Texte intégral
Mes chers compatriotes,
Amis, militants et sympathisants du Rassemblement pour la France, je vous salue !
Vous êtes venus par milliers au rendez-vous de l'espoir, de l'avenir et de la France retrouvée.
Vous êtes venus au congrès fondateur du RPF avec, au coeur, cette émotion que j'éprouve moi aussi avec tant d'intensité. C'est l'émotion de la naissance d'un grand rassemblement politique, c'est l'émotion de la Renaissance de la France, c'est l'émotion de pouvoir enfin dire ce que vous pensez.
Vous êtes venus au congrès fondateur du RPF avec cette satisfaction du pari réussi, oui nous avons donné tort à tous les sceptiques, tort à tous les narquois, tort à tous les défaitistes.
Ils pensaient que notre liste ferait de la figuration aux élections européennes, elle est devenue dans la vérité des urnes la première force de l'opposition.
Ils pensaient que nous allions rester à quai, nous avons pris le grand large. Ils pensent peut-être encore que nous ne serons pas à tous les rendez-vous électoraux : ils devront, une fois encore se rendre à l'évidence. Le RPF existe, il sera la force conquérante dans toutes les élections prochaines.
Salut à vous tous et à vous toutes, qui êtes venus de toute la France, de toute notre France pour créer aujourd'hui avec nous le Rassemblement des Français qui croient toujours à la France !
Nous sommes le grand rassemblement des patriotes et des républicains. Nous sommes le rassemblement qui renaît à chaque fois que la France a besoin que ses enfants s'assemblent pour la défendre ou pour la sauver.
Oui, vous êtes le parti de la France ! Vous êtes le parti qui a toujours surgi des profondeurs de notre pays, du coeur de notre peuple, de l'âme de notre histoire, dès lors que ceux qui avaient en charge son destin l'avaient abandonné, trahi, déserté, ou tout bonnement délaissé.
Oui, vous êtes, nous sommes, à dater de ce jour, le parti de la France et nous nous engageons à agir en toutes circonstances comme le parti de la France !
Ce parti, ce rassemblement, nous vous le devions, je vous le devais, en réalité, depuis plus de sept ans, depuis ce 20 septembre 1992 qui vit la moitié des Français, ou peu s'en faut, refuser le funeste traité de Maastricht.
Ils furent ce jour-là près de 14 millions à dire non ! C'est vers toutes celles-là et vers tous ceux-là que j'entends que s'oriente et se développe le Rassemblement pour la France ! Je le souhaite d'autant plus que je suis persuadé qu'il y en aurait aujourd'hui davantage encore pour s'opposer à la disparition de la souveraineté nationale.
Car je vous le dis d'emblée, amis, compagnons, citoyens, je ne fonde pas le Rassemblement pour la France pour ajouter un parti de plus au large éventail que nous connaissons déjà, que nous connaissons que trop.
Je fonde le Rassemblement pour la France parce que je suis sûr que nous allons, dans les trois ans qui viennent, rendre aux Français le goût de la France et, par voie de conséquence, à la France, la maîtrise de son destin !
A mes côtés, et en tête de ce combat, il y a Philippe de Villiers qui a toujours été présent au premier rang, quand il s'est agi de défendre la souveraineté de la France et la liberté des Français. Depuis 1992, nous agissons côte-à-côte. Maintenant, ainsi que vous l'avez voulu, nous allons avancer ensemble ! Et, n'en doutez pas, ensemble nous allons vous conduire à la victoire !
Mes chers compatriotes, il paraît que nous sommes le parti de la peur et celui du repli. Il ne se passe pas de jour que ceux qui nous gouvernent, si l'on peut dire, ou que ceux qui nous informent, ne s'en prennent à notre démarche naissante.
« Il ne faut pas avoir peur de la mondialisation », nous dit M. Chirac. « Il ne faut pas avoir peur de la mondialisation », répond Jospin l'écho. « La mondialisation est une chance pour la France », nous affirment d'une même voix le Monde libéré et Libération mondiale.
Haro sur les souverainistes ! Ainsi l'ont décrété tous les répète-Jacquot de la pensée unique !
Heureusement, il y a les Français, et les Français, quant à eux, ont bien ressenti le danger que, une fois encore, ne perçoivent pas leurs élites distinguées, à savoir qu'en perdant leur souveraineté, ils sont en train de perdre tout ce qui faisait des hommes et des femmes de ce pays des acteurs de leur propre destin, ce que mille ans d'histoire et deux siècles de République leur avait permis d'acquérir : personnalité et citoyenneté.
Non, les Français n'ont pas peur, mais ils sentent le danger.
Les Français le sentent même s'ils n'arrivent pas à expliquer ce sentiment étrange.
Constamment abreuvés d'informations lénifiantes, ils essaient tant bien que mal de chasser cette sombre pensée et s'efforcent de croire ce qu'on leur demande de croire : que l'avenir est radieux, que le chômage baisse, que l'éventail des revenus se resserre, que la consommation et l'individualisme sont les clés du bonheur, qu'Internet représente un changement de civilisation qui disqualifie tout ce qui l'a précédé, que l'Europe est une construction enthousiasmante qui leur ouvre les portes de l'avenir, et que la mondialisation est une aubaine pour la France.
Oh certes, nos compatriotes en font, des efforts, pour se persuader de tout cela et pour ne pas paraître « ringards » aux yeux de ces directeurs de conscience qui leur dictent ce que sont indubitablement l'avenir et le sens de l'histoire, cette fois-ci découvert pour de bon !
Oui mais voilà : jour après jour, médecins et sociologues, prêtres et psychiatres, historiens et démographes, responsables d'associations et politologues sont contraints de dresser un constat bien différent :
- Pourquoi les Français se classent-ils désormais parmi les premiers consommateurs mondiaux de médicaments antidépresseurs et anxiolytiques ?
