Déclaration de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, sur la situation et les perspectives du courtage d'assurances et sur la réglementation de la profession de courtier, Paris le 4 décembre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assemblée générale de la Fédération des courtiers d'assurances à Paris le 4 décembre 1996

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,


C’est pour moi un grand plaisir de participer à votre assemblée générale, particulièrement en cette année où vous fêtez le centenaire de la création de l’ancêtre de votre fédération, le syndicat des courtiers d’assurance de la région parisienne.

Les mutations successives de votre organisation professionnelle, principalement marquées par la création, en 1936, du syndicat national des courtiers d’assurances et de réassurance, et en 1991, par la naissance de la Fédération des courtiers d’assurances, témoignent de votre capacité d’adaptation à l’évolution du marché de l’assurance et de ses impératifs.

Il n’y a pas de marché efficace sans intermédiation de qualité. C’est une condition fondamentale du marché de l’assurance. Je suis persuadé que les courtiers d’assurance ont une responsabilité particulière dans la qualité de cette intermédiation et de ce fait dans la réputation de l’assurance française, que ce soit en France ou à l’étranger.

C’est dans cette optique que je souhaiterais vous faire part de mes observations sur la situation actuelle et les perspectives du courtage, ainsi que des priorités que nous devons nous fixer dans nos travaux communs.

1. Quelles sont, de mon point de vue, la situation et les perspectives du courtage d’assurances ?

A. depuis quelques années, le rôle et la place des courtiers évoluent de façon très sensible.

Avec un nombre de cabinets légèrement supérieur à 2 000, votre profession peut paraître peu nombreuse pour une tâche si importante, particulièrement si on la rapporte à sa part de marché : 20 % en assurance dommage, 7 % en assurance vie.

Face aux défis et aux mutations du marché et de l’environnement économique vous avez pourtant remarquablement su vous adapter et évoluer. On ne peut qu’être frappé par la diversité des facettes de votre profession, signe évident de votre dynamisme.

Vous avez été conduit à cette adaptation réussie par un ensemble de facteurs dont vous avez su tirer parti.

En premier lieu, l’essor de nouveaux modes de distribution, bancassurance et vente directe par exemple, vous ont conduit, dans un contexte marqué par la réduction des coûts d’intermédiation, à développer plus encore qu’auparavant l’importance de votre rôle de conseil et d’ingénierie de produits d’assurance.

Cette évolution a été, et est encore, encouragée par la jurisprudence, qui affirme de façon de plus en plus nette l’existence à la charge des courtiers d’un devoir de conseil des assurés. Il est vrai que par la complexité de la matière et la durée des engagements contactés, l’assurance expose le consommateur à des risques particuliers.

Le ministre de l’économie et des finances, garant des équilibres prudentiels et de la protection des épargnants, ne peut qu’être sensible à ce rôle de conseil qui vous fait participer à la cohésion sociale de notre pays par une bonne prise en charge des risques que court chacun d’entre nous.

Votre évolution est également encouragée par la tendance des entreprises d’assurances à segmenter le marché et à reconnaître à chacun des modes de distribution une place et un rôle propres pour un produit ou une clientèle déterminée.

B. Je sais que vous êtes conscients de ces enjeux et que vous relevez le défi.

En témoignent les deux points de part de marché de l’assurance dommage que vous avez gagnés entre 1991 et 1995.

Cette prise de conscience s’est traduite par l’accélération d’un processus de concentration engagé depuis plusieurs années.

Il me semble que ce mouvement est indispensable pour ceux d’entre vous qui font le pari de l’offre globale, des montages financiers complexes, de l’assurance de risques industriels lourds. Ces activités requièrent en effet une surface financière et une capacité d’accès aux marchés internationaux qui rendent indispensable la conclusion d’alliances commerciales ou capitalistiques.

Ce processus de concentration affecte également, mais de façon peut-être moins immédiate, ceux d’entre vous qui se spécialisent sur le service de proximité aux particuliers ou aux PME pour leur offrir des prestations sur mesure et à haute valeur ajoutée.

C. Croyez bien que les pouvoirs publics sont parfaitement conscients de ces enjeux.

Leur action, dans le domaine de l’assurance, est marquée par le souci permanent de concilier leurs responsabilités en matière de protection des assurés avec la préoccupation de favoriser la compétitivité des entreprises, dont font partie les cabinets de courtage.

2. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les chantiers qu’il nous appartient de mener à bien ensemble.

Je voudrais particulièrement insister sur deux de ces chantiers qui me tiennent à coeur : il s’agit en effet de développer la place de la France sur le marché international et de conforter sans cesse la réputation du courtage.

