Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Il y a un an à quelques jours près, clôturant votre assemblée générale, je vous déclarais : « Aujourd’hui la situation de votre secteur est difficile, j’en suis tout à fait conscient, d’autant plus qu’il ne s’est pas passé un seul jour depuis mon arrivée à ce ministère qui ne soit consacré aux problèmes que rencontrent l’élevage bovin. »
Je vous assurais quelques instants plus tard que mon plaidoyer pour la viande bovine trouvait au plus haut niveau, lorsqu’il le fallait, une attention et une bienveillance, que me jalousaient bien des collègues du gouvernement, et je vous promettais un soutien sans réserve pour les moins à venir.
Je ne croyais pas si bien dire !
Vous avez rappelé, Monsieur le président, ce qu’ont été les 10 derniers mois marqués par une crise sans précédent dans sa nature, dans son ampleur, dans sa durée et dans ses conséquences. Et une, je le dis devant vous aujourd’hui, crise dont nous ne sommes malheureusement pas totalement sortis. Je ne me satisfais pas des résultats obtenus.
Les journées ont dû souvent faire plus de 24 heures. Comme je vous l’avais assuré, il y a 12 mois, mon soutien, celui de l’ensemble de mon cabinet, mais aussi celui de l’ensemble des services de l’État furent sans réserve, pour éviter un effondrement irréversible du marché et du revenu des producteurs.
Vous connaissez mieux que personne le calendrier et le déroulement de ces tristes événements où l’éleveur de base, déjà inquiet sur son avenir, je l’ai bien vu l’année dernière, compte tenu des excédents structurels, s’est retrouvé au centre d’un véritable cataclysme avec un sentiment d’injustice dont il n’était aucunement responsable.
Je ne vais pas revenir sur l’ensemble des mesures prises à notre initiative, tant au niveau communautaire que national.
Permettez-moi, Monsieur le président, de rappeler seulement les principaux aspects de la gestion de cette crise et insister une nouvelle fois sur la rapidité de ce que nous avons pu faire en commun.
Tout au long de cette période, j’ai eu en face de moi, et de temps en temps, à mes côtés, une profession unie et responsable, cherchant en concertation à gérer une situation parfois difficilement saisissable.
Dans cette crise, le souci des pouvoirs publics a été double :
- d’abord protéger la santé du consommateur ;
- et ensuite soutenir le revenu des éleveurs et le maintien de toute une filière bovine dynamique et performante.
S’agissant du premier point, je pense que nous avons fait ce qu’il fallait faire. Nous nous sommes constamment entourés de l’avis d’experts incontestés.
Je dois vous le dire, je le dis devant vous, la protection de la santé humaine a toujours pris le pas sur les aspects économiques.
À l’écoute des scientifiques, nous resterons vigilants sur les développements des connaissances relatives aux encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles et nous continuerons de prendre sans délai les mesures nécessaires.
Notre second souci, je l’avoue sans honte, a été de soutenir le revenu des éleveurs français et de sauvegarder l’activité de l’ensemble de la filière.
Garantir le revenu, ça a été d’abord assurer des débouchés à nos productions bovines. Vous l’avez rappelé, Monsieur le président, la plupart des frontières se sont rapidement fermées et il a été, il est encore très difficile d’obtenir leur réouverture.
Chaque jour, inlassablement, nous œuvrons pour tenter de trouver des compromis satisfaisants mais les nouvelles récentes en provenance de certains pays, comme l’Allemagne par exemple, ne nous facilitent malheureusement pas toujours la tâche.
Il ne faut pas se décourager et continuer inlassablement nos efforts afin de démontrer aux autres pays la parfaite qualité sanitaire de nos viandes. C’est un travail de fourmis. C’est notre premier devoir.
Je suis intervenu personnellement à de nombreuses reprises auprès du commissaire F. Fischler, pour améliorer le dispositif d’intervention publique communautaire. Le système était en sommeil et totalement inadapté à la situation.
Sans relâche, nous l’avons fait modifier pour suivre l’évolution de la situation.
Depuis le début de la crise, plus de 440 000 tonnes ont été achetées à l’intervention en Europe dont près de 95 000 pour notre pays.
Dans des circonstances difficiles, nous avons réussi à ouvrir ce dispositif au cas spécifique des broutards.