- Pourquoi la violence sous toutes ses formes ne cesse-t-elle de s'accroître, en plongeant nos concitoyens dans l'angoisse, et d'abord les plus vulnérables d'entre eux ?
- Pourquoi les Français se précipitent-ils en masse sur les aliments biologiques et les produits du terroir, sur les produits de jardinage, les rosiers anciens et les systèmes d'alarme ?
- Pourquoi plébiscitent-ils ceux qui s'insurgent : cheminots, routiers, paysans ?
- Pourquoi se découvrent-ils une passion collective pour les recherches généalogiques ?
- Pourquoi font-ils de moins en moins d'enfants ?
- Pourquoi continuent-ils à placer, envers et contre tout, et avec l'étonnante pudeur d'un amour blessé, la France, la famille et les amis au firmament des valeurs quand on les interroge sur les choses auxquelles ils tiennent le plus ?
Voilà bien les sujets quotidiens qui touchent nos compatriotes au plus profond d'eux-mêmes, ceux dont les partis politiques ne leur parlent presque jamais, en préférant leur asséner doctement de grandes abstractions et des promesses de lendemains qui chantent, quand ce ne sont pas des solutions aux antipodes de la générosité de la France.
En vérité, un nombre croissant de faits, de statistiques, de confidences, nous montrent que la grande majorité de nos compatriotes souffre silencieusement de l'inhumanité diffuse d'une société dans laquelle ils arrivent de moins en moins à se reconnaître.
C'est cela que ressent le peuple français, avec le flair infaillible d'un grand peuple héritier d'une grande histoire. Il sent que ce qui est en jeu, désormais, est une chose immense, un combat d'ampleur historique.
La France est en danger, comme elle l'a déjà été dans l'Histoire mais, cette fois-ci, d'une façon inédite et sournoise. La France n'est plus attaquée dans sa chair et dans son sang, comme elle le fut jadis, comme elle le fut naguère. La France est désormais attaquée dans son cerveau, dans sa mémoire et dans sa personnalité la plus intime.
Les Françaises et les Français, s'ils sentent le danger, n'arrivent pas à le nommer. Pourtant, ce danger a un nom, toujours le même, à travers toute l'Histoire : il s'appelle l'Empire. Il désigne cette volonté de domination sur les peuples, les langues et les nations à laquelle finit toujours par succomber toute puissance dominante, lorsqu'elle ne trouve plus, en face d'elle, le contrepoids nécessaire à son pouvoir ou l'homme capable de lui dire : « Non ».
Et cette force dominante en vient à perdre peu à peu le sens des réalités et à s'épandre au-delà de toute mesure, jusqu'à ce que l'accumulation des contradictions qu'elle suscite la conduise à sa perte. Car, comme le dit l'adage, « Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre ».
Or, c'est sans doute la caractéristique de notre époque de découvrir que la volonté de domination mondiale peut désormais emprunter d'autres voies que celles des armes et de la violence physique.
C'est notre redoutable privilège de constater qu'il est possible de dominer des peuples, des langues et des nations, et les rendre étrangers à eux-mêmes, par la force impalpable des mouvements financiers, par l'invocation cynique de nobles sentiments, par l'utilisation savamment trompeuse de mots sympathiques, par la séduction des images et des sons.
Si le mouvement qui est le nôtre aspire à conduire un jour les destinées de la nation, et à restaurer la grandeur et la souveraineté de la France, alors, il va nous falloir d'abord expliquer au peuple français, avec la mesure, le courage et le respect que nous lui devons, en quoi consiste ce danger.
Et il nous faut aussi lui présenter les moyens que nous proposons pour permettre à la France de triompher de cette « guerre sans mort » qui est en train de voler insensiblement notre personnalité et notre faculté à décider nous-mêmes de notre destin.
Ne nous y trompons pas : nous devons nous battre pour restaurer notre liberté, notre souveraineté et notre indépendance. Nous le devons non seulement à l'histoire de notre pays et à toutes les générations qui ont fait la France. Mais nous le devons surtout aux générations futures, et nous le devons encore au reste du monde.
Car, comme le disait admirablement le général de Gaulle, il existe « un pacte multiséculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». Depuis Vercingétorix, Philippe le Bel, Jeanne d'Arc, François Ier, Richelieu, Carnot, Clemenceau, jusqu'à Charles de Gaulle, la France n'a été la France qu'en opposant toutes ses forces à la volonté d'asservissement de sa liberté par la puissance impériale du moment. Et la grandeur de l'Histoire de notre pays a été de prouver aux yeux du monde que rien, même l'empire le plus puissant, ne peut tenir contre la volonté de dignité et de liberté des peuples.
Pour comprendre comment s'exerce cette « guerre inconnue » dont parlait François Mitterrand à la fin de son double septennat, il nous faut d'abord avoir les idées claires, et savoir faire preuve de discernement dans la confusion de notre époque.
Cette « guerre » repose précisément sur la confusion créée par la « pensée unique », cette idéologie dominante qui prétend avoir découvert, le sens de l'Histoire. Pour nos idéologues contemporains, l'avenir est tout tracé : il va se dérouler, ils en sont sûrs, selon les quatre évangiles de la « mondialisation », du « libre-échange », du « fédéralisme européen » et du « droit de l'hommisme ».
Cette pensée unique procède, et c'est sa deuxième caractéristique essentielle, à un véritable lavage de cerveau, qui est la source de la confusion générale des esprits contemporains. Cette escroquerie intellectuelle consiste à présenter les grands événements que nous vivons comme des faits s'imposant à nous, alors qu'ils ne sont rien d'autre que des choix opérés à l'insu des peuples.