A. Développer la place de la France sur le marché international

C’est désormais une banalité de le dire, la mondialisation de l’économie, l’ouverture de nos frontières ont constitué dans les années récentes l’un des plus profonds bouleversements de nos habitudes. La France a su brillamment y faire face. Je l’ai rappelé tout à l’heure : la capacité d’adaptation des acteurs économiques, et, en particulier la vôtre, a été remarquable. La modernisation de nos méthodes, les gains de compétitivité que nous avons réalisés nous ont permis de tenir notre place face à une concurrence considérablement renforcée.

Tenir notre place, maintenir nos parts de marché ne suffit pas. Il faut résolument attaquer le marché international et notamment européen. Je sais que vous vous employez avec succès. Sachez que le gouvernement et, en particulier le ministère de l’économie est à vos côtés dans cette entreprise.

Cet esprit de conquête est d’autant plus nécessaire que le marché unique européen est une réalité notamment par la libre prestation de service. C’est désormais sur notre territoire que la compétition des cabinets de courtage internationaux se développe. De la même façon vos cabinets s’implantent dans le pays de la communauté européenne avec un dynamisme dont je me félicite.

B. C’est dans un environnement compétitif que nous devons faire porter nos efforts sur un second point. Il s’agit en effet de conforter sans cesse la réputation du courtage d’assurance.

Nos chantiers communs sont nombreux.

La priorité me semble cependant devoir être réservé à d’eux d’entre eux qui sont déterminants pour renforcer encore et toujours la réputation de fiabilité et de professionnalisme du courtage d’assurance. Nous devons viser l’excellence et je sais que c’est l’une des préoccupations majeures de votre assemblée générale.

Il s’agit notamment de l’amélioration des exigences de formation des intermédiaires d’assurance et de la mise en place de la liste des courtiers.

1) J’entends couramment trois reproches à l’égard des exigences réglementaires de formation intermédiaires :

a) la distinction qui est faite selon le niveau de responsabilité n’est pas en phase avec les pratiques actuelles de délégation de compétence dans les cabinets de courtage, les agences ou les réseaux à guichet.

b) le niveau minimum – 150 heures – n’est pas très élevé. L’uniformité des exigences ne tient par ailleurs pas compte de la diversité des profils.

c) surtout, il n’existe aucun dispositif de contrôle objectif de la délivrance de la formation, et par conséquent, du respect de l’une des conditions d’octroi de la qualité d’intermédiaire d’assurance.

A l’analyse, ces critiques me paraissent suffisantes pour que soit entreprise sans tarder une réforme de la réglementation en ce domaine. Je vous propose que nous y travaillions ensemble.

Cette réforme devra tirer profit des expériences pilotes qui ont été menées par la profession, et en particulier celle de la Fédération des Courtiers d’assurance, à laquelle ne peuvent désormais adhérer que les courtiers qui ont passé avec succès un test de compétences.

Il n’y aura cependant de réforme que si nous parvenons à recueillir sur ce sujet un accord de l’ensemble de la profession, tous modes de distribution confondus, ce qui suppose que soient laissées de côté les arrière-pensées qui ont peut-être inhibé la réflexion sur ce sujet.

L’Etat peut vous aider à faire émerger un consensus.

Je souhaite que, compte tenu de l’avance que vous avez pris dans ce domaine, vous participiez de façon très active à la formation de cet accord.

2) Le deuxième chantier, plus spécifique encore à votre profession, a trait à la mise en place – prévue par la loi – d’une liste des courtiers.

Ce chantier est difficile dans la mesure où la tenue de cette liste suppose l’existence d’un mécanisme de vérification du respect des obligations réglementaires par les intermédiaires inscrits.

Il est impératif de surmonter ces difficultés. L’existence d’une liste fiable sera en effet déterminante pour que les assurances de responsabilité civile puissent tarifier de façon objective et transparente l’assurance obligatoire des courtiers.

Je salue les efforts faits par votre fédération au bénéfice de ses membres pour mettre à leur disposition, par minitel, un ensemble d’informations et d’outils susceptibles de les recenser et de les aider dans la gestion de leurs cabinets.

Je sais que les travaux que mes services ont engagés avec vous sur l’établissement de la liste des courtiers ont progressé. S’il est indispensable d’impliquer les organisations professionnelles dans la tenue de cette liste, il me paraît difficile que cette orientation se traduise par l’attribution d’un monopole à l’une ou l’autre de ces organisations.

En tout état de cause, le dispositif qui sera en définitive adopté devra répondre à deux impératifs :

- Il devra être fiable que chacun – assureurs et assurés – puissent s’appuyer dessus ;

- il devra également être aisément utilisable par les assurés, ce qui signifie qu’il soit lisible et accessible à tous.

Ces chantiers sont difficiles. Je sais leur importance pour l’avenir de votre profession. Sachez que vous pouvez compter sur mon implication personnelle pour qu’ils soient menés à bien.


Je vous remercie.