Et, rappelons-nous, nos très vives inquiétudes de l’été dernier vis-à-vis de la campagne de commercialisation des animaux maigres à l’automne. Globalement, notre production a pu trouver preneur. Certes les prix ont été inférieurs à la campagne précédente, mais, Dieu merci, le marché a été moins difficile que prévu.
Dans le domaine, l’intervention a joué son rôle de filet de sécurité. Nos acheteurs traditionnels, essentiellement à l’exportation, n’ont pas pu, comme ils l’avaient sans doute un peu trop vite escompté profiter d’une absence totale de débouchés pour tirer de manière inconsidérée, les cours vers le bas.
Garantir le revenu des producteurs, Monsieur le président, ce fut aussi et surtout une série de mesures d’accompagnement financier et social, de versement d’aides complémentaires, en temps et en heure, et de mise en place d’aides sectorielles pour l’aval de la production.
Par deux fois, en juin et en octobre derniers, les demandes françaises d'aides complémentaires ont reçu un accueil favorable au niveau communautaire. Les négociations ont été souvent difficiles. Particulièrement cet automne, où malgré l’opposition des services bruxellois et le manque d’ardeur de certains pays membres, nous avons réussi à arracher la « rallonge budgétaire » qui était indispensable pour prendre en compte du manque à gagner enregistré particulièrement lors de la vente des animaux maigres, comme je m’y étais engagé.
Au total, l’Union européenne a consacré un budget de 1 350 millions d’écus, près de 9 milliards de francs, au titre des aides directes.
Notre pays, pour sa part, a obtenu près du quart de cette somme : 2,3 milliards de francs de crédits communautaires nous ont été attribués et, conformément aux engagements pris par les pouvoirs publics, une enveloppe supplémentaire de 1,44 milliard de francs, au titre de la solidarité nationale, a été consacrée non seulement à des compléments d’aides directes, mais aussi au financement de mesures de report de charges financières et sociales.
Les montants sont considérables et, même si j’en conviens, ils n’ont que partiellement compensé les pertes, ils représentent, en valeur absolue un effort particulièrement important en période de discipline budgétaire.
Au-delà des volumes en jeu, c’est la façon dont ensemble, nous avons su adapter le dispositif qui me paraît devoir être rappelé.
C’est à votre écoute, Messieurs les présidents, mais aussi grâce à de nombreuses rencontres sur le terrain, que j’ai pu mettre en place, un dispositif ayant globalement donné satisfaction.
La mesure relative au report d’annuités bancaires, par exemple, doit beaucoup à une discussion calme et sereine, au sein même d’une exploitation agricole, que j’ai eu, dans la région traditionnelle d’élevage allaitant, pas très éloigné d’ici.
Toutes les mesures annoncées et tous les calendriers ont été tenus, grâce, je dois les en féliciter, à la collaboration exemplaire des services de différents ministères et ceux de l’office des viandes, très largement mis à contribution, au cours de ces derniers mois.
Les directions départementales de l’agriculture et de la forêt ont également su relever le défi de l’efficacité et de la rapidité.
Qu’il s’agisse d’aides gérées au niveau national (revalorisations automatiques de 304 F de la prime spéciale aux bovins mâles et de 178,50 F de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes) ou, au niveau local, sous forme d’enveloppes départementalisées, toutes les aides annoncées à la mi-juillet ont été payées, au plus tard, dans les trois mois qui ont suivi. Certaines, dès la fin juillet.
Les aides mises en œuvre, pour un crédit total d’un milliard de francs (770 millions sur fonds communautaires et le solde sur crédits nationaux) suite au Conseil des ministres européens de l’agriculture de la fin octobre dernier, sont en cours de paiement depuis la mi-janvier. À ce jour, l’OFIVAL a d’ores et déjà payé plus de 500 millions de francs à près de 70 000 éleveurs. Les paiements continuent à être effectués, au rythme d’une quarantaine de millions par jour.
Il a largement été fait appel dans la gestion de ces aides et dans leurs modalités d’attribution aux travaux des commissions départementales d’orientation agricoles.
C’était à mon avis nécessaire, pour mieux cibler les bénéficiaires, au plus près du terrain, les choix étant arbitrés par ceux qui avaient la vision la plus précise de la situation. L’agriculture est plurielle et les situations très diverses d’un département à l’autre.
Les mesures de report de charges financières restent en vigueur jusqu’au 30 juin prochain. Le report des cotisations sociales a été réalisé jusqu’au 31 décembre dernier. Les éleveurs qui en ont fait la demande acquitteront les sommes dues seulement en 1999.