La philosophie politique fondamentale du RPF consiste précisément à démasquer cette imposture capitale de notre temps, qui embrouille les esprits et asservit notre liberté.
On nous présente la « mondialisation » comme si c'était un phénomène tombé du ciel, comme si c'était l'aboutissement inéluctable du progrès de l'humanité ; et l'on nous explique qu'il faut en conséquence démanteler en urgence ce qui reste d'obstacles aux échanges.
Mais c'est faux ! C'est au contraire parce que les dirigeants des grands pays développés ont décidé en catimini, depuis une dizaine d'années, de déréglementer à outrance les échanges de marchandises, de services et de capitaux que se développent des phénomènes nouveaux, que l'on a baptisés « mondialisation ».
On nous assure que l'on va prochainement assister à l'avènement d'un « monde multipolaire », comme s'il s'agissait d'une irrésistible loi de l'Histoire découverte dans le marc de café ; et l'on nous explique en conséquence que c'est cette loi qui nous oblige à « construire l'Europe », que cela nous plaise ou pas.
Mais c'est faux ! C'est au contraire parce que l'on a décidé, en 1992, de construire une Europe fédérale, que l'on croit déceler maintenant un nouveau « pôle » dans le moindre regroupement régional, afin de se rassurer sur le bien-fondé historique des traités de Maastricht et Amsterdam.
On nous assène une propagande incessante pour nous faire admettre que la construction fédérale européenne correspond au souhait des peuples d'Europe, et qu'elle représente le triomphe des idéaux démocratiques.
Mais c'est faux ! C'est au contraire parce que les peuples d'Europe y sont de plus en plus indifférents ou rétifs que l'on accélère l'allure de l'intégration, tout en refusant, comme ce fut le cas en France, de soumettre à référendum les nouveaux transferts de souveraineté, de peur d'essuyer un large rejet.
On veut maintenant nous faire croire que le monde était une jungle commerciale ; on veut nous faire croire que c'est à cause de conflits commerciaux permanents que l'on a lancé des négociations commerciales multilatérales et qu'on a institué l'OMC ; on veut nous faire croire que l'objectif est d'établir enfin un ordre international stable.
Mais tout cela est faux ! C'est au contraire parce que l'on a démantelé avec frénésie, au nom d'une idéologie ultra-libérale, les réglementations qui avaient été élaborées dans le cadre du GATT que le monde est en train de devenir une jungle. Que l'on sache, la « guerre de la banane » ou le conflit du « boeuf aux hormones » sont bien apparus depuis les accords de Marrakech, et non avant !!!
Quiconque examine d'ailleurs les premiers résultats de ces démantèlements tous azimuts ne peut qu'être frappé par le constat : une montée continue du désordre planétaire, une multiplication effrénée des contentieux commerciaux, une hausse vertigineuse des écarts de revenu entre les nations et à l'intérieur de chaque nation, une flambée planétaire des violences civiles.
Dans tous les cas, ces tours de passe-passe idéologiques poursuivent les mêmes objectifs :
- imposer l'idée d'une fatalité dans l'esprit des Français ;
- leur faire croire qu'il existe une pesanteur économique et technologique indépendante de toute volonté humaine ;
- intimider nos concitoyens en leur laissant entendre qu'ils sont trop ignorants, trop inconstants, trop incompétents, pour que l'on puisse tenir compte de leur avis ;
- leur faire croire que le monde contemporain est devenu quelque chose de tellement compliqué qu'il est préférable de s'en remettre aux gens sérieux, aux experts autoproclamés, parés des vertus supposées de la connaissance ou de la technique.
Dans tous les cas, ces tours de magie idéologique ont le même résultat : décourager toute volonté de résistance nationale face au rouleau compresseur qui est en train de broyer la planète pour le plus grand profit de la civilisation nord-américaine et des grands groupes d'industries et de services qui la façonnent.
Qui ne voit que ces évolutions reviennent à retirer leur souveraineté aux peuples, à vider de sens la notion même de démocratie, à transformer les responsables politiques en marionnettes interchangeables et dérisoires n'ayant plus la faculté de modifier le scénario ?
Rien n'illustre mieux cette spoliation de la démocratie que la multiplication, dans tous les domaines, des autorités dites « indépendantes ».
Mais de qui ces « autorités » sont-elles donc « indépendantes » si ce n'est du suffrage universel ? Et comment est-on sûr que les experts qui les composent sont « indépendants » des intérêts catégoriels les plus actifs, du poids des marchés financiers, de l'influence de quelques grands groupes industriels ou de services, ou tout bonnement de la pression diffuse des idées à la mode ?
Pour la pensée unique, la mondialisation est un « fait » qui s'impose, et dont la preuve par neuf s'appelle : « Internet ».
Cette messagerie électronique est sans cesse présentée comme un changement de civilisation tel qu'il rendrait à la fois impossibles techniquement, ridicules intellectuellement, et suspects moralement, toute volonté d'indépendance, tout contrôle toute loi, de quelque nature que ce soit.
On invoque tour à tour Internet :
- pour dénoncer la trop lourde fiscalité des stock-options ;
- pour tempêter contre les avantages acquis ;
- pour vitupérer la sous-productivité de nos services publics ;
- pour stigmatiser l'anachronisme de nos régimes sociaux ;
- pour ridiculiser la volonté de préserver des productions culturelles ou audiovisuelles nationales ;
- pour refuser la taxation des mouvements financiers internationaux ;
- pour tourner en dérision ceux qui pensent que le cadre de la Nation et de la République demeure d'une actualité irremplaçable ;
- pour qualifier de « ringards » ou de « nostalgiques » tous les Français qui gardent la tête froide et flairent la supercherie.
