des indépendants, un petit parti issu de la IVe République. Cela suffit-il à constituer une véritable alternance à droite entre le Front national et l’actuelle majorité ?
P. de Villiers : On ne cherche pas à voir un positionnement politicien mais si vous voulez, aujourd’hui, il y a énormément de Français qui ne se reconnaissent pas, ne se retrouvent pas dans la vie politique parce que la déception est grande, que les gens attendent autre chose et cette autre chose n’arrive pas. Alors, c’est la raison pour laquelle nous sommes en train de créer, avec nos amis du Centre national des Indépendants, un pôle de résistance du déclin, de rassemblement auquel les Français pourront, s’ils le souhaitent, raccrocher leur espoir.
G. Leclerc : En 1998, vous voulez présenter des candidats dans toutes les circonscriptions. Cela veut dire peut-être qu’il va falloir que vous vous ouvriez à d’autres.
P. de Villiers : Tout à fait.
G. Leclerc : Et vous pensez que vous allez trouver des candidats au sein de la majorité, des gens qui sont prêts à quitter la majorité ?
P. de Villiers : Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens en France qui ne se retrouvent pas dans le plan d’étatisation de la sécurité sociale qui porte atteinte à la médecine libérale, dans l’appel du ministère de la justice dans l’affaire NTM, dans l’absence totale de politique sur la sécurité, l’immigration, la famille, l’école et naturellement l’absence totale de politique pour l’emploi puisque les gouvernements successifs depuis M. Bérégovoy nous disent la même chose, à savoir qu’il n’y a pas d’autre politique que la politique que nous menons. Nous pensons qu’il y a une autre politique dans tous les domaines que je viens citer et qu’il ne faut pas attendre, parce que sinon on va avoir le retour des socialistes. Et nous, nous sommes le rempart contre le retour de la gauche.
G. Leclerc : C’est un peu aussi ce que dit C. Pasqua, non ?
P. de Villiers : Oui.
G. Leclerc : Vous pensez que vous n’êtes finalement pas très loin l’un l’autre ?
P. de Villiers : Sur la question de la nation et de la dignité de la politique, à savoir rompre avec le socialisme, je pense qu’il y a des gens aujourd’hui de plus en plus nombreux mais qui ne le disent pas encore à voix haute. Eh bien, nous sommes là pour les accueillir.
G. Leclerc : Vous avez dit que vous n’avez plus rien avoir avec la majorité UDF-RPR. Mais, et c’est surprenant, par exemple sur les questions d’emploi, le Gouvernement en fait sa priorité, J. Chirac part en croisade pour l’emploi des jeunes, il soutient les stages diplômants, et sur tout ça vous êtes en désaccord ?
P. de Villiers : Sur les stages diplômants : c’est une excellente chose. Moi, dans mon département, j’ai créé une dizaine d’école universitaires qui sont fondées sur ce principe-là avec la relations école-entreprise et il y a 90 % de ces élèves qui sortent de ces écoles et qui trouvent un job dans les six mois Donc, c’est une excellente chose. Sur la politique de l’emploi qui est menée, c’est une politique de l’emploi qui est la même que celle de F. Mitterrand. Je crois qu’il n’y a de politique de l’emploi nouvelle que celle qui est la même que celle de F. Mitterrand. Je crois qu’il n’y a de politique de l’emploi nouvelle que celle qui repose sur trois principes. Premier principe, il faut stopper le déménagement de nos usines dans les pays à bas salaires. Cela veut dire exiger la protection douanière européenne. Tant que l’on ne fera pas cela, on sera victime de la mondialisation. Deuxièmement, il faut arrêter la marche forcée à la monnaie unique, qui nous épuise. Troisièmement, il faut permettre à nos entreprises et notamment aux petites et moyennes entreprises, aux artisans, aux petits commerçants, de recréer des emplois. Il faut donc arrêter l’asphyxie, donc baisser les impôts et pour baisser les impôts, baisser les dépenses publiques. Tout ceci n’est pas fait.
G. Leclerc : mais le Gouvernement baisse les impôts, il réduit les déficits et notamment ceux de la sécurité sociale. Vous ne pouvez qu’approuver tout cela !
P. de Villiers : Pour ce qui est du déficit de la sécurité sociale, on dit qu’on baisse le déficit mais en définitive, on creuse des trous ! Regardez le budget de l’État. Le déficit pour 1997 est de 280 milliards. On a dit qu’on allait baisser le nombre des agents publics. On ne le fait pas ! Bref, l’État se comporte comme une entreprise qui dirait : "je fais des économies" et qui n’en ferait pas. Eh bien, elle irait à la faillite et au tribunal de commerce. Or, nous sommes dans cette situation où il y a un manque de courage politique. Par exemple, on ne fait pas de l’entreprise une vraie priorité. Que dire des socialistes qui proposent des quotas d’embauche systématiques et obligatoires ! On est dans l’aberration. Il faut rompre avec cette espèce de socialisme rampant et de soviétisation de la société française. C’est ce que nous proposons.
G. Leclerc : Il y a une réforme sur laquelle vous êtes d’accord au moins, c’est celle de la justice qui est un des grands chantiers du chef de l’État. L’indépendance du parquet, la présomption d’innocence, tout cela vous êtes d’accord ?
P. de Villiers : Oui, mais on peut le faire et il n’y a pas besoin de réunir une commission et de faire appel aux amis de M. Badinter pour dire ce qu’il faut faire. Donnons des moyens tout de suite à la justice. Elle doit être indépendante : qu’on arrête d’envoyer des hélicoptères au Népal et qu’on donne la garantie à tous les magistrats, notamment lorsqu’ils enquêtent sur des affaires politico-financières, qu’ils seront désormais parfaitement indépendants. Il suffit de la déclarer solennellement et de le faire !
G. Leclerc : L’inventaire des biens juifs confisqués lors de la Seconde guerre mondiale, annoncé par A. Juppé, est-ce une bonne décision ?
P. de Villiers : Très bonne décision. Pourquoi a-t-on dû attendre si longtemps, c’est comme pour le procès Papon. Moi, j’ai une thèse personnelle : comme F. Mitterrand était à Vichy, il n’a jamais cherché à en savoir plus sur ce qui s’est passé. Je crois qu’un peuple comme le peuple français a tout intérêt à faire la vérité, c’est la vérité de la mémoire.
G. Leclerc : La Ve République a ses règles, ne risquez-vous pas d’être broyé par le système majoritaire ? N’allez-vous pas être amené tôt ou tard, à rejoindre la majorité actuelle ?
P. de Villiers : Je crois que la Ve République, fondée sur le scrutin majoritaire, a ses règles dans une situation classique. On n’est plus dans une situation classique. Aujourd’hui, le chômage est insupportable et il faut qu’il y ait des gens qui se lèvent et qui disent tout haut ce que les autres pensent tout bas. Je suis persuadé d’être un porte-parole de tous ceux qui disent : "moi, je ne veux plus allez voter". Moi, je leurs dis : je comprends que vous n’ayez plus envie de voter puisque la droite et la gauche c’est la même chose ! Mais ne perdez pas espoir, il y a des gens qui pensent comme vous et qui vous disent : rejoignez le mouvement de ceux qui ne veulent pas voter, et qui voteront pour nous.