Les aides spécifiques aux producteurs de veaux de boucherie qui ont été décidées courant décembre sont en cours d’instruction.
Ainsi, comme vous l’avez-vous-même souligné, Monsieur le président, tous ont su réagir rapidement, en bousculant parfois, mais c’était pour la bonne cause, les dogmes communautaires.
Avant de parler d’avenir et de certains points particuliers, je voudrais dire quelques mots sur la consommation de viande bovine et m’arrêter un instant sur vos relations avec les consommateurs. C’est tout à fait d’actualité.
Votre interprofession a su rapidement réagir aux déclarations du ministre anglais de la santé et mettre en place le sigle VBF, paraît-il avec notre complexité.
Cette opération a connu un succès immédiat, qui se confirme encore actuellement.
La consommation a certes fortement fléchi dans les jours ayant suivi l’annonce anglaise, mais depuis nous avons regagné la plupart des parts de marché perdues par la viande de bœuf, auprès des différentes catégories de consommateurs et aux informations qu’ils sont en droit d’exiger.
Aujourd’hui, cette consommation s’établit à près de 95 % de celle de l’an dernier à pareille époque, et les consommateurs restent très réceptifs à l’origine française de la viande qu’ils consomment et aux informations qu’ils sont en droit d’exiger.
Afin de conforter la consommation, vous avez au niveau d’INTERBEV décidé de renforcer les garanties données par le recours à un sigle unique regroupant différents labels et certifications de conformité. C’est l’objectif visé par CQC et la campagne promotionnelle qui vient de débuter. C’est une excellente initiative qui va dans le sens de ce que nous pouvons souhaiter.
« Rien ne sera comme avant », avez-vous indiqué. Je partage totalement votre point de vue et en particulier dans le domaine des relations entre producteurs et consommateurs.
Je me réjouis à ce propos des discussions très actives visant à conclure un accord interprofessionnel sur l’étiquetage des viandes. Les débats sont parfois difficiles, y compris entre les différents partenaires de la filière et les représentants officiels des consommateurs, mais il est indispensable que cet accord soit finalisé dans les plus brefs délais.
Les pouvoirs publics pourront alors prendre leur responsabilité pour rendre opérationnel sur l’ensemble du territoire l’avis adopté à l’unanimité lors du Conseil national de la consommation du 7 octobre dernier.
J’ai, sur ce sujet, la ferme volonté d’aboutir et de « tenir bon » comme vous me l’avez demandé, vis-à-vis des instances bruxelloises.
Sur ce sujet comme sur bien d’autres, dans le domaine sanitaire par exemple, l’attentisme de certains de nos partenaires européens me paraît d’une autre époque et vous me trouverez toujours à vos côtés pour défendre une plus grande transparence au sein de toutes les filières de productions.
Sur cet aspect de transparence, vous avez évoqué, Monsieur le président, la question des prix. Le constat du rapport de l’OFCE est clair : l’écart de prix entre production et vente au détail s’est agrandi pour la viande bovine. Les marges ont augmenté, surtout au niveau de la distribution. Gardons-nous de tout raisonnement simpliste, les causes sont multiples : changements d’habitudes des consommateurs, qui montent en qualité, attentisme des détaillants pour répercuter les baisses, prix perçu comme un signal de qualité pour beaucoup de consommateurs. Je sais tout cela mais il n’en reste pas moins que la cause principale est l’augmentation des marges.
Nous devons faire un effort de transparence pour que chacun sache pourquoi le prix augmente à chaque stade de la filière. Mais le rapport met aussi en évidence la nécessité par les producteurs de s’organiser, pour être plus forts face à la distribution.
Je ne serais pas complet si je n’évoquais pas le plan de maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA) qui a connu, je l’avoue, quelques difficultés.
Son premier volet concerne la maîtrise des pollutions en élevage, et a été inclus, après une longue concertation, dans les contrats de plan État-région du XIe plan. L’État a ainsi programmé plus de 550 MF sur la durée du plan pour financer 1/6 des besoins, les collectivités intervenant à parité avec l’État et les agences de l’eau participant à hauteur de 1/3 des investissements, le solde étant à la charge des éleveurs.
Malgré cette mobilisation sans précédent, l’adhésion massive des éleveurs et l’évaluation mal calibrée du coût unitaire des travaux ont fait que ce programme se trouve depuis plusieurs mois dans une impasse.