Le rôle d'un homme d'État est d'expliquer à ses concitoyens que ce discours est une véritable mystification : autrement plus révolutionnaires qu'Internet, les inventions du téléphone, de l'automobile, de l'avion, de la radio, de la télévision, des ordinateurs, des satellites et des fusées interplanétaires n'ont jamais empêché les États-nations de protéger – s'ils le voulaient – leur indépendance, leurs spécificités culturelles et leurs régimes sociaux.
Internet est certes un bel outil de communication et il ne vient à l'idée de personne de le nier.
Est-ce, cependant, Internet qui a changé les rapports de force mondiaux, ou est-ce l'effondrement de l'URSS ?
Replaçons donc les théories de la « mondialisation » à leur juste place, en remarquant qu'il n'y a guère qu'en Europe, et singulièrement en France, que l'on trouve des prophètes de la fin des nations. Partout sur la planète, on assiste au contraire au triomphe de l'idée de nation, comme en témoigne l'augmentation continue du nombre d'États à l'ONU, passé de 51 en 1945 à 188 de nos jours, suivant un rythme d'accroissement qui ne s'est pas démenti au cours du demi-siècle et qui n'est pas prêt de se démentir.
S'il est bien, d'ailleurs, un pays qui défend bec et ongles ses intérêts nationaux, où l'idée de nation et le patriotisme font l'objet d'ardentes déclarations de la part des plus hauts responsables comme de l'homme de la rue, c'est bien les États-Unis d'Amérique que nos bons apôtres du dépassement des nations, en Europe, prennent pourtant comme modèle permanent. Ne nous laissons donc pas intimider.
Autre idée reçue de la pensée unique, le « monde multipolaire » n'est pourtant rien d'autre qu'une idée fausse, démentie quotidiennement. Le monde n'est pas « multipolaire ». Il est « inter-national » et les liens tissés par les États nations s'organisent selon une multitude d'affinités et de périmètres variables.
La France, par exemple, ne limite heureusement pas son action diplomatique au seul périmètre de l'Union européenne. Elle conserve un rang de grande puissance par son appartenance au club très fermé des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont sont exclus 13 des 15 États membres de l'Union. Malgré toutes les déclarations sur le « monde multipolaire », aucun gouvernement français n'envisage bien sûr de céder notre siège à la Commission de Bruxelles, ce qui prouve que nous nageons en pleine hypocrisie permanente.
Oui, nous avons un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, mais pas un strapontin à l'OMC. Cherchez l'erreur…
Voilà bien la démonstration de la sottise du procès d'intention fait au RPF par les tenants de la pensée unique qui prétendent que nous ne comprendrions rien au monde contemporain et que nous serions favorables à un renfermement nostalgique et irréaliste sur nous-mêmes.
Nous touchons ici à un point capital sur lequel je veux insister. Bien sûr qu'un renfermement sur nous-mêmes serait ridicule et irréaliste ! Mais ce n'est absolument pas ce que nous proposons !
Ce que nous voulons, nous, c'est défendre notre souveraineté nationale, c'est nous opposer aux dérives de l'OMC, à la dictature du libre-échange radical et au fédéralisme européen. Cela n'a rien à voir avec le repli sur soi ! C'est tout au contraire vouloir redonner vigueur à cette multitude de coopérations internationales qui permettent aux nations souveraines des cinq continents de traiter sur un pied d'égalité, dans le respect de la liberté et de la souveraineté de chacune d'entre elles.
Ce sont ceux-là mêmes qui prétendent enfermer les intérêts de la France dans une structure qui s'arrête à Gibraltar et à Thessalonique, qui sont les partisans nostalgiques de l'époque révolue d'une Europe-centre du monde.
À l'échelle du monde, la France ne saurait se réduire à sa vocation européenne.
La théorie du « monde multipolaire » ne doit donc pas plus nous impressionner que celle de la « mondialisation » car son objet est seulement de faire croire au peuple français que la construction européenne obéit à une loi de l'Histoire. Il n'est pas bon signe que nos gouvernants usent de cet argument pseudo-scientifique pour tenter de justifier la fuite en avant dans une affaire qui ne suscite plus, au bout du compte, que l'ennui, le désintérêt ou une sourde hostilité.
Ce sens de l'Histoire, il faut bien plutôt le voir hélas, dans la montée, inexorable depuis vingt ans, de l'abstention des électeurs lors des scrutins européens, que ce soit en France ou dans les autres États membres.
Lorsque, la même année 1999, est créé l'euro – qui suscite un spectaculaire désintérêt de la population –, puis que l'on ratifie en douce le Traité d'Amsterdam, et que, quelques mois après, près de six Français sur dix ne se prononcent pas aux élections au Parlement européen tandis que la moitié des autres votent pour des listes hostiles au processus en cours, c'est que quelque chose ne tourne plus rond.
Ce qui ne tourne plus rond, c'est que la plupart des responsables politiques affectent quotidiennement de vouloir un débat européen. Mais qu'ils s'empressent d'affirmer en choeur que ce débat n'a pas lieu d'être dès qu'une occasion sérieuse s'en présente, comme ce fut le cas au début de l'année avec le Traité d'Amsterdam et comme ce sera le cas l'an prochain avec la réforme des institutions et l'élargissement de l'Union européenne.
Ce qui ne tourne plus rond, c'est que l'on nous affirme vouloir une Europe plus démocratique et plus « transparente ». Mais que la rédaction des textes européens, au premier rang desquels les traités de Maastricht et d'Amsterdam, est sciemment conçue pour dérouter le lecteur et dissimuler les enjeux qu'ils recèlent.
Ce qui ne tourne plus rond, c'est que l'on demande aux Français de voter pour élire des députés européens dont tout le monde sait bien qu'ils n'ont pas de réel pouvoir. Mais qu'on refuse aux mêmes Français le droit de voter dès lors que des décisions fondamentales sont en jeu, comme ce fut le cas pour le Traité d'Amsterdam.
Revenons d'ailleurs un instant sur ce Traité d'Amsterdam, qui a été à l'origine de notre démarche politique nouvelle.
Rappelons les raisons qui nous ont menés au succès aux élections européennes, au lancement du Rassemblement pour la France, à la réussite de ce premier congrès que nous clôturons aujourd'hui, et aux prochains succès électoraux qui seront bientôt, j'en suis sûr, au rendez-vous.
L'article 3 de notre Constitution pose comme principe fondamental que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et la voie du référendum ». Or, pas plus qu'un syndic de copropriété n'a le droit de vendre l'appartement d'un propriétaire sans son accord, les « représentants » qui « exercent » la souveraineté au nom du peuple n'ont le droit de céder une partie de cette souveraineté sans l'accord de celui à qui elle « appartient », c'est-à-dire sans l'accord explicite du peuple.
Comme nous le savons tous, c'est néanmoins la procédure du Congrès qui a été utilisée par le Président de la République. Le chef de l'État, garant des institutions, a fait voter une réforme de notre Constitution à la sauvette afin de pouvoir ratifier le Traité d'Amsterdam, dont le Conseil constitutionnel avait jugé qu'il portait atteinte aux « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».
Le peuple français a ainsi été dépouillé de certains de ses droits souverains, notamment de fixer les règles du droit d'asile ou de franchissement des frontières. Or, cet abandon d'une partie de notre souveraineté nationale a été consenti par des parlementaires auxquels elle n'« appartenait » pas, et qui n'avaient de surcroît reçu aucun mandat explicite de la part du peuple français pour prendre une telle décision.
Tout le monde le sait bien : si le Président de la République n'a pas sollicité l'avis des Français par référendum sur cette question du Traité d'Amsterdam, c'est pour une seule et terrible raison.
C'est parce que la plupart des observateurs politiques estimaient qu'il y avait de fortes chances pour que le peuple français réponde : « NON ! » Ce n'est donc pas seulement l'esprit des institutions qui a été violé, c'est l'essence même de la démocratie qui a été bafouée.
C'est la raison pour laquelle je prends aujourd'hui devant vous les engagements nécessaires pour mettre un coup d'arrêt à cette fatale dérive. Lorsque nous serons arrivés au pouvoir, nous proposerons à nos compatriotes deux réformes de la Constitution, et ce afin, non pas de la dénaturer encore davantage, mais tout au contraire de rétablir les assises de notre souveraineté.
La première réforme consistera à faire inscrire dans notre Constitution, par une simple modification de l'article 89, que tout projet portant atteinte aux « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » ne peut être approuvé que par un référendum du peuple français.
Prenant appui sur cette modification, nous soumettrons alors au peuple français la réforme constitutionnelle et les traités dont l'approbation a et aura d'ici là été dérobée à sa décision souveraine.
La seconde réforme consiste à garantir la suprématie de la Constitution française sur toute autre norme juridique. Cette suprématie est actuellement garantie vis-à-vis des traités puisque l'article 54 permet au Conseil constitutionnel d'exercer un contrôle avant leur éventuelle ratification.
Elle doit pouvoir l'être aussi vis-à-vis de ce que l'on appelle le « droit dérivé » des traités. En particulier, le Conseil constitutionnel doit pouvoir vérifier qu'aucun projet d'acte de l'Union européenne ou qu'aucune norme européenne existante de nature législative n'est contraire à la Constitution.
En posant ce principe, nous ne ferons d'ailleurs rien d'autre que de nous inspirer de nos voisins allemands qui font d'ores-et-déjà contrôler par leur Cour constitutionnelle toute norme européenne qui risquerait de porter atteinte à un droit fondamental garanti par la Constitution allemande.
Grâce à notre réforme, lorsque le Conseil constitutionnel estimera que des actes ou des normes européennes sont contraires à la Constitution, le Gouvernement aura l'obligation de s'y opposer, ou celle de consulter directement les Français.
Au-delà de ces réformes indispensables, il nous faut porter un regard sans complaisance ni faux-fuyant sur cette désaffection croissante de nos concitoyens à l'égard de la construction européenne.
Les responsables politiques actuels, tout comme la plupart des commentateurs et des médias, préfèrent souvent nier le fait plutôt que d'en rechercher les explications. Les uns et les autres refusent de voir que, si les Français se détournent de l'Union européenne, ce n'est nullement par « ringardise » mais par lucidité : parce qu'un nombre croissant de nos compatriotes réalisent que c'est une construction factice, et que, loin d'être un « pôle de résistance » à la domination américaine, elle en apparaît au contraire, et de plus en plus clairement, comme le meilleur auxiliaire.
L'Union européenne aura en effet été le marchepied de la mondialisation, chacun commence à s'en apercevoir aujourd'hui.
Oh, bien sûr, à chaque élection, les Français pro-européens proclament que « l'union fait la force » et expliquent savamment que l'Union européenne, plus peuplée et aussi puissante économiquement que les États-Unis, va imposer ses vues à Washington. On nous le claironne encore ces jours-ci.
Mais les décennies écoulées ont montré la fausseté de ce raisonnement, qui additionne les pommes et les navets. Non seulement parce que nos partenaires allemands, britanniques, néerlandais ou scandinaves n'entendent pas du tout donner à la Commission le rôle anti-américain que l'on fait miroiter aux Français pour extorquer leur approbation. Mais pour une raison encore plus simple : comme l'amour, une communauté d'intérêts ne se décrète pas, elle se constate.
Or, les États membres de l'Union européenne ont évidemment des intérêts nationaux variés, et fréquemment opposés. Lorsque la Commission de Bruxelles entame des négociations commerciales ou diplomatiques, elle doit tenter de défendre les laborieuses motions chèvre-chou concoctées fiévreusement par les Quinze face à des états qui savent, (...) où sont très précisément leurs intérêts puisqu'ils sont regroupés par intérêt et non par voisinage géographique.