Pour cette année, 165 MF sont prévus sur le budget du ministère de l’agriculture, ce qui correspond exactement aux engagements de l’État, auxquels il faut rajouter 150 MF que l’extension du FNDAE à la lutte contre les pollutions d’origine agricole ont permis de mobiliser.
Dans le contexte budgétaire actuel, je vous assure qu’il a fallu que Mme Lepage et moi-même, mobilisions tout notre pouvoir de persuasion pour dégager cette enveloppe de crédits.
Mais cette majoration, bien que correspondant à un doublement des moyens mis en œuvre, ne permettra pas d’achever le programme tel qu’il était initialement prévu. Il nous faut donc réfléchir de nouveau : devons-nous maintenir, l’objectif initial et les modalités techniques et financières telles qu’elles sont fixées aujourd’hui ?
Ma collègue en charge de l’environnement et moi devons nous réunir très prochainement pour pouvoir répondre rapidement aux attentes des éleveurs.
Peut-être, nous devrons prolonger un peu la durée de réalisation de ce programme, avec comme postulat qu’aucun éleveur qui n’aurait pas pu réaliser les travaux dans les délais prévus par manque de financement de l’État ne soit pénalisé. Ceci correspond tout à fait à la clause de sauvegarde que vous avez évoquée, Monsieur le président.
Sur votre second souhait, ma réponse ne peut pas être complète aujourd’hui.
Je partage tout à fait votre analyse et je fais actuellement procéder à un chiffrage des coûts supplémentaires induits par une souplesse nouvelle qui permettrait d’anticiper l’intégration au programme, pour les élevages en phase de restructuration ou de modernisation.
C’est d’ores et déjà possible pour les jeunes qui sont en phase d’installation. On va voir.
Nos services sont en train de finaliser les modalités techniques d’adaptation du programme et une conférence de suivi, réunissant les ministres concernés, les OPA et les agences de l’eau, sera organisée à la mi-mars pour valider la nouvelle démarche.
J’en viens maintenant à nos travaux en cours pour les prochains mois.
Plusieurs textes vont venir en discussion au Parlement. Ce sont des textes qui concernent très directement votre organisation et ses adhérents.
Nous avons d’abord le projet de loi sur la qualité sanitaire des aliments qui sera soumis à l’examen de l’Assemblée le 18 février prochain. C’est un texte très important. Il doit nous permettre d’améliorer l’efficacité des contrôles en partenariat étroit et renforcé entre mes services et ceux de la DGCCRF et aider ainsi à renforcer la confiance du consommateur.
Venons-en maintenant aux problèmes que vous avez abordés. Je n’éluderai pas ces difficultés.
Le registre d’élevage tout d’abord. Je l’ai comparé, lors de la présentation de la loi, à une sorte de carnet de santé pour les animaux. Il est indispensable. J’ai conscience du fait qu’il constitue une contrainte supplémentaire, mais, il permettra par contre d’alléger les contrôles au niveau de l’abattoir, car le travail aura été fait en amont. Je crois que tout le monde y gagnera : le consommateur final comme les professionnels.
Vous avez également souligné le coût des contrôles et des mesures administratives mis en œuvre dans le cadre de cette loi. Dans ce domaine, nos marges de manœuvre sont limitées et les textes ont été élaborés en concertation étroite avec la chancellerie. Il est vrai que les frais liés aux analyses et aux consignations demeurent à la charge du propriétaire.
En revanche, la destruction de denrées susceptibles de présenter un danger pour la santé peut causer un préjudice important et le projet de loi prévoit explicitement une indemnisation, dès lors que l’éleveur a pris les dispositions nécessaires en matière de surveillance.
Enfin, Monsieur le président, je ne vais pas être d’accord avec vous. Vous avez parlé de dépénalisation du droit. Je ne partage pas du tout cette analyse. Au contraire. C’est vrai que les mesures de police administrative sont renforcées, pour assurer un contrôle plus efficace et intervenir plus rapidement. Mais cela n’empêche pas de mener les procédures pénales nécessaires. D’ailleurs, les sanctions pénales ont même été alourdies, parfois de façon considérable, et je veillerai à ce qu’elles soient appliquées, comme je le fais déjà, y compris dans mon département.