Dans le cas, fréquent, où les intérêts nationaux de certains États membres sont plus proches de ceux des États-Unis que de la position officielle de la Commission, la « construction européenne » fait alors, presque à coup sûr, le jeu de ces derniers.
Voilà la raison fondamentale pour laquelle les États-Unis d'Amérique sont si bienveillants à l'égard de cette construction européenne dont ils soufflèrent l'idée à Jean Monnet et qu'ils n'eurent de cesse d'encourager, sauf pendant la période où le général de Gaulle tenta, sans succès, d'imposer l'Europe européenne.
Les responsables américains ont compris que cette prétendue construction sert merveilleusement leurs intérêts car elle ligote les pays européens dans un invraisemblable attelage dont il faut sans cesse resserrer les boulons, changer les amortisseurs et réparer la boîte de vitesse.
L'énergie dépensée par les États européens à tenter de faire fonctionner cette mécanique fragile et trop sophistiquée les empêche de la consacrer ailleurs, notamment à la défense de leurs intérêts nationaux et à la promotion de leurs cultures et de leurs civilisations dans le monde.
Voilà pourquoi n'importe quel observateur lucide peut remarquer à quel point les diplomaties, les cultures, les civilisations des différents pays européens, qui pesaient encore de tant de poids il y a quarante ans sur l'ensemble de la planète, sont partout en voie de disparition.
Voilà aussi pourquoi les États-Unis sont si peu inquiets de la création de l'euro. Pourtant, à en croire les chantres de la monnaie unique européenne, l'euro devrait donner des sueurs froides aux dirigeants d'outre-Atlantique. S'il n'en est rien, c'est parce que les États-Unis d'Amérique ont bien compris que cette création artificielle de l'euro allait générer, pour des années et des années, des tensions entre les différents États-membres, dont les économies ne peuvent pas aller d'un même pas et pour lesquelles la politique monétaire unique ne pourra être, au mieux, qu'un pis-aller collectif, au pire, une source de conflits majeurs.
Que l'Euro soit la monnaie de l'Europe, la monnaie qui circule dans les circuits financiers et informatiques, c'est un fait. Que nos monnaies nationales n'en soient plus que des factions, c'est un fait. Mais rien ne justifie l'abandon du Franc comme monnaie des Français, de la Lire comme monnaie des Italiens, du Mark comme monnaie des Allemands, rien sinon l'idéologie qui entend priver nos peuples de leurs signes d'appartenance nationale !
C'est pourquoi nous proposerons, nous, de maintenir le Franc comme monnaie de circulation en France, et que les Français soient directement consultés !
Mesure-t-on bien les conséquences concrètes du Pacte de stabilité adopté pour garantir la tenue de l'euro ? Sait-on bien par exemple que c'est au nom de ce pacte que les États européens se sont lancés dans des économies budgétaires continues dans tous les domaines depuis une décennie ?
Sait-on que c'est au nom de ces contraintes budgétaires drastiques que les pays membres de l'Union européenne ont été par exemple conduits à diminuer continûment leur budget militaire, allant au-delà du raisonnable ?
Le budget de la Défense cumulé des quinze pays membres de l'Union européenne a ainsi baissé de 7 % en 1999 par rapport à l'année précédente, et a même chuté de 22 % par rapport à 1992. Selon certains, cette diminution spectaculaire serait la conséquence logique et heureuse de la fin de la « Guerre froide ». Mais alors, comment expliquer le programme considérable d'armement de nombreux pays du monde, à commencer par les États-Unis d'Amérique, dont le budget militaire, atteindra l'année prochaine le montant formidable de 268 milliards de dollars ?
Là comme ailleurs, la construction européenne, loin de conduire à l'apparition d'un nouveau pôle de puissance, transforme progressivement les pays européens en une large zone vassalisée par les États-Unis d'Amérique et son bras séculier, l'OTAN.
Depuis qu'elle a opté pour une voie fédérale inavouée, c'est-à-dire depuis l'Acte unique de 1985 et le traité de Maastricht de 1992, la construction européenne plonge ainsi les États européens dans une sorte de maladie de langueur.
Tout se passe comme si les nations européennes, qui comptèrent pendant plusieurs siècles parmi les plus brillantes civilisations du monde, dépérissaient maintenant à vue d'oeil, à force d'être progressivement ravalés au rang de provinces d'un « fourre-tout » politique dont plus personne ne maîtrise les buts et le fonctionnement.
Tout se passe comme si, loin de conduire à l'apparition d'un nouveau pôle de puissance, cette étrange construction dont nul ne connaît le terme avait pour effet de saper insidieusement les valeurs civiques, à commencer par l'entraide, les sentiments de solidarité, le respect de l'autorité, l'intégrité des comportements, le civisme fiscal.
Tout se passe comme si cette mécanique faustienne, qui échappe à ses concepteurs, avait pour effet de déboussoler les hommes politiques et les hauts fonctionnaires, en leur faisant douter d'eux-mêmes. Car elle les amène à ne plus savoir s'ils doivent privilégier les décisions favorables à nos intérêts nationaux, ou celles favorables à la construction européenne, qui coïncident rarement avec les précédentes, ou encore celles favorables à une prétendue mondialisation qui ne correspond en fait qu'à la prise de pouvoir des marchés financiers.
Insistons sur ce point : oui, la construction européenne est en train de faire perdre tout sens commun aux responsables politiques et administratifs des différents États-membres.
Ne faut-il pas, par exemple, avoir « disjoncté » pour ne pas voir ce qu'a de grotesque l'idée d'étendre prochainement l'Union européenne à vingt-sept États-membres ? Qui peut raisonnablement croire qu'une telle chimère fédéraliste sera autre chose qu'une gigantesque et ingouvernable pétaudière ?