Viendra ensuite en discussion devant les deux Assemblées, en mai prochain, le projet de loi d’orientation pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Cette loi sera la première du genre à traiter de cet ensemble complet et constituera un véritable contrat entre la nation, d’une part, et son agriculture et ses industries agroalimentaires, d’autre part.
De nombreuses réunions se sont tenues sur cet ambitieux projet et nous sommes désormais dans la phase finale de travaux préparatoires, celle de la rédaction des textes après les ultimes arbitrages à intervenir ce mois-ci.
Votre fédération est particulièrement concernée par le volet « organisation économique des producteurs et des filières ».
Trois axes majeures se dégagent des discussions préalables :
rechercher une plus grande adéquation des produits au marché ;
promouvoir des filières agricoles et agroalimentaires performantes et compétitives, tant sur le marché intérieur qu’à l’exportation ;
consolider, par l’organisation économique, le rôle et la place des producteurs.
Ceci suppose de faire prévaloir les principales orientations suivantes :
renforcement des politiques de filière et relance de la politique contractuelle pour une meilleure adaptation aux marchés ;
meilleure prise en compte des attentes des consommateurs et de la société en général, avec ouverture à de nouveaux partenaires ;
promotion des organisations de producteurs enfin, de celles ayant une réelle démarche en matière de politique commerciale et d’adéquation de l’offre aux débouchés, et confirmation de l’importance de l’engagement des producteurs dans ce dispositif d’organisation économique ;
rationalisation de l’organisation économique et restructuration adaptée en fonction des spécificités des filières ;
réaffirmation de la priorité à l’agriculture organisée.
Compte tenu des enjeux et des dispositions des règles communautaires, notamment en matière d’OCM, la loi d’orientation réaffirmera le rôle de l’État en faveur de l’organisation économique.
S’agissant de l’évolution des offices, mon souhait n’est pas d’amputer de quelques façons que ce soit les attributions de l’OFIVAL. Je pense simplement que certaines synergies doivent être recherchées dans le domaine animal par la mise en commun des moyens et des équipements.
Mais rassurez-vous, Monsieur le président, il ne saurait être question de modifier la spécificité de l’office du bétail et des viandes qui s’est révélé, comme vous l’avez indiqué, un outil très bien adapté aux spécificités de vos métiers et de vos marchés.
L’autre enjeu majeur des prochains mois et des prochaines années se jouera à Bruxelles : je veux, bien entendu, parler de la réforme de l’OCM « viande bovine ».
Le thème majeur de votre dernière assemblée générale était la nécessaire maîtrise de la production.
Comme je vous l’avais annoncé à cette occasion, nous avons tous ensemble travaillé au sein d’un groupe stratégique, afin de proposer des axes cohérents pour une réforme en profondeur.
Douze mois après, où en sommes-nous ?
La crise, même si elle a sans doute retardé certains travaux communautaires, les a rendus encore plus indispensables. Même si nous avons en partie retrouvé la situation de consommation d’avant la crise. Les excédents prévisibles seront donc encore plus conséquents, nécessitant des mesures énergétiques.
Sur ce point, les mois écoulés nous ont montré que les discussions seront difficiles à Bruxelles pour trouver un compromis acceptable entre les 15 États membres.
Les conclusions du groupe stratégique, élaborées en juin dernier peuvent se résumer ainsi :
- orientation de la production bovine vers des systèmes de production plus extensifs, contribuant ainsi à maîtriser les volumes produits tout en permettant une occupation optimale du territoire, une prise en compte harmonieuse de l’environnement ainsi qu’une amélioration de la qualité des produits ;
- incitation à utiliser en priorité les surfaces herbagères ;
- revalorisation des primes animales pour prendre en compte la nécessaire baisse de prix et ajustement à la baisse des seuils de chargements actuels ;
- baisse des poids carcasse pour les jeunes bovins conditionnant l’attribution de primes.
Je me rappelle encore les débats passionnés mais malheureusement infructueux à Luxembourg, au printemps dernier, pour seulement faire figurer le terme « extensification » dans le compromis d’un conseil des ministres de l’agriculture.
Dieu merci, en s’expliquant, les choses ont heureusement un peu progressé, mais je suis comme vous, dubitatif sur les possibilités d’aboutir à une réforme profonde dans les délais annoncés en octobre dernier.
Je ne suis pas certain du tout aujourd’hui que nous aurons des propositions communautaires ambitieuses au cours des prochains mois. J’espère que je me trompe.