Dans quelques décennies, les historiens qui se pencheront sur la période actuelle seront fascinés de voir dans quel abîme d'aveuglement collectif l'idéologie de la construction européenne aura pu, en cette fin de millénaire, plonger les élites de tout un continent.
La vérité est que plus s'accroissent le nombre et l'hétérogénéité des États-membres composant l'Union européenne et plus les Américains peuvent imposer leur volonté à cet objet politique non identifiée qui n'a plus ni queue ni tête.
Et les Américains ne sont jamais en reste pour augmenter encore l'hétérogénéité ambiante. Le Président Clinton vient ainsi, au début même de cette semaine à Ankara, de lancer un vibrant plaidoyer pour l'admission de la Turquie dans l'Union européenne en affirmant en public : « Je suis déterminé dans mon soutien à la candidature de la Turquie à l'Union européenne [parce que la solution de tous les grands problèmes du monde] serait renforcée si la Turquie était pleinement partenaire d'une Europe respectant les diversités culturelles et religieuses et partageant la dévotion de la démocratie et des droits de l'Homme ».
Mais de quoi se mêle-t-il, ce M. Bill Clinton ? Pourquoi, dans la patrie de Charles de Gaulle, ni le Président de la République, ni le Premier ministre ne réagissent-ils à des propos aussi inacceptables ? Est-ce que nous allons claironner, nous, que nous soutenons l'entrée de Porto Rico ou de Cuba dans les États-Unis d'Amérique ?
Et puis en vertu de quoi les responsables américains s'arrogent-ils le droit de donner des leçons de morale à l'Union européenne ou à la France ? Savez-vous que le département d'État américain, c'est-à-dire le ministère des affaires étrangères des États-Unis, a publié un rapport officiel, le 9 septembre dernier, pour dénoncer les persécutions religieuses dont la France se rendrait coupable ? Sait-on que Mme Madeleine Albright est allée jusqu'à faire la leçon sur ce sujet à M. Védrine et que le Congrès américain se permet de donner des blâmes ou des satisfecits aux différents pays membres de l'Union européenne sur ce qu'il appelle l'intolérance religieuse ?
Où est passé le contrepoids européen que l'on nous fait miroiter ? Que font nos dirigeants face à des démarches aussi ahurissantes ? Ont-ils rappelé que le sort réservé aux détenus des prisons américaines est atroce ? Que les exécutions capitales qui se comptent par centaines aux États-Unis ne sont guère compatibles avec les vertueuses admonestations de madame Albright. Pas plus que ne le sont les plus de 400 immigrés clandestins abattus au fusil le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique depuis l'installation récente d'une frontière électrifiée, alors que nos élites nous vantent les mérites du grand marché américano-mexicain, l'AIENA, qui s'inspirait de notre marché commun !
Oui, la construction européenne nous oblige à nous humilier sans cesse un peu plus devant la puissance impériale. C'en est assez désormais !
Ainsi, l'histoire mondiale des dernières années est assimilable à une série de coups d'état, invisibles parce que camouflés par la technique, opérés sous la pression des États-Unis au profit de la sphère des activités commerciales et financières, et présentés sous des dénominations délibérément sympathiques pour arracher le consentement des populations inconscientes des enjeux : le « libre »-échange et la « libéralisation » des marchés financiers.
La déréglementation des mouvements de capitaux a eu deux conséquences majeures, dont le monde ne fait que commencer à mesurer les effets.
En ouvrant aux épargnants la faculté de financer l'énormité des besoins d'investissement mondiaux, elle a mené à la hausse des taux d'intérêt réels. Ainsi sont apparus, partout sur la planète, des taux d'intérêt positifs une fois déduits les taux d'inflation.
Nous sommes ainsi passés de l'époque des « Trente Glorieuses », où les taux d'intérêt réels négatifs permettaient la mobilité sociale, à une nouvelle époque, celle de « la dictature des rentiers », qui a d'ores-et-déjà provoqué, dans tous les pays du monde, une rapide réouverture des échelles sociales, avec le cortège de précarité, de misère et de violence qui accompagnent fatalement un tel phénomène.
D'autre part, la déréglementation financière a donné aux fonds de placement, fonds de pension et autres fonds spéculatifs un pouvoir colossal, faisant de ceux-ci, selon une expression consacrée les « nouveaux maîtres du monde ».
Pour tenter de mettre un frein à cette évolution débridée des marchés financiers dont on ne voit que trop bien qu'elle génère des secousses politiques et économiques d'une extrême ampleur, certains économistes ont envisagé des mesures de taxation des mouvements de capitaux, et en particulier de taxer les mouvements de capitaux à court terme sur les marchés des changes.
Les mouvements de capitaux à court terme ont pris une ampleur grossièrement disproportionnée par rapport aux besoins réels de l'économie mondiale. Actuellement, on estime que plus de 1 500 milliards de dollars sont échangés quotidiennement sur ces marchés des changes. Ces montants faramineux – c'est l'équivalent du PIB de l'Allemagne échangé tous les jours ! – sont à comparer à celui des transactions quotidiennes de marchandises et de services dans le monde, de l'ordre de 50 milliards de dollars. Cela signifie que plus de 90 % des opérations sur les marchés des changes sont de la pure spéculation, sans réelle utilité économique ou sociale, ce qui justifie l'idée d'une taxation spécifique.
Ces mouvements gigantesques sur les opérations de change permettent à quelques opérateurs financiers de spéculer contre les monnaies de pays fragiles économiquement. Les crises financières de 1992-1993, puis de 1997-1998, qui ont touché le Mexique, la Thaïlande, la Malaisie, la Russie, le Brésil, etc. ont donné un relief tout particulier à ces anticipations spéculatives qui peuvent soudainement plonger des États dans la crise et la récession économique, et des centaines de millions de personnes dans le chômage ou la misère.
L'idée d'une telle taxe apparaît donc doublement légitime : elle permet en effet de taxer une activité lucrative sans cause – la spéculation –, et de freiner les mouvements erratiques de capitaux pouvant ruiner le fragile équilibre politico-social d'États souverains et de leurs centaines de millions d'habitants.
C'est pourquoi le RPF a décidé d'adopter le principe d'une taxation des mouvements de capitaux à court terme sur les opérations de change. Une telle mesure, connue sous le nom de « taxe Tobin », d'après le nom de son concepteur, Prix Nobel d'économie en 1981, consisterait à prélever un très faible pourcentage, de l'ordre de 0,1 % du montant des transactions de toutes les opérations de change. Ce qui est insignifiant pour les véritables opérations commerciales, mais devient dissuasif pour la spéculation au jour le jour.
Le RPF proposera par ailleurs que les revenus de cette taxe, à répartir entre les États selon une clé à définir internationalement, servent à abonder deux types de fonds :
- d'une part, un fonds d'investissement dans les pays en voie de développement, permettant enfin cette véritable Alliance pour le Développement sans laquelle le XXIe siècle verra s'affronter violemment les populations du Nord et du Sud ;
- d'autre part, des fonds nationaux permettant de financer des programmes sociaux internes. Par exemple, s'agissant de la France, de pallier les déficits à venir du système de retraite par répartition qui fonde et qui doit continuer de fonder chez vous la solidarité la plus intrinsèque à une communauté : celle entre les générations.
Je propose donc au Président de la République et au Premier ministre : puisque l'un et l'autre nous ont récemment assurés que la conférence de Seattle est destinée à fonder une nouvelle « règle du jeu » et à rétablir l'« ordre », de prendre une initiative à ce sujet lors de cette conférence.
Monsieur le Président de la République, monsieur le Premier ministre, proposez donc à l'ensemble des puissances commerciales du monde qui seront réunies à Seattle de décider tous ensemble le principe de cette taxe !
Faites valoir, devant les télévisions du monde entier, que cette taxe permettrait de commencer à rétablir un ordre mondial, en luttant contre les crises financières à répétition et contre la spéculation, tout en dégageant des fonds pour aider les pays en voie de développement et les systèmes sociaux nationaux des pays développés.
Jacques Chirac, Lionel Jospin, faites entendre la voix de la France universelle, cette France dont Victor Hugo nous disait qu'elle était un besoin des hommes !
Hélas la vérité est que, comme dans une tragédie grecque, nos gouvernants ne peuvent pas empêcher la suite des événements de se dérouler selon une logique implacable puisque, ayant applaudi aux prémisses, c'est-à-dire aux transferts de souveraineté croissants à une Union européenne dans laquelle ils nous ont assuré mordicus que résidait notre avenir, ils ne peuvent plus maintenant en refuser les redoutables conséquences.
Ce véritable naufrage des principes constitutifs de la République est porteur de soubresauts politiques et sociaux d'une extrême ampleur.
Dans ces conditions, le projet politique du RPF est le plus actuel, le plus porteur d'avenir et le plus élevé qui soit : notre objectif politique est de redonner vie à la démocratie, en réaffirmant hautement que celle-ci n'a de sens que si elle s'incarne dans la souveraineté du peuple, dans la solidarité de la Nation, dans l'oeuvre de libération et d'émancipation qui a toujours été celle de la République française.
Mes chers compatriotes,
J'ai voulu que notre nouveau rassemblement se fonde sur « la seule querelle qui vaille, l'homme ».
Si nous défendons la souveraineté de la Nation, c'est que la Nation nous apparaît, nous apparaît même de plus en plus comme la seule échelle qui soit à la fois à la taille de l'homme et à la dimension du monde.
Et, plus il y aura de mondialisation, plus nécessaire encore apparaîtra le besoin de l'aborder comme un seul peuple et non comme une foultitude d'intérêts particuliers.
Tel est le message du Rassemblement pour la France que nous formons ce jour.
Il concerne tous les Français, bien sûr et d'abord. Mais il ne vaut pour eux que parce qu'il vaut aussi pour tous les peuples de la Terre.
Forts de ce viatique, n'en doutez pas, nous allons rassembler les Français soucieux de conserver leur bien commun, leur démocratie comme leur République.
Face à la mêlée confuse et de plus en plus sournoise d'une cohabitation réduite aux affaires, notre Rassemblement doit maintenant tailler sa route, comme ses navigateurs solitaires qui savent sortir du pot au noir pour rechercher les alizés.
Au nom de quoi vont-ils encore s'affronter, tous ces partis qui votent comme un seul homme dès lors qu'il s'agit de renoncer ?
Au nom de quoi prétendent-ils encore au suffrage des Français, tous ces partis qui ont vidé notre démocratie de tout enjeu réel ?
Au nom de quoi vont-ils demander aux Français de les départager, messieurs Chirac et Jospin qui ont signé ensemble le Traité d'Amsterdam et qui s'apprêtent à négocier de conserve de nouveaux abandons ?
Au nom de quoi, je vous le demande ? Les Français en ont assez de cet interminable tourniquet où s'épuise depuis vingt-cinq ans la volonté de la Nation !
Les Français en assez de voir nos institutions dépenaillées par des cohabitations devenues de véritables viagers.
Oui, les Français veulent retrouver la France, la Ve République et une démocratie digne de ce nom !
Oui, ensemble, nous allons les convier à entrer dans le monde et dans le siècle nouveaux, en hommes libres, indépendants et fiers d'être Français !
Vive la République ! Vive la France !
Vive le Rassemblement pour la France !