Pour ma part, j’ai fait de ce dossier ma priorité, pour les négociations communautaires à venir. Je l’ai du reste clairement dit à mon collègue néerlandais, qui a actuellement la lourde charge de présider notre conseil.
Le débat est clairement posé. Les mesures décidées à Luxembourg, en octobre dernier, constituent une première avancée, mais si elles vont dans le bon sens, elles restent bien timides, en grande partie inadaptées et en tout cas insuffisantes pour résoudre les excédents qui vont inexorablement s’accumuler si nous ne prenons pas, au niveau européen, d’autres décisions.
Considérant la persistance des difficultés sur le marché de la viande bovine, l’ensemble des moyens envisageables doit être mis en œuvre pour rétablir l’équilibre de la production et de la consommation en préservant le revenu des producteurs.
Vous avez évoqué diverses pistes plus ou moins ambitieuses : aides directes revalorisées, rééquilibrage global des soutiens, aides à l’hectare, voire un scénario mixte, qui semble avoir votre préférence. Ça tombe bien, moi aussi.
Vous êtes ouverts à la discussion. Ça tombe bien, moi aussi.
Je souhaite donc que nous approfondissions ensemble, et avec le même réalisme que celui dont nous avons jusqu’alors fait preuve, les pistes que nous avions tracées en juin dernier et qu’il nous faut actualiser à la lumière de ces 10 mois de crise.
Notre groupe de réflexion stratégique existe toujours, je vous propose donc que nous le réunissions prochainement.
Le problème le plus urgent concerne la production de veaux de boucherie, qui ne me satisfait pas.
Deux primes viennent récemment d’être mises en œuvre dans ce secteur. À mes yeux, elles ne peuvent avoir qu’un caractère expérimental.
Les avis divergent sur l’opportunité de maintenir à son niveau actuel la prime à l’abattage précoce des veaux. Plus de 120 000 jeunes veaux ont été transformés, dans nos abattoirs, depuis 4 mois, dont plus d’un tiers d’origine étrangère. La mise en place de cette mesure m’a été largement suggérée par le syndicalisme agricole, soucieux d’améliorer par ce biais le revenu des producteurs laitiers. Je constate que le but recherché a été atteint, mais que la prime « Hérode », si elle constitue un prix plancher, n’est pas synonyme de prix indicateur.
Reste à déterminer l’influence de cette aide sur le marché futur de la viande rouge.
Les prochains mois apporteront une première réponse. Pour ma part, je n’ai pas d’avis définitif sur cette aide et comme je l’ai déjà indiqué, je suis prêt à étudier son interruption, si ceux qui m’ont demandé sa mise en place me disent qu’aujourd’hui on peut clore l’opération.
La prime à l’abattage anticipé des veaux de boucherie vient d’être mise en place. Elle a, dès son lancement, suscité craintes et critiques.
Quelques améliorations sensibles ont pu être obtenues, conformément aux engagements qui avaient été prises par le commissaire Fischler, en réponse à mes demandes lors du conseil de décembre dernier.
Nous avons, sur cette mesure, une clause de rendez-vous avec la commission au printemps prochain.
Néanmoins, je suis prêt à demander, dès maintenant, de profonds aménagements du dispositif s’il s’avère qu’il crée des distorsions de concurrence entre États trop importantes.
Vous avez souhaité une réunion sur ce sujet. Je vous propose de nous retrouver dès le 20 février pour une réunion de crise.
Les décisions arrêtées en matière de bien-être et d’alimentation des veaux me paraissent, quant à elles, tout à fait rassurantes vis-à-vis des craintes que nous formulons tous sur ce dossier et dont vous devriez vous féliciter.
Par une segmentation judicieuse de notre marché intérieur, nous devrions pouvoir, mieux que d’autres, tirer parti de l’ensemble des nouvelles aides. Nous devons y réfléchir ensemble.
Je constate donc que nous n’allons décidément pas manquer de sujets de discussions au cours des prochaines semaines.
Aujourd’hui comme hier, je sais pouvoir compter sur vous, Monsieur le président, et sur votre organisation pour être des interlocuteurs exigeants, souvent critiques, mais toujours constructifs et responsables.
Je serais, en ce qui me concerne, en toutes occasions à vos côtés pour faire face aux prochains mois qui seront, je n’en doute pas, encore semés d’écueils.
Vous pouvez compter sur moi.